samedi 7 juillet 2018

réforme des institutions - lettre à Monsieur Gérard LARCHER, président du Sénat

Le lundi 23 Avril 2018

Monsieur le Président,

dès l’apparition du « bouquet » de projets de révision directement constitutionnelle ou sur l’ensemble de notre régime politique, je voulais vous en écrire. J’ai tardé mais à mesure du temps et des annonces de « l’exécutif » (novation car pour les commentateurs, le terme comprend surtout le Président de la République), j’ai compris la force de votre opposition, et votre contre-projet : un Parlement fort, puisque l’Elysée accapare tout.

De facto, nous ne sommes plus en démocratie, au plan national. Ci-joint, veuillez trouver des observations personnelles sur ce qui devrait être débattu : c’est antérieur à l’élection présidentielle. Mais permettez-moi d’opiner brièvement sur certaines des propositions présidentielles et gouvernementales en gestation :

1° la Constitution prévoit un maximum de 577 députés, mais pas de minimum. La démocratie à un prix, il faut qu’électeurs et députés soient proches les uns des autres. Déjà, la réduction autoritaire du nombre de nos régions a provoqué cet éloignement. Ne pas changer, mais en revanche – selon les règlements intérieurs des deux assemblées – , établir des quorum de participation pour qu’un scrutin soit valide, l’absentéisme montré de plus à la télévision, vg. l’anniversaire du traité de l’Elysée, donne une image lamentable de leurs parlementaires aux Français ;

2° les institutions sont assez fortes pour un régime de représentation proportionnelle intégrale à l’Assemblée nationale. Les demi ou tiers ou quarts de mesures seront compliqués à mettre en place, et rien ne changera pour la visibilité par l’électeur. Ce sera une « concession » de « l’exécutif » pour obtenir autre chose lors de la révision. La vraie question posée par la représentation proportionnelle est que soit maintenu un lien personnel et donc nominal entre les électeurs et leurs députés. Le scrutin de liste confirmera fortement l’emprise des partis confectionnant les listes. Il y a quelque chose à inventer. Ou bien en rester au régime actuel. Tout changement donnerait d’ailleurs à la manipulation « intéressée » du contour des circonscriptions ;

3° bien entendu, aucune atteinte au droit d’amendement ;

4° le maintien d’une juridiction d’exception pour juger les membres du gouvernement à raison d’actes commis dans l’exercice de leurs fonctions, est absolument nécessaire. Donner ce jugement à une juridiction de l’ordre judiciaire ordinaire serait une incompréhension totale d’un régime constitutionnel.

S’il y avait des modifications à faire, je les verrais :
1° l’obligation de referendum pour certaines matières, notamment les traités européens, les changements de régime électoral, la réorganisation et le « découpage » des collectivités territoriales ;

2° rendre très accessible le referendum d’initiative populaire, y compris ce qui mettrait en cause le Président de la République. Décidant de tout aujourd’hui, celui-ci n’encourt aucune sanction, sauf sa défaite au scrutin pour sa réélection ;

3° la limitation du nombre des mandats pour le Président depuis la révision de 2008, ou les projets d’une mesure semblables pour parlementaires, n’a de sens que la démagogie. L’électeur est assez souverain pour discerner si quelqu’un doit durer au pouvoir ou dans la représentation. Aucune limitation, en revanche le 2° pour « l’exécutif » et des clauses analogues pour un retour des parlementaires devant leurs électeurs marquerait bien la souveraineté populaire.

4° d’une manière générale, ce n’est pas la durée du mandat qui dit la prise des électeurs sur les élus, mais la possibilité de les révoquer. Idéalement, le retour aux origines de 1958, le septennat et les neuf ans pour les sénateurs, serait le mieux. A condition que le Président de la République aille souvent au referendum. Le fixisme de notre vie politique, et l’abus de pouvoirs par le Président de la République tiennent essentiellement au lieu entre l’élection présidentielle et le renouvellement de l’Assemblée nationale. Coincidence de la durée des mandats certes, mais situation depuis 2002 et l’inversion des calendriers rendant inutile toute dissolution, et mettant en sécurité totale « l’exécutif »… jusqu’aux désastres (je pense à la brade de nos actifs industriels, et à la vente des nos établissements publics en tous genres). Ce que nous signons à Bruxelles en intergouvernemental et qui devient, après transposition, notre loi n’est pas vraiment surveillé, en tous par les électeurs, cf. la question ferroviaire, l’électricité… toutes nos avances séculaires, un de nos grands avantages dans la concurrence mondiale nous sont ôtées. Jusqu’il y a vingt-cinq ans, c’était très veillé à l’Elysée. Et aujourd’hui, cette opacité, pas même invoquée dans le débat sur la S.N.C.F., ne produit pas même une véritable reprise de l’élan européen. Des gestions ont éteint l’espérance.

Par prochain courrier, je vous soumets mon annotation du discours du Premier ministre évoquant les projets de révision et de réformes constitutionnelles.

Auriez-vous la convenance de me recevoir la semaine prochaine, le jeudi 3 ou le vendredi 4 ? J’en serai honoré et nous verrions ensemble en quoi dans cette affaire de révision, je puis vous être directement utile.


Très attentivement en confiance, et chaleureusement.

Bertrand Fessard de Foucault

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