Trois jours sans ordinateur, sans écriture, sans connexion, sans journal, mais la vie et ses mêmes acteurs qui me passionnent, ma chère femme, notre fille, le paysage français dominé par la tolérance de tous à un mode d’exercice du pouvoir qui n’a pas de prise sur les choses mais sur des esprits fascinés, abasourdis, hypnotisés et convaincus de leur impuissance, le paysage de cette Mauritanie qui m’est si chère, dont la crise m’a apporté tant d’amis nouveaux, où une pression, un vent installés au dehors régissent les démocrates au point de les contraindre à la démocratie avec ceux-là même qui trichent. Ici, là, je ne sais trop comment mais selon les mêmes règles, une ambiance collective apparaît et interdit soudain la cohérence, la marche selon des repères et des valeurs. Elle produit le même résultat : le mensonge, l’irréalité des démagogies contemporaines, le gaspillage des individualités et des ersonnalités. Ce ne sont plus les idéologies dominantes d’antant, totalitaires ou capitalistes, des dogmes qui s’énonçaient et se démontaient au besoin, ce sont des mécanismes de quelques malins, de quelques habiles et cyniques qui réintroduisent partout le pouvoir de quelques-uns, l’accaparement des chances et des enchainements en sorte qu’il y a les apparences et la réalité pour ce qui régit la vie des hommes en collectivité. On fait croire à l’universalité de ce qui n’a plus aucune dialectique que la libido de quelques-uns dans le pouvoir d’Etat ou de l’argent, les deux se mêlant chez nous, ailleurs, partout. La réalité étant d’ailleurs que ces profiteurs ne dirigent rien mais sont les seuls à bénéficier du moment politique ou économique. Une fantasmagorie de l’injustice et de la laideur. En regard, un anniversaire, le jeu des bougies pour l’enfant et sa mère, un nouveau venu dans la famille, regard et sourire angéliques, mais se heurtant aux conventions, aux racismes, à l’atrocité de la solitude où il va être poussé du fait de son amour. Même fraicheur chez les gens du cirque et leurs animaux, le calme et la concentration de l’acrobate-athlète fait du rapport avec ses chevaux dans l’autre registre de ses animaux. Je vois des chefs d’œuvre et des authenticités – là, et non sur les scènes politiques et médiatiques imperturbables dans leur répétivité, leurs grimaces et leurs assurances de marionettes. Ces bonheurs dont je sais la fragilité me paraissent des chefs d’œuvre, limpides. Et là poussent l’amitié, la confiance, la chaleur de la réciprocité, à des niveaux sociaux ou culturels et selon des registres totalement différentes, se rencontre le même point d’humanité. Je crois que cela tient aussi à cette unicité, à une franchise, parfois pas immédiatement perceptible, qui ne s’avoue et ne se vérifie que si nous arrivons, vierge d’attente et de désir, simple comme Job au bout de sa course. Ce point où il n’y plus race, culture, métier, âge ou expérience, sexe même, où il y a la personne humaine, notre communauté de glaise et de souffle divin. Vêcu cela en famille, au bord de l’océan, au cirque le soir avec auparavant la ménagerie et les ruminants, vêcu cela quand arrive cet ange noir d’un fin fond qui nous apprend immensément et avec lequel nous nous sommes trouvés de plain-pied.
Entendre le PDG d’E D F… il a réclamé 20% d’augmentation des tarifs, il y a quelques semaines et ne recevra que l’inflation… dire qu’il est heureux et fier à son poste, et de démontrer que les investissements à l’étranger « tirent les résultats vers le haut » : en fait des rachats de réseaux et d’entreprises que payent le contribuable et le consommateur français.
J’étais déjà étonné que dans les années 1990, il n’y ait pas eu une critique historique fondée sur Marx pour rendre compte de la dégénérescence de l’Union soviétique – ce qui, à main levée, me paraissait tout à fait possible face au flot de conseils apitoyés de tous les experts en privatisation qui avaient envahi les pays de l’Europe centrale de l’Est, nos banques en fait – et, maintenant, qu’il n’y ait pas la reprise par quelque parti ou quelque personnalité de l’outil marxiste pour étudier la crise actuelle, ses causes, ses conséquences. Rien ! du moins à ma connaissance. Pourtant à simplement lire les bibliographies de Karl Marx, sa préoccupation fondamentale (et fondatrice) pour les salaires et la considération du facteur travail, l’outil est là. Rencontre de l’éthique – la dignité de l’homme – et de la dialectique économique : salaires, prix, concentration. Travaux dans une tout autre époque mais où tout naît et d’abord la doctrine : les années 1830 à 1850. Dès la misère de la philosophie, vient un discours sur le libre-échange… puis travail salarié et capital…pas beaucoup après : salaire, prix et plus-value. Et surtout de la critique historique : révolution et contre-révolution en Europe et surtout les luttes de classe en France 1848 à 1850. Davantage un journaliste qu’un faiseur de livres, un philosophe et un historien qu’un théoricien de politique économique. La pensée et la critique comme outil de la vérité ou de l’idéal ou de la révolution.
[1] - Paul aux Romains XII 9 à 13 ; psaume XXXIV ; évangile selon saint Luc X 38 à 42
[2] - Exode XL 16 à 38 ; psaume LXXXIV ; évangile selon saint Matthieu XIII 47 à 53
[3] - Lévites XXIII 1 à 37 ; psaume LXXXI ; évangile selon saint Matthieu XIII 54 à 58