lundi 18 mars 2019

actualité de vieilles propositions - la réforme judiciaire


Pour une réforme de la procédure judiciaire,

réflexions communiquées au Premier ministre

rédigées en 2000 d’expérience






Concrètement, les justiciables ?



L’opposition tâche d’empêcher, la majorité applaudit et soutient, jeu de rôles que renforce depuis 1981 le fait qu’aucune majorité sortante n’a été reconduite en fin de législature, anticipée ou pas. Les réformes en profondeur – qui pourraient, considérées d’un point de vue pratique, recueillir de larges consentements – ne sont donc que partielles ou partiales. Le gouvernement affiche, plaide et se fait toujours prendre de court par les circonstances, les catastrophes ou le rappel de ses origines électorales.

A propos de la justice, c’est encore mieux. Symptomatiquement, la réforme du statut de la magistrature est à l’ordre du jour de chaque législature réforme juiciaire en ce qu’elle avait de constitutionnel, ne peut aboutir faute de majorité au Congrès en Janvier 2000, tandis qu’il s’en est aussitôt trouvé une pour le quinquennat. On conçoit que les professionnels, les fonctionnaires et les politiques réorganisent leurs relations, mais qu’en ont à faire les justiciables, qui, d’expérience, éprouvent, subissent la justice, dans sa forme actuelle, la justice dans l’ensemble des métiers par lesquels les justiciables doivent passer pour y être admis. L’éclairage est d’ailleurs mis sur le pénal, alors que la communauté courante est faite de gens de bonne foi, n’ayant ni tué ni volé, et n’ayant donc des procès qu’au civil ou au commercial, ou en droit du travail. Quant au coût effectif de « l’accès au droit », il est actuellement traité – sous pression d’un mouvement des avocats – uniquement sous l’aspect de la rémunération d’un des chainons de la séquence au bout de laquelle justice est rendue, mais pas sous celui de la dépense à laquelle est assujetti le demandeur ou l’intimé.

Ce point de vue, essentiellement professionnel ou hiérarchique, à défaut de considérer le justiciable, pourrait approfondir la théorie. Les dogmes et tabous logiques et intellectuels sont encore plus nombreux que les obstacles en ressouces humaines. Les retouches se font à l’intérieur des ordres de juridictions existant : réforme des tribunaux de commerce, possibilité d’appel d’une décision de cour d’assises, liens entre le parquet et la chancellerie, inspection des prisons et exécution des peines, mais sans que soient posées les questions de fond :
- peut-on continuer de cumuler, en l’espèce du Conseil d’Etat, la fonction de conseil juridique du gouvernement et d’arbitre entre l’administration et les administrés ? la dualité de nos ordres de juridiction est-elle aujourd’hui, autant qu’hier, alors qu’elle ne l’était pas avant-hier, une garantie pour les personnes physiques ?
- peut-on refuser aux citoyens une contestation de la constitutionnalité d’un texte qui leur est opposable, alors que l’on présente comme garantie suprême d’un droit le fait qu’il soit d’ordre constitutionnel (libertés publiques, droit au travail, notamment) ?

Pour le justiciable :
La procédure est coûteuse mais n’engage pas le praticien, pas tant en frais de plaidoirie ou en dispositions étonnantes pour une époque prétendûment européenne et libérale, selon lesquelles nul avocat de nationalité française ne peut plaider sans le concours d’un confrère correspondant quand il y a lieu d’ester ailleurs que dans le ressort du barreau auquel il est inscrit. Ce sont les diverses provisions, ne correspondant parfois qu’à la réécriture de faits que seul le client apporte, quand ce ne sont pas aussi les points de droit. Irresponsable pratiquement l’avocat qui oublie un délai pour conclure ou pour faire appel, qui bâcle sa rédaction, manque les moyens qui auraient pu tirer d’eau le client, quand par un aveu marginal il ne l’enfonce pas. Reste que le client est devenu débiteur, qu’il peut être «  taxé d ’office » si le bâtonnier estime que la rédaction vaut son prix. En revanche, actionner en responsabilité professionnelle le praticien suppose le bon vouloir de son assurance professionnelle et qu’un de ses confrères accepte une dispute interne. Aux gains ou économies consacrés par l’issue du procès, l’avocat participera ; en revanche, la perte n’est que pour le client, restant bien entendu redevable des honoraires.

Les sommations diverses à recevoir ou à faire supposent huissiers et frais. Alors que la gendarmerie se déplace partout pour, naguère trouver les réfractaires, annoncer des décès sous les drapeaux, et aujourd’hui faire reconnaître et payer les coupables d’infraction au code de la route, on ne peut se passer des services d’une officine qui dépose en mairie quand vous n’êtes pas vingt-quatre heures sur vingt-quatre à attendre chez vous, qui peut oublier de joindre l’acte au formulaire de signification, et dont des dates improvisées font foi.

Les saisies sont une véritable contrainte par corps, elles ne libèrent pas des dettes reconnues ou pas, puisque le bien meuble ou immeuble est vendu à la casse, que les intérêts ont doublé ou décuplé le capital dû tandis que courait la procédure. On perd tout physiquement et l’on continue d’être astreint à mensualités ou à retenues ; c’est à s’exiler pour cause de ruine afin d’abriter hors d’atteinte quelques nouveaux émoluments. La ligue de tout un village pour défendre une pauvre que le Crédit foncier saisissait et dont la maison était vendu, pour X fois moins, qu’elle ne fut remise sur le marché par un compère de la banque.

L’instance nouée, où est l’égalité a priori des parties, si l’impécunieux ne peut se payer d’avocat, (il dispose de davantage que le SMIG et ne peut donc prétendre à l’aide juridictionnelle) ? Une personne physique contre une ou plusieurs personnes morales (banquiers, assureurs, entreprises). Celles-ci sont « incarnées » par des personnes sans responsabilité propre, ni au pénal ni sur leurs biens, quoiqu’elles disposent parfois de l’existence d’autrui, de son honneur, de son équilibre en signant des correspondances souvent sans vérité ni approfondissement et qui se succèdent les unes aux autres, sans que le temps use quoi que ce soit, tandis que le justiciable personne physique se trouve vieillir, tomber malade d’angoisse et de dénuement, courant après sa solvabilité, son rétablissement professionnel, la mise en jeu d’une assurance de groupe qui aposteriori semble avoir été faite pour ne jamais jouer.

A l’expérience on voit assez bien ce qu’une réforme apporterait si elle se plaçait du point de vue et dans la situation du justiciable.

1° la profession d’avocat serait un service public, libre aux justiciables ayant davantage de moyens de recourir au secteur privé, coexistant comme c’est le cas en milieu médical, hospitalier. Ce service serait aussi gratuit qu’est censée l’être la justice.

2° à défaut du 1°, l’avocat ne serait rétribué qu’en cas de gains (pas même d’économies car celles-ci ne signifient pas des liquidités soudain disponibles), à lui d’évaluer les chances du client potentiel. Si celui-ci n’en a pas et ne trouve pas de défenseur, le service public se justifie en droit et en fait. La commission d’office.

3° les codes de procédure distingueraient entre personnes physiques et personnes morales, et disposeraient par principe des avantages pour la partie la moins nombreuse, pour la personne physique face à une personne morale.

4° ce qui est parfois en gestation dans les projets successifs des gouvernements successifs, une mise possible en jeu de l’honnêteté intellectuelle du magistrat, donnerait lieu à droit positif.

5° les liens entre procédures civiles, commerciales, sociales d’une part et la constitutionnalité des textes ou le recours aux juridictions européennes (Luxembourg ou Strasbourg) seraient affirmés par une révision de la Constitution, laquelle justifierait pleinement qu’on dérange les parlementaires, voire les électeurs opinant par referendum.

6° les huissiers pour attester, vérifier : service public ou office ministériel de médiation et de vérification, mais pour les faire-parts ou la contrainte, les gendarmes, qui, localement, et en liaison avec les maires, sont les connaisseurs des gens, des justiciables et des prête-noms ou complicités.


Bertrand Fessard de Foucault (21 Janvier & 12 Novembre 2000)
Relecture – le 23 Septembre 2017. Seul « progrès » dans les textes : la question préalable de constitutionnalité. Je n’en connais pas la jurisprudence, donc l’effectivité, et la procédure me semble à la discrétion de la juridiction dont on conteste, avant toute décision de celle-ci, la légitimité du droit opposé à l’une des parties par l’autre ou par les magistrats.

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