Quoique l’impopularité présidentielle date du dixième mois du mandat donné le 6 Mai 2007 et ait toujours empiré, l’U.M.P. ne prend conscience que maintenant que Nicolas Sarkozy sera éliminé au premier tour de la prochaine élection. Le P.S. n’a pas encore pris conscience que la candidature de Dominique Strauss-Kahn est mieux vue à droite qu’à gauche, ce qui produirait un mandat pour le ravaudage, pas un contre-pied des saccages opérés dans les acquis institutionnels et sociaux français et dans l’âme nationale. Le président sortant et ses derniers soutiens espèrent la conjonction miraculeuse de circonstances imprévisibles et de l’impéritie de la gauche à se poser en autorité morale plus encore qu’en alternative : ils sont passifs, nonobstant le vocabulaire volontariste qui viennent du R.P.R. et la réélection serait par défaut, ce qu’elle a toujours semblé devoir être, et par miracle, ce qu’elle semble à présent devoir être tant il y a rejet du passé, du présent et du futur, selon tous les sondages et tant d’indices ou de manifestations de rue, de métiers, de grands corps de l’Etat.
Cela ne présage que l’identique ou l’inappétence.
Le pays s’est laissé ensevelir dans un discours de gestion – à l’opposé d’un discours d’âme, d’esprit public – la gestion justifiant l’expertise, la pédagogie, la distance donc entre ceux qui subissent et ceux qui savent, une gestion encadrée par des paramètres mondialistes, libéraux et censément européens. De choix pour le peuple – concept aujourd’hui en déshérence – qu’ entre la tolérance de masse, le sauve-qui-peut individualiste dont les dirigeants politiques et économiques donnent un spectaculaire exemple entre eux et envers le président régnant, ou – souhaitée mais inimaginée – la révolte globale déterminant une révolution : les thèmes ne manquent pas qui ne déclenchent que très peu chez nous, mais tout sur la rive sud de la Méditerranée, corruption et autisme de ceux qui sont au pouvoir, baisse générale du niveau de vie, chômage vécu bien plus élevé et pérenne que celui enregistré par les statistiques, pourtant piteuses. Les trois millions ou presque de signatures recueillies à propos du statut de La Poste, n’ont pas déclenché la procédure référendaire et restauré donc une culture du service public. Aussi énième que celle de l’éducation natuionale, la réforme des retraites dont il est certain qu’elle n’apporte pas une amélioration pérenne, a motivé une répétition de manifestations au moins du niveau de celles de Novembre-Décembre 1995 sans ouvrir la seule voie qui aurait amené le pouvoir à vraiment débattre (pour sa survie) : la grève générale.
La droite est peut-être en train de comprendre que l’alignement sur les simplismes et les fantasmes d’un Front national, vivant du réflexe « petit blanc » éveillé, pour le pire de notre avenir, chez beaucoup d’entre nous, lui fait perdre des voix et sans doute la prochaine élection présidentielle, mais sait-elle ses références ? quel est le contenu des valeurs républicaines ? qu’est-ce que le pacte républicain ? ni Gambetta, ni Ferry, ni Herriot, ni Blum, ni de Gaulle n’ont eu ces mots, mais ils ont chacun, tour à tour, incarné des pratiques sans aucune étiquette. Quant à la gauche, elle ne comprend pas encore – malgré cent cinquante ans de son histoire parlementaire qu’elle ne peut être elle-même dans l’exercice du pouvoir et correspondre à son électorat et à ses promesses, qu’appuyée sur le mouvement social. Dès Juin 1936, elle a craint ce mouvement, elle l’a peu appuyé en Mai 1968, elle ne l’a pas accompagné ni en 1995 ni l’année dernière. Elle ne le suscite autant dire jamais. Au mieux – sauf le programme de 1981 qui fut de rupture mais qui éluda la consécration référendaire, notamment pour des nationalisations sur lesquelles il eût été très difficile de revenir par la simple loi – ses propositions s’inspirent d’une réalité criante : c’est insuffisant pour forcer une dialectique.
Comme toujours sous la Cinquième République et à l’exemple du général de Gaulle, le président régnant a les moyens de l’initiative, sinon son discernement. Il peut être tactique et préparer sa succession (ous sa réélection) mieux qu’au bonheur la chance. Il peut aussi offrir au pays une année de détermination collective, consensuelle du mandat national dont le scrutin de 2012 changerait l’un ou l’autre des possibles champions de quelque camp que ce soit : mandat déterminé au préalable et sans la confusion des équations personnelles.
Tactique. – Nicolas Sarkozy peut anticiper l’élection présidentielle, en démissionnant et en ne se représentant qu’au vu du territoire qu’il abandonne quelques mois et de ce qu’en occupent ses soutiens et ses adversaires. Primaire entre François Fillon et Alain Juppé dans l’U.M.P. et tous les centristes choisissant la figuration, la nuisance ou le concours. Expérience générale par l’intérim exercé par le président du Sénat d’un entracte sans monocratie, sans communication tandis que les G 20 et G 8 travailleront plus sérieusement au niveau discret des ministres et pourquoi pas des O.N.G. concernées thème par thème, notamment la problématique nucléaire, et pourquoi pas des opérateurs pour la finance, c’est-à-dire banques et agences de notation.
Bien commun et retour à la vocation présidentielle ayant fait écrire (et adopter par un éclatant succès référendaire, couplé avec un véritable « grand emprunt », les deux ultra prisés par les Français). – Nicolas Sarkozy ne démissionne pas, mais il s’engage à ne pas se représenter, il laisse s’ébrouer les candidats de tous genres et gabarits, mais forme – avec les partis (seul débat, associer ou pas ceux qui n’ont pas de représentation parlementaire aujourd’hui…) – un gouvernement d’union nationale. La personnalité du Premier ministre serait secondaire et celui-ci, à l’exemple du président sortant, s’engagerait aussi à ne pas se présenter à l’élection présidentielle. Tous les rouages publics fonctionneraient enfin pour l’audit national et pour la perspective la plus vaste mais structurée de la manière la plus précise, par exemple par la réinstitution du Plan (avec son évident corollaire, l’aménagement du territoire et la participation de tout le monde). On n’improviserait plus selon l’état des lieux et la suite ne serait plus fonction des sondages. Le pouvoir à venir ne succèderait pas à un partisan, mais à un consensus qui ferait son socle. Les décisions difficiles auraient précédé la prise du commandement, la responsabilité des électeurs serait clairement autant engagée que celle de l’élu. Amnistie psychologique pour les ravages des quatre années d’un quinquennat qui inaugurerait une procédure nouvelle mais surtout de bon sens. Et pratique : faire gagner au pays une année, décider ensemble et sans démagogie.
Nicolas Sarkozy étonnerait en devenant grand, détaché de lui-même, la France étonnerait elle aussi. Beaucoup l’attendent. Notre éclipse spirituelle dure beaucoup trop.
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