dimanche 12 avril 2009

Inquiétude & Certitudes - dimanche de Pâques . 12 avril 2009


Dimanche de Pâques 12 Avril 2009

Pâques, exceptionnellement cette année – la profusion organisée par ma chère femme, pour notre retour, notre fille et moi ce matin, les cris, les hurlements de joie et d’enthousiasme : c’est le plus beau jour de Pâques de ma vie, elle n’a que quatre ans… tant de privilèges en ces heures… tandis que tant souffrent et meurent, de nos proches et du monde entier. Paradoxal carillon. Ambivalence de notre chair, éternelle et vouée immédiatement, affaire de jours ou d’années à la pourriture et au dessèchement. Mais le soleil à travers les arbres, encore blanc de sa brillance insoutenable, que me montre notre fille quand je pars à l’office du soir, hier : pour elle, elle me désigne la suprême beauté. Je n’ai pu qu’évoquer la Résurrection et son matin anticipé.

Hier soir, la messe nocturne, le baptême de Valentin, Benjamin, Matthieu. Dès l’entrée dans l’église, me voici converti, j’en avais besoin. Voyant ces familles de Noirs, leur beauté, leur piété, mon racisme contre Barack Obama, pour lequel on a trop fait depuis six mois, est tombé (pas un racisme anti-race, mais une sorte de révolte que le président des Etats-Unis soit, etc… alors que je sais que pour le reste du monde, c’est le titre de gloire le plus actualisé des Américains qu’ils aient « pu » voter ainsi). Emancipé mentalement de l’inhabituel ou de la nouveauté assez radicale pour les images qu’on reçoit désormais et qui vont persister pendant quatre ans, je vais redevenir tranquille et serein pour juger le nouveau président américain (il est vrai qu’ainsi la vacuité de son texte : l’absence de texte, pendant son bref séjour européen n’en éclate que davantage). De l’ensemble de la liturgie, je retiens l’essentiel qui fut à la fin, ces garçonnets, neuf ans, onze ans et six ans, signant à l’autel leur acte de baptême : Mathieu, juché je ne voyais pas sur quoi ou comment, pour signer de ses six ans. Et la note sur laquelle se clôt l’évangile de Marc : elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce qu’elles étaient toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. La propagation de la foi, selon le plus ancien de nos quatre évangiles commence bien. Paul aux Romains rappelle l’essentiel par son syllogisme fameux et comment n’en pas ressentir la force quand l’âge nous prend et nous fait considérer, désormais, chaque jour comme un supplément gratuit : si nous sommes déjà en communion avec lui par une mort qui ressemble à la sienne, nous le serons encore par une résurrection qui ressemblera à la sienne. Echo, réplique à l’affirmation de notre création à la ressemblance de Dieu. Nous n’avons lu ni Baruch ni Ezéchiel, mais Isaïe et les dons gratuits et profus, le psaume : sa colère ne dure qu’un instant, sa bonté, toute la vie. Et l’Exode, la scène tant filmée et recomposée, dont pourtant l’égyptologie n’a pas trouvé l’évocation (Freud en revanche glose, avec beaucoup d’inexactitudes relevées ensuite autant par ses contempteurs que par ses élèves, sur Moïse, comme sur Akhnaton) : l’attitude humaine, récriminer, appeler, voir, craindre, croire, et ainsi X fois, nos allers-retours comme notre respiration physiologique et spirituelle. Et la Genèse, l’œuvre divine et notre destination [1].

Ce matin, l’église romane de ce village qui n’a plus qu’un millier d’habitants mais en compta plus de cinq mille aux XIVème et Xvème siècles avant que la Compagnie des Indes hésitante préfère Lorient, justement, à Penerf. Depuis, le marécage et les oiseaux, migrateurs et résidants, église sur des vestiges romains. Denis M. à contre-jour d’un vitrail, la chasuble blanche de belle laine, colorée de vert et de rouge, parfois de bleu vivants à mesure que tourne le soleil, le dallage à l’unisson et parfois les cheveux de mon ami célébrant. Marguerite… c’est Denis, le prêtre ? – Oui. – Pourquoi ? – parce que Jésus l’appelé ! – Pourquoi ? – parce que Jésus l’a voulu. – Pourquoi ? – parce que Denis le fait très bien. – Pourquoi Denis fait bien les choses ? Je ne réponds pas. Plus tard : pourquoi il fait bien les choses ? – parce que Jésus l’aide dans la prière. – Pourquoi il reste prêtre ? – parce qu’il a dit oui ! – Et il dira non ? – Non, jamais. Mon vieil ami, en homélie, rappelle que son père fut inhumé l’après-midi du dimanche de Pâques, décédé la veille le matin, et que lui-même fut ordonné prêtre un jour de Pâques. On faisait vite pour sa « promotion », l’Algérie et l’appel au service. 1956… Fatigué de la veille, il évoque notre pape Jean Paul II au point de donner la bénédiction pascale, puis nous souhaite, en concluant bonne semaine et bonne fête de Noël. J’ai aimé ainsi notre recteur et notre fille…
[2] la délicatesse de Jean souvent commentée, son jeune âge aussi, et le il vit et il crut qui n’est pas noté pour Pierre. Mais c’est Pierre qui fait l’état des lieux, selon Jean lui-même : il regarde le linceul resté là, et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place. Jean ne fait pas parler le chef de l’Eglise mais à plusieurs reprises il enregistre ses professions de foi (et son triple reniement). Il observe. Comme les « disciples d’Emmaüs », Jean fait, enfin, le rapprochement entre les Ecritures et les faits. Comme la Shoah qui se distingue de tous les autres génocides, parce qu’elle a été annoncée par avance, publiquement (Mein Kampf) par celui qui la commandera ou au nom de qui elle sera perpétrée, la contre-épreuve, par une anticipation guère célébrée par les victimes d’aujourd’hui, la Résurrection et la divinité de Jésus ne « valent » que par l’annonce qui en a été faite, dès l’origine de la marche spirituelle de toute l’humanité, symbolisée par celle du « peuple élu ». En revanche, c’est cette nécessité – souvent affirmée dans les évangiles et dans les épîtres apostoliques, Paul surtout – il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts – qui me pose question à creuser et surtout prier. Liberté de Dieu, du Fils, notre liberté et pourtant Dieu étant amour par essence et absolument ne peut que nous racheter, la racine de la liberté, ou plutôt l’exercice de la liberté sont humains et non divins : Jésus Dieu fait homme, va librement et souverainement à sa Passion, l’homme (le couple humain, selon une distribution des rôles, très juste psychologiquement) pèche librement. – J’ai commencé de lire l’admirable et insolite réflexion-méditation de Jacques Isorni : Le vrai procès de Jésus [3] : c’est la mise en évidence de la liberté de tous les protagonistes de la Passion en réponse ou pendant à celle du Christ, les juges et accusateurs, ceux qui prononcent culpabilité et condamnation, mais plus encore les deux grands rôles : Pierre et Judas, dont l’avocat-défenseur de Brasillach, du Maréchal et de Bastien-Thiry (de Marcantoni aussi par haine de notre régime, en 1969) donne un parallèle et une opposition qui me saisissent. Elle court donc… ils couraient tous les deux ensemble… La Résurrection a mobilisé, la liturgie de ces jours-ci et de ce matin aussi. Notre foi, c’est de croire que nous sommes et serons associés au Christ, au Fils de Dieu, à Dieu-même. Quand paraitra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire. Lors de la Transfiguration, les trois disciples restent spectateurs, épouvantés et tous leurs sens perdus, comme le vivent les femmes venus au tombeau et le constatant vide. Témoins que Dieu avait choisis d’avance. La grâce de mon baptême et que s’en soit, en moi, perpétuée la sensibilité. Ces éminents amis, mes chers mentors, ministres du Général, très hauts fonctionnaires, ministres de François Mitterrand, aux carrières et à l’intelligence suprêmes, et qui ne croient pas… et qui me savent croyant… Denis hier soir et ce matin : croyant ? mais à quoi ? et en qui ? Réponse en ce moment.

"Françafrique" – façon Nicolas Sarkozy – les mêmes manières, les mêmes agents, la même opacité à Madagascar maintenant qu’en Mauritanie.

Je suis heureux de n’être pas ambassadeur dans un tel système. Je n’écris pas : d’un tel système, car bien entendu le Quai d’Orsay et la Coopération, les cabinets des ministres et nos chefs de mission sur place sont court-circuités, n’ayant que le choix de consentir au fait accompli et à ces méthodes.

Le garagiste de Loudun, alias René Monory, est mort. On dit les communiqués de Nicolas Sarkozy ou des sénateurs. Je n’entends pas Valéry Giscard d’Estaing, mais j’entends encore, dans la belle salle du théâtre municipal de Pontarlier, la conclusion d’une réunion électorale : c’était en Novembre 1980, avec d’autres, j’étais candidat, « indépendant », c’est-à-dire soutenu par personne, aucun parti, sinon le témoignage de Maurice Couve de Murville et de Michel Jobert, et assez d’amis et amies, une dizaine parfois pour coller bien plus d’affiches que tous les autres candidats et les partis chiraquien, giscardien, socialiste et communiste n’en collèrent. René Monory et Jean-Claude Gaudin soutenaient le « giscardien », André Cuinet, chauffagiste – la « petite Sibérie » est dans la circonscription – comme l’était son futur vainqueur Roland Vuillaume (mais ils se succédèrent à la mairie d’Edgar Faure, qui l’avait perdue en 1977 au profit d’un socialiste que le parti, sa section locale, rendirent dissident : Denis Blondeau que j'ai estimé). J’entendis donc le ministre en exercice de l’Economie et des Finances proclamer – en réponse à une de mes tentatives de faire considérer mon modeste défi – qu’il ne « travaillerait » qu’avec son candidat. Chaque génération a sa contre-République.


[1] - Genèse I 1 à II 2 ; Exode XIV 15 à XV 1 & cantique XV 2 à 17 passim ; Isaïe LV 1 à 11 ; Paul aux Romains VI 3 à 11 ; évangile selon saint Marc XVI 1 à 8

[2] - Actes X 34 à 43 passim ; psaume CXVII ; Paul aux Colossiens III 1 à 4 ; évangile selon saint Jean XX 1 à 9

[3] - Flammarion . Février 1967 . 201 pages

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