mardi 19 avril 2016

directive européenne sur le secret des affaires - commentaire par Le Monde & pétition hostile, signée de 550.000 personnesnataires


Ce qu’il faut savoir de la directive sur le secret des affaires

LE MONDE | 19.04.2016 à 06h55 • Mis à jour le 19.04.2016 à 09h18 | Par Mathilde Damgé
Les «Panama papers », une enquête mondiale sur les paradis fiscaux.

Une directive européenne protégeant le « secret des affaires » a été adoptée, jeudi 13 avril. Malgré une pétition signée par plus de 500 000 personnes, les députés européens ont voté, à une très large majorité (77 %), le texte proposé par la Commission européenne.

De quoi s’agit-il ?

Pour défendre le secret de leurs affaires, les entreprises pouvaient passer par plusieurs outils juridiques en Europe : propriété intellectuelle, droit pénal (en cas de vol de documents, par exemple). Le lobbying intense de grandes multinationales désirant obtenir le même arsenal juridique que la Chine et les Etats-Unis a vu ses démarches couronnées de succès.
Le texte adopté la semaine dernière vise à protéger les entreprises contre l’espionnage économique et industriel. L’exemple le plus spectaculaire date de 2005 : en plein rallye du Japon, un individu profite d’un passage de relais entre deux rondes de vigiles pour s’introduire dans un hangar, sur le parc d’assistance du circuit. Il dérobe ainsi le pneu « magique » qui a contribué au succès de Citroën en championnat du monde et incite son constructeur, Michelin, à revoir complètement sa gestion du secret.
En cas de vol ou d’utilisation illégale d’informations confidentielles (innovations technologiques, mais aussi données économiques ou tout autre document), les victimes pourront demander réparation devant les tribunaux en Europe.
« Les Etats membres veillent à ce que les détenteurs de secrets d’affaires aient le droit de demander les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive afin d’empêcher l’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicites d’un secret d’affaires ou d’obtenir réparation pour un tel fait. »

Pourquoi c’est important ?

L’application de la directive ne devrait pas entraver les activités des lanceurs d’alerte, selon les défenseurs du texte et le texte justificatif de la directive : « La protection des secrets d’affaires ne devrait dès lors pas s’étendre aux cas où la divulgation d’un secret d’affaires sert l’intérêt public, dans la mesure où elle permet de révéler une faute professionnelle ou une autre faute ou une activité illégale directement pertinentes. »
Mais le problème est qu’il reste à définir la « pertinence » de la révélation et « l’intérêt public ». En clair, ce sera à un juge de trancher au cas par cas s’il est « pertinent » de dévoiler les secrets de la structure financière d’une entreprise et si ces révélations relèvent de l’intérêt général.
En outre, dans le cas des « Panama papers », de nombreuses sociétés offshore créées par des entreprises ne tombent pas sous le coup de l’illégalité ; ces entreprises auraient ainsi pu utiliser la directive pour faire taire les médias.
« Toute information que l’entreprise a essayé de maintenir secrète est donc protégée légalement : on est bien au-delà de la seule propriété intellectuelle », détaille Jonathan Guéraud-Pinet, attaché parlementaire à Bruxelles.

Et maintenant ?

Les 28 Etats européens ont maintenant deux ans pour traduire la directive dans leur législation nationale. Certains gouvernements pourraient être tentés d’utiliser la directive pour étouffer des enquêtes compromettant le pouvoir économique et/ou politique.
« Les exceptions prévues à l’article 5 pour l’exercice de la liberté d’expression et d’information manquent de clarté. Les garanties apportées à la liberté des médias dépendront largement de la façon dont les gouvernements appliqueront la directive », s’inquiète Reporters sans frontières. Et tant qu’une jurisprudence ne permet pas encore de calculer les risques de la publication d’une information, la frilosité pourrait dominer parmi les lanceurs d’alerte et les journalistes.
La BBC a interrogé la rapporteure de la directive, la Française Constance Le Grip, sur le risque encouru par les journalistes et les lanceurs d’alerte s’ils révèlent des informations d’entreprises. A la question : « Pouvez-vous promettre qu’aucun ne sera condamné à cause de cette directive ? », Mme Le Grip répond : « Je ne suis pas un juge. »
Par ailleurs, si les eurodéputés Verts et Front de gauche y étaient si farouchement opposés, c’est qu’il s’agissait d’un texte qui « fait porter la charge de la preuve sur les lanceurs d’alerte et pas sur les entreprises », selon Philippe Lamberts, coprésident du groupe Verts-ALE.
Ce qui manque cruellement à ce texte, c’est son pendant législatif afin de protéger les lanceurs d’alerte (seuls cinq Etats membres disposent d’une législation complète sur la protection des lanceurs d’alerte : France, Royaume-Uni, Luxembourg, Roumanie et Slovénie). Mais cette issue est peu probable, comme le résume l’association Corporate Europe Observatory :
« En votant la directive secret des affaires, les socialistes européens perdent tout : à l’issue du débat, et à l’opposé de leurs demandes, la Commission a annoncé que pour elle les dispositions sur le sujet à l’article 5 de la directive suffisaient largement. Autrement dit, pas besoin de directive protégeant les lanceurs d’alerte. »
L’organisation rapporte qu’Antoine Deltour et Edouard Perrin, respectivement journaliste et ancien collaborateur du cabinet d’audit PwC, tous deux à l’origine du scandale Lux Leaks, ont écrit aux députés européens pour leur expliquer que cette directive ne les protégerait pas lors du procès qui se tient à partir du 26 avril au Luxembourg.

Vos réactions (35) Réagir
Dekoijmmele 19/04/2016 - 12h39
Cela promet en ce qui concerne la TAPFA...
 
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Un Suisse 19/04/2016 - 12h03
Cet article constitue une forme de lobbyisme en faveur d'une liberté d'expression absolue ou presque, ce que je peine à comprendre. Les faits qui sont illégaux pourront être publiés si cela sert l'intérêt public (comme les panama papers ou autres puisqu'il y a souvent fraude fiscale). C'est au juge qu'est confiée la balance entre défense de la propriété et de la sphère privée et liberté d'expression comme c'est le cas depuis longtemps en France. Pas de quoi en faire un fromage.
 
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Dubitatif 19/04/2016 - 12h37
Toute l'hypocrisie est là. Dénoncer même à bon bien escient ne sert à rien si l'on ne peut apporter des preuves au juge. Or ces preuves appartiennent à l'entité incriminée qui pourra invoquer le vol, et maintenant la protection de ses secrets pour faire non seulement taire mais aussi poursuivre les curieux ou les consciences citoyennes. En revanche cela ne protège pas contre l'espionnage industriel qui se pratique tout autrement. Naïveté ou perversité du parlement ?
 
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Incroyable 19/04/2016 - 14h11
@Dubitatif Mais non, justement, l'une des dispositions prévoit expressément que le vol de données relatives aux faits illégaux ou représentant un intérêt public prépondérant ne seront pas poursuivis et pourront donc être produites devant la justice. Cette dernière notion est laissée à l'appréciation du juge, ce qui est parfaitement normal dans nos ordres juridiques. Simplement le Whistleblower devra fournir des preuves et là aussi, rien de nouveau puisqu'ils en ont jusqu'ici tous apportées.
 
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Le Franc etique 19/04/2016 - 11h55
Pourquoi s'étonner, se scandaliser de ce texte , émanation de la philosophie de l'europe : tout pour le fric, peu pour :es hommes.
 
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Marion 19/04/2016 - 11h44
J'attendais du Monde un article plus fouillé et moins partisan. Pour les lecteurs frustrés comme moi, en quête d'un véritable éclairage, je conseille la lecture de ce texte: http://www.jslefebvre.eu/euroblabla-2/2016/04/18/desinxtox-le-secret-des-affaires-ou-de-linconsistance-mediatique/
 
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Transcendz 19/04/2016 - 12h06
Intéressant, et un bon contrepoint à ce texte ici : http://corporateeurope.org/fr/power-lobbies/2016/03/protection-des-secrets-daffaires
 
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FRANCIS PRIOR 19/04/2016 - 11h13
Affligeant, désolant et le tout empaqueté avec la défense de notre pouvoir d'achat. Bientôt le droit de crever de l'hybris des puissants

Ne laissons pas les entreprises dicter l'info - Stop à la Directive Secret des Affaires !


Bientôt, les journalistes et leurs sources pourraient être attaqués en justice par les entreprises s’ils révèlent ce que ces mêmes entreprises veulent garder secret. A moins que nous ne réagissions pour défendre le travail d’enquête des journalistes et, par ricochet, l’information éclairée du citoyen.
Sous couvert de lutte contre l’espionnage industriel, le législateur européen prépare une nouvelle arme de dissuasion massive contre le journalisme, le "secret des affaires", dont la définition autorise ni plus ni moins une censure inédite en Europe.
Avec la directive qui sera bientôt discutée au Parlement, toute entreprise pourra arbitrairement décider si une information ayant pour elle une valeur économique pourra ou non être divulguée. Autrement dit, avec la directive "Secret des Affaires", vous n’auriez jamais entendu parler du scandale financier de Luxleaks, des pesticides de Monsanto, du scandale du vaccin Gardasil... Et j’en passe.
Notre métier consistant à révéler des informations d’intérêt public, il nous sera désormais impossible de vous informer sur des pans entiers de la vie économique, sociale et politique de nos pays. Les reportages de "Cash Investigation", mais aussi d’autres émissions d’enquête, ne pourraient certainement plus être diffusés.
Avec ce texte, un juge saisi par l’entreprise sera appelé à devenir le rédacteur en chef de la Nation qui décide de l’intérêt ou non d’une information. Au prétexte de protéger les intérêts économiques des entreprises, c’est une véritable légitimation de l’opacité qui s’organise.
Si une source ou un journaliste "viole" ce "secret des affaires", des sommes colossales pourraient lui être réclamées, pouvant atteindre des millions voire des milliards d’euros, puisqu’il faudra que les "dommages-intérêts correspond(ent) au préjudice que celui-ci a réellement subi". On pourrait même assister à des peines de prison dans certains pays.
Face à une telle menace financière et judiciaire, qui acceptera de prendre de tels risques ? Quel employé - comme Antoine Deltour à  l’origine des révélations sur le  le scandale Luxleaks - osera dénoncer les malversations d’une entreprise? Les sources seront les premières victimes d’un tel système, mais  pas un mot ne figure dans le texte pour assurer leur protection.
Les défenseurs du texte nous affirment vouloir défendre les intérêts économiques des entreprises européennes, principalement des "PME". Étonnamment, parmi  celles qui ont été en contact très tôt avec la Commission, on ne relève pas beaucoup de petites PME, mais plutôt des multinationales rôdées au lobbying : Air Liquide, Alstom, DuPont, General Electric, Intel, Michelin, Nestlé et Safran, entre autres.
Ces entreprises vont utiliser ce nouveau moyen offert sur un plateau pour faire pression et nous empêcher de sortir des affaires …
Vu l’actualité Luxleaks, nous ne tolérons pas que nos élus se prononcent sur un texte aussi grave pour la liberté d'expression sans la moindre concertation avec les représentants de la presse, les lanceurs d'alertes et les ONG.  Seuls les lobbies industriels ont été consultés.
Nous, journalistes, refusons de nous contenter de recopier des communiqués de presse pour que vous, citoyens, restiez informés. Et comme disait George Orwell : "Le journalisme consiste à publier ce que d’autres ne voudraient pas voir publié : tout le reste n’est que relations publiques".
C’est pourquoi je demande, avec l’ensemble des signataires ci-dessous, la suppression de cette directive liberticide.
Une commission de députés européens, la commission JURI, se réunit dans les prochaines semaines pour valider ou non ce texte. C'est le moment de nous mobiliser pour dire non à la censure en Europe.
Signez la pétition et partagez la vidéo.
--
Pétition soutenue par :  
Informer n’est pas un délit
https://www.facebook.com/informernestpasundelit
@collectif_INPD
Franck Annese - SO PRESS
Fabrice Arfi - Mediapart
Christophe Barbier - L'Express
Jean-Jacques Bourdin - RMC
Guilaine Chenu - Envoyé spécial (France 2)
Patrick Cohen - France Inter
Christophe Deloire - Reporters sans Frontières
Antoine Deltour - lanceur d’alerte LuxLeaks
Hervé Falciani - lanceur d’alerte HSBC
Stéphanie Gibaud - lanceuse d'alerte UBS
Eva Joly - Députée européenne
Françoise Joly - Envoyé spécial (France 2)
Marie de La Chaume - Pièces à conviction (France 3)
Frédérique Lantieri - Faites entrer l'accusé (France 2)
Laurent Léger - Charlie Hebdo
Paul Moreira - Premières Lignes Télévision
Edouard Perrin - Premières Lignes Télévision
Edwy Plenel - Mediapart
David Pujadas - France 2
Denis Robert - Ecrivain
Pierre-Antoine Souchard - Association de la Presse judiciaire
-
English Italiano Español Deutsch
Cette pétition sera remise à:
  • Président de la commission JURI
    Pavel SVOBODA
  • Vice-Chair of JURI commission
    Lidia Joanna GERINGER de OEDENBERG
  • Vice-Chair of JURI commission
    Jean-Marie CAVADA
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