Pour une réforme de la
procédure judiciaire,
réflexions communiquées
au Premier ministre
rédigées en 2000
d’expérience
Concrètement, les
justiciables ?
L’opposition tâche
d’empêcher, la majorité applaudit et soutient, jeu de rôles que
renforce depuis 1981 le fait qu’aucune majorité sortante n’a été
reconduite en fin de législature, anticipée ou pas. Les réformes
en profondeur – qui pourraient, considérées d’un point de vue
pratique, recueillir de larges consentements – ne sont donc que
partielles ou partiales. Le gouvernement affiche, plaide et se fait
toujours prendre de court par les circonstances, les catastrophes ou
le rappel de ses origines électorales.
A
propos de la justice, c’est encore mieux. Symptomatiquement, la
réforme du statut de la magistrature est à l’ordre du jour de
chaque législature réforme juiciaire en ce qu’elle avait de
constitutionnel, ne peut aboutir faute de majorité au Congrès en
Janvier 2000, tandis qu’il s’en est aussitôt trouvé une pour le
quinquennat. On conçoit que les professionnels, les fonctionnaires
et les politiques réorganisent leurs relations, mais qu’en ont à
faire les justiciables, qui, d’expérience, éprouvent, subissent
la justice, dans sa forme actuelle, la justice dans l’ensemble des
métiers par lesquels les justiciables doivent passer pour y être
admis. L’éclairage est d’ailleurs mis sur le pénal, alors que
la communauté courante est faite de gens de bonne foi, n’ayant ni
tué ni volé, et n’ayant donc des procès qu’au civil ou au
commercial, ou en droit du travail. Quant au coût effectif de
« l’accès au droit », il est actuellement traité –
sous pression d’un mouvement des avocats – uniquement sous
l’aspect de la rémunération d’un des chainons de la séquence
au bout de laquelle justice est rendue, mais pas sous celui de la
dépense à laquelle est assujetti le demandeur ou l’intimé.
Ce point de vue,
essentiellement professionnel ou hiérarchique, à défaut de
considérer le justiciable, pourrait approfondir la théorie. Les
dogmes et tabous logiques et intellectuels sont encore plus nombreux
que les obstacles en ressouces humaines. Les retouches se font à
l’intérieur des ordres de juridictions existant : réforme
des tribunaux de commerce, possibilité d’appel d’une décision
de cour d’assises, liens entre le parquet et la chancellerie,
inspection des prisons et exécution des peines, mais sans que soient
posées les questions de fond :
- peut-on continuer de
cumuler, en l’espèce du Conseil d’Etat, la fonction de conseil
juridique du gouvernement et d’arbitre entre l’administration et
les administrés ? la dualité de nos ordres de juridiction
est-elle aujourd’hui, autant qu’hier, alors qu’elle ne l’était
pas avant-hier, une garantie pour les personnes physiques ?
- peut-on refuser aux citoyens
une contestation de la constitutionnalité d’un texte qui leur est
opposable, alors que l’on présente comme garantie suprême d’un
droit le fait qu’il soit d’ordre constitutionnel (libertés
publiques, droit au travail, notamment) ?
Pour le justiciable :
La
procédure est coûteuse mais n’engage pas le praticien,
pas tant en frais de plaidoirie ou en dispositions étonnantes pour
une époque prétendûment européenne et libérale, selon lesquelles
nul avocat de nationalité française ne peut plaider sans le
concours d’un confrère correspondant quand il y a lieu d’ester
ailleurs que dans le ressort du barreau auquel il est inscrit. Ce
sont les diverses provisions, ne correspondant parfois qu’à la
réécriture de faits que seul le client apporte, quand ce ne sont
pas aussi les points de droit. Irresponsable pratiquement l’avocat
qui oublie un délai pour conclure ou pour faire appel, qui bâcle sa
rédaction, manque les moyens qui auraient pu tirer d’eau le
client, quand par un aveu marginal il ne l’enfonce pas. Reste que
le client est devenu débiteur, qu’il peut être « taxé
d ’office » si le bâtonnier estime que la rédaction
vaut son prix. En revanche, actionner en responsabilité
professionnelle le praticien suppose le bon vouloir de son assurance
professionnelle et qu’un de ses confrères accepte une dispute
interne. Aux gains ou économies consacrés par l’issue du procès,
l’avocat participera ; en revanche, la perte n’est que pour
le client, restant bien entendu redevable des honoraires.
Les
sommations diverses à recevoir ou à faire supposent huissiers et
frais. Alors que la
gendarmerie se déplace partout pour, naguère trouver les
réfractaires, annoncer des décès sous les drapeaux, et aujourd’hui
faire reconnaître et payer les coupables d’infraction au code de
la route, on ne peut se passer des services d’une officine qui
dépose en mairie quand vous n’êtes pas vingt-quatre heures sur
vingt-quatre à attendre chez vous, qui peut oublier de joindre
l’acte au formulaire de signification, et dont des dates
improvisées font foi.
Les
saisies sont une véritable contrainte par corps, elles ne libèrent
pas des dettes reconnues ou pas,
puisque le bien meuble ou immeuble est vendu à la casse, que les
intérêts ont doublé ou décuplé le capital dû tandis que courait
la procédure. On perd tout physiquement et l’on continue d’être
astreint à mensualités ou à retenues ; c’est à s’exiler
pour cause de ruine afin d’abriter hors d’atteinte quelques
nouveaux émoluments. La ligue de tout un village pour défendre une
pauvre que le Crédit foncier saisissait et dont la maison était
vendu, pour X fois moins, qu’elle ne fut remise sur le marché par
un compère de la banque.
L’instance
nouée, où est
l’égalité a priori des parties,
si l’impécunieux ne peut se payer d’avocat, (il dispose de
davantage que le SMIG et ne peut donc prétendre à l’aide
juridictionnelle) ? Une personne physique contre une ou
plusieurs personnes morales (banquiers, assureurs, entreprises).
Celles-ci sont « incarnées » par des personnes sans
responsabilité propre, ni au pénal ni sur leurs biens, quoiqu’elles
disposent parfois de l’existence d’autrui, de son honneur, de son
équilibre en signant des correspondances souvent sans vérité ni
approfondissement et qui se succèdent les unes aux autres, sans que
le temps use quoi que ce soit, tandis que le justiciable personne
physique se trouve vieillir, tomber malade d’angoisse et de
dénuement, courant après sa solvabilité, son rétablissement
professionnel, la mise en jeu d’une assurance de groupe qui
aposteriori semble avoir été faite pour ne jamais jouer.
A
l’expérience on voit assez bien ce
qu’une réforme apporterait si elle se plaçait du point de vue et
dans la situation du justiciable.
1° la profession d’avocat
serait un service public, libre aux justiciables ayant davantage de
moyens de recourir au secteur privé, coexistant comme c’est le cas
en milieu médical, hospitalier. Ce service serait aussi gratuit
qu’est censée l’être la justice.
2° à défaut du 1°,
l’avocat ne serait rétribué qu’en cas de gains (pas même
d’économies car celles-ci ne signifient pas des liquidités
soudain disponibles), à lui d’évaluer les chances du client
potentiel. Si celui-ci n’en a pas et ne trouve pas de défenseur,
le service public se justifie en droit et en fait. La commission
d’office.
3° les codes de procédure
distingueraient entre personnes physiques et personnes morales, et
disposeraient par principe des avantages pour la partie la moins
nombreuse, pour la personne physique face à une personne morale.
4° ce qui est parfois en
gestation dans les projets successifs des gouvernements successifs,
une mise possible en jeu de l’honnêteté intellectuelle du
magistrat, donnerait lieu à droit positif.
5° les liens entre procédures
civiles, commerciales, sociales d’une part et la constitutionnalité
des textes ou le recours aux juridictions européennes (Luxembourg ou
Strasbourg) seraient affirmés par une révision de la Constitution,
laquelle justifierait pleinement qu’on dérange les parlementaires,
voire les électeurs opinant par referendum.
6° les huissiers pour
attester, vérifier : service public ou office ministériel de
médiation et de vérification, mais pour les faire-parts ou la
contrainte, les gendarmes, qui, localement, et en liaison avec les
maires, sont les connaisseurs des gens, des justiciables et des
prête-noms ou complicités.
Bertrand Fessard de Foucault
(21 Janvier & 12 Novembre 2000)
Relecture – le 23
Septembre 2017.
Seul « progrès » dans les textes : la question
préalable de constitutionnalité. Je n’en
connais pas la jurisprudence, donc l’effectivité, et la procédure
me semble à la discrétion de la juridiction dont on conteste, avant
toute décision de celle-ci, la légitimité du droit opposé à
l’une des parties par l’autre ou par les magistrats.
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