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31 Décembre 1960
Résumé :
Le général de Gaulle présente aux Français ses voeux
pour l'année 1961, année qu'il envisage avec confiance malgré les temps
troublés. Il souhaite que tous les Français profitent du progrès économique et
social. A l'extérieur, il critique l'attitude de l'URSS "colonisatrice"
et "agitatrice", et formule de grandes ambitions pour l'Europe. Il
évoque ensuite la question algérienne, et demande aux Français, appelés à
voter par référendum le 8 janvier, d'approuver le principe de
l'autodétermination. Il laisse planer la menace de son départ en cas de réponse
"négative ou confuse", et appelle à un "oui franc et
massif".
Françaises,
Français, je souhaite en notre nom à tous une bonne année à la France.
Je le fais en
toute confiance, non point que 1961 doive être une année sans épreuve, au
contraire, rien n'annonce qu'elle se passera dans la quiétude, mais si
l'univers est troublé, la France, elle, ne l'est pas. Solide, laborieuse,
cohérente, je crois que jamais, en dépit des difficultés, elle ne fut plus
capable de saisir ses propres chances et d'être utile aux hommes et à la paix.
Un grand peuple, pour avancer, va forcément pas à pas, et à travers beaucoup
d'obstacles, mais l'essentiel est qu'il marche vers un but bien défini et qu'il
suive constamment sa ligne. C'est notre cas et nous avançons. Aussi notre pays,
moi compris, va-t-il commencer l'année avec l'esprit d'entreprise et rempli de
sérénité.
A l'intérieur,
grâce à des institutions rendues plus stables et plus efficaces et sur la base
de l'équilibre bien établi de nos finances, de nos échanges, de notre monnaie,
nous poursuivrons le vaste développement scientifique, technique, scolaire,
économique dans lequel nous nous sommes engagés qui est le chemin de la
prospérité, du rayonnement, de la puissance et qui ouvre la carrière à une
jeunesse multipliée. Mais tout comme cela s'est passé en 1960, il s'agit qu'une
élévation du niveau de vie de tous corresponde à cet accroissement de
l'activité du pays. Dans le courant de 1961, ce doit être le cas notamment pour
les jeunes familles et pour les vieilles gens. En même temps, il nous faut
continuer à baisser les barrières qui séparent les catégories sociales. Chances
égales donnée aux jeunes, par l'enseignement commun, Promotion plus ouverte au
long de l'échelle de la société, participation accrue des travailleurs à la
marche des entreprises, accession plus large des organisations du travail et de
la technique aux responsabilités régionale et nationale de l'économie
française. Tel est notre but et c'est ce que nous voulons, c'est en finir avec
les séquelles périmées de la lutte des classes d'autrefois, c'est intéresser au
développement du pays, tout ce qui contribue et c'est accélérer le progrès par
cet engagement général.
Au dehors,
nous sommes confrontés avec les grands problèmes qui dominent l'univers, mais
sans nous laisser troubler par les cumuls que cultivent tel ambitieux ou tel
démagogue. C'est ainsi que nous tenons pour naturel et en soi pour souhaitable
et pour salutaire, le grand mouvement qui emporte nombre de peuple d'Asie,
d'Afrique, d'Amérique en retard sur notre siècle vers l'affranchissement et
vers le développement. C'est de tout coeur qu'aujourd'hui, nous adressons nos
souhaits aux jeunes républiques africaines et à la république malgache qui,
venant de l'union française, pratiquent avec nous en toute indépendance une
coopération féconde et amicale. Nous ne confondons nullement cet élan vers la
liberté avec la xénophobie où se ruent les dirigeants de certains autres Etats
nouveaux dépassés par la charge qu'ils doivent assumer. Nous espérons fermement
que chez tous ces peuples, l'ordre et le progrès s'instaureront en définitive,
malgré l'empire soviétique qui non content de coloniser 40 millions de
musulmans asiates et caucasiens, et d'asservir une bonne douzaine de peuples
qui lui sont complètement étrangers, encourage et exploite toutes les secousses
pour prendre pied dans les pays troublés. Nous ne nous laisserons pas paralyser
par cette odieuse agitation.
Nous ferons
donc en 1961 ce que nous avons à faire, aider à construire l'Europe qui, en
confédérant ses nations, peut et doit être pour le bien des hommes la plus
grande puissance politique, économique, militaire et culturelle qui ait jamais
existé. Aider cette Europe rassemblée et l'Amérique sa fille, à réorganiser
leur alliance, de manière à mieux défendre le monde libre et à agir en commun
par toute la terre. Aider à acquérir la libre de disposition d'eux-mêmes, ceux,
les peuples qui y aspirent et notamment ceux qui sont courbés sous le joug
totalitaire. Aider à prendre leur part du progrès ceux qui en sont écartés.
Aider l'Ouest et l'Est à en venir à la détente et au désarmement, pour peu que
l'empire soviétique cesse de manier les torches incendiaires, tout en lançant
pour la montre des vols de colombes épouvantées.
Pour
l'Algérie, nous voulons que 1961 soit l'année de la paix rétablie afin que les
populations puissent décider librement de leur destin et pour que naisse
l'Algérie algérienne. A cette Algérie-là qui se gouvernera elle-même qui fera
leurs parts et garantira leurs droits aux diverses communautés et qui sera unie
à la France dans les domaines où celle-ci peut l'aider, nous offrons d'avance
notre concours pour son développement, compte tenu non point des mythes, des
regrets, des rancunes mais des facteurs réels du problème, c'est là la solution
valable. Et j'invite en particulier la communauté de souche française
d'Algérie, à se débarrasser décidément des troubles et des chimères qui la
couperaient de la nation. Et, non seulement admettre ce que le pays va décider
mais en faire son affaire, à saisir la chance nouvelle qui est offerte à sa
valeur et à son énergie, car l'Algérie a besoin de la communauté française et
la France a besoin d'elle. En Algérie, bien entendu, quoi qu'il arrive, la
France protégera ses enfants, dans leur personne et dans leurs biens, quelle
que soit leur origine, tout comme elle sauvegardera les intérêts qui sont les
siens.
Françaises,
Français, je vous le demande, donnez au projet qui vous est soumis une
approbation immense. D'abord parce que c'est le bon sens, mais aussi pour cette
raison que l'enjeu dépasse de beaucoup les préférences théoriques, les intérêts
particuliers, les attachements partisans et que jamais ne fut plus nécessaire
notre cohésion nationale.
Car s'il devait
arriver par malheur que la réponse du pays fut ou négative ou indécise, en
raison d'une faible majorité ou marquée par beaucoup d'absention, quelle
conséquence résulterait de cette impuissance et de cette division ! Quelle
excitation en recevrait les chercheurs d'aventure d'une part et, d'autre part
les tenants de la subversion ? Quel prurit agiterait les clans du doute, de la
hargne, du dénigrement en Algérie ? De quel découragement seraient saisis les
raisonnables, de quel impulsion les furieux, dans le monde, quelle conclusion
désastreuse en serait tirée quand à la capacité de la France, d'assumer la
responsabilité des affaires qui la concerne, et à moi-même, vous le savez bien
quel coup serait ainsi porté m'empêchant de poursuivre ma tâche.
Au contraire
que le référendum soit positif et soit éclatant ! Voilà la nation, son
gouvernement, son parlement, son administration, son armée bien fixée sur la
route à suivre et sur le but à atteindre. Voilà les Algériens bien éclairés sur
leur destin, voilà l'étranger bien prévenu que la France sait ce qu'elle veut
et me voilà, moi-même, raffermi et plus fort pour être le guide de la France et
pour élargir la porte de la paix et de la raison.
Françaises,
Français, aujourd'hui tous ensemble, nous offrons nos voeux à la France. Le 8
Janvier, nous lui offrirons le oui franc et massif de notre espoir et de notre
foi.
Vive la
République !
Vive la
France.
31 Décembre 1961
Résumé :
Le général de Gaulle présente ses voeux
aux Français pour l'année 1962. Après avoir rappelé la stabilité retrouvée des
institutions, il évoque la résolution prochaine du conflit algérien, puis il
annonce que la modernisation du pays va se poursuivre.
Voici l'année
nouvelle ! La France en a vécu beaucoup. Cependant, elle accueille celle-ci
sans manquer à l'espérance. C'est qu'en effet, elle sait où elle en est, ce
qu'elle vaut et ce qu'elle veut.
Il y aura
bientôt quatre ans, que quittant le chemin du déclin, elle a pris la route qui
monte. Cela eut lieu, qui peut l'oublier, en raison de certaines évidences qui
s'imposèrent à la Nation. Impuissance du régime des partis, qui, après nous
avoir conduit au désastre de 1940, avait, une fois le péril passé, recommencé
ces jeux stériles. Abdication de l'Etat devant la menace de guerre civile dressée
à l'occasion de l'affaire d'Algérie. Imminence d'une faillite monétaire,
financière et économique, entraînée par une longue suite de faiblesse et de
laisser-aller.
Je ne dirais
certainement pas que depuis lors, nous ayons vécu dans une complète tranquillité
et une entière satisfaction. Aussi bien, ce n'était pas possible, parce que des
forces énormes sont à l'oeuvre qui bouleversent l'univers, et nous secouent
nous-mêmes, à chaque instant.
C'est ainsi
que les ambitions du système soviétique, les excitations qu'il prodigue à tout
ce qui sur la terre tend au désordre et à la haine. Le danger de guerre
atomique qu'il fait planer sur le genre humain, les interventions provocantes
qu'il prodigue, à mesure de ces drames intérieurs, et notamment aujourd'hui,
pendant cet espèce de Thermidor, où il affecte de condamner la longue série
passée de ses crimes et de ses abus, sans renoncer à leur cause qui s'appelle
le totalitarisme. Tout cela nous oblige à nous mettre en garde, à pourvoir à
notre défense, à maintenir des alliances difficiles. En outre, l'agitation
chronique d'un grand nombre de peuples d'Asie et d'Afrique, parvenus à
l'indépendance ou sur le point d'y parvenir, sans posséder les moyens de
subsister et de se développer. Et d'autant plus portés à la démagogie
xénophobe, remplissent la terre de tumultes bruyants. D'autre part, à
l'intérieur de nous-mêmes, notre grande entreprise de rénovation nationale
remue inévitablement, les intérêts particuliers, les routines et les partis
pris. Et enfin, l'acheminement du problème algérien vers une solution de bon
sens, ne laisse pas de provoquer dans un groupe criminel des révoltes, hier
ouvertes, et aujourd'hui concentrées en chantage et en assassinats.
Mais quelles
que soient les difficultés que comporte par le temps qui court, la marche de la
Nation française, vers la prospérité, vers la puissance et le redressement de
son action internationale, elle n'en continue pas moins son oeuvre, avec un
succès évident et une constance que rien n'ébranle. A cet égard, le contraste
est saisissant par rapport à la confusion où naguère, elle se débattait.
Si l'Etat en
d'autres temps s'est incliné devant les sommations que certains éléments
dressaient contre lui, pour l'emporter, c'est un fait que depuis 3 ans et 7
mois, le pouvoir responsable, malgré tout, n'a pas changé de route. Assurément,
le caractère dont ont pu le marquer les évènements de l'histoire, contribue à
sa solidité. Mais il la tient surtout de l'unité nationale établie autour de
lui.
Si dans
l'ordre politique, depuis janvier 1947, jusqu'en mai 1958, soit en l'espace
d'environ onze ans, se succédèrent vingt-deux cabinets, ensuite notre pays,
depuis presque 4 années, a eu un seul gouvernement. Et au cours des trois ans
écoulés, depuis que fut mise en oeuvre l'actuelle constitution, je n'ai nommé
qu'un Premier Ministre, une pareille stabilité, et certainement facilitée par
l'esprit et par le texte des nouvelles institutions, mais elle n'est possible,
en somme, que parce qu'elle répond à la volonté du pays.
Si dans le
domaine social on constate, que pour 9 millions d'ouvriers français, il y a eu,
par suite des conflits du travail, sous les régimes précédents, chaque année,
en moyenne, 7 millions de journées de grève, sous le régime présent, ce n'est
plus qu'un million par an. Une amélioration aussi considérable procède,
évidemment, de l'expansion et de l'effort menés par l'Etat, pour que le sort de
chacun bénéficie des progrès accomplis, mais aussi, la grève, bien souvent,
paraît aujourd'hui, inutile, voire anachronique. Parce que le peuple français a
conscience de l'importance vitale du développement de la France, et aussi parce
que les travailleurs et leurs organisations prennent une part grandissante de
responsabilités dans les études, les débats, les plans qui règlent, soit pour
l'ensemble, soit dans chaque branche, l'activité économique de la Nation.
Si au point de
vue économique, où le critère est la balance des comptes extérieurs, celle-ci
n'avait jamais cessé d'être gravement déficitaire depuis la fin de la guerre
jusqu'en mai 1958, au point que pour empêcher l'effondrement, on ne pouvait
rien tirer des humiliantes sollicitations dont on avait usé et abusé auprès des
autres Etats. Un renversement complet s'est accompli tout à coup, en 1959,
1960, 1961, il ne s'est pas passé un mois où l'étranger n'ait payé à la France,
plus que celle-ci ne lui avait versé. Assurément, les lourdes mesures qui ont
été prises lors de la grande opération financière, monétaire et économique que
l'on sait, ont pour beaucoup contribué à ce changement de la tendance. Mais ces
mesures ne valent et ne tiennent que parce que la masse des français les
acceptent et les approuvent. Au total, notre pays a trouvé l'équilibre qui est
la condition de tout. Quoiqu'il arrive, les moyens nécessaires seront pris pour
le maintenir.
C'est
pourquoi, la Nation aborde l'année nouvelle lucidement et sereinement. Non
point qu'elle se dissimule les traverses qu'elle va rencontrer, mais elle
entend poursuivre son oeuvre dans les conditions qu'elle a choisies et les buts
qu'elle a fixés. Qu'est-ce à dire ? Voici pour l'essentiel.
Une
négociation qui s'engagerait entre les grandes puissances de l'ouest, et la
Russie soviétique, pour tenter de régler les problèmes du monde, notamment
celui de l'Allemagne, trouverait, sans aucun doute, notre participation
constructive. Mais il faudrait qu'eut cessé l'état de tension créé par les
mises en demeure et les menaces du Kremlin. Il faudrait aussi qu'il s'agisse de
rééquilibrer l'Europe et non point aggraver l'emprise de Moscou sur notre
continent.
En Europe
même, l'union de six Etats qui se dessinent dans les domaines, politique,
économique, culturel, et dans celui de la défense, la France veut, pour sa
part, continuer à la développer, mais de telle sorte que les intérêts de tous,
qu'ils soient industriels ou qu'ils soient agricoles, y trouvent également leur
compte, et que la Nation elle-même reste à l'intérieur de l'organisation
commune.
En Algérie, la
France entend que d'une manière ou d'une autre se terminent les conditions
actuelles de l'engagement politique, économique, financier, administratif et
militaire, qui la tient liée à ce pays. Et qui s'il restait ce qu'il est, ne
serait être, pour elle, qu'une entreprise à hommes et à fonds perdus, alors que
tant d'autres tâches appellent ses efforts ailleurs. Cependant, dès lors
qu'auraient cessé les combats et les attentats, elle serait disposé à apporter
sa coopération à un Etat algérien souverain et indépendant. Procédant du libre
suffrage des habitants, pourvus que ses intérêts essentiels soient garantis, en
échange de ce qu'elle fournirait. Actuellement encore, c'est là la solution qui
lui paraît la meilleure. Parce que l'association des communautés algériennes y
trouveraient sans doute sa chance. Et parce qu'il pourrait en sortir des
rapports d'avenir féconds, entre elle-même d'une part, l'Algérie et l'Afrique
du nord, d'autre part. Il semble, aujourd'hui, possible, que tel doive être en
effet, en vertu d'un accord réciproque, l'aboutissement d'un drame cruel.
Mais dans tous
les cas, l'année qui vient sera celle du regroupement en Europe, et de la
modernisation de la plus grande partie de l'armée française. Dès le mois
prochain, deux divisions nouvelles et certaines formations aériennes
commenceront le mouvement qui les ramènera d'Algérie dans la métropole, comme
celles qui viennent d'être transférées et comme d'autres qui les suivront. En
même temps, un allègement de nos charges en effectif nous aideront à pourvoir à
nos dépenses d'armement moderne.
Enfin, et
c'est la condition suprême de son avenir, la France entend continuer l'oeuvre
immense de sa rénovation intérieure, au point de vue économique, social,
scolaire, scientifique, technique et démographique. Avec ardeur, elle commence
la mise en oeuvre du grand plan, qui en 4 ans, peut et doit porter son peuple,
à un niveau d'existence qu'il n'avait jamais atteint, ainsi qu'à une capacité,
une puissance, digne de ce qu'il se doit à lui-même et de ce qu'il doit aux
autres. Comme justement cet objectif répond à une grande ambition, la France
sait que le travail à fournir, les obligations à accomplir sont à la mesure des
résultats à obtenir, et que le progrès exige un effort discipliné.
Voilà nos
buts. Ils sont clairs et ils sont tels qu'ils doivent servir à tous sans nuire
à qui que ce soit. Puissent tous les peuples en faire autant.
Françaises,
Français, au nom du pays, je souhaite une bonne année, à ses filles et à ses
fils, c'est-à-dire : à chacune et à chacun de vous. Ces voeux vont en
particulier aux petits enfants qui naîtront en 1962, et ajouteront à nos
espérances. Et puis tous ensemble, nous portons vers la France, nos voeux très
confiants et très ardents, de bonheur et de grandeur.
Vive la
République,
vive la
France. !
31 Décembre 1962
Résumé :
Charles de Gaulle présente aux Français ses voeux pour
l'année 1963. S'il fait allusion aux épreuves de l'année qui vient de
s'écouler, il se montre confiant pour 1963. Après avoir souhaité vie et
prospérité à la jeune République algérienne, il met l'accent, pour la France,
sur les thèmes de l'Europe et du progrès social et économique.
Nous achevons
une année qui a dans le bon sens marqué le destin de la France. Certes, ne nous
y ont manqués ni les épreuves ni les dangers. Quand commença 1962, on se tuait
encore en Algérie tandis qu'attentats et complots se prolongeaient en
métropole. Récemment, un démon qui nous fut jadis très familier et très
malfaisant, celui des crises politiques, a cru trouver l'occasion de revenir
nous tenter. Enfin, il y a deux mois, le monde passa près de la guerre.
Mais rien n'a empêché notre pays de poursuivre
sa rénovation : ayant tranché au fond l'affaire algérienne, nous sommes
maintenant en paix partout ! Ce qui, en un quart de siècle, ne nous était
jamais arrivé. Cette année même, nous avons solennellement confirmé nos
institutions nouvelles dans lesquelles l'Etat trouve une continuité qui lui
manquait désespérément depuis des générations. Grâce à l'effort national
déployé sous ce régime de bon sens et d'efficacité, notre prospérité atteint un
niveau que nous n'avons connu en aucun temps et notre progrès social réalise
une avance sans précédent. A mesure que le couple de l'essor et de la raison
nous ramène à la puissance, la France retrouve son rang, son attrait, ses moyens.
Ainsi avons-nous pu, tout au long de cette année, élargir et approfondir nos
relations africaines, les étendre en particulier à la république algérienne, à
laquelle bien sincèrement nous souhaitons qu'elle s'organise dans l'ordre
nécessaire, d'abord, à sa vie puis à sa prospérité. Ainsi avons-nous pu
contribuer à mettre effectivement en route la communauté économique, fondée
dans la capitale de l'Italie entre six états continentaux, offrir à ces mêmes
états un début d'union politique, resserrer nos rapports avec la république
d'Allemagne. Ainsi avons-nous pu renforcer notre sécurité et celle du monde
libre en commençant à nous doter d'une défense nationale moderne. Je ne dirais
certainement pas qu'il n'y a pas d'ombres au tableau. Tout de même, je crois que,
en 1962, nous n'avons pas perdu nos peines.
Voici 1963 !
Françaises, à chacune de vous, Français, à chacun de vous, j'adresse du fond de
mon coeur mes meilleurs voeux de nouvel an ! Et puis, en notre nom à tous, je
forme pour la France le souhait immémorial : " Que l'année lui soit
heureuse " ! A cet égard, sans doute, beaucoup de choses dépendront avant
tout des événements, tout comme un navire sur la mer n'est le maître des vents
ni des flots : un peuple ne peut à lui seul commander au calme ni au remous du
monde. Mais, dans ce qui lui advient, pour combien comptent, en toute
hypothèse, son effort et sa cohésion ? Travailler et rester unis, voilà quelles
sont, quoiqu'il arrive, les meilleures de nos garanties. L'an dernier, pour
notre bien, nous avons su nous les assurer. L'an prochain, qu'il en soit de
même !
Pourquoi faire
? Mais, pour avancer ! Un peuple comme le nôtre ne prodigue pas son labeur, ne
pratique pas la stabilité, n'aide pas à maintenir la paix simplement afin d'en
rester à ce qui est acquis déjà. Le progrès est aujourd'hui notre ambition
nationale.
Progrès
démographique : la France moderne pourrait compter 100 millions d'habitants.
Combien seront donc bienvenus les bébés qui naîtront chez nous en 1963 ! Quant
à ceux de nos rapatriés qui voudront, décidément, s'installer en métropole et,
nous dont comprenons très bien les soucis, parfois les chagrins, c'est de grand
coeur que nous les aiderons à y trouver, comme les autres Français leur place,
leurs droits et leurs devoirs.
Progrès économique,
technique, scientifique, dont tout le reste dépend, qui changent à un rythme
rapide, non point certes l'âme, mais la structure et la figure de la France.
Notre plan règle ce développement, il nous faut l'exécuter.
Progrès
social, ce qui veut dire : amélioration nouvelle de la condition de tous.
D'abord, des moins favorisés et, en particulier, cette fois, des gens âgés,
ainsi qu'une étape de plus vers le mieux en tout ce qui concerne la vie et la
valeur de la collectivité nationale : logement, éducation, hospitalisation,
équipement urbain et agricole.
Progrès
international notamment dans les deux directions où s'exerce, au-dehors, notre
effort principal : il s'agit d'abord de l'Union de l'Europe occidentale pour
son économie, pour sa politique, pour sa défense, pour sa culture. Etablissant
ainsi l'équilibre avec les Etats-Unis, renforçant de ce fait même l'alliance du
monde libre, ouverte dans l'avenir à une Angleterre qui voudrait et qui
pourrait se joindre à elle définitivement et sans réserve. Visant à organiser
avec les pays de l'Est, dès lors que, un jour, ils en viendraient à la grande
détente, la paix et la vie de notre continent tout entier. Il s'agit ensuite de
l'aide que nous devons prêter aux peuples qui en ont besoin pour leur développement
moderne et, avant tout, de notre coopération avec ceux des états d'Afrique,
d'Asie, d'Amérique latine qui souhaitent celle de la France.
Ce sont là de
bien grands espoirs. Oui, mais le temps est venu où, sans tomber dans
l'outrecuidance, nous pouvons et nous devons regarder loin et viser haut !
Françaises, Français, nos voeux pour la nouvelle année sont à la mesure de la
France nouvelle.
Vive la
République !
Vive la France
!