vendredi 22 septembre 2017

Code du travail . réforme - projet de loi d'habilitation, étude d'impact


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ETUDE D’IMPACT
PROJET DE LOI
d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social
NOR : MTRX1717150L/Bleue-1
27 juin 2017
SOMMAIRE
PRÉAMBULE
Le Gouvernement a annoncé et lancé un vaste programme de travail, constitué d’un ensemble cohérent de six réformes conduites dans les dix-huit prochains mois, visant à rénover en profondeur notre modèle social :
1) Faire converger performance sociale et performance économique, en faisant évoluer dès cet été notre droit du travail pour prendre en compte la diversité des attentes des salariés et des besoins des entreprises.
2) Redonner de façon immédiate et visible du pouvoir d’achat aux salariés.
3) Renforcer efficacement les dispositifs de formation professionnelle.
4) Ouvrir l’assurance chômage aux démissionnaires et aux indépendants.
5) Refonder l’apprentissage pour développer massivement l’offre des entreprises en direction des moins de 25 ans.
6) Rénover notre système de retraites en le rendant plus transparent et plus juste.
Le présent projet de loi d’habilitation entend créer le cadre permettant de mettre en œuvre les changements structurels du droit du travail visés au 1) ci-dessus. Le recours aux ordonnances permet de répondre à la nécessité d’agir rapidement pour poser un nouveau cadre juridique stable, à partir duquel les acteurs sociaux vont pouvoir renouveler durablement leurs relations de travail au profit de tous. La nécessité d’agir rapidement ne fait cependant pas obstacle à la concertation.
MÉTHODE ET CALENDRIER RETENUS : UNE CONCERTATION APPROFONDIE
Pour conduire l’ensemble des réformes programmées, le Gouvernement a choisi la méthode de la concertation et de la négociation, en garantissant une égalité de disponibilité et de dialogue pour chaque partenaire.
S’agissant du présent projet de loi, de mai à septembre, une concertation approfondie sur la rénovation de notre droit du travail débouchera sur la publication d’ordonnances à la fin de l’été. Le travail de concertation se déroule en quatre phases, permettant un examen approfondi des sujets avec chaque organisation :
1) Les réunions bilatérales conduites par le Président de la République, le Premier ministre et la ministre du travail durant le mois de mai avec les organisations syndicales et patronales interprofessionnelles et multiprofessionnelles, qui ont permis de donner un cadre à la méthode de concertation.
2) La ministre du travail a ensuite défini plus précisément, via huit réunions bilatérales ad hoc, la méthode, le calendrier et les sujets de fond. Les organisations syndicales et patronales ont été invitées à préciser les sujets qu’elles souhaitaient par ailleurs voir discutés.
3) Deux réunions techniques et politiques, pour chacun des trois piliers thématiques du projet de loi et par organisation syndicale et patronale, du 9 juin au 21 juillet, soit quarante-huit réunions au total, auxquelles s’ajouteront les réunions avec les organisations patronales multiprofessionnelles et des organisations syndicales non représentatives. Elles porteront successivement sur :
- du 9 au 23 juin, la bonne articulation des niveaux de négociation et des possibilités d’intervention de la négociation collective, pour donner de la capacité d’initiative aux entreprises et aux salariés ;
- du 26 juin au 7 juillet, la simplification et le renforcement du dialogue économique et social et de ses acteurs ;
- du 10 au 21 juillet, la sécurisation des relations de travail.
4) Les concertations reprendront ensuite en août pour se clore, début septembre, avec la consultation des organismes compétents dans lesquels siègent notamment les partenaires sociaux afin de recueillir avis et observations sur les projets d’ordonnances.
La présente étude d’impact est organisée par article ou groupe d’articles du projet de loi d’habilitation. Elle répond à l’ensemble des items prévus par l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, à l’exception de ceux qui sont expressément écartés par la même loi dans le cas des projets de loi d’habilitation à légiférer par voie d’ordonnances.
I. EVALUATION PREALABLE
ARTICLE 1ER – DISPOSITIONS RELATIVES À L’ARTICULATION DES NORMES ET À LA NÉGOCIATION COLLECTIVE
1. DIAGNOSTIC DE LA SITUATION ACTUELLE
1.1. Etat des lieux
Largement issue d’une époque dominée par le modèle de la grande entreprise industrielle, l’empreinte législative et réglementaire du droit du travail est lourde et mal adaptée à la réalité des entreprises, confrontées à la rapidité de la mouvance de leurs organisations productives, aux évolutions du travail accélérées par les transformations numériques, à la variété des configurations juridiques. La vocation protectrice et régulatrice des règles peut être interrogée au plan social et jugée inefficace au plan économique.
Dans un contexte de forte complexité et variabilité, la tentation d’apporter une réponse législative ou réglementaire chaque fois qu’une situation particulière se fait jour, loin de systématiquement apporter la sécurisation que l’intervention législative est censée procurer, conduit à une stratification de textes dont l’articulation et la lisibilité sont malaisées, qui nuisent à l’intelligibilité, la lisibilité et par conséquent à l’effectivité de la règle.
La régulation des relations de travail, c’est-à-dire la fixation des règles dont les parties se dotent pour régir la relation contractuelle, les conditions du travail et les multiples évènements qui émaillent au quotidien l’activité de travail et appellent des adaptations de l’organisation du travail, a toutes les chances d’être appropriée et équitable si elle est décidée localement, au plus près du terrain, dans un cadre de concertation et de négociation propice et loyal.
Dans ce cadre, l’accord de branche joue un rôle essentiel de régulation économique et sociale en donnant un cadre commun mais adapté aux spécificités des acteurs évoluant dans un même environnement socio-économique. L’accord d’entreprise, lui, nourrit par définition le dialogue directement dans l’entreprise et permet de compléter et surtout d’aménager les règles de nature à satisfaire les attentes et besoins respectifs de l’employeur et des salariés.
Cette architecture n’est pas nouvelle et plusieurs interventions législatives ont visé, au cours des dernières décennies, à renforcer la place de la négociation. Mais il apparaît de plus en plus nécessaire, pour faire face aux enjeux précités, d’asseoir et de promouvoir le rôle, certes encadré mais prééminent, de la négociation d’entreprise.
Le rôle de la loi est de poser le cadre juridique sécurisé et vertueux permettant d’atteindre cet objectif, le cas échéant de lever les obstacles qui s’y opposent. Par ailleurs, la juxtaposition, évoquée plus haut, de dispositions répondant, dans le champ de la négociation, à des situations particulières mais présentant néanmoins de fortes similitudes, nécessite un travail d’harmonisation et de mise en cohérence1.
1.2. Etat du droit dans les domaines visés par le projet de loi
1.2.1 Articulation des normes entre l’entreprise, la branche et la loi
La loi du n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social2 a prévu qu’un accord de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel peut interdire à un accord d’entreprise ou d’établissement d’adapter les dispositions qu’il instaure. A contrario, en l’absence d’une telle interdiction, l’accord d’entreprise ou d’établissement se voit ouverte la possibilité d’adapter l’accord de branche. Des clauses dites de « verrouillage» par lesquelles les partenaires sociaux de la branche interdisent expressément toute adaptation ont alors été introduites dans de nombreux accords conclus à partir de 2004.
Cette possibilité conditionnelle d’adapter les accords de branche ne concerne toutefois que les accords de branche postérieurs à la loi, le silence des accords de branche antérieurs n’étant pas assimilable à une absence volontaire de clauses de verrouillage et ne pouvant être interprété comme valant autorisation d’adaptation3. En outre, la loi a, initialement, réservé expressément quatre4 domaines dans lesquels elle exclut toute possibilité pour l’accord d’entreprise d’adapter la norme de branche :
- les salaires minimaux ;
- les classifications ;
- les garanties collectives de prévoyance ;
- la mutualisation des fonds de la formation professionnelle.
Dans ces domaines, l’absence de clause de verrouillage, antérieure ou postérieure à 2004, ne permet pas à l’accord d’entreprise d’adapter l’accord de branche. L’application des dispositions de l’article 45 de la loi du 4 mai 2004 a conduit à considérer qu’il revenait à instaurer une primauté systématique de l’accord de branche antérieur à 2004. Comme antérieurement à 2004 un accord de branche n’aurait pas pu comporter une telle disposition, cet arrêt revient à exiger que la branche autorise expressément l’adaptation postérieurement à 2004 pour qu’elle puisse être mise en œuvre.
Cette situation a soulevé une difficulté d’articulation avec les dispositions nouvelles de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail5. Le législateur a permis une adaptation des normes aux réalités de l’entreprise en instaurant la primauté de l’accord d’entreprise ou d’établissement sur l’accord de branche dans six domaines de la durée du travail :
- fixation du contingent d’heures supplémentaires et conditions de son dépassement ;
- mise en place d’un repos compensateur de remplacement et conditions de prise du repos ;
- convention de forfait en heures ou en jours sur l’année ;
- aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année ;
- mise en place d’un compte épargne-temps ;
- choix de la date de la journée de solidarité6.
La question s’est alors posée de savoir si cette primauté s’appliquait ou non aux accords conclus antérieurement à 2004 du fait des dispositions de l’article 45 de la loi du 4 mai 2004 que le législateur de 2008 n’écarte pas expressément. S’appuyant sur la décision du Conseil constitutionnel aux termes de laquelle les dispositions de la loi du 20 août 2008 instaurant six domaines où prévaut l’accord d’entreprise « s’appliquent immédiatement et permettent la négociation d’accords d’entreprises nonobstant l’existence éventuelle de clauses contraires dans des accords de branche »7, une partie de la doctrine estimait que cette primauté valait pour ces domaines y compris lorsqu’un accord de branche antérieur à 2004 a prévu des dispositions sur tout ou partie de ces domaines. Cependant certains considéraient que les dispositions de l’article 45 de la loi du 4 mai 2004 faisaient écran et ne permettaient pas, y compris dans les six domaines en question, à l’accord d’entreprise de prévaloir sur l’accord de branche. La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels8 a clarifié la situation et la répartition des rôles entre branche et entreprise, mais uniquement sur la durée du travail.
Elle a ainsi élargi cette « supplétivité » à trente-sept nouveaux sujets indiqués dans le tableau ci-après9 :
LES 37 SUJETS OUVERTS À LA SUPPLÉTIVITÉ PAR LA LOI « TRAVAIL »
• Règles relatives à la rémunération des temps de restauration et de pause (c. trav. art. L. 3121-6)
• Contreparties au temps d’habillage et de déshabillage ou au temps de déplacement professionnel dont la durée dépasse un temps spécifique (c. trav. art. L. 3121-7)
• Règles de mise en place et le mode d’organisation des astreintes (c. trav. art. L. 3121-11)
• Fixation d’un temps de pause supérieur au temps de pause légal (c. trav. art. L. 3121-17)
• Règles de dépassement de la durée maximale quotidienne du travail (c. trav. art. L. 3121-19)
• Possibilités de dépassement de la durée maximale hebdomadaire relative du travail (c. trav. art. L. 3121-23)
• Définition d’une période de sept jours pour définir la semaine pour le décompte des heures supplémentaires (c. trav. art. L. 3121-32)
• Fixation du taux de majoration des heures supplémentaires avec un plancher de 10 % (c. trav. art. L. 3121-33)
• Mise en place d’un éventuel repos compensateur pour les heures supplémentaires accomplies dans le cadre du contingent (c. trav. art. L. 3121-33)
• Limites et modalités de report d’heures dans le cadre d’horaires individualisés (c. trav. art. L. 3121-51)
• Modalités de récupération des heures perdues (c. trav. art. L. 3121-51)
• Règles permettant la mise en place ou l’extension à de nouvelles catégories de salariés du travail de nuit dans une entreprise ou un établissement (c. trav. art. L. 3122-15)
• Fixation des possibilités de dépassement de la durée maximale quotidienne de travail des travailleurs de nuit (c. trav. art. L. 3122-17)
• Fixation des possibilités de dépassement de la durée maximale hebdomadaire relative de travail des travailleurs de nuit (c. trav. art. L. 3122-17)
• Mise en œuvre d’horaires de travail à temps partiel à la demande du salarié (c. trav. art. L. 3123-17)
• Fixation de la limite pour accomplir des heures complémentaires pour les salariés à temps partiel jusqu’au tiers de la durée contractuelle (c. trav. art. L. 3123-20)
• Possibilité de répartition des horaires de travail des salariés à temps partiel dans la journée, avec des interruptions éventuelles d’activité (c. trav. art. L. 3123-23)
• Délai de prévenance en cas de modification de la répartition de la durée de travail du salarié à temps partiel avec un plancher de trois jours (c. trav. art. L. 3123-24)
• Fixation des emplois permanents pouvant être pourvus par des contrats de travail intermittent (c. trav. art. L. 3123-48)
• Dérogations à la durée du repos quotidien (c. trav. art. L. 3131-2)
• Définition des jours fériés chômés (c. trav. art. L. 3133-3-1)
• Fixation du début de la période de référence pour les congés payés et la majoration éventuelle en raison de l’âge, de l’ancienneté ou du handicap (c. trav. art. L. 3141-10)
• Règles relatives à la période, à l’ordre des départs et aux délais pour modifier ordre et dates de congés payés (c. trav. art. L. 3141-15)
• Fixation de la période de fractionnement des congés payés (c. trav. art. L. 3141-21)
• Modalités de reports des congés payés au-delà de l’année (c. trav. art. L. 3141-22)
• Durée des congés pour événements familiaux en respectant les minima fixés par la loi (c. trav. art. L. 3142-4)
• Certaines règles relatives au congé de solidarité familiale (c. trav. art. L. 142-14)
• Certaines règles relatives au congé de proche aidant (c. trav. art. L. 3142-26)
• Certaines règles relatives au congé sabbatique (c. trav. art. L. 3142-28)
• Certaines règles relatives au congé de solidarité mutualiste de formation (c. trav. art. L. 3142-40)
• Certaines règles relatives au congé de participation aux instances d’emploi et de formation professionnelle ou à un jury d’examen (c. trav. art. L. 3142-46)
• Certaines règles relatives au congé pour catastrophe naturelle (c. trav. art. L. 3142-52)
• Certaines règles relatives au congé de formation de cadres et animateurs pour la jeunesse (c. trav. art. L. 3142-58)
• Certaines règles relatives au congé de représentation (c. trav. art. L. 3142-65)
• Certaines règles relatives au congé de solidarité internationale (c. trav. art. L. 3142-73)
• Certaines règles relatives au congé pour acquisition de la nationalité (c. trav. art. L. 3142-77)
• Certaines règles relatives au congé ou période de travail à temps partiel pour création ou reprise d’entreprise (c. trav. art. L. 3142-117).
La situation reste néanmoins incertaine dans tous les autres domaines, à l’exception de ceux explicitement énumérés par la loi, pour lesquels la primauté inconditionnelle de la branche est reconnue.
Par ailleurs, le rôle de la négociation de branche a été renforcé en matière d’égalité professionnelle. Depuis la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes10, lorsqu’un écart moyen de rémunération entre les femmes et les hommes est constaté, les organisations liées par une convention de branche doivent faire de sa réduction une priorité. Cette même loi a renforcé la prise en compte de l’égalité dans les négociations sur les classifications, qui permettent de déterminer le niveau de rémunération des différents métiers de la branche, en introduisant l’objectif de mixité des emplois. La loi du 8 août 2016 a encore considérablement accru le rôle des branches en matière d’égalité professionnelle. Dans ce domaine, l’accord de branche primera dans tous les cas sur l’accord d’entreprise. Enfin, cette même loi a confié à la branche la mission de définir les garanties des salariés en matière de prévention de la pénibilité prévue au titre VI du livre Ier de la quatrième partie du code du travail.
1.2.2 Accords d’entreprise et accompagnement des salariés
Les accords de maintien de l’emploi (AME), d’orientation défensive, visant à restaurer la compétitivité lorsque l’entreprise est en difficulté, et les accords en faveur de la préservation et du développement de l’emploi (APDE), plus préventifs, visant à conserver ou améliorer la compétitivité en conquérant, par exemple, de nouveaux marchés, s’inscrivent dans un cadre juridique ad hoc qui a pour objectif de sécuriser les entreprises et de faciliter la recherche de la performance sociale et économique au plus près du terrain. La caractéristique de ces dispositifs est de donner une priorité au collectif de travail par rapport à l’individu. Cette priorité n’est accordée que dans les cas où les représentants de la collectivité des salariés, en l’occurrence les délégués syndicaux, considèrent que de nouvelles normes, applicables à tous, sont bénéfiques à court terme pour l’entreprise, la pérennité de l’emploi, et, à moyen terme, pour le pouvoir d’achat des salariés. Chaque salarié conserve néanmoins la liberté de refuser de se voir appliquer l’accord et bénéficie dans ce cas d’un parcours d’accompagnement spécifique, axé sur une indemnisation avantageuse et des actions destinées à faciliter le retour à l’emploi.
Il convient également de mentionner les accords de réduction négociée du temps de travail de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 200011, les accords de mobilité interne12 et les accords d’aménagement du temps de travail13.
Ces différentes catégories d’accords s’inscrivent dans des cadres juridiques distincts, qui pourraient être harmonisés, tant au niveau des cas de recours qu’en termes de contenu de certains de ces accords.
a) Les accords de maintien de l’emploi
Mis en place par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi14 (issue de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013), l’AME est un dispositif qui permet d’éviter les licenciements en cas de dégradation de la conjoncture économique. Il permet ainsi d’aménager temporairement le temps de travail et le salaire, et, corrélativement, de maintenir l’emploi des salariés concernés par ces aménagements puisque l’employeur s’engage à ne pas les licencier pour motif économique pendant la durée de l’accord.
Le dispositif des AME n’a pas eu le succès escompté. Seuls dix accords ont été recensés par les services du ministère, tous conclus entre la loi du 14 juin 2013 et le 15 mars 2015 et dont les petites et moyennes entreprises (PME) ont été les principales bénéficiaires.
Plusieurs éléments peuvent expliquer le faible recours au dispositif des AME : la nécessité de s’inscrire dans un contexte de grave crise conjoncturelle, le risque de devoir licencier beaucoup de salariés en cas de refus massif de l’accord, la crainte de voir des salariés clefs pour l’activité préférer être licenciés et rechercher un emploi plutôt que de se voir appliquer l’accord et rester dans une entreprise en difficulté.
b) Les accords en faveur de la préservation et du développement de l’emploi
La loi du 8 août 2016 ouvre la possibilité pour les entreprises de conclure des accords en faveur de la préservation ou du développement de l’emploi dont les stipulations s’imposent aux contrats de travail. Ces accords peuvent être conclus par des entreprises souhaitant améliorer leur compétitivité, par exemple pour conquérir de nouveaux marchés.
D’autres accords bénéficient de cette même articulation avec le contrat de travail, faisant le choix de laisser la collectivité primer sur l’individu, tels les accords de mobilité interne ou les accords d’aménagement du temps de travail, ou encore les accords ayant mis en place les trente-cinq heures comme durée hebdomadaire de travail.
c) Modalités de rupture de la relation de travail et accompagnement du salarié refusant de se voir appliquer l’accord
Les modalités de rupture et d’accompagnement spécifiques des salariés qui choisissent de ne pas accepter l’accord négocié par les délégués syndicaux diffèrent en fonction des régimes prévus pour les accords précités, ce qui engendre illisibilité pour les entreprises et iniquité entre les salariés, au détriment, in fine, du maintien ou du retour à l’emploi.
1.2.3 Conditions de contestation d’un accord collectif et délais de recours
En cas de contentieux, la charge de la preuve pèse sur le requérant. C’est à lui de démontrer l’illégalité des clauses d’un accord collectif. Cependant, dans l’hypothèse où il s’est trouvé en présence d'une norme « légale » de référence souple, incertaine ou imprécise, et où le contrôle à exercer était plus un contrôle de justification et de pertinence qu'un contrôle strict de légalité, le juge a pu être conduit à inverser la charge de la preuve. En matière d’égalité de traitement, le contrôle opéré par le juge judiciaire obligeait ainsi les signataires de l’accord à démontrer que les différences de traitement instituées par l’accord reposaient sur des raisons objectives dont le juge devait contrôler la réalité et la pertinence.
En 2015, le juge est revenu sur cette jurisprudence en posant le principe que les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, négociées et signées par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle15. La même solution a été étendue par la suite, sur le même fondement, aux différences de traitement entre salariés exerçant au sein d'une même catégorie professionnelle des fonctions distinctes16, puis aux différences de traitement résultant d'accords d'établissement d'une même entreprise17.
Par ailleurs, la validité d’une convention ou d’un accord collectif peut actuellement être contestée :
- par les salariés qui peuvent soit agir en nullité contre les clauses qui leur sont applicables, soit invoquer à l'occasion d'un litige individuel du travail l’illégalité des clauses de la convention leur ayant été appliquées ;
- par les organisations patronales ou syndicales qui peuvent agir en nullité en leur qualité de signataire ou pour les organisations syndicales non signataires dès lors qu’est en cause l’intérêt collectif de la profession.
L’action engagée par le salarié pour les clauses qui lui sont applicables n’a d’effet qu’entre les parties, les clauses déclarées illégales deviennent inopposables par l’employeur au salarié qui a introduit le recours.
En revanche, l’action en nullité engagée par les organisations syndicales ou les organisations professionnelles entraîne l’annulation de l’accord ou des clauses déclarées illégales. Seul s’applique le droit commun de la prescription dont la durée est fixée à cinq ans par l’article 2224 du code civil. En application de ce texte, le point de départ de ce délai est le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. L’effet de la nullité des clauses s’applique à tous et replace les parties dans la situation existant avant la conclusion de l’accord, à l’égard de chacune des clauses concernées, avec des conséquences financières portant potentiellement une atteinte très importante aux intérêts de l’entreprise. 
1.2.4 Négociations obligatoires et consultations
Afin d’assurer la mise en œuvre de politiques publiques à forts enjeux, la loi prévoit que certains thèmes de négociation doivent être discutés par les partenaires sociaux de branche ou d’entreprise, selon une périodicité déterminée.
a) Négociations obligatoires
La négociation annuelle obligatoire porte sur les domaines suivants :
- la rémunération (salaires effectifs), le temps de travail (durée effective et organisation du temps de travail) et le partage de la valeur ajoutée dans l'entreprise (intéressement, participation, épargne salariale) ;
- l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, mise en œuvre des mesures visant à la réduction des écarts de rémunération et des différences de déroulement de carrière, lutte contre les discriminations, insertion professionnelle, prévoyance et complémentaire santé, exercice du droit d’expression, modalités du droit à la déconnexion) ;
- la qualité de vie au travail.
La négociation triennale obligatoire concerne la gestion des emplois et des parcours professionnels et la mixité des métiers : mise en place d’un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise, formation professionnelle dans l’entreprise, perspectives de recours par l'employeur aux différents contrats de travail, conditions dans lesquelles les entreprises sous-traitantes sont informées des orientations stratégiques de l'entreprise, déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales et exercice de leurs fonctions.
Ces négociations peuvent être espacées dans le temps par accord majoritaire, à condition que l'entreprise dispose d'un accord ou d'un plan d'action sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
b) Consultations
La loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi18 a procédé au regroupement des dix-sept consultations annuelles du comité d’entreprise portant sur des sujets très divers au sein de trois consultations annuelles :
- la consultation annuelle sur les orientations stratégiques qui reprend intégralement le dispositif créé par la loi sur la sécurisation de l’emploi auquel sont ajoutées la GPEC et les orientations de la formation ;
- la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise portant, outre sa situation économique et financière, sur la politique de recherche et de développement et l’utilisation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ;
- la consultation sur la politique sociale de l’entreprise les conditions de travail et l’emploi couvrant un large champ du domaine social (notamment l’emploi, les conditions de travail, la formation professionnelle, la durée du travail, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes) ;
La loi du 17 août 2015 permet d’adapter la liste et le contenu des informations à mettre à disposition du comité d’entreprise en vue de ces consultations à l’exception de certains documents comptables et documents relatifs à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
c) Support des négociations et des consultations
Ø La base de données économiques et sociales :
La base de données économiques et sociales (BDES) constitue la pierre angulaire de la consultation annuelle des comités d’entreprise, citée plus haut. Elle est enrichie, depuis le 31 décembre 2016 de l’ensemble des éléments d’information dus et transmis de manière récurrente au comité. L’article L. 2323-8 et les articles R. 2323-1-3 et R. 2323-1-4 du code du travail prévoient de façon précise les rubriques, leur contenu, avec quelques différences selon que l’entreprise compte plus ou moins de 300 salariés. Les partenaires sociaux ont peu de marge de manœuvre sur cette architecture qu’ils peuvent au mieux enrichir.
Il en résulte que ce document, alors qu’il pourrait utilement nourrir les consultations et négociations, est souvent vécu comme un exercice formel et une obligation contraignante, lourde, dont les représentants du personnel eux-mêmes peinent à se saisir pour analyser et interpréter les données très volumineuses dont ils disposent.
d) Illustration de l’articulation négociation/consultation : le cas de l’égalité professionnelle
Au niveau de l’entreprise, le choix a été fait de renforcer les obligations légales tout en plaçant l’égalité professionnelle au cœur du dialogue social.
Depuis la loi du 17 août 2015, l’égalité professionnelle fait également désormais partie de l’un des trois temps forts de consultation du comité d’entreprise. Pour renforcer encore l’effet de cette consultation, le législateur a aussi prévu que la base de données économiques et sociales qui constitue le support de ces consultations doit désormais contenir une rubrique dédiée à l’égalité professionnelle. Elle reprend les informations auparavant contenues dans le rapport de situation comparée, qui avaient elles-mêmes été enrichies par la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes19. Il doit ainsi y figurer une analyse des écarts de salaires, par âge, qualification et ancienneté. Les membres du comité d’entreprise peuvent en outre se faire assister d’un expert technique afin d’exploiter au mieux les données et éléments d’analyse qui leur sont transmis.
Alors qu’avant la loi du 4 août 2014, la question de l’égalité entre les femmes et les hommes faisait l’objet de deux négociations annuelles – l’une sur l’égalité professionnelle et l’autre sur l’égalité salariale – la négociation sur l’égalité professionnelle se déroule désormais dans le cadre d’une négociation unique20 qui invite les partenaires sociaux à une approche tenant compte de l’ensemble des facteurs contribuant aux inégalités professionnelles et salariales.
1.2.5 Conclusion d’un accord dans les cas prévus aux articles L. 2232-21 et suivants et accord majoritaire
a) Règles de la négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical
Seules 4 % des entreprises de 11 à 49 salariés ont un délégué syndical pour négocier un accord. Cette proportion monte à 39 % pour les entreprises de 50 à 299 salariés, soit toujours une minorité d’entreprises21.
La loi du 17 août 2015 et la loi du 8 août 2016 ont simplifié et clarifié la négociation dans ces entreprises.
Pour les élus et les salariés du personnel mandatés par une organisation syndicale représentative, les thèmes ouverts à la négociation ne sont plus restreints aux seules mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif, ceci en raison de la légitimité de ce négociateur tirée de l’élection dans l’entreprise et/ou de son mandatement par une organisation syndicale représentative. L’accord conclu avec le salarié ou l’élu mandaté doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés dans le cadre d’une consultation ad hoc des salariés sur l’accord. A défaut, l’accord est réputé non écrit. Le décret n° 2016-1797 du 20 décembre 2016 relatif aux modalités d'approbation par consultation des salariés de certains accords d'entreprise précise les modalités relatives à l’organisation de ces consultations.
La négociation avec un élu non mandaté porte uniquement sur des mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif. L’accord ainsi conclu doit remplir une condition pour être valide au niveau de l’entreprise : l’accord doit être signé par des élus titulaires représentant plus de 50 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles. La condition de validation par la commission paritaire de validation de branche a été supprimée par la loi du 8 août 2016. Subsiste uniquement une transmission pour information à la commission paritaire d’interprétation et de négociation. Toutefois, l'accomplissement de cette formalité ne conditionne pas l'entrée en vigueur de l'accord.
La quasi-totalité de ces accords porte sur le seul thème de l’épargne salariale, alors qu’il pourrait être bénéfique aux entreprises comme aux salariés de négocier sur d’autres thèmes.
b) Validité de l’accord conclu avec des délégués syndicaux
La loi du 8 août 2016 a introduit une nouvelle règle de validité d’un accord conclu avec des délégués syndicaux et a prévu la généralisation progressive de cette nouvelle règle majoritaire.
Un accord collectif portant sur certaines matières comme le temps de travail, pour être valide, doit désormais22 être signé par des syndicats ayant recueilli « plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections des titulaires au comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants »23.
Il ressort de cette nouvelle règle de majorité que si la base de référence du calcul des suffrages reste toujours la même, c’est-à-dire le premier tour des élections des membres titulaires du comité d’entreprise, et seulement à défaut, des délégués du personnel, plusieurs modalités de calcul sont modifiées.
Le taux de suffrage que doivent avoir recueilli les signataires n’est plus d’au moins 30 %, mais de plus de 50 %. On passe ainsi de 30 % des suffrages à 50 % plus une voix. Cette hausse a pour corollaire la suppression du droit d’opposition à un accord, ce droit n’ayant plus de raison d’être dès lors que l’accord est nécessairement majoritaire.
 Enfin, la loi du 8 aout 2016 prévoit que si les accords d’entreprise sont conclus par des organisations syndicales représentant plus de 30 % des suffrages exprimés, sans atteindre le seuil de 50 %, l’une des organisations syndicales signataires peut demander à l’employeur d’organiser un référendum auprès des salariés concernés. En cas d’approbation de l’accord, celui-ci sera réputé valide.
La loi du 8 août 2016 prévoit l’application de cette nouvelle règle à tous les accords d’entreprise, sauf exceptions, à compter du 1er septembre 2019.
1.2.6 Restructuration des branches professionnelles
La loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale24 et celle du 17 août 2015 ont permis de donner un cadre juridique aux travaux de la restructuration des branches. L’article 25 de la loi du 8 août 2016 est venu préciser et sécuriser le processus de restructuration des branches professionnelles.
Le déploiement de cette nouvelle procédure a été conçu de manière progressive. Pendant trois ans, le ministre chargé du travail ne pourra procéder à une fusion en cas d’opposition écrite et motivée de la majorité des membres de la sous-commission de la restructuration des branches professionnelles (hors branches régionales ou locales et branches n’ayant pas déposé d’accords depuis 15 ans, qui sont ciblées de manière prioritaire).
L’article 25 de la loi du 8 août 2016 permet à la sous-commission d’avoir un champ plus large en incluant de nouveaux critères de ciblage des branches. Par ailleurs, afin d’articuler ce chantier avec la réforme de la représentativité, le législateur a précisé le tour de table des négociations à l’issue d’une restructuration. Jusqu’à la prochaine détermination de la représentativité (tous les quatre ans à partir de 2013), sont admises à négocier les organisations patronales et syndicales représentatives dans le champ d’au moins une branche préexistant à la fusion ou au regroupement
Cette loi et ses décrets prévoient un processus de restructuration ambitieux consistant à regrouper environ 700 branches en 200 avec trois échéances :
- la fusion fin 2016 des branches territoriales et de celles n’ayant pas négocié depuis plus de 15 ans ;
- la fusion d’ici 3 ans des branches de moins de 5 000 salariés et de celles n’ayant pas négocié depuis 10 ans ;
- la fusion 3 ans après la promulgation de la loi des branches n’ayant pas négocié depuis 7 ans.
687 conventions collectives étaient recensées avant le début des travaux25 et 150, à ce jour, ont fait l’objet d’une restructuration. Les premiers travaux de la sous-commission se sont concentrés sur les branches sans négociation depuis 20 ans et ayant recueilli moins de 11 suffrages lors des dernières élections professionnelles : 179 branches étaient dans ce cas de figure. Parmi elles, 127 ont déjà fait l’objet d’une restructuration.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
La philosophie qui guide les dispositions de l’ordonnance prévues au titre du présent article du projet de loi d’habilitation est de mettre un point d’arrêt à la tentation inflationniste de réguler la relation de travail à un niveau trop éloigné des besoins des salariés et des entreprises, en confiant aux acteurs de l’entreprise, au plus près du terrain, la responsabilité de déterminer eux-mêmes, par voie d’accord d’entreprise, les règles régissant cette relation.
Cet article du projet de loi d’habilitation prévoit en particulier d’autoriser le Gouvernement à introduire par voie d’ordonnance les modifications du code du travail indispensables pour consacrer la place centrale voire prioritaire de l’accord d’entreprise dans le paysage normatif du droit social français, dans un cadre régulé par la loi et, dans certains domaines, par la branche.
2.1. Nécessité de légiférer
Une modification législative est nécessaire pour enclencher le mouvement qui légitimera le rôle et la place des partenaires sociaux dans l’entreprise. Il peut paraître paradoxal ou contre-intuitif de devoir passer par une loi pour faciliter l’accord d’entreprise. L’expérience montre cependant que la seule incitation à négocier ne suffit pas pour provoquer l’enclenchement de négociations et moins encore la conclusion automatique d’accords. D’une part, l’incitation peut s’avérer inefficace, dans un contexte économique contraint, si les parties ont le sentiment qu’elles ne peuvent que compléter « en plus » les obligations relevant de la loi et de la convention de branche ou qu’elles ne peuvent s’emparer de tous les sujets ou n’ y déroger qu’à la marge. D’autre part, certains sujets sont délicats ou complexes à aborder.
Les pouvoirs publics, qui se voient souvent reprocher de trop intervenir réglementairement et de se substituer ainsi aux partenaires sociaux, ont constaté que la négociation pouvait ne jamais aboutir, en particulier dans les domaines faisant l’objet de politiques publiques visant à combler un retard ou un écart. Ils ont alors, à plusieurs reprises, introduit une forme de négociation obligatoire ou, plus exactement, d’incitation à négocier dont le non-respect est sanctionné par une pénalité ou la suppression d’exonération de cotisations. Il en est allé ainsi en matière d’emploi des séniors, d’égalité professionnelle, de prévention de la pénibilité et, dans une certaine mesure, à l’occasion de la prévention des risques psychosociaux en 2010, avec la publication de la liste des entreprises de plus de 1 000 salariés n’ayant pas engagé de négociation sur ce champ. Le bilan de ces actions, même si elles ont conduit à la conclusion d’un nombre significatif d’accords ainsi qu’à des actions phares, tend à montrer que de nombreuses négociations étaient motivées par la contrainte administrative et n’ont pas conduit à des accords et des réalisations probants dans l’entreprise et dans le domaine visé. L’intervention législative visant à réduire l’empreinte de la loi est donc rendue nécessaire en élargissant le champ et en renforçant la portée de l’accord.
Par ailleurs, les modifications législatives ne suffiront pas à elles seules à modifier des décennies de pratiques. Il conviendra d’accompagner ce mouvement de nombreuses initiatives, non réglementaires, qui permettront d’installer durablement une culture de la négociation et de la concertation dans le pays, notamment en matière de formation aux techniques de médiation tant en direction des chefs d’entreprise et managers que des représentants du personnel.
Le succès de cette évolution structurelle majeure, qui s’inscrit dans le long terme, est conditionné à un basculement rapide et massif dans la nouvelle logique, de sorte que le code du travail soit rapidement et résolument rédigé dans des termes affichant la primauté de l’accord d’entreprise et que les années à venir soient consacrées à la mise en œuvre de toutes les initiatives de nature à généraliser le recours à la négociation locale et loyale. Il justifie le recours aux ordonnances afin que la mise en place rapide d’un environnement juridique propice, stabilisé et sécurisé, laisse la place et encourage, dès le début de l’année 2018, le déploiement pratique de la réforme.
2.2. Objectifs poursuivis
Les objectifs poursuivis sont les suivants :
- Définition des domaines dans lesquels la convention ou l’accord d’entreprise ne peut comporter des clauses adaptant celles des conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels et reconnaissance dans les autres matières la primauté de la négociation d’entreprise et définition des critères et conditions d’adaptation pour les TPE-PME de certaines stipulations d’un accord de branche : la finalité est de faire en sorte que la norme en droit social de l’entreprise émane davantage de cette dernière, d’une part pour être adaptée aux attentes des salariés et à la spécificité de l’entreprise, d’autre part parce qu’elle est garante d’un dialogue social constamment entretenu et effectif.
- Unification des régimes juridiques de la rupture du contrat de travail en cas de refus par le salarié des modifications issues d’accord d’entreprises, harmonisation des cas de recours et du contenu des accords de type accords de maintien de l’emploi, accords en faveur de l’emploi, mobilité interne ainsi que les modalités d’accompagnement en cas de refus par le salarié des modifications issues d’un accord d’entreprise afin de favoriser son retour vers l’emploi : d’une part, l’unification des régimes juridiques de la rupture du contrat de travail et l’harmonisation du contenu des accords permettraient de clarifier les leviers de négociation collective à la portée des entreprises pour s’adapter à leur environnement en mutation constante et renforcer leur efficacité. D’autre part, l’harmonisation des différents types d’accompagnement clarifiera le régime applicable à l’ensemble des salariés ayant refusé l’application d’un accord d’entreprise entraînant la modification de leur contrat de travail.
- Conditions de contestation d’un accord collectif au regard du régime de la preuve applicable devant le juge, aménagement des délais de recours et modulation par le juge des effets dans le temps de ses décisions : il s’agirait de conforter la jurisprudence récente, tendant à reconnaître un traitement différencié des situations dont les négociateurs ont à traiter, au regard notamment de l’ensemble des hypothèses où la loi se borne à fixer des finalités, des objectifs et des résultats à atteindre, laissant ainsi une marge de manœuvre à l’accord collectif pour atteindre la cible fixée. Il sera précisé les modalités d’application du principe du droit civil selon lequel il incombe à la partie introduisant le recours d’apporter la preuve de l’illégalité, de la non-régularité ou de l’absence de justification de l’acte contesté. Il s’agit d’une sécurisation indispensable si l’on souhaite que les acteurs de la négociation d’entreprise se lancent dans ce vaste chantier en confiance.
Par ailleurs, préciser les délais de recours et les délais de prescription pour un recours introduit par les organisations syndicales et les organisations professionnelles permettrait de sécuriser les conventions et accords collectifs. Elle aurait également pour effet d’atténuer les effets de la rétroactivité des décisions d’annulation des accords collectifs qui n’auraient ainsi été appliqués que sur une courte période. Elle pourrait s’appliquer sur le flux des nouveaux accords, dans un délai de quelques mois à compter de leur publicité, et sur le stock des accords dans un délai plus long, décompté à partir de l’entrée en vigueur de la loi. 
Le recours par exception d’illégalité ne serait quant à lui pas limité. Il conviendra de tirer les conséquences d’une décision invalidant un accord collectif sur ce fondement.
Concernant la modulation des effets d’une décision de justice dans le temps, elle est aujourd’hui possible, mais rarement appliquée. Une codification de ce principe paraît donc utile, dans un souci d’intelligibilité de la norme et des marges d’appréciation laissée au juge.
- Renforcement de l’autonomie des partenaires sociaux dans l’organisation du dialogue social dans l’entreprise : l’objectif visé est de déterminer par accord collectif la périodicité et le contenu des consultations et des négociations obligatoires. S’agissant de la base de données économiques et sociales, support indispensable à la qualité des consultations et des négociations, il y a lieu que son contenu soit en lien avec les sujets dont les partenaires sociaux ont décidé de s’emparer dans le cadre de l’autonomie qui leur est confiée. Il est donc souhaitable qu’une plus grande latitude leur soit laissée dans ce domaine, dans la continuité de la loi du 17 août 2015. Il pourrait en effet être opportun que le contenu comme l’organisation ainsi que les modalités de consultation de la base de données économiques et sociales de même que son accès, aujourd’hui différencié et spécialisé selon les mandats exercés puisse être aménagé par accord, soit entièrement, soit dans une plus grande proportion, afin de permettre à chaque entreprise d’adapter la base selon ses spécificités, aux représentants du personnel d’avoir la vision la plus complète et selon ce qui parait le plus utile aux acteurs en fonction des enjeux locaux dont ils ont à traiter, en vue de la procédure d’information-consultation du comité d’entreprise.
- Facilitation des modalités de conclusion d’un accord, des conditions de recours à la consultation des salariés pour valider un accord, et modification du calendrier et des modalités de généralisation de l’accord majoritaire : encourager les acteurs de terrain à définir les normes garantissant la performance sociale et économique suppose de leur donner les leviers pour négocier et conclure des accords selon des règles simples et claires pour tous ; accélérer la généralisation de la règle de l’accord majoritaire et faciliter le recours à la consultation des salariés pour valider un accord.
- Accélération de la restructuration des branches professionnelles : la restructuration des branches procède de la nécessité de rationaliser le paysage conventionnel autour de branches renforcées, réellement à même d’exercer leur mission (négocier des garanties applicables aux salariés d’un secteur d’activité, réguler la concurrence entre entreprises d’un même secteur, etc.). La restructuration du paysage conventionnel doit permettre aux branches d’être suffisamment armées pour remplir l’ensemble de leurs missions. Il apparaît nécessaire d’accélérer ce processus, afin que les branches professionnelles renforcées jouent pleinement leur rôle.
Par ailleurs, il conviendrait de tirer les conséquences des nouvelles dispositions prises dans le cadre de cette habilitation en modifiant ou supprimant les modalités de refondation du code du travail prévues à l’article 1er de la loi du 8 août 2016 rendues obsolètes. Cette loi prévoyait la mise en place d’une commission devant proposer une réécriture totale du code du travail dans un délai de deux ans. L’objectif était d’attribuer une « place centrale à la négociation collective, en élargissant ses domaines de compétences et son champ d’action ».
Le Gouvernement a choisi de procéder à l’élargissement du champ de la négociation collective dans les domaines clés que sont la représentation des salariés et les relations individuelles de travail, qui ont déjà fait l’objet de nombreux travaux et réflexions. L’articulation des niveaux de négociation sera également précisée et clarifiée. Les autres champs du code ne semblent pas se prêter à cet exercice et la commission apparaît donc désormais sans objet.
3. IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
Les dispositions envisagées pourraient à terme réduire le volume de la production législative et réglementaire au profit de textes de nature conventionnelle, renforcer les acteurs du dialogue social et encourager le déploiement d’applications numériques afin de permettre aux usagers d’accéder de manière sécurisée aux dispositions qui leur sont applicables.
En tout état de cause, l’analyse des incidences de chacune des mesures envisagées sera effectuée dans la fiche d’impact retraçant les dispositions des ordonnances prises dans le cadre de l’habilitation. Les différents impacts – sociaux, économiques et financiers, sur les administrations, en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, sur la jeunesse, etc. – seront développés à la lumière des contours définitifs de chacune des dispositions proposées.
ARTICLE 2 – DISPOSITIONS RENFORÇANT LE DIALOGUE SOCIAL
1. DIAGNOSTIC DE LA SITUATION ACTUELLE
1.1. Etat des lieux
Le dialogue social en entreprise, outre les prérogatives de négociation confiées aux organisations syndicales, est historiquement organisé autour de la coexistence de trois instances représentatives du personnel, respectivement habilitées à traiter les réclamations individuelles (délégués du personnel), à consulter les salariés sur l’organisation, le fonctionnement et les projets de l’employeur (comité d’entreprise), à traiter des questions de santé, sécurité et conditions de travail (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail). Cette organisation a permis d’améliorer la prise en compte des intérêts des salariés dans tous les domaines intéressant la relation de travail et les études montrent que de nombreux indicateurs de performance économique et sociale sont corrélés à la présence d’instances représentatives du personnel dans l’entreprise. Mais elle a aussi conduit à une stratification/complexification des instances et à une forme d’ossification du dialogue social aboutissant à un fonctionnement cloisonné d’institutions dont le respect des attributions et du fonctionnement est souvent plus vécu comme la satisfaction formelle d’obligations légales que comme un levier de concertation de nature à concilier les attentes respectives de l’employeur et des salariés.
Ce constat de complexité pose de nombreuses questions d’articulation et conduit à une forme d’insécurité juridique. Il est aggravé par des considérations de fond car il apparaît, d’une part, que la frontière entre les attributions respectives de chaque instance est de plus en plus poreuse et complexe, comme le tableau ci-dessous l’illustre, à partir du seul exemple des conditions de travail, relevant règlementairement à la fois des délégués du personnel (DP), du comité d’entreprise (CE) et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). S’agissant de sujets comme les risques psycho-sociaux, un tel morcellement est dommageable au traitement à la source du problème.
Compétences déjà partagées ou transférées CE/DP/CHSCT sur le champ de la santé, sécurité et conditions de travail
Références du code du travail
Réclamations individuelles des DP en santé et sécurité au travail (SST)
L. 2113-1
Droit d’alerte des DP en cas d’atteinte à la santé physique ou mentale
L. 2113-2
Avis des DP sur le reclassement d’un salarié inapte suite à un accident du travail (AT) ou une maladie professionnelle (MP)
L. 1226-10
Accès des DP au document unique d’évaluation des risques
R. 4121-4
Transmission aux DP des rapports de vérification effectués au titre de la SST
R. 4711-4
Exercice par les DP des fonctions du CHSCT en l’absence de ce dernier
L. 2313-16, L. 4611-2, L. 4611-3
Consultation du CE sur les mesures affectant la durée du travail, les conditions d'emploi et de travail. Propositions d’amélioration des conditions de travail, leurs conditions de vie dans l'entreprise
L. 2323-1
Consultation annuelle du CE sur la politique sociale de l'entreprise incluant les conditions de travail, l'aménagement du temps de travail, la durée du travail
L. 2323-15, L. 2323-16
Consultation du CE en cas de problème intéressant les conditions de travail résultant de l'organisation du travail, de la technologie, des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération. Etudie les incidences sur les conditions de travail des projets et décisions de l'employeur
L. 2323-46
Avis conforme sur la forme et l’organisation du service de santé au travail et sur la cessation d’adhésion
L. 4613-4
Par ailleurs, les sujets et enjeux auxquels sont confrontées les entreprises peuvent de plus en plus difficilement être abordés de manière séquencée et cloisonnée. Le sujet de la prévention de la pénibilité, par exemple, pose, simultanément, des questions de santé et sécurité, de conditions de travail mais aussi de gestion des âges, des parcours professionnels, de ou de répartition sexuée du travail et mérite une approche globale et systémique pour pouvoir être correctement pris en charge.
1.2. Etat du droit dans les domaines visés par le projet de loi
Les lois du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi et du 8 aout 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels ont déjà contribué à faire évoluer le paysage des institutions représentatives du personnel, en prévoyant des possibilités de regroupement des instances d’une et des thèmes de consultation, d’autre part.
1.2.1 Mise en place d’une instance fusionnée
a) Délégation unique du personnel élargie au CHSCT et réformée dans les entreprises jusqu’à 300 salariés
La possibilité de mettre en place une délégation unique du personnel (DUP), qui juxtapose les deux instances que sont les délégués du personnel et le comité d’entreprise, est ouverte depuis 1993 pour les entreprises de moins de 200 salariés.
La loi du 17 aout 2015 a relevé le seuil de mise en place de la DUP de 200 à 300 salariés et élargi sa compétence au CHSCT. A cette fin, l’employeur peut instaurer la DUP à l’occasion de la mise en place ou du renouvellement soit du comité d’entreprise, soit du CHSCT.
Sans fusionner pour autant les instances, il est désormais possible de recueillir un avis unique et de recourir à une expertise commune pour les attributions relevant à la fois du comité d’entreprise et du CHSCT.
b) Le regroupement d’institutions par accord majoritaire dans les entreprises de plus de 300 salariés
La loi du 17 aout 2015 ouvre très largement les possibilités d’adaptation de l’organisation des instances représentatives du personnel (IRP) à l’accord collectif dans les entreprises de plus de 300 salariés et assouplit également les règles de fonctionnement.
L’instance regroupée par l’accord peut exercer les attributions :
- soit du CE et des DP ;
- soit du CE et du CHSCT ;
- soit des DP et du CHSCT ;
- soit du CE, des DP et du CHSCT.
Les règles de fonctionnement sont définies par l’accord, sous réserve d’une réunion tous les deux mois, d’un nombre d’heures de délégation et de formation fixé réglementairement.
Dans le cadre des élections professionnelles, les articles L. 2324-1 et suivants du code du travail prévoient une obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes.
Ø Données chiffrées :
La couverture des entreprises françaises par une instance de représentation du personnel se présente comme suit :
Titre :
Proportion d'établissements dans lesquels est présente au moins une IRP ou pas d'IRP






Type de données :
données d'enquête 

Unité :
% d'établissements 

Champ :
établissements de 11 salariés ou plus du secteur marchand non-agricole en France métropolitaine, hors Corse : secteurs privé et semi-public, hors agriculture, fonction publique, organismes de protection sociale et particuliers employeurs

Source :
Dares, enquête REPONSE

Taille d'établissement
Présence d'au moins un délégué syndical (DS)
Présence d'au moins un comité d'établissement ou d'entreprise (CE)
Présence d'au moins un délégué du personnel (DP)
Présence d'au moins une délégation unique du personnel (DUP)
Présence d'au moins un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)
Proportion d'établissements dans lesquels aucune institution représentative du personnel n'est présente
1999
2005
2011
1999
2005
2011
1999
2005
2011
1999
2005
2011
1999
2005
2011
1999
2005
2011
11 à 19 salariés
.
.
10
.
.
6
.
.
32
.
.
2
.
.
8
.
.
63
20 à 49 salariés
19
23
20
19
19
15
53
57
54
4
6
7
15
17
15
35
32
35
50 à 99 salariés
45
49
47
49
44
38
54
55
59
20
28
27
54
59
58
13
11
9
100 à 199 salariés
67
74
71
64
61
55
60
63
60
24
28
31
82
84
82
4
3
2
200 à 299 salariés
78
86
85
89
88
79
89
90
80
4
3
13
89
91
92
3
3
1
300 salariés ou plus
88
93
95
91
92
91
94
93
96
0
2
0
96
95
97
1
0
1
11 salariés ou plus
.
.
25
.
.
19
.
.
47
.
.
9
.
.
24
.
.
40
20 salariés ou plus
33
38
35
34
33
28
56
60
58
9
12
13
34
37
35
25
23
24

























Comme le montrent les résultats de l’enquête « REPONSE » menée par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) en 2011, les proportions d’établissements disposant d’institutions représentatives du personnel varient en fonction de la taille des établissements.
Proportion d’entreprises, en fonction du nombre de salariés en 2012, dans lesquelles aucune instance représentative du personnel n’existe :
 
Répartition des entreprises
Répartition des salariés dans l’ensemble des entreprises
Part d’entreprises sans IRP
10-19 salariés
52 %
11 %
78 %
20-39 salariés
25 %
11 %
49 %
40-59 salariés
9 %
7 %
26 %
60-99 salariés
6 %
7 %
16 %
100 salariés ou plus
8 %
63 %
5 %
Ensemble
100 %
100 %
57 %
Lecture : 26 % des entreprises de 40 à 59 salariés déclarent qu'aucune IRP n'existait en 2012 dans leur entreprise, l’un de ses établissements ou l’unité économique et sociale à laquelle appartient éventuellement l’entreprise.
Champ : entreprises de 10 salariés ou plus du secteur marchand non agricole.
Source : Dares, enquête Acemo/Dialogue social en entreprise de 2013. 
En 2012, un quart des entreprises de 40 à 59 salariés déclarent qu'aucune institution représentative du personnel (ni DP, ni CE, ni DUP, ni CHSCT) n'existe dans leur entreprise et une sur six pour les entreprises de 60 à 99 salariés, selon l'enquête Acemo/Dialogue social en entreprise de la Dares. Ainsi, une proportion significative d’établissements de moins de 100 salariés n’a pas d’IRP.
En outre, à titre illustratif, seules 58 % des établissements de 50 à 99 salariés avaient mis en place un CHSCT en 2015. La proportion monte à plus de 80 % pour établissements de 100 à 199 salariés, puis à plus de 90 % pour les établissements de 200 salariés et plus. Cette situation peut s’expliquer notamment par des carences de candidatures.
Nombre d’entreprises dans lesquelles s'est déroulée une élection de CE, de DP ou de DUP entre 2009 et 2012 inclus :
Effectifs DADS 2014
Entreprises sans IRP
Entreprises avec au moins 1 élu dans une IRP (1er ou 2ème tour)
Total
% des PV versus entreprises DADS
Entreprises listées dans les DADS*
(1er et 2ème tours)
11 à 49
15 012
39%
23 517
61%
38 529
 
 
50 à 99
3 976
22%
14 257
78%
18 233
59%
31 159
100 à 199
1 338
12%
10 043
88%
11 381
73%
15 550
200 à 299
306
8%
3 672
92%
3 978
79%
5 048
300 et plus
541
7%
7 585
93%
8 126
82%
9 901
Total
20 632
26%
51 489
64%
80 247
 
 
Source : DGT, base MARS (Mesure de l’audience de la représentativité syndicale).
NB : Les entreprises listées dans les déclarations annuelles de données sociales (DADS) ont fait l’objet d’un retraitement afin de rapprocher autant que possible leur périmètre du périmètre MARS : ont été retenues les entreprises pour lesquelles au moins un établissement a déclaré des effectifs supérieurs à 10 en 2012, 2013 et 2014. Toutefois eu égard au mode de décompte des effectifs et aux périodes prises en compte des effets de bord parfois importants peuvent exister.
En utilisant la base MARS retraçant les résultats des élections professionnelles dans les entreprises, l’absence d’IRP est un peu plus élevée : près d’une entreprise sur 3 ayant moins de 100 salariés n’a pas d’IRP, et 1 sur 8 entre 100 et 200 salariés. Ces chiffres sont des valeurs minimales, puisque les entreprises n’ayant pas fait remonter notamment de procès-verbal de carence sont nombreuses parmi les moins de 200 salariés.
Proportion de certaines institutions représentatives du personnel au niveau de l'entreprise, l'un de ses établissements ou de l'unité économique et sociale en 2015
NR: non représentatif ; résultats non présentés car le nombre d'entreprises dans ces strates est trop faible pour permettre une estimation suffisamment précise.
Lecture : 28 % des entreprises de 10 à 49 salariés sont pourvues d'une délégation du personnel ; elles représentent 36 % des salariés du champ.
Champ : entreprises de 10 salariés ou plus du secteur marchand non agricole.
Source : Dares, enquête Acemo Dialogue Social en Entreprise
Les données les plus récentes sur la délégation unique du personnel ne permettent pas encore de connaître le nombre de DUP mises en place suite à l’extension du seuil de 300 salariés par la loi du 17 août 2015. En effet, les données du tableau ci-dessus sont issues d’une enquête portant sur le dialogue social en 2015, enquête réalisée en 2016 et qui prend en compte la situation antérieure à l’extension du seuil, le décret d’application ayant été publié le 24 mars 2016. L’information est captée au niveau de l’entreprise, de l’un de ses établissements au moins, ou de l’unité économique et sociale.
En 2015, 61 % des entreprises employant de 100 à 199 salariés sont dotées d’une DUP et représentent 61 % des salariés employés par des entreprises de cette taille. 28 % des entreprises de cette catégorie de taille ont un CE. Au regard des modalités CE/DUP exclusives, il peut être déduit que 89 % disposent d’un CE ou d’une DUP, cette dernière étant la modalité présente dans plus des deux-tiers (68 %) des cas si l’on tient compte uniquement des entreprises ayant une DUP ou un CE. La « formule » DUP, possible également dans les entreprises de plus petite taille, y est moins fréquente : 47 % des entreprises de 5 à 99 salariés ont une DUP, 14 % un CE. En présence de l’une ou de l’autre de ces instances, la DUP est cependant l’instance présente dans trois quarts des cas (77 %).
S’agissant du regroupement des instances ouvert par la loi du 17 août 2015, au moins une vingtaine d’accords portant création d’une instance regroupant les IRP ont été conclus à ce jour. Ces accords s’attachent principalement à définir les IRP regroupées, le niveau de regroupement (entreprise/établissement) et les moyens de l’instance (les accords pouvant fixer un nombre de représentant et un crédit d’heures supérieurs aux seuils règlementaires).
1.2.2 Représentation des salariés dans les organes délibérants des entreprises
La loi du 14 juin 2013 a créé une obligation pour les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions dépassant certains seuils de désigner ou d’élire un ou deux administrateurs ou membres du conseil de surveillance représentant les salariés.
Auparavant, les salariés ne disposaient que rarement d’une représentation au sein des instances dirigeantes des grandes entreprises – conseil d’administration ou conseil de surveillance – avec les mêmes pouvoirs que les autres administrateurs/membres. Or, sont arrêtées dans ces instances les grandes orientations stratégiques sur l’avenir de l’entreprise.
L’accord national interprofessionnel (ANI) mis en œuvre par la loi du 14 juin 2013 prévoit une représentation obligatoire des salariés dans les conseils d’administration des grandes entreprises avec les mêmes droits et devoirs que les autres administrateurs. L’obligation prévue par la loi relative à la sécurisation de l’emploi concernait les sociétés anonymes et sociétés en commandite par actions ainsi que des sociétés publiques empruntant ces formes sociales qui emploient, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins 5 000 salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins 10 000 salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l'étranger, et qui ont pour obligation de mettre en place un comité d'entreprise.
Afin de renforcer la présence des salariés dans les organes délibérants, la loi du 17 août 2015 a élargi le champ prévu par la loi de sécurisation de l’emploi :
- en abaissant les seuils de mise en place des administrateurs salariés aux sociétés employant au moins 1 000 salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins 5 000 permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l'étranger ;
- en supprimant la condition d’être soumis à l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise.
Suite à cet élargissement, on estime que parmi les 120 sociétés du SBF (sociétés des bourses françaises), 50 sociétés employant 469 958 salariés en France et 2 885 689 salariés dans le monde remplissent désormais l’obligation. Au total, si on les additionne avec celles qui entraient déjà dans le champ depuis la loi du 14 juin 2013, 105 sociétés sur les 120 du SBF sont tenues de désigner ou d’élire des administrateurs salariés.
Dans certaines matières, les institutions représentatives du personnel donnent un avis concernant les projets de l’employeur. Dans certains cas, celui-ci doit être conforme pour que ces projets puissent être mis en œuvre, s’agissant notamment de la durée du travail et la rémunération (dérogation à l’horaire collectif de travail pour pratiquer des horaires individualisés, remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires ainsi que des majorations par un repos compensateur équivalent), le refus d’un congé de formation économique, sociale et syndicale (FESS) à un salarié, le refus d’un congé de formation économique des membres du CE, le droit d’opposition suspensive si l’employeur veut cesser d’adhérer à un service médical interentreprises ou lors de certaines décisions des œuvres de logement et de jardins ouvriers.
Des matières telles que la formation et l’employabilité ne sont actuellement pas concernées par cette procédure d’avis conforme.
1.2.3 Pratique et moyens du dialogue social
a) Soutien financier
Certaines entreprises ont déjà mis en place une forme de chèque syndical : chaque année, l’employeur distribue à chaque salarié un chèque d’un montant représentant en général une fraction de la rémunération journalière du salarié, que le salarié ne peut encaisser mais qu’il peut choisir de donner à l’organisation syndicale de son choix.
Le fait que cette pratique soit reconnue comme légale par la jurisprudence n’est pas suffisamment mis en relief.
b) Valorisation des parcours syndicaux
La loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi a prévu différentes mesures afin de valoriser les parcours syndicaux :
- l’article 4 de la loi met en place un dispositif d’entretiens professionnels en début et fin de mandat pour les représentants du personnel élus ou désignés ;
- l’article 5 de la loi prévoit un dispositif national de certification des compétences correspondant à l’exercice d’un mandat de représentant élu ou désigné. Le déploiement de dispositif est actuellement en cours ;
- l’article 6 de la loi met en place une garantie d’évolution salariale pour les représentants du personnel dont les heures de délégation sont au moins égales à 30 % de la durée du travail inscrite dans leur contrat de travail conçue sur le modèle de la garantie salariale pour les salariés en congé maternité.
La loi du 8 août 2016 prévoit une augmentation de 20 % du crédit d’heures des délégués syndicaux, des délégués syndicaux centraux et des salariés appelés par leur section syndicale à négocier un accord.
c) Outils de lutte contre les discriminations syndicales
La loi du 17 août 2015 a intégré à la négociation triennale obligatoire en entreprise sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences l’item suivant : « 6° Le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales et l'exercice de leurs fonctions. » Un bilan est réalisé à l'échéance de l'accord26.
1.2.4 Financement par le fonds paritaire des coûts de fonctionnement de l’instance fusionnée
Le Fonds pour le financement du dialogue social a été mis en place sous la forme d’une association, l’association de gestion du fonds paritaire national (AGFPN), créée le 7 mars 2015.
Le Fonds a vocation à financer les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs pour trois types de missions27 :
- la conception, la gestion, l'animation et l'évaluation des politiques menées paritairement et dans le cadre des organismes gérés majoritairement par les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs (première mission) ;
- la participation des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs à la conception, à la mise en œuvre et au suivi des politiques publiques relevant de la compétence de l'État (seconde mission) ;
- la formation économique, sociale et syndicale des salariés et l'animation des activités des salariés exerçant des fonctions syndicales (troisième mission).
A l’issue de sa première année de fonctionnement, l’AGFPN a élaboré son rapport annuel 2015, remis le 24 novembre 2016 au Parlement et au Gouvernement, qui fait état d’un montant de ressources de presque 115 M€ pour 2015, 32,6 M€ provenant d’une subvention de l’Etat prévue par la convention triennale conclue entre l’AGFPN et la direction générale du travail (DGT) pour la période 2015-2017, et 83,2 M€ provenant de la contribution des employeurs de 0,016 % de leur masse salariale.
1.2.5 Rôle des commissions paritaires régionales interprofessionnelles
Les commissions paritaires régionales interprofessionnelles qui seront installées le 1er juillet 2017, constituent les premières instances légales de représentation extérieure des salariés des très petites entreprises (TPE), instaurées par la loi du 17 août 201528. Elles sont essentiellement appelées à jouer un rôle de concertation, d’information et de dialogue au profit à la fois des salariés et des employeurs des TPE, et peuvent, avec l’accord des parties concernées, faciliter la résolution de conflits individuels ou collectifs. Pour ce faire, les commissions bénéficient d’un financement via le volet 1 du fonds paritaire de financement du paritarisme prévu à l’article L. 2135-9 du code du travail, et sont uniformément composées de 10 représentants employeurs et de 10 représentants salariés.
1.2.6 Application ou adaptation de certaines clauses de la convention de branche
L’examen du paysage conventionnel français illustre qu’il est possible d’ajuster par la négociation l’application de stipulations conventionnelles à certaines entreprises et de retenir, par exemple, le critère de l’effectif de l’entreprise pour l’application d’une convention collective. Deux conventions collectives limitent ainsi leur champ d’application à des entreprises ayant un seuil d’effectif déterminé. Dans le secteur du bâtiment, la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment non visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est-à-dire occupant plus de 10 salariés) du 8 octobre 1990 ne s’applique qu’aux entreprises de plus de 10 salariés. La convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est-à-dire occupant jusqu'à 10 salariés) du 8 octobre 1990 ne s’applique, elle, qu’aux entreprises artisanales employant jusqu’à 10 salariés. La restructuration des branches, nécessaire à des partenaires sociaux renforcés, conduit à limiter le morcellement des conventions collectives par taille d’entreprise. C’est désormais au sein de la même convention collective que les partenaires sociaux pourront et devront définir des modalités d’application adaptées aux spécificités des petites entreprises.
1.2.7 Droit d’expression des salariés
L’accord national interprofessionnel du 17 mars 1975 sur l’amélioration des conditions de travail rappelle que l’organisation du travail est de la seule responsabilité de l’employeur mais que la possibilité donnée aux salariés de s’exprimer sur leur travail, sur la qualité des biens et services qu’ils produisent, sur les conditions d’exercice du travail et sur l’efficacité du travail est l’un des éléments favorisant leur perception de la qualité de vie au travail et du sens donné au travail.
Le droit d’expression directe et collective des salariés a ensuite été introduit dans le code du travail par la loi n° 82-689 du 4 août 1982 relative aux libertés des travailleurs dans l'entreprise29, dite loi Auroux. Ces dispositions sont désormais codifiées aux articles L. 2281-1 et suivants du code du travail qui prévoient notamment l’obligation de définir par accord les modalités d’exercice du droit d’expression dans l’entreprise. A défaut, l’employeur doit engager une négociation annuelle en vue d’obtenir un tel accord. Le code du travail prévoit par ailleurs les stipulations que l’accord doit contenir.
Hormis quelques grandes entreprises, il est admis que le droit n’a jamais véritablement été mis en œuvre dans les conditions prévues par la loi. Pour autant, le besoin de créer des temps et des espaces permettant aux salariés de s’exprimer sur leurs conditions de travail n’a jamais été invalidé et a même connu un regain d’intérêt et d’application soutenu au cours des dernières années. Mais les initiatives tendant à lui donner corps ont pris des formes variées et adaptées aux configurations et contextes des entreprises et ont souvent été informelles.
C’est à l’occasion de la crise sociale traversée par de nombreuses entreprises dans le cadre des risques psychosociaux (RPS), à la fin des années 2000, que les entreprises ont en effet redécouvert, au-delà du dialogue social, les vertus du dialogue professionnel, c’est-à-dire du dialogue direct entre les managers et les salariés, lequel, de l’aveu de tous, s’était fortement dégradé au cours des dernières décennies.
De fait, les entreprises confrontées aux RPS ont souvent spontanément mis en place des « espaces de discussion » (EDD), c’est-à-dire des lieux spécifiquement dédiés à la résolution des difficultés rencontrées par les salariés dans l’exercice de leurs missions face à des managers accaparés par des obligations de reporting financier. Ces EDD, sans exclure la participation des organisations syndicales et des instances représentatives du personnel, se sont caractérisés par une ouverture à tous les acteurs de l’entreprise (salariés, techniciens, ingénieurs, bureau d’étude, acheteurs, managers, médecin du travail, etc.) s’exprimant sur leur vécu et proposant des solutions concrètes pour y faire face.
Ces initiatives ont trouvé un écho et une traduction dans l’accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 sur la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle et plus particulièrement son article 13 qui appelle les entreprises à développer des initiatives favorisant l’expression directe des salariés sur leur travail, dans le prolongement du cadre fixé par le titre VIII du livre II de la deuxième partie du code du travail sur le droit d’expression.
L’accord de 2013 prévoit que les espaces de discussion s’organiseront sous la forme de groupes de travail entre salariés d’une entité homogène de production ou de réalisation d’un service. Ils peuvent s’organiser en présence d’un référent métier ou d’un facilitateur chargé d’animer le groupe et d’en restituer l’expression et comportent un temps en présence de leur hiérarchie. Ces espaces de discussion peuvent également être mis en place pour des managers.
Les restitutions validées par le groupe sont portées à la connaissance de la hiérarchie et des institutions représentatives du personnel. Les restitutions issues des espaces d’expression peuvent fournir à l’employeur des éléments de réflexion sur, d’une part, d’éventuelles évolutions de l’organisation du travail tournée vers davantage d’autonomie et, d’autre part, sur le rôle et les moyens du management. Ces échanges doivent contribuer à créer des relations empreintes de plus de bienveillance et à développer un climat de confiance réciproque. Ces EDD ne doivent pas faire obstacle aux attributions des institutions représentatives du personnel ni au pouvoir hiérarchique du management. De la même façon, les managers et les élus des institutions représentatives du personnel doivent veiller à respecter les possibilités d’expression des salariés organisées dans un tel cadre.
Tirant les conséquences de ces évolutions, l’article L. 2242-8 du code du travail, modifié en dernier lieu par la loi du 17 aout 2015, prévoit une obligation annuelle de négocier sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail. Cette négociation porte, notamment, sur :
« 6° L'exercice du droit d'expression directe et collective des salariés prévu au chapitre Ier du titre VIII du présent livre, notamment au moyen des outils numériques disponibles dans l'entreprise ».
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. Nécessité de légiférer
La refonte du dialogue social à travers la réorganisation des institutions représentatives du personnel est une réforme structurelle susceptible de produire des effets à long terme sur la qualité et l’efficacité du dialogue social en entreprise. Hors les cas déjà prévus par la loi, qui relèvent d’une initiative de l’employeur ou d’un accord mais reste une simple faculté, la généralisation du recours à une instance fusionnée passe nécessairement par des modifications législatives. Les statistiques mentionnées plus haut montrent que, si la DUP a connu un relatif succès et s’est majoritairement installée dans les entreprises de moins de 200 salariés30, la formule de regroupement des instances représentatives du personnel dans les entreprises de plus de 300 salariés, conditionnée à un accord, ne s’est pas traduite par un mouvement massif de fusions. Il est donc probable qu’aussi longtemps que l’instance fusionnée restera une possibilité, le processus de fusion des instances n’évolue qu’avec lenteur, privant les entreprises d’un outil de simplification et de dynamisation du dialogue sociale.
Par ailleurs, même un processus de généralisation de l’instance fusionnée a vocation à s’étendre dans le temps. La modification législative produira des effets immédiats pour les entreprises, dont les échéances des élections professionnelles coïncideront avec l’entrée en vigueur des ordonnances, c’est-à-dire en début d’année 2018. En revanche, compte tenu de la durée de 4 ans des mandats électifs, la mise en œuvre de la réforme s’étalera sur la même durée en fonction de la date de renouvellement des instances dans chaque entreprise et ne produira donc pleinement ses effets qu’à cette échéance, c’est-à-dire lorsque toutes les entreprises auront adopté le nouveau régime de représentation du personnel. Il n’est en effet pas envisagé, afin de préserver les équilibres en place et de ne pas perturber le fonctionnement normal des entreprises, de demander à ces dernières de procéder, dès la parution de l’ordonnance, à de nouvelles élections pour se mettre en conformité avec le nouveau dispositif légal. Un temps de transition paraît nécessaire pour mettre en œuvre cette réforme. Sauf accord en leur sein en vue d’anticiper les échéances, elles pourront donc attendre l’échéance normale des mandats en cours pour mettre en place une instance fusionnée.
L’effort de rationalisation et de rapprochement apparaît devoir être poursuivi, tant pour des raisons de simplification que d’efficacité du dialogue au sein des instances. Il s’agit donc d’accélérer le processus engagé en faisant des possibilités, déjà offertes mais ouvertes dans un certain nombre de cas seulement, une généralité.
L’ordonnance est donc le vecteur approprié pour mettre en place rapidement un régime juridique stabilisé, sécurisé, lisible et applicable dès le 1er janvier 2018 en vue d’un complet déploiement et d’un impact évaluable à quatre ans
2.2. Objectifs poursuivis
L’objectif du projet de loi d’habilitation est de permettre, par les ordonnances prévues par le présent article, de mettre en place une nouvelle organisation du dialogue social dans l’entreprise tout en favorisant les conditions d’implantation syndicale et d’exercice de responsabilités syndicales :
- Renforcement des prérogatives des représentants du personnel par la mise en place d’une instance fusionnant les trois IRP : il s’agit de privilégier la finalité de la représentation à sa structure en faisant le pari que cette finalité sera mieux portée par une instance fusionnée que par la juxtaposition d’instances dont l’articulation des compétences respectives est devenue de plus en plus complexe. Le cloisonnement est au demeurant de moins en moins pertinent au regard de la nature de plus en plus globale des enjeux à traiter. De surcroit, l’entreprise pourra adapter sa composition ou accentuer la spécialisation de certains de ses membres, par exemple au sein de commissions ad hoc, chaque fois que ses caractéristiques sociotechniques le justifieront.
- Amélioration de la représentation des salariés dans les organes délibérants des entreprises dont l’effectif dépasse un certain seuil et précision des conditions dans lesquelles les représentants des salariés élus ou désignés peuvent être mieux associés aux décisions de l’employeur dans certaines matières: il s’agit de renforcer la présence salariale et donc la transparence et la confiance ainsi que la possibilité de mieux prendre en compte le point de vue du personnel dans les processus de décision stratégiques de l’entreprise, en permettant aux salariés ou leurs représentants de participer à sa gouvernance.
Dans une conception plus participative de l’entreprise, permettant aux représentants des salariés de peser davantage sur la stratégie de l’entreprise, notamment sur des matières déterminantes pour l’avenir des salariés comme la formation, un élargissement du champ de l’avis conforme peut être étudié. Les représentants des salariés seront d’autant plus à même d’exercer ces prérogatives que l’instance unique leur permettra d’avoir une vision globale de l’entreprise dont l’éclatement des instances les prive aujourd’hui.
- Renforcement de la pratique et des moyens du dialogue social : les dispositifs existants pourraient ainsi être prolongés et complétés, par exemple par un abondement du compte personnel de formation ou en favorisant l’accès au congé individuel de formation (CIF) des représentants syndicaux, ou encore, en majorant les droits acquis dans le compte personnel d’activité lorsqu’un salarié a mené une activité syndicale. De même, afin de renforcer la lutte contre les discriminations syndicales, il pourrait être envisagé d’ajouter à la négociation obligatoire, au niveau des branches professionnelles sur les conditions de travail et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, un thème de négociation sur les parcours syndicaux à l’instar de l’obligation instaurée au niveau de l’entreprise par la loi du 17 aout 2015. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s’est saisi de l’importante question des discriminations syndicales.
- Elargissement des activités pouvant être financées par le fonds paritaire prévu à l’article L. 2135-9 du code du travail aux frais de fonctionnement de l’instance fusionnée : il s’agit d’encourager au dialogue social les entreprises dotées d’instances représentatives du personnel et dont l’effectif n’est pas important, en leur permettant d’imputer les frais de fonctionnement de l’instance fusionnée, telles que les heures de délégation, sur leur cotisation au fonds de financement du paritarisme.
- Renforcement des moyens de fonctionnement et du rôle des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) : les moyens actuels des CPRI peuvent être renforcés pour leur permettre, à la condition stricte de l’accord des deux parties, de jouer un rôle plus important en matière de médiation individuelle et collective.
- Application de certaines clauses de la convention de branche : il s’agit de tenir compte des contraintes particulières des entreprises et notamment de celles des plus petites d’entre elles.
- Appui au droit d’expression des salariés : Il s’agirait de :
réécrire les articles L. 2281-1 et suivants du code du travail, notamment s’agissant du périmètre, des acteurs et des modalités pratiques de déploiement du droit d’expression, afin de tenir compte des évolutions des pratiques des entreprises et prendre en compte et faciliter le développement des technologies numériques comme moyen d’exercice du droit d’expression collective.
pouvoir également encourager les actions de formation axées sur le développement de compétences transversales, la médiation préventive, l’écoute active, le dialogue, etc.
3. IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
L’analyse des incidences de chacune des mesures envisagées sera effectuée dans la fiche d’impact retraçant les dispositions des ordonnances prises dans le cadre de l’habilitation.
Les différents impacts – sociaux, économiques et financiers, sur les administrations, en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, sur la jeunesse, etc. – seront développés à la lumière des contours définitifs de chacune des dispositions proposées.
ARTICLE 3 – DISPOSITIONS RELATIVES À LA SÉCURISATION DES RELATIONS DE TRAVAIL
1. DIAGNOSTIC DE LA SITUATION ACTUELLE
1.1. Etat des lieux
Le traitement différencié par la loi ou le décret de situations juridiques particulières mais présentant des caractéristiques similaires31 conduit fréquemment à des a contrario et à une moindre lisibilité du droit et à sa moindre effectivité. L’incertitude juridique contribue souvent à ralentir les initiatives, voire à les paralyser, en privilégiant le formalisme au détriment de la finalité de la règle et la recherche d’alternatives innovantes permettant d’atteindre l’objectif assigné par la loi tout en favorisant la performance économique et sociale de l’entreprise. Il en est ainsi, par exemple, du développement du télétravail, du travail à distance et plus généralement de toutes les transformations appelées par les effets accélérés de la transition numérique, dont notre droit n’a pas été pensé pour les accueillir mais dont entreprises et salariés sont néanmoins demandeurs. En fin de chaine, cette insécurité est source de zones grises, de litiges et de contentieux qui grèvent la relation de travail et amplifient, jusque dans les juridictions et le prononcé des sanctions possibles, la perception de relations de travail dégradées et insécurisantes.
1.2. Etat du droit dans les domaines visés par le projet de loi
1.2.1 Réparation financière des irrégularités de licenciement
En matière de licenciement, les dommages et intérêts ne concernent pas tous les salariés : ils peuvent être alloués par le juge qu’aux salariés contestant chaque année leur licenciement (120 000 environ). Les indemnités de licenciement, légales ou conventionnelles, sont quant à elle systématiquement versées à chaque salarié licencié. Elles ne sont pas plafonnées, et ne le seront pas.
En 2013, 92,8 % des demandes devant les conseils de prud’hommes avaient été formulés dans un contexte de rupture du contrat de travail. 80 % des demandes principales visaient à contester le motif de licenciement. Plus de 76 % des demandes avaient porté sur la contestation du licenciement personnel et 1,7 % seulement sur la contestation du motif économique32.
Le taux de recours contentieux, issu de la comparaison du nombre de recours au flux d’inscription à Pôle emploi, est estimé à environ 30 % en cas de licenciement pour motif personnel. Par comparaison, il est de moins de 3 % en cas de licenciement pour motif économique.
Il ressortait ainsi d’une étude menée par le ministère de la justice en mai 2015 sur 401 arrêts rendus par les chambres sociales des cours d’appel au mois d’octobre 2014, que les montants de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse allaient de 500 € à 310 000 €, soit un rapport de 1 à 620. Dans la moitié des arrêts, il était supérieur à 15 000 €, dans un quart il était supérieur à 29 000 €. Pour des salariés occupant un poste équivalent, à ancienneté égale, le montant des dommages et intérêts peut varier du simple au triple, voire atteindre des écarts encore plus élevés dans les cas extrêmes.
Ces écarts ne s’expliquent pas par les seules différences de salaire et d’ancienneté des salariés dans l’entreprise. Ils traduisent notamment des traitements différenciés par les juges dans des situations comparables.
a) Planchers d’indemnisation
En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le code du travail prévoit que le montant des dommages et intérêts, que le juge peut allouer, est au minimum égal à un plancher de six mois de salaire, pour tout salarié ayant au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise d’au moins 11 salariés33.
En revanche, pour les salariés des entreprises de moins de 11 salariés, quelle que soit leur ancienneté, et pour les salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté, il n’existe aucun encadrement ou montant minimal. Le juge fixe le montant des dommages et intérêts librement « en fonction du préjudice subi »34.
L’application d’un plancher pour les entreprises d’au moins 11 salariés a été validée par une décision du Conseil constitutionnel35.
En outre, la loi et la jurisprudence prévoient des planchers (six mois ou douze mois selon les cas) pour les dommages et intérêts alloués par le juge en cas de nullité du licenciement, c’est-à-dire lorsqu’il y a atteinte à des droits et libertés fondamentales garantis par le code du travail (discrimination, harcèlement moral ou sexuel, action en justice en matière d’égalité professionnelle, droit d’alerte, exercice du droit de grève, salariés protégés, protection de la grossesse/maternité, en cas d’accident du travail ou d’inaptitude, non-respect de l’obligation de plan de sauvegarde de l’emploi, etc.).
b) Barème applicable lors de la phase de conciliation entre l’employeur et le salarié
Un barème de dommages et intérêts forfaitaire applicable lors de la phase de conciliation a été créé, sous l’impulsion des partenaires sociaux36, par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 de sécurisation de l’emploi et codifié aux articles L. 1235-1 et D. 1235-21 du code du travail. L’objectif de ce barème, qui n’a qu’un caractère indicatif et ne lie pas le juge, est de favoriser les conciliations, dont le taux est très faible (moins de 10 % des litiges), plutôt que le jugement contentieux.
Il s’avère que ce dispositif était très peu utilisé, en raison, notamment, des montants fixés en 2013 par le décret n° 2013-721 du 2 août 2013 portant fixation du montant du barème de l'indemnité qui pouvaient apparaître peu incitatifs au regard des montants susceptibles d’être obtenus en cas de jugement favorable au salarié et de la durée des contentieux. Ces montants ont été révisés à la hausse par le décret n° 2016-1582 du 23 novembre 2016 modifiant le barème de l'indemnité forfaitaire de conciliation et s’échelonnent désormais entre 2 mois et 24 mois de salaire selon l’ancienneté du salarié.
c) Référentiel indicatif pouvant être pris en compte par le juge
Le principe du référentiel indicatif avait été prévu par l’article 258 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques37 (disposition codifiée à l’article L. 1235-1 du code du travail). Ce référentiel indicatif a été fixé par le décret n° 2016-1581 du 23 novembre 2016. Les montants s’échelonnent, hors majoration, entre 1 et 21,5 mois de salaire selon l’ancienneté du salarié dans l’entreprise. Ils sont majorés si le salarié est âgé d’au moins 50 ans. En outre, si la situation du demandeur par rapport à l’emploi le justifie, tenant à sa situation personnelle et à son niveau de qualifications au regard de la situation du marché du travail au niveau local ou dans le secteur d’activité considéré, le juge peut tenir compte de cette situation. Ces montants, qui n’ont qu’un caractère indicatif, ne sont pas modulés selon la taille de l’entreprise.
d) Mise en place d’un barème obligatoire n’ayant pu aboutir
L’article 266 de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques avait instauré un barème dont les montants variaient en fonction notamment de la taille de l’entreprise. Le dispositif proposé par la loi, qui s’inspirait des exemples européens, consistait à fixer des montants minimum et maximum différents selon l’ancienneté du salarié (moins de 2 ans, entre 2 ans et moins de 10 ans, 10 ans et plus) et selon l’effectif de l’entreprise (moins de 20 salariés, entre 20 et 299 salariés, à partir de 300 salariés). Ce barème se substituait aux planchers actuels. L’objectif ainsi visé était d’apporter une réponse adaptée à la situation spécifique des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) dans l’activité économique.
Le Conseil constitutionnel a jugé cette disposition contraire à la Constitution par décision DC n° 2015-715 du 5 août 2015. Tout en reconnaissant la constitutionnalité d’un principe de plafonds obligatoires de dommages et intérêts, destinés à poursuivre l’objectif d’intérêt général qu’est l’emploi, il a considéré que ce dispositif méconnaissait le principe d’égalité devant la loi, dans la mesure où le montant de l’indemnité allouée reposait sur un critère sans lien avec le préjudice subi, à savoir la taille de l’entreprise.
1.2.2 Exigences de motivation du licenciement
Le motif du licenciement doit être réel et sérieux, et s’apprécie à la date de rupture du contrat. A défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Avant toute décision, l’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable au licenciement. L’entretien doit permettre à l’employeur, d’indiquer les motifs du licenciement envisagé et au salarié, d’exposer et de défendre ses arguments. Il ne s’agit pas d’une simple formalité : l’entretien doit être l’occasion d’éclaircir des faits, de trouver des solutions alternatives au licenciement. Après l’entretien, l’employeur doit attendre au moins deux jours ouvrables pour envoyer, en recommandé avec avis de réception, la lettre de licenciement. Celle-ci doit comporter l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur38. La nature des faits reprochés doit en effet apparaître très clairement. Les raisons invoquées dans la lettre lient l’employeur : en cas de litige, et notamment de contentieux devant le conseil de prud’hommes, il ne peut plus avancer d’autres motifs.
Pour le juge judiciaire, l’élément déterminant en cas de litige est donc le contenu de la lettre de licenciement. De ce fait, un employeur peut invoquer dans cette lettre un motif dont il est établi qu’il n’a pas été avancé lors de l’entretien. En revanche, lorsque le motif est énoncé dans la lettre de manière imprécise ou non matériellement vérifiable, le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse.
Un certain nombre de litiges sont directement liés au sentiment du salarié que les griefs invoqués par la lettre de licenciement sont trop peu expliqués et détaillés. Il résulte en effet d’une étude sur une centaine de décisions récentes que l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement est un motif très souvent mis en avant par les salariés dans les griefs justifiant la procédure contentieuse, même si elle est rarement retenue par la juridiction. Du côté des employeurs, l’exigence de motivation détaillée est souvent vécue comme très contraignante, et parfois trop formaliste, pas assez liée au fond.
1.2.3 Délais de recours contentieux portant sur la rupture du contrat de travail
Plusieurs délais de recours contentieux coexistent, notamment en matière de licenciement pour motif économique :
- le délai devant le juge judiciaire de douze mois prévu à l’article L. 1235-7 et affiné par la jurisprudence39 est applicable dans les cas de recours pour absence ou insuffisance d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) dans le cadre de licenciements collectifs devant comprendre un tel plan ;
- le délai devant le juge administratif de deux mois pour contester la décision d’homologation ou de validation du PSE du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ;
- le délai de recours de droit commun devant le juge judiciaire de deux ans prévu à l’article L. 1471-1 du code du travail pour tous les autres cas de recours, notamment pour le licenciement individuel économique.
D’une manière générale, les délais de recours contentieux sont très supérieurs à ceux pratiqués par plusieurs de nos partenaires européens.
1.2.4 Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et mobilité volontaire
a) Gestion des emplois et des parcours professionnels
Les entreprises d’au moins 300 salariés ont, au titre de l’article L. 2242-13 du code du travail, une obligation de négocier tous les trois ans, un accord de gestion des emplois et des parcours professionnels, dit « accord GPEC ». Les accords GPEC comprennent des thèmes de négociation obligatoires40 et facultatifs41 .
Ce type d’accord apparaît néanmoins insuffisamment mobilisé par les entreprises avec environ 600 accords signés sur ce thème par an (629 en 2015 et 622 en 2016), et des contenus et une densité très différents, l’ensemble des thèmes obligatoires n’étant pas toujours abordés. La mobilité apparaît néanmoins comme un thème important, très souvent évoqué et pouvant constituer une part importante des accords.
Au nombre des thèmes de négociation susceptible d’être intégré dans le cadre des accords GPEC figure le contrat de génération42. Néanmoins cette faculté a été peu utilisée et on ne peut citer que de rares accords, à l’image de l’accord de GPEC du 17 mars 2016 d’Axa France, alors même que la thématique intergénérationnelle est fortement connectée aux items devant faire l’objet d’une négociation obligatoire dans le cadre des accords GPEC.
Dans les entreprises qui ont conclu un accord de GPEC, le congé de mobilité n’est aujourd’hui pas suffisamment sécurisé au plan juridique pour permettre de favoriser sa mobilisation par l’employeur comme outil de sécurisation des parcours. En application de l’article L. 1233-77 du code du travail, la possibilité de mettre en œuvre un congé de mobilité est ouverte aux employeurs relevant du champ du congé de reclassement, c’est-à-dire aux établissements, entreprises ou groupe d’entreprises d’au moins 1 000 salariés et les entreprises de dimension communautaire au sens de l’article L. 2341-4 du code du travail.
b) Plan de départ volontaire
Le développement du recours au volontariat dans les procédures de restructurations est un acquis important qu’il convient d’encourager, dans la mesure où cela permet de limiter le nombre de licenciements contraints et de faciliter le retour à l’emploi des salariés concernés par les restructurations. Le recours au volontariat permet en effet de privilégier le départ de salariés qui le souhaitent et qui ont un projet professionnel.
Les obligations de l’employeur dans ce cadre découlent de la combinaison d’articles du code du travail et du code civil et ne sont pas toujours lisibles, incitatives et sécurisées pour ce dernier.
En effet, l’article L. 1233-3 du code du travail prévoit que les dispositions sur le licenciement économique sont applicables à toute rupture résultant d’une cause économique. Ainsi, le départ volontaire qui s’assimile à une rupture d’un commun accord pour motif économique sur le fondement de l’article 1134 du code civil est soumis à l’ensemble des dispositions du code du travail applicables au licenciement économique, à l’exception des dispositions relatives à l’application des critères d’ordre et celles applicables au plan de reclassement interne.
L’entreprise doit donc suivre une procédure longue et pas toujours sécurisée alors même qu’elle n’envisage aucune suppression de poste si le plan de départs volontaires ne recueille pas l’approbation des salariés.
1.2.5 Dispositions relatives au licenciement pour motif économique
Les entrées à Pôle emploi à la suite d’un licenciement économique tournent chaque année autour de 155 000 (2,6 % de l’ensemble des entrées annuelles). Entre décembre 2016 et février 2017, le nombre moyen de personnes inscrites par mois à Pôle emploi à la suite d’un licenciement économique est de 13 100 (2,4 % des entrées). Ce chiffre est en baisse de 2,2 % par rapport à la période allant de septembre 2016 à novembre 2016.
On constate une baisse du nombre de PSE sur l’année 2016.
Les DIRECCTE ont pris plus de 2 200 décisions favorables (validation ou homologation) au 30 septembre 2016. Le taux de refus est très limité.
Les PSE en procédure collective représentent 25 % des PSE et donnent lieu dans près de 90 % des dossiers à une décision d’homologation d’un document unilatéral.
Pour les entreprises in bonis, la part des accords majoritaires progresse depuis 2013 et s’élève depuis 2015 à plus de 65 % des décisions.
En termes de contentieux, le taux de contestation des décisions de l’administration est passé de 20 à 30 % devant le tribunal de grande instance avant la réforme à 6 % aujourd’hui.
a) Périmètre géographique et secteur d’activité dans lesquels la cause économique est appréciée
La définition du motif économique a fait l’objet d’une première clarification à l’occasion de la loi du 8 août 2016. Cette loi a redéfini les différentes causes de nature économique invocables par l’employeur et a précisé que l’entreprise est le périmètre d’appréciation de l’élément matériel du motif économique du licenciement.
Aucune disposition légale ne clarifie aujourd’hui le périmètre d’appréciation de l’élément causal du licenciement économique.
La jurisprudence établit que les difficultés économiques et la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité doivent s’apprécier au niveau de l’entreprise ou, si celle-ci fait partie d’un groupe, au niveau du secteur d’activité du groupe dans lequel elle intervient, en intégrant les sociétés de ce secteur qui sont situées à l’étranger. En outre, la notion de secteur d’activité correspond au cadre d’appréciation de la cause économique du licenciement, mais sa définition est d’origine jurisprudentielle.
La Cour de Cassation applique un faisceau d’indices relatifs « à la nature des produits, à la clientèle auxquels il s’adressaient et au mode de distribution mis en œuvre par l’entreprise »43 :
« Le secteur d’activité d’un groupe servant de cadre d’appréciation des difficultés économiques ne regroupe que les entreprises du groupe qui ont la même activité dominante et interviennent sur le même marché »44.
« La spécialisation d’une entreprise au sein d’un groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un secteur d’activité plus étendu »45.
« La spécialisation d'une entreprise dans le groupe ou son implantation dans un pays différent de ceux où sont situées les autres sociétés du groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un même secteur d'activité »46.
b) Conséquences de la création de difficultés artificielles entre filiales d’un même groupe
Aucune disposition légale ne prévoit la situation dans laquelle l’employeur créerait lui-même un contexte économique difficile pour justifier des licenciements économiques. Ce cadre protecteur des salariés est le complément indispensable à une définition plus claire et opérationnelle du secteur d’activité et du périmètre géographique. La sécurité et la prévisibilité juridiques doivent être apportées en même temps aux directions d’entreprises et aux salariés.
c) Conditions dans lesquelles l’employeur satisfait à l’obligation de reclassement interne et définition des catégories professionnelles
Ø Obligation de reclassement interne
L’obligation de reclassement du salarié est précisée à l’article L. 1233-4 du code du travail et les dispositions spécifiques portant sur le reclassement en dehors du périmètre national figurent au L. 1233-4-1 du même code.
En ce qui concerne l’obligation de reclassement interne de l’employeur dans le cadre du licenciement pour motif économique, celle-ci est un élément essentiel pour minimiser les licenciements économiques. Pour autant, les procédures utilisées aujourd’hui présentent plusieurs écueils :
- la procédure actuelle constitue une charge importante pour les entreprises en matière d’organisation dès lors que chaque offre doit être personnalisée ;
- elle insécurise les entreprises car un défaut d’information sur le reclassement peut fragiliser juridiquement les licenciements, sans gain réel pour les salariés.
Concernant le reclassement en dehors du périmètre national, le caractère très général de cette obligation jusqu’à la loi du 6 août 2015 posait de nombreuses difficultés opérationnelles aux entreprises comportant des établissements en dehors du territoire national. En outre, la mise en œuvre de cette obligation pouvait être mal ressentie par les salariés car elle pouvait conduire l’employeur, pour respecter son obligation, à leur proposer des postes à l’étranger pour de faibles niveaux de rémunération. Un premier pas a été franchi par la loi du 6 août 2015 en prévoyant que les offres ne sont transmises que si le salarié en a fait la demande préalablement. Pour autant, le maintien d’une procédure très précise sur le reclassement à l’international, prévue par l’article L. 1233-4-1 du code du travail et déclinée par décret, peut continuer à insécuriser les licenciements économiques sans protéger les salariés.
Il ne saurait être question de remettre en cause l’obligation de reclassement incombant à l’employeur. Lors de sa saisine de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, le Conseil constitutionnel avait rattaché l’obligation du reclassement édictée par cet article à un droit constitutionnel à l’emploi. Il avait en effet affirmé « qu’il incombe au législateur, dans le cadre de la compétence qu’il tient de l’article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, d’assurer la mise en œuvre des principes économiques et sociaux du préambule de 1946, tout en conciliant avec les libertés constitutionnellement garanties ; que pour poser des règles propres à assurer au mieux, conformément au cinquième alinéa du préambule de 1946, le droit pour chacun d’obtenir un emploi, il peut apporter à la liberté d’entreprendre des limitations liées à cette exigence constitutionnelle, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi »47. L’enjeu est de faire en sorte que cette obligation se traduise par des reclassements effectifs, et ne soit pas une obligation formelle non sécurisante pour les salariés concernés, et source de contentieux.
Ø Conditions dans lesquelles sont appliqués les critères d’ordre des licenciements, dans le cadre des catégories professionnelles, en cas de licenciement collectif pour motif économique
En application des articles L. 1233-24-2 et L. 1233-24-4 du code du travail, le projet de licenciement collectif économique doit comprendre notamment la détermination des catégories professionnelles dans lesquelles des suppressions de postes sont envisagées ainsi que les critères d’ordre de licenciement retenus et qui serviront, au sein des catégories professionnelles, à départager les salariés.
Si la loi ne donne pas de définition de la notion de catégorie professionnelle, la jurisprudence et la pratique ont permis de la préciser48 en considérant qu’elle concerne l’ensemble des salariés qui exercent des fonctions de même nature, supposant une formation professionnelle commune. La définition des catégories professionnelles conduit également à prendre en compte le caractère permutable des salariés entre deux catégories professionnelles différentes au prix d’une simple formation d’adaptation incombant à l’employeur.
Or, le moyen de l’irrégularité de la définition des catégories professionnelles est régulièrement soulevé dans le contentieux des décisions d’homologation prises par les DIRECCTE. Alors même que l’administration réalise un contrôle approfondi des catégories professionnelles, la distinction entre catégories peut s’avérer complexe. Dès lors, ce volet des PSE constitue un motif d’annulation retenu de manière croissante par le juge administratif, fragilisant ainsi les plans de sauvegarde de l’emploi sans apporter de protection aux salariés.
d) Modalités de licenciements collectifs au regard de la taille de l’entreprise et du nombre de ces licenciements dans le cadre de la directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 relative aux licenciements collectifs
Les licenciements économiques collectifs sont entourés de garanties spécifiques prévues par le code du travail. Ainsi, l’employeur qui envisage de licencier au moins 10 salariés sur trente jours dans les entreprises de plus de 50 salariés est tenu d’élaborer un PSE sur lequel il consulte les instances représentatives du personnel (IRP). Le PSE, qui doit être proportionné aux moyens financiers de l’entreprise ou du groupe, comprend un ensemble de mesures destinées à réduire le nombre de licenciements et à favoriser le reclassement des salariés licenciés.
e) Reprise d’entité économique autonome
Le droit français et le droit de l’Union européenne n’autorisent des licenciements pour motif économique prononcés avant transfert dans l’entreprise cédante qu’à la condition qu’ils ne soient pas motivés par le transfert lui-même49.
Dès lors que des licenciements sont prononcés avant transfert, les jurisprudences européenne et française considèrent qu’ils sont présumés motivés par le transfert à moins que l’employeur ne puisse justifier du motif économique du licenciement. Les exceptions à ce principe sont rares.
La loi du 8 août 2016 a introduit une souplesse à ce principe. En effet l’interprétation du droit pouvait faire échec au processus de reprise de certaines sociétés, car, dès lors qu’un repreneur se manifestait dans le cadre du processus de recherche de repreneur, il appartenait à ce dernier d’engager les licenciements nécessaires une fois la reprise réalisées, les contrats de travail lui étant transférés automatiquement par application de l’article L. 1224-1 du code du travail. La loi a donc aménagé ce principe à l’article L. 1233-61 de ce code pour permettre le transfert des salariés qui ne sont pas affectés par un licenciement économique. Toutefois, cet aménagement est aujourd’hui restreint aux seules entreprises de plus de 1 000 salariés définies à l’article L. 1233-71 du code du travail. Sur le plan qualitatif, les démarches de recherche de repreneur peuvent susciter des effets positifs sur les territoires, en matière de dynamiques partenariales des acteurs du développement économique grâce à la mobilisation des collectivités locales, des créateurs d’activité, des financeurs, ce qui peut contribuer à moyen terme à favoriser l’implantation de nouvelles activités créatrices d’emplois.
Dans tous les cas, les caractéristiques du site (accessibilité, modernité des locaux, etc.), les qualifications et compétences des salariés et la capacité contributive de l’entreprise à travers le maintien d’un volume d’activité ou un soutien financier, sont autant de facteurs de réussite des démarches initiées. La possibilité de procéder à la reprise d’une partie seulement du personnel, en tenant compte des besoins de l’activité future du repreneur, est également un élément important. Par le passé, l’application automatique du transfert de l’ensemble du personnel a pu conduire à l’échec de certains projets de reprise.
1.2.6 Conditions de recours au télétravail et au travail à distance
Le télétravail est considéré comme une solution organisationnelle intégrée à l’entreprise, qui allie performance du salarié et qualité de vie au travail. Il peut être, lorsqu’il est bien organisé, un élément favorisant une articulation harmonieuse entre vie privée et vie professionnelle, un moyen de diminuer les déplacements et la fatigue et un moyen d’améliorer la productivité.
Le centre d’analyse stratégique estime à près de 18 % la moyenne de télétravailleurs réguliers en Europe en 2013.La France se situe ainsi au 13ème rang des pays de l’OCDE en matière de développement du télétravail50. Elle est donc en retrait par rapport aux autres pays européens.
Sur un plan qualitatif, le télétravail apporte une réponse aux problématiques liées à l’encombrement des transports et à l’accroissement de la distance entre leur domicile et leur lieu de travail. En effet, le télétravail génère une réduction de 40 minutes du temps moyen de trajet domicile-travail et une augmentation de 45 minutes du temps moyen de sommeil des salariés. Il comporte toutefois également des risques, comme celui de l’isolement du travailleur ou de l’atteinte à la vie collective de l’entreprise.
La loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives51 introduit ainsi la définition juridique du télétravail à l’article L. 1222-9 du code du travail, qui « désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail, qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur, est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication dans le cadre d’un contrat de travail ou d’un avenant à celui-ci. » Elle détermine les obligations de l’employeur dans le cadre de la mise en œuvre du télétravail telle la prise en charge des coûts matériels ou la fixation de plages horaires durant lesquelles le salarié peut être contacté.
L’article 57 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 prévoit l’organisation d’une concertation sur le développement du télétravail et du travail à distance, avec les organisations professionnelles d'employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel. Cette concertation, qui vient de s’achever, a donné lieu à la rédaction d’un rapport. Plusieurs propositions formulées visent à favoriser le développement du télétravail, en sécurisant notamment le recours au télétravail au fil de l’eau, qui constitue aujourd’hui la grande majorité du télétravail. Pour une catégorie de salariés de plus en plus nombreuse, le télétravail est entré dans les mœurs, constituant un mode de travail comme les autres, participant de l’indispensable conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Il s’agit de donner un cadre juridique adéquat aux nouvelles pratiques, pour sécuriser salariés comme employeurs et faciliter le développement du télétravail. Il en va de même des dispositions, anciennes, relatives aux travailleurs à domicile où subsistent des dispositions telles que les tarifs préfectoraux aujourd’hui peu adaptées aux relations actuelles du travail.
1.2.7 Travail à durée déterminée et travail temporaire
a) Contrat à durée déterminée
Le taux de recours au contrat à durée déterminée (CDD) est particulièrement élevé en France : selon une étude de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) de juillet 2014, 49,5 % des intentions d’embauche sont en CDD et 42,3% sont des missions d’intérim au 4ème trimestre 2012. Le marché du travail fonctionne de manière duale, avec des personnes disposant d’un emploi stable tandis que d’autres alternent périodes de chômage et emplois courts.
Au 4ème trimestre de l’année 2016, 8,1 % des salariés sont titulaires d’un CDD. Cette proportion varie avec la taille de l’entreprise : 9,5 % des salariés des entreprises de 10 à 19 salariés sont titulaires de ce type de contrat, contre 7,4 % de ceux des entreprises de 500 salariés ou plus (tableau 4). Le recours aux CDD varie également selon les secteurs d’activité. Ceux de la fabrication d’équipements électriques, électroniques, informatiques et de machines et ceux de la fabrication de matériels de transport emploient peu de CDD (respectivement 3,8 % et 4,1 %), alors que les « autres activités de services » comptent jusqu’à 18,6 % de leurs salariés en CDD.
b) Travail temporaire
L’emploi intérimaire a nettement contribué au redressement de l’emploi : hors intérim, l’emploi salarié en France a augmenté de 0,8 % contre 1,2 % une fois l’intérim pris en compte. À la fin du 4ème trimestre 2016, l’emploi intérimaire est en forte hausse (+ 7 % par rapport à la fin du trimestre précédent, après + 4,9 % au 3ème trimestre). Cette forte hausse se ressent à la fois dans l’industrie (+ 7,2 %, après + 4,2 %), dans la construction (+ 6,1 %, après + 6,8 %) et dans le tertiaire (+ 7,4 %, après + 4,7 %).
Ce dynamisme de l’intérim est également marqué lorsqu’il est mesuré par le volume de travail temporaire en équivalent emplois à temps plein sur l’ensemble du 4ème trimestre 2016 (+ 5,9 %). Il s’agit du huitième trimestre consécutif de hausse en volume (+ 21,9 % depuis fin 2014). Au total, sur l’année 2016, l’emploi intérimaire a augmenté de 13,1 % (+ 76 100 intérimaires), accélérant par rapport à 2015 (+ 49 100, soit + 9,2 %).
1.2.8 Recours aux contrats à durée indéterminée conclus pour la durée d’un chantier ou d’une opération.
L’article L. 1236-8 du code du travail prévoit que le licenciement qui, à la fin du chantier, revêt un caractère normal selon la pratique habituelle et l’exercice régulier de la profession, n’est pas soumis aux règles du licenciement pour motif économique prévues par le code du travail, sauf dérogations prévues par accord collectif ou convention collective. En l’absence de telles dérogations, le licenciement à la fin d’un chantier est en principe un licenciement pour motif personnel.
Le contrat dit « de chantier » est un contrat à durée indéterminée par lequel un employeur, qui exerce son exploitation dans une branche d’activité où cet usage est constant, engage un salarié en lui indiquant dès l’embauche que le louage de service
A suivre

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