mardi 23 mars 2021

Mort de Rémi Fraisse : six ans après, le non-lieu confirmé pour le gendarme qui a tiré la grenade

 

 
Le militant écologiste a été tué par l’explosion d’une grenade lors d’affrontements en marge de la mobilisation contre le projet de barrage de Sivens.

Le Monde avec AFP

C’est une affaire emblématique des violences policières en France. Plus de six ans après la mort de Rémi Fraisse à Sivens (Tarn), la Cour de cassation a confirmé, mardi 23 mars, le non-lieu rendu en faveur du gendarme auteur du tir de grenade qui a coûté la vie au jeune militant.

Rémi Fraisse, botaniste de 21 ans, avait succombé à l’explosion d’une grenade tirée par un gendarme lors de violents affrontements sur le chantier de la retenue d’eau controversée de Sivens, le 26 octobre 2014. Le militaire n’avait à l’époque pas été mis en examen, et avait bénéficié d’un non-lieu en janvier 2018, confirmé par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Toulouse, en janvier 2020. C’est contre cette décision que la famille Fraisse a formé un pourvoi devant la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, qui est le juge du droit et ne se prononce pas sur les faits.

A l’audience, le 16 février, l’avocat général avait préconisé le rejet du pourvoi. Les « faits ont déjà été soupesés par des juges d’instruction et en appel par la chambre de l’instruction », et leur décision était « motivée », avait estimé le magistrat. Au cœur de cette affaire, la question du maintien de l’ordre et de l’adéquation des armes utilisées. Selon la loi, n’est pas responsable pénalement le fonctionnaire de police ou le militaire qui a fait un usage « absolument nécessaire » et « strictement proportionné » de son arme.

Une arme retirée depuis de l’arsenal des forces de l’ordre

Devant la Cour de cassation, l’avocat de la famille, Patrice Spinosi, avait lancé : « Vous ne pouvez pas vous borner à un satisfecit des motifs rendus par la chambre de l’instruction sans être assurés que tous les éléments du dossier aient été vérifiés. » M. Spinosi avait notamment estimé que le recours à une grenade offensive OF-F1, une grenade par explosion, était une « réponse inadaptée », car elle avait été choisie « faute de mieux », le gendarme n’étant alors pas doté d’autres types de grenades. « Dans une obscurité totale », le gendarme avait, par ailleurs, tiré « en cloche », et non au sol, et la grenade s’était coincée entre la veste et le sac à dos du jeune militant, avant d’exploser, avait appuyé M. Spinosi.

Deux jours après la mort de Rémi Fraisse, le gouvernement avait suspendu l’utilisation des grenades offensives, avant de les interdire définitivement quelques mois plus tard. Dès lors, les grenades GLI-F4, à triple effet : lacrymogène, sonore et de souffle, avaient été privilégiées. Accusées de causer des mutilations, elles ont aussi disparu de l’armement des forces de l’ordre. « Rémi Fraisse est en réalité mort pour rien. Il a été victime de l’application déraisonnable d’une doctrine de maintien de l’ordre, qui par la suite va être de plus en plus contestée », avait déploré Patrice Spinosi, évoquant un « immense gâchis ».

« C’est un dossier qui implique l’Etat »

« Un homme est mort, et [on ne peut] que le regretter », lui avait répondu l’avocat du gendarme, Emmanuel Piwnica. « Il n’y a rien à reprocher aux gendarmes. Leur attitude a été exemplaire », avait-il défendu. Les gendarmes « n’ont fait que respecter la loi », et « la chambre de l’instruction l’a constaté », avait-il dit.

Ce rejet du pourvoi de la famille de Rémi Fraisse contrarie la volonté de celle-ci d’obtenir un « procès public ». Avant la décision, la mère et la sœur de M. Fraisse « ne se [faisaient] pas beaucoup d’illusions », avait déclaré leur avocate, Claire Dujardin. « C’est un dossier qui implique l’Etat », avait-elle argué. La famille a d’ores et déjà prévenu que si elle n’obtenait pas gain de cause en France, elle saisirait la Cour européenne des droits de l’homme.



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