Le lundi 23 Avril 2018
Monsieur
le Président,
dès l’apparition du
« bouquet » de projets de révision directement
constitutionnelle ou sur l’ensemble de notre régime politique, je
voulais vous en écrire. J’ai tardé mais à mesure du temps et des
annonces de « l’exécutif » (novation car pour les
commentateurs, le terme comprend surtout le Président de la
République), j’ai compris la force de votre opposition, et votre
contre-projet : un Parlement fort, puisque l’Elysée accapare
tout.
De facto, nous ne sommes
plus en démocratie, au plan national. Ci-joint, veuillez trouver des
observations personnelles sur ce qui devrait être débattu :
c’est antérieur à l’élection présidentielle. Mais
permettez-moi d’opiner brièvement sur certaines des propositions
présidentielles et gouvernementales en gestation :
1° la Constitution prévoit
un maximum de 577 députés, mais pas de minimum. La démocratie à
un prix, il faut qu’électeurs et députés soient proches les uns
des autres. Déjà, la réduction autoritaire du nombre de nos
régions a provoqué cet éloignement. Ne pas changer, mais en
revanche – selon les règlements intérieurs des deux assemblées –
, établir des quorum de participation pour qu’un scrutin soit
valide, l’absentéisme montré de plus à la télévision, vg.
l’anniversaire du traité de l’Elysée, donne une image
lamentable de leurs parlementaires aux Français ;
2° les institutions sont
assez fortes pour un régime de représentation proportionnelle
intégrale à l’Assemblée nationale. Les demi ou tiers ou quarts
de mesures seront compliqués à mettre en place, et rien ne changera
pour la visibilité par l’électeur. Ce sera une « concession »
de « l’exécutif » pour obtenir autre chose lors de la
révision. La vraie question posée par la représentation
proportionnelle est que soit maintenu un lien personnel et donc
nominal entre les électeurs et leurs députés. Le scrutin de liste
confirmera fortement l’emprise des partis confectionnant les
listes. Il y a quelque chose à inventer. Ou bien en rester au régime
actuel. Tout changement donnerait d’ailleurs à la manipulation
« intéressée » du contour des circonscriptions ;
3° bien entendu, aucune
atteinte au droit d’amendement ;
4° le maintien d’une
juridiction d’exception pour juger les membres du gouvernement à
raison d’actes commis dans l’exercice de leurs fonctions, est
absolument nécessaire. Donner ce jugement à une juridiction de
l’ordre judiciaire ordinaire serait une incompréhension totale
d’un régime constitutionnel.
S’il y avait des
modifications à faire, je les verrais :
1° l’obligation de
referendum pour certaines matières, notamment les traités
européens, les changements de régime électoral, la réorganisation
et le « découpage » des collectivités territoriales ;
2° rendre très accessible
le referendum d’initiative populaire, y compris ce qui mettrait en
cause le Président de la République. Décidant de tout aujourd’hui,
celui-ci n’encourt aucune sanction, sauf sa défaite au scrutin
pour sa réélection ;
3° la limitation du nombre
des mandats pour le Président depuis la révision de 2008, ou les
projets d’une mesure semblables pour parlementaires, n’a de sens
que la démagogie. L’électeur est assez souverain pour discerner
si quelqu’un doit durer au pouvoir ou dans la représentation.
Aucune limitation, en revanche le 2° pour « l’exécutif »
et des clauses analogues pour un retour des parlementaires devant
leurs électeurs marquerait bien la souveraineté populaire.
4° d’une manière
générale, ce n’est pas la durée du mandat qui dit la prise des
électeurs sur les élus, mais la possibilité de les révoquer.
Idéalement, le retour aux origines de 1958, le septennat et les neuf
ans pour les sénateurs, serait le mieux. A condition que le
Président de la République aille souvent au referendum. Le fixisme
de notre vie politique, et l’abus de pouvoirs par le Président de
la République tiennent essentiellement au lieu entre l’élection
présidentielle et le renouvellement de l’Assemblée nationale.
Coincidence de la durée des mandats certes, mais situation depuis
2002 et l’inversion des calendriers rendant inutile toute
dissolution, et mettant en sécurité totale « l’exécutif »…
jusqu’aux désastres (je pense à la brade de nos actifs
industriels, et à la vente des nos établissements publics en tous
genres). Ce que nous signons à Bruxelles en intergouvernemental et
qui devient, après transposition, notre loi n’est pas vraiment
surveillé, en tous par les électeurs, cf. la question ferroviaire,
l’électricité… toutes nos avances séculaires, un de nos grands
avantages dans la concurrence mondiale nous sont ôtées. Jusqu’il
y a vingt-cinq ans, c’était très veillé à l’Elysée. Et
aujourd’hui, cette opacité, pas même invoquée dans le débat sur
la S.N.C.F., ne produit pas même une véritable reprise de l’élan
européen. Des gestions ont éteint l’espérance.
Par prochain courrier, je
vous soumets mon annotation du discours du Premier ministre évoquant
les projets de révision et de réformes constitutionnelles.
Auriez-vous la convenance
de me recevoir la semaine prochaine, le jeudi 3 ou le vendredi 4 ?
J’en serai honoré et nous verrions ensemble en quoi dans cette
affaire de révision, je puis vous être directement utile.
Très
attentivement en confiance, et chaleureusement.
Bertrand
Fessard de Foucault
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