16 août 2021 - Seul le prononcé fait foi
ALLOCUTION DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE RELATIVE À LA SITUATION EN AFGHANISTAN
Mes chers compatriotes, de l’hexagone, des Outre-mer et de l’étranger,
Je m’adresse à vous ce soir, alors que nous continuons à nous
battre contre le virus avec détermination, et que tout est fait pour
que la relance économique et sociale soit la plus forte possible
dans notre pays, parce qu’à quelques milliers de kilomètres d’ici
un tournant historique est à l’œuvre, en Afghanistan, loin de nos
frontières, mais avec des conséquences majeures pour l’ensemble
de la communauté internationale, pour l’Europe, et pour la
France.
* *
Après une guerre de vingt années, après la décision de retrait des troupes américaines prise successivement par le président Trump et le président Biden, Kaboul, la capitale de l’Afghanistan, est tombée en quelques heures, sans résistance, aux mains des Talibans. L’intervention américaine et internationale a commencé il y a exactement vingt ans, après les attentats du 11 septembre 2001, et le refus du régime taliban de l’époque en Afghanistan, de livrer Ben Laden, l’organisateur de ces attentats.
Notre pays a été, pendant treize années, engagé militairement en Afghanistan, de 2001 à 2014.
Le Président Jacques Chirac, dès octobre 2001 a décidé la participation de la France à l’action internationale, par solidarité avec nos amis et alliés américains qui venaient de subir une attaque effroyable sur leur sol. Avec un objectif clair : combattre une menace terroriste qui visait directement notre territoire et celui de nos alliés depuis l’Afghanistan, devenu le sanctuaire du terrorisme islamiste.
À partir de juin 2011, le Président Nicolas Sarkozy a engagé le retrait des premières troupes françaises.
Le Président François Hollande, a ensuite décidé du retrait complet de nos troupes combattantes de manière coordonnée avec les autorités afghanes d’alors, ainsi qu’avec avec nos alliés.
L’intervention militaire française a donc définitivement cédé
la place, le 31 décembre 2014, à l’action civile que nous avons
continué de mener à bien, auprès du peuple afghan, avec lequel nos
liens d’amitié sont anciens et profonds.
* *
En Afghanistan, notre combat était juste et c’est l’honneur de la France de s’y être engagé. La France n’y a jamais eu qu’un ennemi : le terrorisme. Nos interventions militaires n’ont pas vocation en effet à se substituer à la souveraineté des peuples, ni à imposer la démocratie de l’extérieur mais à défendre la stabilité internationale et notre sécurité. Partout, la mise en place de processus politiques crédibles est notre priorité. C’est ce principe fondamental de notre politique étrangère que nous avons appliqué en Afghanistan et que nous continuerons de mettre en œuvre.
Bon nombre d’unités de l’armée française sont passées dans ces vallées durant ces 13 années : légionnaires, tirailleurs, marsouins, chasseurs alpins, marins, aviateurs. Et c’est à eux que je tiens d’abord, ce soir, à m’adresser. A ceux qui ont combattu, aux familles de ceux qui sont morts ou ont été grièvement blessés. Nous n’oublierons pas nos soldats. Nous n’oublierons pas nos morts. 90 au total.
Le 18 août 2008, dans l’embuscade d’Uzbin, il y a 13 ans
presque jour pour jour, 10 soldats français et un interprète afghan
étaient tués, 21 soldats français blessés. Ce combat que la
France a mené était utile et était notre honneur. Il portera un
jour ses fruits et je vous demande de vous en souvenir.
* *
À cet instant, la situation en Afghanistan se dégrade rapidement
et brutalement. A l’heure où je vous parle, les Talibans sont
maîtres de la quasi-totalité du pays. Ils sont entrés dans Kaboul
et contrôlent la ville à l’exception de l’aéroport où les
activités sont coordonnées par les Américains. Le Président
afghan a quitté le pays. Les vols commerciaux ont cessé.
* *
Ce tournant, auquel nous étions préparés, nécessite des décisions et des initiatives immédiates, à la mesure de la gravité de la situation pour répondre à la catastrophe humanitaire.
L’urgence absolue est de mettre en sécurité nos compatriotes, qui doivent tous quitter le pays, ainsi que les Afghans qui ont travaillé pour la France.
Nos ressortissants ont été progressivement évacués en anticipation ces dernières semaines. Nous sommes en contact avec tous les Français qui veulent rejoindre le sol national, qu’ils se trouvent à l’aéroport militaire, à l’aéroport civil ou sur le site historique de l’ambassade où la situation demeure préoccupante. Je veux ici remercier nos représentants sur place, nos diplomates, policiers, militaires pour leur engagement et leur courage. Remercier aussi nos alliés américains, indispensables pour mener à bien ces évacuations.
La France est l’un des très rares pays à avoir décidé de maintenir sur place jusqu’au bout les moyens de protéger ceux qui ont travaillé pour elle. Nous avons aussi anticipé les opérations d’évacuation dans les dernières semaines.
Tous les employés afghans des structures françaises qui
pouvaient être menacés ainsi que leurs familles, ce qui représente
plus de 600 personnes, ont ainsi pu être accueillis et pris en
charge dans de bonnes conditions dans notre pays.
La
France protège en ce moment le délégué de l’Union Européenne
et a apporté protection aux collaborateurs afghans de la
représentation européenne. La France a également apporté
protection et soutien à tous les personnels français
d’Organisations non gouvernementales souhaitant quitter le pays.
Des opérations sont conduites depuis plusieurs années, pour accueillir en France les personnels civils afghans qui ont travaillé pour l’armée française, ainsi que leurs familles. C’est notre devoir et notre dignité de protéger ceux qui nous aident : interprètes, chauffeurs, cuisiniers et tant d’autres. Près de 800 personnes sont d’ores et déjà sur le sol français. Plusieurs dizaines de personnes sont encore sur place qui ont aidé l’armée française et pour lesquelles nous restons pleinement mobilisées.
De nombreux afghans, défenseurs des droits, artistes,
journalistes, militants, sont aujourd’hui menacés en raison de
leur engagement. Nous les aiderons parce que c’est l’honneur de
la France d’être aux côtés de celles et ceux qui partagent nos
valeurs, autant que nous pourrons le faire et en tenant compte de la
nécessaire adaptation de notre dispositif. Je remercie les
associations,
collectifs et communes qui aideront à leur
accueil. Afin de procéder à ces opérations d’évacuation, qui ne
se conduiront pas sans une étroite coordination avec les militaires
américains sur place, j’ai décidé l’envoi de deux avions
militaires et de nos forces spéciales. Ils seront sur place dans les
prochaines heures.
* *
Au-delà de l’urgence, j’entends prendre au nom de la France plusieurs initiatives en lien étroit avec les autres états européens et nos alliés.
• Notre action visera à continuer de lutter activement contre
le terrorisme islamiste sous toutes ses formes.
Des
groupes terroristes sont présents en Afghanistan et chercheront à
tirer profit de la déstabilisation. Le Conseil de sécurité des
Nations unies devra donc apporter une réponse responsable et unie.
J’ai échangé sur ce point avec le Premier ministre Johnson et
nous prendrons des initiatives communes dans les prochaines heures.
Le retour de la stabilité passera par une telle action, politique et
diplomatique au sein du Conseil de sécurité. L’Afghanistan ne
doit pas redevenir le sanctuaire du terrorisme qu’il a été. C’est
un enjeu pour la paix, la stabilité internationale, contre un ennemi
commun : le terrorisme et ceux qui le soutiennent ; à cet égard,
nous ferons également tout pour que la Russie, les Etats Unis et
l’Europe puissent efficacement coopérer, car nos intérêts sont
bien les mêmes.
• Ensuite, la déstabilisation de
l’Afghanistan risque également d’entraîner des flux migratoires
irréguliers vers l’Europe. La France, comme je l’ai dit, fait et
continuera de faire son devoir pour protéger celles et ceux qui sont
les plus menacés. Nous prendrons toute notre part dans le cadre d’un
effort international organisé et juste. Mais l’Afghanistan aura
aussi besoin dans les temps qui viennent de ses forces vives et
l’Europe ne peut pas à elle seule assumer les conséquences de la
situation actuelle. Nous devons anticiper et nous protéger contre
des flux migratoires irréguliers importants
qui mettraient en danger ceux qui les empruntent, et nourriraient les
trafics de toute nature.
Nous porterons donc, en lien avec
la République Fédérale d’Allemagne, et je me suis entretenu il y
a quelques instants à ce sujet avec la Chancelière Merkel, et avec
d’autres états européens, une initiative pour construire sans
attendre une réponse robuste, coordonnée et unie qui passera par la
lutte contre les flux irréguliers,
la solidarité dans l’effort, l’harmonisation des critères de
protection, et la mise en place de coopérations avec les pays de
transit et d’accueil comme le Pakistan, la Turquie ou l’Iran.
• Enfin, il nous faut continuer de défendre nos principes, nos
valeurs, qui font ce que nous sommes.
L’histoire de
l’Afghanistan n’a pas commencé pas en 2001. Nous sommes
intervenus dans un pays ébranlé par quarante ans de guerre, un
grand pays tourmenté. Et Nous, Français, sommes à même de le
comprendre. Nous, à qui il a fallu des siècles de lutte, de fautes,
d’avancées et de reculs pour bâtir une nation conforme aux plus
grandes espérances humaines : l’égalité sans considération
d’origine, de sexe ou de religion et la liberté de choix et de
conscience.
Et nous savons combien ces combats sont chaque
jour à recommencer.
Les défis auxquels les Afghanes et
les Afghans seront confrontés dans les prochaines semaines et les
prochains mois sont terribles, immenses.
Le peuple afghan
a le droit de vivre dans la sécurité et le respect de chacun. Les
femmes afghanes ont le droit de vivre dans la liberté et la dignité.
Et si le destin de l’Afghanistan est entre ses mains, nous
resterons, fraternellement, aux côtés des Afghanes et des Afghans.
En soutenant la société civile afghane et en faisant notre devoir
de protection de celles et ceux que nous pouvons protéger. En disant
très clairement à ceux qui optent pour la guerre, l’obscurantisme
et la violence aveugle qu’ils font le choix de l’isolement. En
étant toujours du côté de ceux qui combattent pour la liberté,
les droits des femmes, qui portent dans le monde le même message que
le nôtre. C’est le choix de la raison, c’est le choix de ce que
nous sommes profondément.
* *
Vive la République
Vive la France
À consulter également
9 août 2021
Entretien téléphonique avec M. Mustafa Al-Kadhimi, Premier ministre irakien.
9 août 2021
Entretien téléphonique avec M. Ebrahim Raïssi, Président de la République islamique d’Iran.
7 août 2021
Entretien téléphonique avec M. Kaïs SAÏED, Président de la République tunisienn
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire