Source BFM/TV
TEXTE -
03/07/2017 à 17h24
Emmanuel Macron au Congrès de
Versailles le 3 juillet 2017. - ERIC FEFERBERG / POOL / AFP
Emmanuel Macron s'est exprimé ce lundi après-midi devant le Congrès, composé des députés et sénateurs, à Versailles, afin de fixer les "priorités" de son mandat présidentiel.
Emmanuel
Macron a exposé ce lundi les grandes lignes de son quinquennat face au
Congrès, réuni à Versailles. Voici son discours tel que l'Elysée l'a fourni,
bien que le Président ait pu s'en écarter à quelques moments en modifiant sa
formulation ou en ajourant de brefs passages.
En son article 18, la Constitution permet au
Président de la République de prendre la parole devant le Parlement réuni à cet
effet en congrès. Il est des heures qui, de cette possibilité, font une
nécessité. Les heures que nous vivons sont de celles-là. Le 7 mai dernier, les
Français m’ont confié un mandat clair. Le 18 juin, ils en ont amplifié la force
en élisant à l’Assemblée nationale une large majorité parlementaire. Je veux
aujourd’hui vous parler du mandat que le peuple nous a donné, des institutions
que je veux changer et des principes d’actions que j’entends suivre.
*
I. Ce sont mille chemins différents qui nous ont
conduits ici aujourd’hui, vous et moi, animés par le même désir de servir. Et
même si ce désir n’a pas le même visage, pas la même forme, même s’il n’emporte
pas les mêmes conséquences, nous en connaissons vous et moi la
source : le simple amour de la patrie. Certains font de la politique
depuis longtemps ; pour d’autres, au nombre desquels je me range, c’est
loin d’être le cas. Vous soutiendrez ou vous combattrez, selon vos convictions,
le gouvernement que j’ai nommé. Mais à la fin nous savons tous que quelque
chose de très profond nous réunit, nous anime et nous engage. Oui, le simple
amour de la patrie - que celle-ci s’incarne dans la solitude des collines de
Haute Provence ou des Ardennes, dans la tristesse des grands ensembles où une
partie de notre jeunesse s’abîme, dans la campagne parfois dure à vivre et à
travailler, dans les déserts industriels, mais aussi dans la gaieté surprenante
des commencements. De cet amour nous tirons tous, je crois, la même impatience,
qui est une impatience d’agir. Elle prend parfois les traits de l’optimisme
volontaire, d’autres fois ceux d’une colère sincère. Toujours elle découle de
cette même origine. Nous avons, vous et moi, reçu le mandat du peuple. Qu’il
nous ait été donné par la nation entière ou par les électeurs d’une
circonscription, ne change rien à sa force. Qu’il ait été porté par le suffrage
direct ou par le suffrage indirect ne change rien à sa nature. Qu’il ait été
obtenu voici un certain temps déjà, ou bien récemment à l’issue
d’une campagne où toutes les opinions ont pu s’exprimer dans leur
diversité, et que vous incarniez ces opinions différentes, ne change rien à
l’obligation collective qui pèse sur nous. Cette obligation est celle d’une
transformation résolue et profonde, tranchant avec les années immobiles ou avec
les années agitées – toutes au résultat également décevant. C’est par cette
voie que nous retrouverons ce qui nous a tant manqué, la confiance en nous, la
force nécessaire pour accomplir nos idéaux. Ce qui nous est demandé par le
peuple français, c’est de renouer avec l’esprit de conquête qui l’a fait, pour
enfin le réconcilier avec lui-même. En vous élisant, dans votre nouveauté
radicale, à l’Assemblée nationale, le peuple français a montré son impatience à
l’égard de ce monde politique fait de querelles stériles et d’ambitions creuses
où nous avions vécu jusqu’alors. C’est à une manière de voir la politique qu’il
a donné congé. En accordant leur confiance à des femmes et des hommes nouveaux,
les Français ont exprimé une impérieuse attente, la volonté d’une alternance
profonde. Je suis sûr que vous en êtes tous aussi conscients que moi. Et je
sais bien, aussi, que les sénateurs en ont une pleine conscience, bien que leur
élection soit plus ancienne, parce qu’ils ont perçu, eux si attentifs par
nature aux mouvements du temps, les espoirs nouveaux que l’expression du
suffrage universel direct a fait naître. Etre fidèle à ce que le peuple
français a voulu suppose donc une certaine forme d’ascèse, une exigence
renforcée, une dignité particulière. Les mauvaises habitudes reviennent vite.
Marqués par une époque de cynisme, de découragement, et j’ose le dire de
platitude, nombreux encore sont ceux qui spéculent sur un échec qui
justifierait leur scepticisme. Il vous appartiendra, il nous appartiendra de
les démentir. Et il nous appartiendra aussi de convaincre tous ceux qui
attendent, qui nous font confiance du bout des lèvres, tous ceux qui n’ont pas
voté. Tous ceux aussi que la colère et le dégoût devant l’inefficacité de leurs
dirigeants politiques ont conduit vers des choix extrêmes, d’un bord ou de
l’autre de l’échiquier politique, et qui sont des choix dont la France, dans sa
grandeur comme dans son bonheur, n’a rien à attendre. Ce mandat du peuple que
nous avons reçu, quel est-il exactement? Pour le savoir, il faut sortir de ce
climat de faux procès où le débat public nous a enfermés trop longtemps. Il
nous faut retrouver de l’air, de la sérénité, de l’allant. Il y faut un effort
parce que ces faux procès sont nombreux. S’agit-il de réformer le droit du
travail, pour libérer, dynamiser l’emploi au bénéfice d’abord de ceux qui n’en
ont pas? On nous dira qu’il s’agit d’adapter la France aux cruautés de
l’univers mondialisé ou de satisfaire au diktat de Bruxelles. S’agit-il de
réduire nos dépenses publiques pour éviter à nos enfants de payer le prix de
nos renoncements? On nous dira que nous remettons en cause notre modèle social.
S’agit-il de sortir de l’état d’urgence ? On nous dira d’un côté que nous
laissons la France sans défense face au terrorisme, et de l’autre que nous
bradons nos libertés. Eh bien, rien de tout cela n’est vrai. Derrière tous ces
faux procès, on trouve le même vice, le vice qui empoisonne depuis trop
longtemps notre débat public : le déni de réalité, le refus de voir le
réel en face. L’aveuglement face à un état d’urgence qui est autant économique
et social que sécuritaire. Là-dessus, j’ai toujours considéré que le peuple
français est plus sage et plus avisé que beaucoup ne le croient. Si bien que je
pense profondément que le mandat que nous avons reçu du peuple est un mandat à
la fois exigeant et profondément réaliste, et que pour l’accomplir nous devons
nous placer au-delà de la stérilité de ces oppositions purement théoriques et
qui, si elles garantissent de beaux succès de tribune, n’apportent rien. Notre
premier devoir est tout à la fois de retrouver le sens et la force d’un projet
ambitieux de transformation de notre pays et de rester arrimés au réel. De ne
rien céder au principe de plaisir, aux mots faciles, aux illusions pour
regarder en face la réalité de notre pays sous toutes ses formes. Ce mandat du
peuple, donc, quel est-il?
A.
C’est d’abord le mandat de la souveraineté de la
nation. C’est de pouvoir disposer de soi-même, malgré les contraintes et les
dérèglements du monde. Voyons la réalité en face. Les forces de l’aliénation
sont extrêmement puissantes. Aliénation à la nouvelle division du travail qui
s’esquisse dans un univers en transformation profonde, où le numérique
recompose des secteurs entiers de l’économie, bouscule des équilibres et des
emplois. Aliénation à la misère, à la pauvreté, ou même seulement à
l’insatisfaction, si nous ne permettons pas à chacun de trouver un travail qui
lui corresponde, qu’il soit heureux d’accomplir, une place et une dignité qui
soit la sienne dans la société. Aliénation à la contrainte financière, si nous
ne rétablissons pas notre budget, si nous ne réduisons pas notre dette
publique. Aliénation à la volonté d’autres pays, dans l’Europe comme au sein de
nos alliances, si nous ne remettons pas nos affaires en ordre. Aliénation à la
terreur islamiste, si nous ne trouvons pas le moyen de la détruire sans rien lui
céder de nos valeurs, de nos principes. Aliénation de notre avenir, si
nous ne parvenons pas à organiser la transition écologique, à protéger la
planète. Aliénation de notre vie dans ce qu’elle a de plus quotidien, si les
aliments que nous mangeons, l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons,
nous sont imposés, et pour le pire, par les seules forces d’une compétition
internationale devenue anarchique. Je crois fermement que sur tous ces points,
le peuple nous a donné le mandat de lui rendre sa pleine souveraineté.
B.
Mais c’est aussi le mandat du projet
progressiste, d’un projet de changement et de transformation profonds. Nos
concitoyens ont fait le choix d’un pays qui se remette en marche. Ils l’ont
fait parce qu’ils savent bien, parce que nous savons bien, que, dans un monde
bouleversé par des changements profonds, sans ce mouvement, sans cette énergie
créatrice la France n’est pas la France. Ils savent, parce que cela a été notre
expérience commune de ces dernières années, qu’une France arrêtée s’affaisse,
se divise, qu’une France apeurée, recroquevillée et victime, s’épuise en
querelles stériles et ne produit que du malheur, malheur individuel et malheur
collectif. Elle est là, notre mission historique. Cette mission, la mienne,
celle du Gouvernement et la vôtre, n’est pas dévolue à un petit nombre. Elle
est dévolue à tous, chacun pour sa part. La France possède des trésors de
créativité et des ressources inépuisables. En disant cela je ne pense pas
seulement à nos médailles Fields, à nos prix Nobel, aux grands artistes, aux
grands chercheurs, aux créateurs d’entreprises, aux grands serviteurs de
l’Etat, civils et militaires. Je pense à chaque Française, à chaque Français,
soucieux de bien faire et de mener une vie digne de lui. Elle est là, la vraie
richesse d’un pays et le mandat qui nous est donné, c’est de créer de l’unité
où il y avait de la division. De redonner à ceux qui sont exclus la simple
dignité de l’existence, leur juste place dans le projet national. De permettre
à ceux qui créent, inventent, innovent, entreprennent, de réaliser leurs
projets. De rendre le pouvoir à ceux qui veulent faire et font. Le mandat du
peuple, ce n’est pas d’instaurer le gouvernement d’une élite pour elle-même,
c’est de rendre au peuple cette dignité collective qui ne s’accommode d’aucune
exclusion. Seulement voilà: jusqu’ici, nous avons fait fausse route. Nous avons
préféré les procédures aux résultats, le règlement à l’initiative, la société
de la rente à la société de la justice. Et je crois profondément que par ses
choix récents notre peuple nous demande d’emprunter une voie radicalement
nouvelle. Je refuse de choisir entre l’ambition et l’esprit de justice. Je
refuse ce dogme que pour bâtir l’égalité il faudrait renoncer à l’excellence,
pas plus que pour réussir, il ne faut renoncer à donner une place à chacun. Le
sel même de notre République est de savoir conjuguer ces exigences. De faire
tout cela, en quelque sorte, "en même temps". Cette voie désoriente
tous ceux qui s’étaient habitués à faire carrière sur les schémas anciens. Il
en est ainsi à chaque période de renouveau et nous n’avons pas à nous en
inquiéter. Mais nous avons à prendre la mesure des efforts que va nous imposer
cette formidable soif de renouvellement dont nous sommes, vous et moi, les porteurs.
C.
Le mandat du peuple, c’est aussi le mandat de la
confiance et de la transparence. Nous sommes un vieux peuple politique. La
politique est importante pour nous. Et c’est parce qu’elle l’est que les
Français avaient fini par s’exaspérer de voir l’espérance confisquée par des
professionnels.. Vous êtes aujourd’hui, ici, l’expression de ce désir de
changement qu’il nous est interdit de trahir. Et ce changement doit aussi
porter sur les comportements. Il ne peut y avoir de réforme sans confiance. Il
ne peut y avoir de confiance si le monde politique continue d’apparaître comme
le monde des petits arrangements, à mille lieues des préoccupations des
Français. La loi que le gouvernement proposera à vos suffrages n’a pas d’autre
but. Nous avons déjà changé depuis plusieurs années et nous avons changé en
bien. Nous avons cessé de supporter ce qui semblait presque normal
autrefois, l’opacité, le clientélisme, les conflits d’intérêt, tout ce qui
relève de la corruption ordinaire, presque impalpable. Pour autant, nul n’est
irréprochable. Car si l’exigence doit être constante, si nous sommes tous
dépositaires de la dignité qui sied à nos fonctions et chaque jour nous oblige,
la perfection n’existe pas. Oui, nous voulons une société de la confiance. Pour
cela une loi ne suffit pas. C’est un comportement de chaque jour. Mais nous
voulons aussi cette confiance parce que la société de la délation et du soupçon
généralisés, qui était jusque-là la conséquence de l’impunité de quelques
puissants, ne nous plaît pas davantage. La loi du gouvernement sera votée, je
n’en doute pas. Mais après qu’elle l’aura été, j’appelle à la retenue, à en
finir avec cette recherche incessante du scandale, avec le viol permanent de la
présomption d’innocence, avec cette chasse à l’homme où parfois les réputations
sont détruites, et où la reconnaissance de l’innocence, des mois, des années
plus tard, ne fait pas le dixième du bruit qu’avait fait la mise en accusation
initiale. Cette frénésie est indigne de nous et des principes de la République.
D.
Le mandat du peuple, c’est enfin le mandat de la
fidélité historique. Les Français demandent à leur gouvernement de rester
fidèle à l’histoire de la France. Encore faut-il s’entendre sur le sens
que l’on donne à ces mots. Ces dernières années, l’histoire a été prise en
otage par le débat politique. Nous avons vu fleurir l’histoire pro-coloniale et
celle de la repentance, l’histoire identitaire et l’histoire multiculturelle,
l’histoire fermée et l’histoire ouverte. Il n’appartient pas aux pouvoirs,
exécutif ou ou législatif, de décréter le roman national, que l’on veuille lui
donner une forme "réactionnaire" ou une forme
"progressiste". Cela ne signifie pas que l’histoire de France
n’existe pas. Qu’il ne faut pas en être fier tout en regardant lucidement ses
coins d’ombres et ses bassesses. Mais pour nous, elle doit prendre la forme,
non d’un commentaire, mais d’une action résolue en faveur du meilleur. Parce
que c’est dans cette action que nous pouvons retrouver les grands exemples du
passé, nous en nourrir et les prolonger. Et à la fin, nous aussi, nous aussi
nous aurons fait l’histoire, sans nous être réclamés abusivement de ce qu’elle
pourrait être, mais en gardant nos esprits et nos volontés tendus vers le
meilleur. C’est ce que nous appelons le progressisme. Ce n’est pas de penser
que toute nouveauté est forcément bonne. Ce n’est pas d’épouser toutes les
modes du temps. C’est, à chaque moment, pas après pas, de discerner ce qui doit
être amendé, corrigé, rectifié, ce qui doit être à certains endroits plus
profondément refondé, ce qui manque à la société pour devenir plus juste et
plus efficace, ou, plus exactement, plus efficace parce que plus juste, plus
juste parce que plus efficace. C’est une éthique de l’action et de la
responsabilité partagée. C’est la fidélité à notre histoire et à notre projet
républicain en acte. Car la République, ce n’est pas des lois figées, des
principes abstraits. C’est un idéal de liberté, d’égalité, de fraternité,
chaque jour resculpté et repensé à l’épreuve du réel. L’action politique n’a de
sens que si elle est accomplie au nom d’une certaine idée de l’homme, de son
destin, de sa valeur indépassable et de sa grandeur. Cette idée, la France la
porte depuis longtemps. Rien d’autre ne doit compter à nos yeux. Ce n’est pas
la société des entrepreneurs que nous voulons, ou la société de l’équilibre des
finances publiques, ou la société de l’innovation. Tout cela est bien, tout
cela est utile. Mais ce ne sont que des instruments au service de la seule
cause qui vaille, une cause à laquelle le nom de la France est attaché depuis
bien longtemps. Et cette cause est la cause de l’homme. Nous différons entre
nous, et ici même, sur les moyens. Mais je suis sûr que nous ne différons pas
sur ce but, et le savoir, et nous le rappeler sans cesse, devrait rendre à
notre débat public cette dignité et cette grandeur, qui sur fond de tant
d’abandons et d’échecs collectifs, lui ont cruellement manqué ces dernières
années. C’est à l’aune de ce mandat du peuple que nous avons à construire
notre politique pour les cinq ans qui viennent. Vous l’aurez compris, vous le
savez déjà, intimement, nous n’avons pas devant nous cinq ans d’ajustements et
de demi-mesures. Les Français ne sont pas animés par une curiosité patiente,
mais par une exigence intransigeante. C’est la transformation profonde qu’ils
attendent. Qu’ils espèrent. Qu’ils exigent. Ne la redoutons pas. Embrassons-la
au contraire. La charte de notre action a été fixée durant la campagne et vous
en connaissez les jalons, sur lesquels je ne reviendrai pas. Les engagements
seront tenus. Les réformes et ces transformations profondes auxquelles je me
suis engagé seront conduites. Le Premier ministre, Edouard Philippe, que j’ai
nommé afin qu’il en soit le dépositaire à la tête du gouvernement, en présentera
la mise en œuvre dans son discours de politique générale.
II. Tout cela ne sera possible que si nous avons
une République forte. Il n’est pas de République forte sans institutions
puissantes. Nées de temps troublés, nos institutions sont résistantes aux
crises et aux turbulences. Elles ont démontré leur solidité. Mais comme toutes
les institutions, elles sont aussi ce que les hommes en font. Depuis plusieurs
décennies maintenant, l’esprit qui les a fait naître s’est abîmé au gré
des renoncements et des mauvaises habitudes. En tant que garant du bon
fonctionnement des pouvoirs publics, j’agirai en suivant trois principes:
l’efficacité, la représentativité, et la responsabilité.
A.
Il faut du temps pour penser la loi. Du temps
pour la concevoir, la discuter et la voter. Du temps aussi pour s’assurer des
bonnes conditions de son application. Souhaiter que nos institutions soient
plus efficaces, ce n’est donc pas sacrifier au culte de la vitesse, c’est
rendre la priorité au résultat. Sachons mettre un terme à la prolifération
législative. Elle affaiblit la loi, qui perd dans l’accumulation des textes une
part de sa vigueur et, certainement, de son sens. Telles circonstances, tel
imprévu, telle nouveauté ne sauraient dicter le travail du législateur. Car la loi
n’est pas faite pour accompagner servilement les petits pas de la vie de notre
pays. Elle est faite pour en encadrer les tendances profondes, les évolutions
importantes, les débats essentiels, et pour donner un cap. Elle accompagne de
manière évidente les débuts d’un mandat, mais légiférer moins, c’est consacrer
plus d’attention aux textes fondamentaux, à ces lois venant répondre à un
vide juridique, venant éclairer une situation inédite. C’est cela, le rôle
du Parlement. Légiférer moins, c’est mieux allouer le temps parlementaire.
C’est, en particulier, réserver de ce temps au contrôle et à l’évaluation.
Voter la loi ne saurait être le premier et le dernier geste du Parlement. Nos
sociétés sont devenues trop complexes et trop rapides pour qu’un texte de loi
produise ses pleins effets sans se heurter au principe de réalité. La voix des
citoyens concernés par les textes que vous votez ne saurait être perçue comme
attentatoire à la dignité législative. Elle est la vie, elle est le réel. Elle
est ce pour quoi vous œuvrez. Bien s’assurer de la pertinence d’une loi et de
ses effets dans le temps pour la corriger ou y revenir est aujourd’hui devenu
une ardente obligation. Pour toutes ces raisons, je souhaite qu’une évaluation
complète de tous les textes importants, comme aujourd’hui celles sur le
dialogue social ou encore sur la lutte contre le terrorisme dont nous avons
récemment jeté les bases, soit menée dans les deux ans suivant leur mise en
application. Il est même souhaitable qu’on évalue l’utilité des lois plus
anciennes afin d’ouvrir la possibilité d’abroger les lois qui auraient par le
passé été trop vite adoptées, mal construites, ou dont l’existence aujourd’hui
représenterait un frein à la bonne marche de la société française. Enfin,
le rythme de conception des lois doit savoir répondre aux besoins de la
société. Il est des situations d’urgence que le rythme propre au travail
parlementaire ne permet pas de traiter suffisamment vite. Songez à
l’encadrement des pratiques issues du numérique en matière de protection des
droits d’auteurs, de la vie privée de nos concitoyens ou de la sécurité
nationale. Il faut qu’au temps long du travail législatif soit ajoutée la
faculté d’agir vite. Ainsi, la navette pourrait être simplifiée. Je pense même
que vous devriez pouvoir, dans les cas les plus simples, voter la loi en
commission. Tout cela doit être sérieusement étudié. Je n’ignore rien des
contraintes qui pèsent sur vous. Le manque de moyens, le manque d’équipes, le
manque d’espace contrarient en partie les impératifs d’efficacité que je vous
soumets. Pour cela, il est une mesure depuis longtemps souhaitée par nos
compatriotes qu’il me semble indispensable de mettre en œuvre : la
réduction du nombre des parlementaires. Un Parlement moins nombreux, mais
renforcé dans ses moyens, c’est un Parlement où le travail devient plus fluide,
où les parlementaires peuvent s’entourer de collaborateurs mieux formés et plus
nombreux. C’est un Parlement qui travaille mieux. C’est pourquoi je proposerai
une réduction d’un tiers du nombre de membres des trois assemblées
constitutionnelles. Je suis convaincu que cette mesure aura des effets
favorables sur la qualité générale du travail parlementaire. Les Français,
pour leur majeure partie, en sont également certains. Cette réforme, qui devra
être conduite en veillant à la juste représentation de tous les territoires de
la République, n’a pas pour but de nourrir l’antiparlementarisme, au contraire.
Elle vise à donner aux élus de la République plus de moyens et plus de poids.
Le devoir d’efficacité ne saurait peser seulement sur le Parlement. L’exécutif
doit en prendre sa part. Et d’abord, précisément, vis-à- vis du Parlement.
C’est pourquoi j’ai voulu vous réserver, et à travers vous, aux Français, ma
première expression politique depuis mon élection. Trop de mes prédécesseurs se
sont vu reprocher de n’avoir pas fait la pédagogie de leur action ni d’avoir
exposé le cap de leur mandat. Trop d’entre eux aussi ont pris des initiatives
dont le Parlement n’était que secondairement informé pour que je me satisfasse
d’en reconduire la méthode. Tous les ans, je reviendrai devant vous pour vous
rendre compte. Si la considération et la bienveillance que cela traduit à
l’égard du Parlement apparaissent à certains comme une dérive condamnable,
c’est sans doute qu’ils ont de leur rôle de parlementaire et du rôle du
Président de la République une conception vague que masquent mal l’arrogance
doctrinaire ou le sectarisme. Il est toujours préoccupant que des
représentants du peuple se soustraient aux règles de la constitution qui les a
fait élire. Sieyès et Mirabeau ne désertèrent pas si promptement le mandat que
leur avait confié le peuple. Le Président de la République doit fixer le sens
du quinquennat et c’est ce que je suis venu faire devant vous. Il revient au
Premier ministre qui dirige l’action du gouvernement de lui donner corps. C’est
à lui qu’incombe la lourde tâche d’assurer la cohérence des actions, de
conduire les transformations, de rendre les arbitrages et, avec les ministres,
de vous les présenter. Je souhaite que cette responsabilité ait un sens. C’est
pourquoi je demanderai au Premier ministre d’assigner à chacun des objectifs
clairs dont annuellement ils me rendront compte ainsi qu’au Premier ministre.
De même, l’efficacité commande que les ministres soient au cœur de l’action
publique et retrouvent avec leur administration un contact plus direct. La
réduction que j’ai voulue à dix du nombre de collaborateurs de cabinet comme le
renouvellement de l’ensemble des directeurs d’administration centrale répond à
cette priorité. Il s’agit de rendre aux directeurs d’administration disposant
de la pleine confiance du gouvernement la connaissance directe de la politique
de leur ministre, et ainsi d’en faciliter la conduite. Soumis eux-mêmes à
l’obligation de résultat par la feuille de route qui les lie au Premier
ministre, les ministres ne perdront pas de vue pour autant les conditions
de mise en œuvre de leur politique. Je veux une administration plus
déconcentrée, qui conseille plus qu’elle ne sanctionne, qui innove et
expérimente plus qu’elle ne contraigne. Tel est le cercle vertueux de
l’efficacité. C’est cette administration qui doit redonner à tous les
territoires les moyens d’agir et de réussir. Car à la fin notre démocratie ne
se nourrit que de l’action et de notre capacité à changer le quotidien et le
réel.
B.
Le souci d’efficacité ne suffira pas à rendre à
notre démocratie l’oxygène dont trop longtemps elle fut privée. S’il faut en
finir avec la République inefficace, il faut en finir aussi bien avec la
République du souffle court, des petits calculs et de la routine. Nous ne
retrouverons la respiration profonde de la démocratie que dans le renouement
avec la variété du réel, avec la diversité de cette société française à l’écart
de laquelle nos institutions se sont trop soigneusement tenues, n’admettant le
changement que pour les autres mais pas pour elles. La réalité est plurielle,
la vie est plurielle. Le pluralisme s’impose à nos institutions, qui
s’affaiblissent dans l’entre soi. Nous avons fait entrer ici la grande
diversité française. Elle est sociale, professionnelle, géographique, de genre
et d’origine, d’âge et d’expériences, de croyances et d’engagements.
Nous ne l’avons pas composée comme un nuancier savant : nous avons
simplement ouvert les portes aux citoyens auxquels le monde politique refusait
l’accès. Je souhaite que ce renouvellement scelle le retour du débat que
n’aveuglent pas les dogmes, du partage d’idées que ne dénature pas le
caporalisme. C’est aussi pour cela que je crois à la vertu du pluralisme, au
respect plein et entier des oppositions. Non parce qu’il s’agirait d’un usage.
Mais parce que c’est la dignité du débat démocratique et votre ardente
responsabilité. La représentativité reste toutefois un combat inachevé dans
notre pays. Je souhaite le mener résolument. Je proposerai ainsi que le
Parlement soit élu avec une dose de proportionnelle pour que toutes les
sensibilités y soient justement représentées. C’est à cette même fin que nous
limiterons le cumul des mandats dans le temps pour les parlementaires. Car il
s’agit là de la clef de voûte d’un renouvellement qui ne se produira pas sous
la pression de l’exaspération citoyenne mais deviendra le rythme normal de la
respiration démocratique. Les parlementaires eux-mêmes verront dans leur mandat
une chance de faire avancer le pays et non plus la clef d’un cursus à vie. Il
est d’autres institutions de la République que le temps a figées dans les
situations acquises quand le sens véritable de leur mission eût été d’incarner
le mouvement vivant de la société française. Le Conseil Economique, Social et
Environnemental est de celles-ci. Sa mission était de créer entre la société
civile et les instances politiques un trait d’union, fait de dialogue
constructif et de propositions suivies d’effets. Cette intention fondatrice
s’est un peu perdue. Je souhaite qu’on renoue avec elle. Le CESE doit devenir
la Chambre du futur, où circuleront toutes les forces vives de la nation. Pour
cela nous devons revoir, tout en réduisant le nombre de ses membres d’un tiers,
de fond en comble les règles de sa représentativité. Celle-ci étant acquise,
nous ferons de cette assemblée le carrefour des consultations publiques. L’Etat
ne travaille pas, il ne réforme pas, sans consulter. L’actuel CESE doit pouvoir
devenir le forum de notre République. Il réunira toutes les sensibilités et
toutes les compétences, du monde de l’entreprise et du travail, des
entrepreneurs et des syndicats, des salariés comme des indépendants, donnera un
lieu d’expression aux associations et aux ONG, et deviendra ainsi pour l’Etat
la grande instance consultative qui fait aujourd’hui défaut. Dans le même
temps, je souhaite que le droit de pétition soit revu afin que l’expression
directe de nos concitoyens soit mieux prise en compte et que les propositions
des Français puissent être présentées à la représentation nationale. Là
aussi, il en va de la représentativité de notre démocratie. Une
représentativité qui ne vivrait pas seulement une fois tous les cinq ans mais
au quotidien dans l’action du législateur. Fondé sur une représentativité plus
grande, animé par le souci d’efficacité, le débat démocratique et plus
particulièrement le débat parlementaire retrouveront leur vitalité. Le désir
d’agir et de faire avancer la société reprendra son rang premier au sein de nos
institutions et il rejoindra cet autre principe souverain dont trop souvent
nous nous sommes départis, celui de responsabilité.
C.
Une activité parlementaire revivifiée par un cap
clair, des débats mieux construits, des impacts évalués, des procédures
adaptées aux objectifs, c’est un Parlement plus apte à exercer sa mission de
contrôle, sans laquelle la responsabilité de l’exécutif est affaiblie. Je
souhaite qu’au Parlement la majorité comme les oppositions puissent avoir
encore davantage de moyens pour donner un contour et une exigence à la
responsabilité politique de l’exécutif. Les ministres eux-mêmes doivent devenir
comptables des actes accomplis dans leurs fonctions ordinaires. C’est pour
cette raison que je souhaite la suppression de la Cour de Justice de la
République. Il faudra trouver la bonne organisation mais nos concitoyens ne
comprennent plus pourquoi seuls les ministres pourraient encore disposer d’une
juridiction d’exception. Faire vivre la responsabilité partout dans nos
institutions, c’est aussi assurer l’indépendance pleine et entière de la
justice. C’est une ambition qui doit demeurer, malgré les impasses et les
demi-échecs rencontrés dans le passé. Je souhaite que nous accomplissions enfin
cette séparation de l’exécutif et du judiciaire en renforçant le rôle du
Conseil supérieur de la magistrature, et en limitant l’intervention de
l’exécutif dans les nominations des magistrats du parquet. A tout le moins ce
conseil devrait donner un avis conforme pour toutes les nominations de ces
magistrats. C’est un changement profond des pratiques que j’appelle de mes
vœux. Je ne méconnais pas l’évolution institutionnelle et constitutionnelle que
cela requiert. C’est pourquoi je demanderai à Madame la Garde des Sceaux, à
Monsieur le ministre de l’Intérieur et aux présidents des deux chambres de me
faire pour l’automne des propositions concrètes permettant d’atteindre cet
objectif. Je souhaite que la totalité des transformations profondes que je
viens de détailler et dont nos institutions ont cruellement besoin soit
parachevée d’ici un an et que l’on se garde des demi-mesures et des
aménagements cosmétiques. Ces réformes seront soumises au vote du Parlement
mais si cela est nécessaire, je recourrai au vote de nos concitoyens par voie
de référendum. Car il s’agit ici de rien moins que retisser entre les Français
et la République le rapport qui s’est dissous dans l’exercice mécanique du
pouvoir. En faisant progressivement du mandat électif un statut, nous avons
effacé ce qui en est la nature profonde : le lien avec le citoyen. Je ne
parle pas de cette proximité avec l’électeur que je sais souvent réelle et
sincère. Je parle de ce lien politique qui naît de l’élection et crée entre
l’électeur et l’élu un pacte, un contrat – pas seulement moral, mais politique
au sens le plus fort de ce terme, c’est-à- dire exprimant le sens même de la
citoyenneté. Je veux réveiller ce sens du pacte civique. Je veux que
l’efficacité, la représentativité et la responsabilité fassent émerger
clairement et fortement une République contractuelle. La confiance accordée y
va de pair avec les comptes qu’on rend. L’action s’y déploie dans un cadre
partagé entre le mandataire et le mandant, et non au fil des circonstances.
C’est cela, le sens de ce contrat social qui fonde la République, et dont le
sens s’est tellement perdu. La politique ici rejoint la morale. Ce que nous
ferons pour les institutions de la République, je souhaite le faire aussi pour
nos territoires. Ne redoutons pas de nouer avec les territoires des accords de
confiance. Nous savons tous combien notre France est diverse et combien
est importante l’intimité des décideurs publics avec le terrain de leur action.
La centralisation jacobine traduit trop souvent la peur élémentaire de perdre
une part de son pouvoir. Conjurons cette peur. Osons expérimenter et
déconcentrer, c’est indispensable pour les territoires ruraux comme pour les
quartiers difficiles. Osons conclure avec nos territoires de vrais pactes
girondins, fondés sur la confiance et sur la responsabilité. Nombre de nos
territoires l’attendent. La conférence des territoires qui sera bientôt lancée
et sera conduite par le Premier ministre répond à cette préoccupation. Il ne
s’agira pas uniquement d’une conférence budgétaire ou financière, mais aussi de
trouver ensemble les moyens d’adapter nos politiques aux réalités locales, et
de donner davantage de latitude aux collectivités territoriales. Et je pense en
particulier aux collectivités d’outre-mer qui doivent avoir tous les moyens
pour réussir. C’est ce même esprit de confiance qui fonde cette République
contractuelle que d’ores et déjà nous faisons avancer dans la société et le
monde du travail en donnant à celles et ceux qui sont au plus près de la
réalité de l’entreprise une capacité plus grande à en réguler le quotidien, non
dans le rapport de force, mais dans un cadre convenu et partagé. Nous savons
tous que la confiance exige un soin plus grand que l’usage unilatéral de
l’autorité. Nous savons aussi qu’elle produit de plus grands résultats et
qu’elle suscite cette concorde sans laquelle il n’est pas de vie civile
supportable. La France a vécu assez d’épreuves et connu assez de grandeurs pour
n’être pas ce peuple-enfant que l’on berce d’illusions. Chaque Français a sa
part de responsabilité et son rôle à jouer dans la conquête à venir. En
retrouvant l’esprit de nos institutions, nous redonnerons à la nation tout
entière le sentiment de retrouver la maîtrise de son destin et la fierté de
reprendre en main le fil de son histoire. C’est la condition même de la
réconciliation de notre pays.
III.
Pour être au rendez-vous que le Peuple nous a
donné, il ne nous est pas permis d’attendre. C’est pourquoi j’aurai besoin pour
notre République de la mobilisation de tous autour de quelques grands principes
d’action. Il ne s’agit pas ici pour moi de décliner l’action du gouvernement.
C’est la tâche du Premier ministre et je n’égrènerai pas ici tous les secteurs
les métiers et les territoires. Que chacun sache néanmoins que ces grands
principes valent pour tous.
A.
Le premier doit être la recherche d’une liberté
forte. En matière économique, sociale, territoriale, culturelle, notre
devoir est d’émanciper nos concitoyens. C’est-à-dire leur permettre de ne pas
subir leur vie mais bien d’être en situation de la choisir. De pouvoir
"faire" là où trop souvent nos règles entravent au prétexte de
protéger. Je crois à cet esprit des Lumières qui fait que notre objectif à la
fin est bien l’autonomie de l’homme libre, conscient et critique. Trop de nos
concitoyens se sentent encore prisonniers de leurs origines sociales, de leur
condition, d’une trajectoire qu’ils subissent. Or l’enclavement, l’isolement,
l’absence d’accès aux transports assignent à résidence des millions de nos
compatriotes. La liberté forte que nous avons à bâtir, c’est ce combat pour les
mobilités physiques et numériques, afin que nul de nos territoires ne soit
exclu du progrès et de l’accès. C’est le combat de la mobilité économique et
sociale par le travail et par l’effort pour tous nos concitoyens, quel que soit
leur quartier, leur prénom et leur origine. C’est le combat pour l’égalité
pleine entre les femmes et les hommes. Ce beau combat dont notre pays a perdu
il y a quelques jours une figure essentielle en Madame Simone Veil. La liberté
forte, c’est la liberté de choisir sa vie. Car la liberté est ce qui réconcilie
liberté et égalité, justice et efficacité. La liberté d’expérimenter, mais
aussi la liberté de se tromper sont des libertés qui restent à construire.
On n’embarque plus dans son existence pour un voyage au long cours. Nos vies
sont explorations, tentatives, recherche. Sachons inventer cette liberté-là
avec les nouvelles protections individuelles qui vont avec, en assurant
l’éducation, la formation et les sécurités utiles aux grandes étapes de la vie
pour pouvoir construire une existence. C’est tout le sens des transformations
économiques et sociales profondes que le gouvernement aura à conduire dans les
prochains mois: libérer et protéger, permettre d’innover en construisant une
place pour chacun. Vouloir la liberté forte en ces temps de terrorisme, c’est
assurer la sécurité de chacun et garantir le plein respect des libertés
individuelles. Je veux ici vous parler avec franchise du terrorisme islamiste
et des moyens de le combattre. Que devons-nous aux victimes? Que devons-nous à
ceux qui sont morts ? Que devons-nous à la France endeuillée par ces
assassinats marqués du sceau de la lâcheté, de la bêtise et de l’aveuglement?
Certainement pas de nous limiter à l’esprit victimaire ou à la seule commémoration.
Nous leur devons la fidélité à nous-mêmes, à nos valeurs et à nos principes.
Renoncer, c’est concéder au nihilisme des assassins sa plus belle
victoire. D’un côté, je rétablirai les libertés des Français en levant
l’état d’urgence à l’automne, parce que ces libertés sont la condition de
l’existence d’une démocratie forte. Parce que les abandonner c’est apporter à
nos adversaires une confirmation que nous devons leur refuser. De tout temps
les adversaires de la démocratie ont prétendu qu’elle était faible et que si
elle voulait combattre il lui faudrait bien abandonner ses grands principes.
C’est exactement le contraire qui est vrai. Le code pénal tel qu’il est, les
pouvoirs des magistrats tels qu’ils sont, peuvent, si le système est bien
ordonné, nous permettre d’anéantir nos adversaires. Donner en revanche à
l'administration des pouvoirs illimités sur la vie des personnes, sans aucune
discrimination, n’a aucun sens, ni en termes de principes ni en termes
d’efficacité. Mais d’un autre côté, je souhaite que le Parlement puisse voter
ces dispositions nouvelles qui nous renforceront encore dans notre lutte. Elles
devront viser explicitement les terroristes à l’exclusion de tous les autres
Français. Elles comporteront des mesures renforcées, mais qui seront placées
sous la surveillance du juge judiciaire, dans le respect intégral et permanent
de nos exigences constitutionnelles et de nos traditions de liberté. La
démocratie n’a pas été conçue simplement pour les temps calmes. Elle vaut
surtout pour les moments d’épreuve. Il est là, le chemin de l’efficacité, et
c’est le même chemin que celui des valeurs. Un pays rassemblé, uni sur ses
principes, une société pleinement consciente de ce qui la fonde sont
invincibles. Tel est exactement le sens profond des textes que vous aurez à
examiner. Ils visent à nous libérer de la peur, de l’aliénation à la volonté de
nos adversaires. Nous travaillerons à prévenir tout nouvel attentat, et nous
travaillerons à les réprimer, sans pitié, sans remords, sans faiblesse, avec d’autant
plus de force que nous n’aurons cédé sur rien de ce qui nous constitue. J’en
prends l’engagement devant vous, et, au-delà, devant le peuple français.
Rappelons-nous que c’est au plus fort de la guerre d’Algérie qu’a été écrite et
votée cette disposition de notre Constitution qui prévoit que l’autorité
judiciaire est la gardienne de nos libertés. Montrons-nous dignes de la fermeté
d’âme de ceux qui nous ont précédés dans les épreuves. Enfin, la liberté forte
c’est toujours, en France, la liberté de conscience. C’est-à- dire la liberté
intellectuelle, morale, spirituelle. De cette liberté, la France doit être
l’indispensable havre. L’éducation et la culture en sont les clés. Elles sont
au cœur de mon action car, en cette matière, rien n’est jamais acquis. Les
progrès de l’obscurantisme nous rappellent ainsi à l’idéal des Lumières. La
laïcité en est l’indispensable corollaire. A ces principes et à ces ambitions,
la République a su ne rien céder car ils sont la condition même de l’autonomie
de nos concitoyens. De cette culture libérale, ouverte, généreuse, nous devons
refaire ensemble la singularité de la France car c’est par là que toujours elle
sut rayonner. Au sein de la culture mondialisée et dont on observe la
prolifération parfois inquiétante, la voix de la France et de la culture
française doivent occuper une place éminente, associant tous les Français de
métropole et d’outre-mer.
B.
Cette liberté ne se tiendrait pas si notre
deuxième principe d’action n’était de retrouver le socle de notre fraternité.
Notre peuple n’est pas formé d’un peu plus de soixante-cinq millions
d’individus qui cohabiteraient. Il est indivisible précisément car ce qui le
tient est plus fort que des règles ou des organisations. C’est un engagement
chaque jour répété qui fait que notre citoyenneté n’est jamais abstraite et
froide mais qu’elle n’est pleine et entière que par ce lien fraternel qui
nous unit et dont nous devons retrouver la vigueur. L’un des drames de notre
pays, c’est que cet engagement est tout simplement impossible pour ceux que les
dysfonctionnements de nos systèmes sclérosés rejettent en permanence sur les
marges. Il nous reviendra, au cours de ce quinquennat, de prendre la vraie
mesure de cette question, de redéfinir nos moyens d’actions, sans nous laisser arrêter
par de vieilles habitudes, en associant l’Etat, les collectivités, les
associations, les fondations, toutes les entités qui, privées ou publiques,
œuvrent à l’intérêt général et pour la dignité des personnes. Nous devons
substituer à l’idée d’aide sociale, à la charité publique, aux dispositifs
parcellaires, une vraie politique de l’inclusion de tous. La représentation
nationale y trouvera un enjeu, un défi, à sa mesure, à votre mesure. Ne vous y
trompez pas. Cette question est la plus profonde, la plus sérieuse qui soit.
Notre société de la compétition et de l’efficacité est menacée à chaque instant
de perdre son humanité, de perdre son âme. Pourquoi ? simplement parce
qu’elle est portée à considérer les personnes non selon leur dignité intrinsèque,
mais selon leur utilité sociale, et de manière tout aussi grave, en
sous-estimant l’utilité sociale qu’elles peuvent avoir. Ainsi les plus jeunes
sont mis indéfiniment à l’épreuve, les plus âgés, au rebut. Les chômeurs
sont pointés du doigt. Mais ce sont aussi les réfugiés, vus comme un fardeau et
non comme une chance. Les détenus, qui sont oubliés dans des prisons dégradées,
sans espoir d’amendement. Les exclus, les sans-abris, qui sont vus comme des
problèmes plus que comme des humains. Les personnes en situation de handicap,
réduits à leur apparence au mépris de leur vie. C’est la « part
maudite » de notre société, pour reprendre la belle formule de Georges
Bataille, qui dit tant de ce que nous sommes. Le regard que la société jette
sur eux est bien le même : c’est, en vérité, une absence de regard. Nous
passons sans les voir. Nous refusons même jusqu’au témoignage de leur
fragilité. Je voudrais le dire avec force : cela n’est pas digne de nous.
Cette France nouvelle que nous voulons faire advenir, elle est la leur autant
que la nôtre. Il nous faut nous en souvenir, et, chacun où le suffrage nous a
placés, penser en conséquence l’action politique que nous avons à définir. Car
en définitive, le sentiment d’appartenance existe moins qu’avant. Nos sociétés
modernes ont tendance à se fractionner au gré des intérêts, des égoïsmes, des
idées de chacun. Mais là encore il nous revient, dans l’action politique, de
résister aux forces de division, aux effets de dislocation qui sont à l’œuvre
et qui ne sont aucunement invincibles pour peu qu’on s’en donne les
moyens. L’appartenance ne se décrète pas. Aussi cette solidarité doit-elle
trouver des formes concrètes. L’école en est le premier creuset. Notre
université ensuite. Notre culture. Ce sont là les formes concrètes de ce qui
nous unit et ce qu’il nous faut . La langue, l’accès au savoir et à
l’éducation, l’ouverture à des possibles qui nous rassemblent forgent un
peuple. Face à la crise morale et de civilisation que nous vivons, nous devons
savoir forger un imaginaire puissant et désirable où chacun trouvera sa place.
Enfin, il y a le service national que j’ai proposé. Il faut que les jeunes
Français réapprennent à se connaitre et j’ose le dire à s’aimer, au-delà des
différences d’origine, de milieu, de métier. Et il faut qu’ils réapprennent, au
contact de ces actions essentielles de l’Etat que sont la défense, la sécurité
civile ou l’action humanitaire et civique, que notre démocratie ne vaut que par
l’exercice de notre citoyenneté, et ne dure, dans sa beauté, dans sa grandeur,
dans les valeurs qu’elle défend, que par l’engagement personnel de chacun. Il
faut que notre jeunesse puisse apprendre de ceux qui parmi elle ont fait le
choix du dévouement et du courage, au péril parfois de leur vie.
C.
Le troisième principe d’action de notre
mobilisation, c’est l’intelligence française. Par intelligence je pense
évidemment aux grandes découvertes, aux chercheurs, à nos grands physiciens, à
nos grands médecins, aux inventeurs, aux innovateurs ; je pense aux
écrivains, aux philosophes, aux historiens, aux cinéastes, qui continuent
d’apporter au monde ce regard libre des préjugés qui fait notre force ; je
pense aux peintres ou aux musiciens qui remettent, au fond, la politique à sa
juste place en nous faisant entrevoir un au-delà de l’existence immédiate qui
rend à la condition humaine sa grandeur, sa beauté, souvent son tragique.
Redonner toute sa place à l’intelligence française, c’est aussi se refuser à
toutes ces incohérences qui nous minent. Et nous y parviendrons qu’au prix d’un
véritable effort de réflexion collective. Nous ne pouvons pas, par exemple,
continuer d’affirmer hautement notre attachement aux principes de l’asile, tout
en nous abstenant de réformer en profondeur un système qui, débordé de toutes
parts, ne permet pas un traitement humain et juste des demandes de protection
émanant d’hommes et de femmes menacés par la guerre, la persécution politique,
religieuse, ethnique et sexuelle. Ceux qu’on appelait en 1946 les combattants
de la liberté. Redonner sa place à l’intelligence française c’est faire de
notre pays le centre d’un nouveau projet humaniste pour le monde. Le lieu où se
concevra et se créera une société qui retrouve ses équilibres : la
production et la distribution plutôt que l’accumulation, l’alimentation saine
et durable, la finance équitable, le numérique au service de l’homme, la fin de
l’exploitation des énergies fossiles et la réduction des émissions. Redonner sa
place à l’intelligence française, enfin, c’est comprendre que les Français sont
assez intelligents pour faire leur chemin tout seuls. Ce ne sont pas les
Français qu’il faudrait désintoxiquer de l’interventionnisme public, c’est
l’Etat lui-même. Il faut évidemment protéger les plus faibles, dans le droit du
travail en particulier. Mais protéger les plus faibles, ce n’est pas les
transformer en mineurs incapables, en assistés permanents de l’Etat, de ses
mécanismes de vérification et de contrôle. C’est de leur redonner, et à eux
seuls, les moyens de peser efficacement sur leur destin. Tout sera fait pour
rendre aux Français cette autonomie qu’on leur a disputée puis confisquée.
Redonner sa place à l’intelligence française, c’est permettre à chacun , à
chaque territoire, à ceux qui se sentent déclassés, de réussir, de s’engager.
D.
J’en viens à présent au dernier principe de
l’action que j’entends mener: construire la paix. Nous le savons, ce monde
dans lequel nous dessinons pour la France un chemin, à la fois neuf et fidèle à
sa vocation ancienne, est un monde dangereux. Notre environnement, y compris notre
environnement proche, se caractérise par l’accumulation des menaces. C’est bien
l’ombre de la guerre qui, à chaque nouvelle crise, se profile. La déflagration
mondiale n’est plus le spectre que brandissent les pessimistes : elle est
pour les réalistes une hypothèse sérieuse. Les affirmations de puissance
reviennent ou émergent. Les mouvements terroristes se développent dans de
multiples régions avec des moyens qui augmentent leur capacité de nuisance. Les
guerres régionales atteignent des degrés nouveaux de barbarie. Les alliances
d’hier s’effritent, l’ordre multilatéral doute de lui-même, les régimes
autoritaires et les démocraties illibérales fleurissent. L’espace cybernétique
propage et amplifie les instruments de cette guerre du tout contre tous. La
dérive du monde impose son rythme erratique, ses excès en tous genres,
détruisant l’homme, le déracinant, effaçant sa mémoire. Cela nous impose des
devoirs. Les plus graves sans doute qu’une nation puisse porter. Celui
de maintenir ouverte la voie de la négociation, du dialogue et de la paix
face aux entreprises les plus sinistres. La vocation de la France, sa fidélité
à son histoire est de savoir construire la paix et promouvoir la dignité des
personnes. C’est pourquoi partout nous devons agir d’abord pour protéger nos
intérêts et au premier chef notre sécurité. C’est ce qui m’a conduit à
réaffirmer notre engagement au Sahel comme au Levant, pour lutter contre le
terrorisme et contre le fanatisme. Dans notre intérêt comme dans celui des
peuples concernés. Et je tiens là l’engagement de nos armées chaque jour depuis
tant de mois. Mais une telle action ne peut être efficace que si elle s’inscrit
dans la durée et vise donc à construire les solutions politiques permettant la
sortie de crise. Je ne vous proposerai pas de nous substituer à d’autres
peuples car je ne veux pas qu’apparaissent de nouveaux états faillis. Toujours
la France doit respecter la souveraineté des peuples. Mais partout où les
libertés ne sont pas respectées, nous oeuvrerons, à travers notre diplomatie et
nos actions de développement, afin d’aider les minorités, de travailler au
service des sociétés pour le respect des droits. Cela suppose un travail
exigeant, parfois long et ingrat, qui impose de replacer la France au cœur du
dialogue entre les nations. C’est depuis plusieurs semaines ce que je m’emploie
à faire, du Mali à la Syrie en passant par le Golfe, en échangeant en
profondeur avec tous les dirigeants du monde. La France doit construire des
équilibres multiples, même si parfois ils deviennent fragiles. Notre outil
militaire revêt dans ces circonstances une importance majeure. J’ai déjà
ordonné une revue stratégique de défense et de sécurité. Avec comme fils
directeurs les principes d’indépendance et d’autonomie de décision, nos armées
assureront les missions que je leur ai confiées : la dissuasion, clé de
voûte de notre sécurité, la protection de nos concitoyens et de nos intérêts,
l’intervention là où le respect du droit et de la stabilité internationale sont
menacées. La prévention des crises et leur résolution sera gérée de manière
globale en n’oubliant jamais que seuls la stabilisation et le développement
permettent de créer les conditions d’une paix durable. L’indépendance que
j’appelle de mes vœux ne veut pas dire solitude. La France sera fidèle à toutes
ses Alliances. Les prochaines années seront pour nos armées celles d’un
renouvellement stratégique et tactique. Je sais qu’elles y sont prêtes car
elles sont aux avant-postes du monde tel qu’il va, avec cette vigilance et cet
engagement qui font honneur à notre pays. Vous le voyez, les menaces n’ont
jamais été si grandes. L’ordre multilatéral est sans doute aujourd’hui plus
nécessaire que jamais alors précisément qu’il est fragilisé. Dans les
années à venir, le rôle de la France sera de défendre la sécurité, l’égalité,
les libertés, la planète face au réchauffement climatique tout ce qui constitue
notre bien commun universel et qui chaque fois est remis en cause. C’est cela
mon cap, et aucun autre. Ce cours du monde vient éprouver notre résistance et
notre cohérence. C’est à titre d’exemple ce que nous vivons avec les grandes
crises migratoires qui traversent l’Afrique, la Méditerranée, et à nouveau
bousculent l’Europe. Nous devons à la fois mieux les prévenir par une politique
de sécurité et de développement ambitieuse, et mieux les endiguer par une
politique de contrôle et de lutte contre les trafics de personnes. Il faut pour
cela mener de manière coordonnée en Europe une action efficace et humaine qui
nous permette d’accueillir les réfugiés politiques courant un risque réel car
ce sont là nos valeurs, sans les confondre avec des migrants économiques et
sans abandonner l’indispensable maintien de nos frontières. Pour réussir à
tenir ce cap, nous avons besoin d’une Europe plus forte et refondée. Plus que
jamais nous avons besoin de l’Europe or elle est affaiblie par les divisions et
par le doute qui s’est installé dans notre peuple. Pourtant l’Europe est chez
nous autant que nous sommes en Europe, parce qu’il est impossible de penser notre
destinée continentale autrement qu’au travers du projet Européen.
L’Europe, c’est nous ; et c’est aussi autre chose que nous-mêmes. C’est à
la fois l’intime et l’étranger. Elle est gravée dans la chair de notre
histoire. Hier dans les conflits les plus meurtriers mais aussi dans des
dialogues philosophiques, scientifiques, artistiques qui ont tissé l’histoire
de l’humanité, aujourd’hui dans un effort de concorde et de paix sans
précédent. Négliger l’Europe, s’habituer à n’en faire qu’un objet de négociations
techniques, c’est abdiquer notre histoire, c’est diminuer la France. Or la
construction européenne est fragilisée par la prolifération bureaucratique et
par le scepticisme croissant qui en découle. Je crois fermement à l’Europe,
mais je ne trouve pas ce scepticisme injustifié. Je vous propose de reprendre
de la hauteur, de sortir de la tyrannie des agendas et des calendriers et des
méandres de la technique. La décennie qui vient de s’achever a été pour
l’Europe une décennie cruelle. Nous avons géré des crises mais nous avons perdu
le cap. Face à cet échec, qu’il faut avoir le courage de regarder en face et
dont le "Brexit" n’est qu’un symptôme, certains voudraient nous
faire croire qu’il n’y a d’autre choix que l’abandon de l’euro, de l’Union, le
retour des frontières et la résurrection du passé, d’ailleurs idéalisé, de la
souveraineté. Je tiens que cette option serait tragique et pour la France
et pour l’Europe. Il revient aujourd’hui à une génération nouvelle de
dirigeants de reprendre l’idée européenne à son origine, qui est politique dans
son essence : une association volontaire, réaliste et ambitieuse d’Etats
décidés à faire prévaloir des politiques utiles en matière de circulation des
personnes et des biens – et notamment de la jeunesse, en matière de sécurité,
en matière monétaire et fiscale mais aussi culturelle et politique. Les pays de
l’Europe pour lesquels celle-ci ne se réduit pas au marché, mais dessine un
espace où une certaine idée de la valeur de l’homme, et l’exigence de justice
sociale, sont reconnus comme prééminents, doivent se ressaisir d’un projet
décisif et s’organiser en conséquence, fût-ce au prix d’un examen sans
complaisance de notre fonctionnement actuel. Il revient à la France d’en
prendre l’initiative. Je souhaite le faire grâce et par le travail étroit que
j’ai d’ores et déjà engagé avec la Chancelière d’Allemagne. D’ici la fin de
l’année, sur cette base, nous lancerons partout en Europe des conventions
démocratiques. Libre à chacun ensuite d’y souscrire ou non. Mais le temps n’est
plus aux raccommodages. Il faut donc reprendre l’Europe à son début, si je puis
dire, à son origine même, et faire revivre le désir d’Europe. Comment?
Précisément, en ne laissant pas le monopole du peuple et des idées aux
démagogues ou aux extrémistes. En ne faisant pas de l’Europe un syndic de
gestion de crise, qui cherche chaque jour à allonger son règlement
intérieur parce que les voisins ne se font plus confiance. Mais surtout en
retrouvant le souffle premier de l’engagement européen, cette certitude où
furent les visionnaires des siècles passés et les pères fondateurs de l’Europe
que la plus belle part de nos histoires et de nos cultures s’exprimerait non
dans la rivalité, encore moins dans la guerre, mais dans l’union des forces.
N’est-ce pas cette union dont notre temps a besoin ? Les défis de la
modernité ont ceci de commun qu’ils dépassent nos frontières nationales mais
requièrent, pour être affrontés, une vision commune du monde et de l’homme, une
vision trempée aux mêmes sources, forgée par les mêmes épreuves. Ces défis sont
la transition écologique, qui refonde le rapport de l’homme et de la
nature ; la transition numérique, qui réécrit les règles sociales et nous
oblige à réinventer ce droit continental où depuis tant de siècles nous avons voulu
que la norme respecte l’homme ; c’est enfin le défi de l’humanisme
contemporain face aux dangers du fanatisme, du terrorisme, de la guerre, auquel
nous répondrons par une Défense plus européenne en cours d’édification, mais
aussi par une Europe de la culture et de l’innovation. La paix n’est pas
seulement le socle de l’Europe, elle en est en l’idéal, toujours à promouvoir,
ici et dans le monde. Nous romprons avec les facilités que nous nous étions
données au cours des années précédentes pour être à la hauteur de ce que le
moment exige de nous. Fernand Braudel le disait, "L’Europe ne sera pas si
elle ne s’appuie sur ces vieilles forces qui l’ont faite, qui la travaillent
encore profondément, d’un mot si l’on néglige tous ses humanismes vivants".
Ne les négligeons plus.
*
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Nous connaissons à présent l’enthousiasme des
commencements, mais la gravité des circonstances nous empêche d’en ressentir
aucune ivresse. Le terrorisme n’a pas désarmé. La construction européenne est
en crise. Nos équilibres financiers sont dégradés, notre dette considérable.
L’investissement productif est faible. Le chômage atteint des niveaux
insupportables. La pauvreté s’étend, et aussi la dureté de la vie. Mais le
peuple français nous a fait connaitre ses volontés, et nous en serons les
serviteurs. Il y aura des traverses, il y aura de l’imprévu, il y aura des
oppositions, toutes les oppositions de ce vieux monde que nous devons quitter
pour renaître. Mais nous ne nous laisserons pas décourager. Devant chaque
difficulté, au lieu de baisser les bras, nous en reviendrons à l’essentiel
et nous y puiserons une énergie plus grande encore. J’y suis prêt. Je suis sûr
que vous l’êtes aussi. Car par notre engagement les Français retrouvent leur fierté.
Le peuple français ne nous demande pas seulement de l’efficacité. L’efficacité
est un instrument, et puis on peut être tout à fait efficace au service d’une
mauvaise cause. Il nous demande ce que la philosophe Simone Weil appelait
l’effectivité. C’est-à- dire l’application concrète, tangible, visible, des
principes qui nous guident. Le refus d’être pris en défaut, et de clamer des
principes dont nous ne poursuivons pas sans relâche l’application. Le principe
d’effectivité, c’est d’abord, pour vous, pour moi, pour le gouvernement, de ne
jamais cesser de se demander si nous sommes en pratique fidèle à nos principes,
c’est-à- dire d’abord à la liberté, à l’égalité, à la fraternité. Je le dis
sans ambages. Aujourd’hui, nous sommes loin du compte et le peuple français
nous a fait savoir que cela ne pouvait plus durer. Nous devons à chaque instant
être à la hauteur de cet esprit français par l’engagement de tous. Ce que nous
avons à accomplir, c’est une véritable révolution. Voici plus de 30 ans que
nous nous accommodons d'un double discours, les grands principes d'un côté, Le
langage politique de l'autre, et entre les deux rien, le néant des réalisations
caché par l'accumulation des lois et réglementations de toutes
sortes. Nous sommes ici, vous comme moi, pour changer cet ordre des
choses. Pour renouer avec ce courage français qui ne se laisse pas distraire
par ceux qui, n’ayant su aller nulle part, sont revenus de tout. Car, ne vous y
trompez pas, les forces adverses continuent d'être puissantes, non pas tant au
Parlement ou dans la rue que tout simplement dans les têtes. En chacun de nous
il y a un cynique qui sommeille. Et c'est en chacun de nous qu'il faut le faire
taire, jour après jour. Et cela se verra. Alors nous serons crus. Alors nous
rendrons le service que le peuple français attend de nous. Alors nous resterons
fidèles à cette promesse de nos commencements, cette promesse que nous
tiendrons parce qu'elle est la plus grande, la plus belle qui soit: faire à
l'homme, enfin, un pays digne de lui.
C.P
1 opinion
Alpes
et lac 04/07/2017 à 09h59
Tres bien d'avoir le texte pour le lire à tete
reposée.
Mais qu'il a été ennuyeux.
A quand un "power point" avec des "bullets" ?
Et expédié en 1/2 heure ?
Ca aurait très bien pu se faire.
Ca aurait été efficace et plus utile pour le français moyen que je suis.
habitué à Zapper et aux résumés.
N'ayant plus la capacité d'écoute et de concentration pendant 90 mn ...
Mais qu'il a été ennuyeux.
A quand un "power point" avec des "bullets" ?
Et expédié en 1/2 heure ?
Ca aurait très bien pu se faire.
Ca aurait été efficace et plus utile pour le français moyen que je suis.
habitué à Zapper et aux résumés.
N'ayant plus la capacité d'écoute et de concentration pendant 90 mn ...
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