mardi 4 avril 2017

avant le débat à 11



18 heures 44 + Je veux analyser cette campagne et notre situation de l’unique point de vue politique et procédural, sans aller au diagnostic sur notre économie, notre société et les circonstances intérieures et internationales dans lesquelles nos esprits vont former leur décision et leur vote.

Emmanuel MACRON : EM – Benoît HAMON : BH – Jean-Luc MELENCHON : JLM – François FILLON : FF – Marine LE PEN : MLP – de GAULLE : DG – François MITTERRAND : FM – Jacques CHIRAC : JC – Nicolas SARKOZY : NS.

D’abord, il nous faut reconnaître – si nous avons une mémoire de plus de quelques années – que cette élection-ci est exceptionnelle. Elle est précédée d’une campagne d’un an au moins : ouverte qu’elle a été par la dissidence d’un ministre du président sortant (EM fondant un mouvement politique et recueillant immédiatement des adhésions dans la jeunesse et un fort accompagnement médiatique, aujourd’hui ces adhésions viennent de la « classe politique » et les médias sont plus insidieux) et marquée par quatre faits. Les primaires dans la droite gouvernementale et parlementaire, se disant d’ailleurs la droite et le centre, ce que ne fait pas le Front national, tenant uniquement à son nom, et les primaires au Parti socialiste. Cette campagne et ces façons de cribler les candidatures sont nouvelles : l’auto-proclamation d’un jeune ministre qu’on aurait pu croire une créature du Président sortant, la renonciation de celui-ci, la dissymétrie des primaires puisqu’à droite l’engagement de soutenir le vainqueur a été respecté malgré la terrible surprise que ce vainqueur s’est avéré enchaîné par un passif judiciaire généralement disqualifiant, ce qui eût pu légitimer la transgression du pacte de soutien, tandis qu’au Parti socialiste, le ministre dissident rallie autant d’opportunistes de la droite et du centre que des renégats d’étiquette originellement socialiste. Jamais, la mise en place des candidats n’avait été aussi accidentée. En 1965, le suspense tenait à la candidature ou pas du Général et aux conditions dans lesquelles pouvait se faire l’unité de la gauche. Cette fois-ci, c’est tout le contraire, FH qui aurait pu entretenir le suspense jusqu’au 17 Mars a abattu les cartes dès le 13 Octobre, affaiblissant davantage encore nos institutions, qui n’ont plus de chef que légal, mais guère légitime ni politique. En 1969, tout avait laissé prévoir dès la succession ouverte le trio qui se plaça : POMPIDOU briguant la place depuis 1965, les communistes assez forts pour se passer d’unité et les socialistes montrant déjà ce que 2002 et 2017 confirment, ne pouvant gagner s’ils n’ont un représentant charismatique. Le vrai mérite de BH est réduit à peu par le bagout de JLM. 1974 et 1988 ont les victoires de l’habileté. 1981 et 2012 ont été celles de la lassitude vis-à-vis du sortant. Cette campagne ne crée pas de suspense, mais de l’inconnu.

Le paradoxe tient à l’insistance des médias et des commentateurs sur les programmes alors que les candidats ne se présentent qu’en réaction à un danger, la victoire de MLP. La situation du pays qui est pour moi caractérisée par la brade de notre patrimoine et le manque de relance et de novation européennes n’est pas analysée. Le candidat le plus « programmatique » semble disqualifié par l’éclosion des affaires le concernant lui et les siens, et de ses mises en examen. Les médias avaient été ignorés carrément par DG en 1965, au moins pour le premier tour (pour le second, il y eut la trouvaille d’Etienne BURIN des ROZIERS, faire parle le Général selon les questions des Français). Ils n’ont pas été dominants ensuite. On vota selon l’observation du comportement des candidats : la sérénité de FM en 1988, l’énergie de NS en 2007. Au total, peu de texte depuis 1965 : FM et DG n’avaient pas produit de livre ad hoc, les livres de GP ont été posthumes, même s’ils avaient été rédigés pendant sa « traversée du désert » (du moment où Maurice COUVE de MURVILLE avait reçu Matignon en Juillet 1968 jusqu’à sa propre élection présidentielle). Des livres en 2007, en 2012, maintenant mais sans impact : EM porduit un livre vendu à 200.000 exemplaires dès l’automne, et on persiste à s’interroger et à l’interroger sur son programme. L’idée d’un programme s’imposant au candidat et adopté par son parti, domina l’élection de 1974 et celle de 1981. Les programmes sont depuis 1995, compris, propres aux candidats.

Les médias font les questions et réponses quant aux textes, mais leurs vecteurs et le caractère des entreprises les produisant varient beaucoup et 2017 pourraient marquer, sans que ce soit encore net, l’entrée de médias moins disciplinés et moins identifiables, ce qui s’appelle les réseaux sociaux. Ils semblent s’être surtout mobilisés en défense de FF. Ceux que je reçois sont depuis que je les reçois, environ cinq ou six ans, à leur spécialité d’origine, l’observation des comportements et opérations de police, débats devant les tribunaux. Ils ne paraissent donc pas créer des dynamiques favorables ou nuisibles à tel candidat. Les médias audiovisuels ou écrits n’ont jusqu’à présent qu’enregistré nos perplexités.

Les médias font également le calendrier : très nettement avec les primaires, mais aussi avec les débats, non entre candidats, mais dégagés avec parcimonie par les interrogations orales subies côte à côte. Cinq il y a quinze jours et onze ce soir.

Les évolutions principales ne semblent dirigées ou provoquées que par des mouvements non quantifiables et no structurés : ceux de la conscience nationale. Des réflexions hors programme, hors calendrier se développent : l’exercice du pouvoir, ce qui fait l’autorité et la légitimité du Président ??? Je ne crois pas à une mobilisation électorale pour le premier tour, et les choix au second se feront tout différemment selon que MLP, conformément aux attentes, y est présente ou pas.

La certitude est l’apparence de l’échiquier politique a complètement changé. Les partis traditionnels sont à reconstituer : l’UMP et ses avatars, le PS principalement. Le PC a déjà perdu, au moins pour la présidentielle, son nom propre. Ces disparitions et ces états de ruines dans tous les azimuts.

Le débat de ce soir, certainement très difficile à organiser compte tenu de l’exhaustivité des invitations à y participer, est considéré par tous les candidats comme marquant : les « petits » pour acquérir quelque notoriété, les « grands » pour ne pas diminuer (EM), pour grandir (BH), pour s’imposer selon une nouvelle équation (JLM et FF). je suppose que MLP n’a aucune stratégie et se confie (à tort) sur la portance de la vague. Quant à moi, je vais particulièrement scruter EM. Nous avons à faire avec deux inconnus : EM en personnalité, en pratique et en possibilité parlementaire, MLP en capacité de femme d’Etat et non plus de personnage d’affiche. Le premier mentionnait la Guyane comme une île, à l’instar de la plupart des présentateurs de l’audio-visuel, et la seconde se trompe fréquemment dans ses démonstrations. 

L’exceptionnalité la plus forte de cette élection est sans doute dans cette deux inconnues : le gagnant ou la gagnante auront-ils une majorité parlementaire, question ne se posant pas en 1969 et en 1974 ni même en 1995, sauf victoire de la gauche, et ne se posant plus depuis 2002 puisque les législatives étaient conformes, en bonne logique, au résultat de la présidentielle les précédant à peine. En 2017, l’élection présidentielle aura ses troisième et quatrième tours. Seconde inconnue : les deux candidats en tête des sondages ne sont pas de comportement présidentiel prévisible. MLP et EM ont un trait commun, leur élection,  changera tout par elle-même. Qu’est-ce que ce tout ?

Nous en oublions combien nous sommes en vase clos, l’image d’impuissance et de mutisme sur les grands sujets qui est devenue la nôtre.

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