Samedi-Saint 11 Avril 2009
Tandis que mes aimées – sur la terrasse puis maintenant dans le salon – sont à jouer et à vaquer, je viens au tombeau, veiller. Sérénité du samedi-Saint, ce n’est pas le vide mais le temps, disponbilité de tout, du cœur, de l’intelligence, l’âme sait qu’elle chantera. Pour l’heure, elle se recueille, Dieu est à elle, dans la mort et l’ensevelissement du Fils fait homme mortel. Je me mets à genoux (mentalement) devant LE tombeau, m’entourant de toutes les tombes de toutes les époques, hier encore le départ vers cette résurrection particulière d’une inconnue, mais chère à un ami dont elle est la belle-mère (Jésus guérissant la belle-mère de Simon-Pierre), prénom beau, Clotilde, et jour magnifique, le vendredi-Saint… les tombes, significativement séparées ce qui me les rend encore plus une, de nos chers parents, la mienne un jour, ce soir peut-être…
Matthieu
[1] – qui n’est pourtant pas témoin oculaire – met en scène grandiosement ce post mortem du Christ : et voilà que le voile du Sanctuaire se déchira en deux, du haut en bas ; la terre trembla, les rochers se fendirent, les tombeaux s’ouvrirent et de nombreux corps de saints trépassés ressuscitèrent ; ils sortirent des tombeaux après sa résurrection, entrèrent dans la Ville sainte et se firent voir à bien des gens. Fresque et enseignement. Factuellement, une certaine foule, les gardes, profession de foi collective (je n’avais mémoire que de celle du centurion) : ils furent saisis d’une grande frayeur et dirent : « vraiment, celui-ci était fils de Dieu ! », et les « saintes » femmes, parmi lesquelles Matthieu ne cite pas la Vierge. Ne décollent pas de l’endroit ni de la scène, Marie-Madeleine et Marie, mère de Jacques et de Joseph. Elles regardaient à distance, puis elles furent assises en face du sépulcre. Troisième série de participants, les faux témoins dont la hantise d’une supercherie nous fournit des éléments factuels décisifs : ils allèrent donc et s’assurèrent du sépulcre, en scellant la pierre et en postant une garde. Le site, et le corps ? Joseph d’Arimathie prit donc le corps, le roula dans un linceul propre et le mit dans le tombeau neuf qu’il s’était fait tailler dans le roc, puis il roula une grande pierre à l’entrée du tombeau et s’en alla. Les deux Marie sont là, ce sont elles surtout qui, les premières, après le jour du sabbat, comme le premier de la semaine commençait à poindre… vinrent visiter le sépulcre. Contemplatives s’il en est, privilégiées d’avoir pu suivre de bout en bout leur Seigneur passionnément aimé, elles seront gratifiées au possible : premiers témoins, la foi de l’Eglise commence avec elles. Chez Matthieu, on bouge donc beaucoup, l’on est nombreux, on prend beaucoup de disposition, Jésus – mort, cadavre, martyrisé – est plus central que jamais, cet imposteur a dit, de son vivant : « Après trois jours, je ressusciterai ». Les ennemis ont meilleure mémoire que les amis, que les fidèles, les disciples, eux, sont absents. Nous sommes de ceux-là, témoins oculaires de rien, terrés dans nos vies quotidiennes, plus ou moins perturbés, avons-nous quelque mémoire de nos anciennes prières, des grâces reçues, de nos angoisses et de ce vers quoi nous allons : mort et résurrection à notre tour, passage qu’est ce samedi Saint…
Marc
[2] attribue la profession de foi au seul centurion, l’espérience de Pierre, déjà pressentie, la conversion de Corneille : voyant qu’il avait ainsi expiré, le centurion qui se tenait en face de lui, s’écria : « Vraiment, cet homme était fils de Dieu ! ». C’est la mort de Dieu qui révèle et synthétise tout pour cet homme, ce professionnel, qui a dévisagé le supplicié, le mourant dans les heures et les minutes, tête à tête inouï qui dépasse toute contemplation, toute prière, toute communion. Voir Dieu, voir son visage comme l’implorent le psalmiste ou la bien-aimée du Cantique, le païen, le tortionnaire, le préposé reçoit cette grâce, d’office. Il s’en rend compte, il témoigne. Le dernier souffle et non pas ce qui sera signe pour les Juifs (le voile du Temple) cristallise tout. Pas de tremblement de terre ni de résurrections en nombre, mais les mêmes femmes, avec la mention de Salomé, peut-être celle-ci est la mère des fils de Zébédée, les fils du tonnerre… Pierre a enquêté, autant que plus tard Thomas voudra des preuves. Hardiesse de Joseph d’Arimathie, étonnement de Pilate – élément factuel sur la mort de Jésus : le centurion, devenu croyant, est mandé : il lui demanda s’il était mort depuis longtemps. Joseph d’Arimathie a la grâce d’un beau rôle : celui-ci, ayant acheté un linceul, descendit Jésus, l’enveloppa dans le linceul et le déposa dans une tombe qui avait été taillée dans le roc. Le centurion avait dévisagé le Christ, le croyant secret prend Dieu fait homme à bras le corps. La pierre, la présence des deux Marie sont confirmées ; les deux femmes regardaient où on l’avait mis. Elles attestent de la mise au tombeau et de la situation de tout. Joseph paye le linceul, les saintes femmes se fendent des aromates pour aller oindre le corps. Et de bon matin, le premier jour de la semaine, elles vont à la tombe, le soleil s’étant levé. Solitude de la foi et de ces parcours spirituels, le centurion, le grand notable, mais aventure à deux de ces femmes, qui vont pouvoir attester l’une de l’autre. L’évangéliste ne retient d’elles ni le dialogue qu’elles durent avoir ensemble, ni ce qu’elles disent aux tiers, sans doute – elles auront peur à l’annonce de l’ange, Marie, la Vierge, n’a pas eu peur, mais elle fut bouleversé à l’autre annonce, d’un ange aussi, qui commença tout – sans doute sont-elles intimidées par les soldats comme par l’aristocrate. Elles se font petites, elles ne sont audacieuses qu’avec Dieu, elles s’inscrustent, elles reviennent aussi tôt que la religion ambiante l’autorise.
Luc place de grandes foules au calvaire
[3] : toutes les foules qui s’étaient assemblées pour ce spectacle … tous ses amis… tandis que les badauds s’en retournaient en se frappant la poitrine, tous témoins de la mort de cet homme qui avait « défrayé la chronique » pendant plusieurs années, les femmes qui l’accompagnaient depuis la Galilée… regardaient cela. Contemplation ? regard ? elles sont immobiles. Voyant ce qu’il était arrivé, le centurion glorifiait Dieu, en disant : « Sûrement, cet homme était un juste ». Moindre profession de foi, cheminement plus assuré ? c’est probablement Luc qui a raison sur Matthieu et sur Marc, c’est un enquêteur, il le dit lui-même, et soigneux. Il a la biographie et les actes de Joseph d’Arimathie, celui-ci va droit au but chez Pilate et réclama (le mot est le même chez les synoptiques). Même grâce : il le descendit, le roula dans un linceul et le mit dans une tombe taillée dans le roc, où personne encore n’avait été placé. Le tombeau neuf, le roc, pas la pleine terre donc. Notation de l’heure : le sabbat commençait à poindre. Les femmes qui l’accompagnaient (Jésus) depuis la Galilée … qui étaient venues avec lui de Galilée, avaient suivi Joseph. Elles regardèrent le tombeau et comment son corps avait été mis. Elles suivent comme si c’était leur nature… mais quand elles vont retourner au tombeau après le sabbat, au contraire, elles sont de pleine et souveraine initiative, le dessein d’amour, la prière de deux jours (elles se tinrent en repos, selon le précepte). Elles vont attester de la matérialité de tout, la position du corps. Ces textes synoptiques introduisent à une prière très particulière : voir les choses, voir qu’il y a mort, ensevelissement, voir le détail. La foi n’aura son socle que par cette minutie, les évangélistes y tiennent manifestement, ce n’est pas un chœur ou un discours, ce sont des faits, des témoins, des lieux, des horaires. Les plus actives et continues, les plus complètes sont ces femmes. Luc les nomment, Marie-Madeleine, l’autre Marie, et non pas Salomé, mais une Jeanne. Ils suggèrent qu’elles ne sont pas deux, mais bien plus nombreuses. Les communautés contemplatives peuvent trouver là quelque modèle, quelque prescience de ce qu’elles vivent aujourd’hui, en écho à ces soir et matin de la Mort et de la Résurrection.
De Jean, j’attends tout, ayant re-découvert chez ses trois devanciers, bien des traits que l’habitude ou la distraction avaient estompés en ma mémoire et mes méditations à toujours actualiser et ré-informer textuellement. [4] Le disciple que Jésus aimait ne donne que son propre témoignage, ce n’est pas la profession de foi du centurion, c’est le fait anatomique, mais d’intense portée spirituelle, du sang et de l’eau sourdant du côté percé à la lance. Joseph d’Arimathie, selon l’apôtre, est bien plus précautionneux qu’à lire les synoptiques : il demanda à Pilate de pouvoir enlever le corps de Jésus. Pilate le permit. Pluriel pour la descente de croix et la mise au tombeau : ils vinrent donc et enlevèrent son corps… c’est là qu’ils déposèrent Jésus. Nicodème est du nombre. Joseph a fait la démarche. Note pittoresque : il y avait un jardin au lieu où il avait été crucifié. Pourquoi ne pas songer au jardin de l’Eden, mais dont le centre (l’arbre ?) serait un tombeau neuf, dans lequel personne n’avait encore été mis. Jésus fruit des entrailles de Marie, fruit de nos tortures et procès, fruit enseveli comme le grain dans le tombeau neuf. En revanche, Marie-Madeleine est seule au tombeau le premier jour de la semaine. Jean s’y connaît en amour, solitude de la recherche et du tête à tête, Cantique des cantiques. Les aromates, un mélange de myrrhe et d’aloès, d’environ cent livres, c’était l’affaire de Nicodème, celui à qui sont expliqués la seconde naissance, le baptême, le sens de l’ensevelissement. Tandis que Marie-Madeleine vient mains nues. Elle vient de bonne heure au tombeau, comme il faisait encore sombre. Vigilance mais nuit de la foi. – Ainsi soit-il ! ainsi fut-il !
matin
Les régimes autoritaires – que le chef doit charismatique ou ne règne que par usurpation et usage totalitaire de prérogatives que d’autres exerçaient différemment de lui – ont ceci de commun qu’ils mentent. Le mensonge du chef, en politique, caractérise le mépris qu’il a de ses concitoyens et partenaires, et l’impudeur qui est la sienne vis-à-vis de ses collaborateurs, qui – eux – savent bien le mensonge. Deux exemples que je vis, dans le détail quoiqu’en spectateur impuissant.
La France, la prise de décision au sujet du régime mauritanien, par quel cheminement et selon quels intérêts ? se proclame au détour d’une conférence de presse de Nicolas Sarkozy, dans un pays tiers. Le président français ment sur ce qu’il a fait ou n’a pas fait, et au mieux montre qu’il est mal informé : non, il n’a jamais téléphoné à son homologue mauritanien renversé, et comment peut-il – à moins d’être totalement coupé de toute information – prétendre que le coup militaire du 6 Août 2008 n’a suscité et ne suscite aucune opposition tant au Parlement local que dans la rue ? Les sites électroniques mauritaniens et Libération ont raison de ces inexactitudes. Un système autoritaire – le nôtre – soutient de fait son homologue au Sahara.
La Mauritanie de la junte militaire – composée pour l’essentiel de la même manière qu’au coup précédent (le 3 Août 2005) qui mit fin à une « démocratie de façade » de treize ans et à un règne exclusif de plus de vingt – défie jusqu’à l’accusation de mensonge, elle s’édifie comme si rien ne l’avait précédée. Cependant, elle a des traits qui imposeront tôt ou tard la démocratie, mieux peut-être que dans le reste de l’Afrique. Une conscience civique et légaliste s’est manifestée dès le pustch : jamais auparavant, cela ne s’était constaté. Manifestations, communications électroniques, déclarations sur place et en tournée de grandes personnalités mauritaniennes à l’étranger. La junte elle-même au moment où son chef va au plébiscite et va affronter le boycott rendant tout le processus insignifiant, est divisée et notamment l’alter ego qui regimbe (El Ghazouani contre Mohamed Ould Abdel Aziz : c'était la solution, l'antidote). Les réunions du Haut Conseil d’Etat tourne à ces débats de western, chacun la main à son arme.
soir
Le Conseil de sécurité décide des sanctions contre la Corée du nord qui a expérimenté sa fusée le 5. Les cinq membres permanents, donc la Chine aussi, et le Japon. Même raisonnement – pour moi – qu’à propos de l’Iran. Je ne comprends pas au nom de quoi les puissances qui disposent déjà des armes suprêmes et de la balistique qui va avec, jugent illégitimes que d’autres cherchent à en détenir aussi. Le seul pays qui ait moralement raison dans l’affaire est le Japon à beaucoup de titres. La Corée a été sa conquête et sa colonie de 1910 à 1945, il connaît le pays et le sujet. Des traités « inégaux » lui ont interdit l’arme nucléaire, ce qu’il a – plus que dramatiquement, exceptionnellement dans l’Histoire de l’humanité – expérimenté par deux fois en Août 1945, lui confère un statut assez analogue à celui d’Israël, si tant est que l’Etat hébreu soit représentatif du martyre juif dont il se prétend le fruit et l’héritier. Le Japon est le seul pays, son peuple est le seul au monde à « savoir » ce qu’est le bombardement nucléaire. Je comprends qu’il cherche à empêcher par tous moyens la Corée du nord, pays en ruine économique, de se donner une telle panoplie. Je crois que les « grandes puissances » ne s’y prennent pas bien ni avec lui ni avec le dictateur à titre héréditaire (paraît-il malade à tous égards de longue date) qui sévit à Pyong-Yang.
[1] - XXVII 50 à 66
[2] - XV 38 à 47
[3] - XXIII 47 à XXIV 1
[4] - XIX 20 à XX 1
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