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heures 44 + Je veux analyser cette campagne et notre situation de l’unique
point de vue politique et procédural, sans aller au diagnostic sur notre
économie, notre société et les circonstances intérieures et internationales
dans lesquelles nos esprits vont former leur décision et leur vote.
Emmanuel MACRON : EM – Benoît HAMON : BH – Jean-Luc
MELENCHON : JLM – François FILLON : FF – Marine LE PEN : MLP –
de GAULLE : DG – François MITTERRAND : FM – Jacques CHIRAC : JC
– Nicolas SARKOZY : NS.
D’abord,
il nous faut reconnaître – si nous avons une mémoire de plus de quelques années
– que cette élection-ci est exceptionnelle. Elle est précédée d’une campagne
d’un an au moins : ouverte qu’elle a été par la dissidence d’un ministre
du président sortant (EM fondant un mouvement politique et recueillant
immédiatement des adhésions dans la jeunesse et un fort accompagnement
médiatique, aujourd’hui ces adhésions viennent de la « classe
politique » et les médias sont plus insidieux) et marquée par quatre
faits. Les primaires dans la droite gouvernementale et parlementaire, se disant
d’ailleurs la droite et le centre, ce que ne fait pas le Front national, tenant
uniquement à son nom, et les primaires au Parti socialiste. Cette campagne et
ces façons de cribler les candidatures sont nouvelles :
l’auto-proclamation d’un jeune ministre qu’on aurait pu croire une créature du
Président sortant, la renonciation de celui-ci, la dissymétrie des primaires
puisqu’à droite l’engagement de soutenir le vainqueur a été respecté malgré la
terrible surprise que ce vainqueur s’est avéré enchaîné par un passif
judiciaire généralement disqualifiant, ce qui eût pu légitimer la transgression
du pacte de soutien, tandis qu’au Parti socialiste, le ministre dissident
rallie autant d’opportunistes de la droite et du centre que des renégats
d’étiquette originellement socialiste. Jamais, la mise en place des candidats
n’avait été aussi accidentée. En 1965, le suspense tenait à la candidature ou
pas du Général et aux conditions dans lesquelles pouvait se faire l’unité de la
gauche. Cette fois-ci, c’est tout le contraire, FH qui aurait pu entretenir le
suspense jusqu’au 17 Mars a abattu les cartes dès le 13 Octobre, affaiblissant
davantage encore nos institutions, qui n’ont plus de chef que légal, mais guère
légitime ni politique. En 1969, tout avait laissé prévoir dès la succession
ouverte le trio qui se plaça : POMPIDOU briguant la place depuis 1965, les
communistes assez forts pour se passer d’unité et les socialistes montrant déjà
ce que 2002 et 2017 confirment, ne pouvant gagner s’ils n’ont un représentant
charismatique. Le vrai mérite de BH est réduit à peu par le bagout de JLM. 1974
et 1988 ont les victoires de l’habileté. 1981 et 2012 ont été celles de la
lassitude vis-à-vis du sortant. Cette campagne ne crée pas de suspense, mais de
l’inconnu.
Le
paradoxe tient à l’insistance des médias et des commentateurs sur les
programmes alors que les candidats ne se présentent qu’en réaction à un danger,
la victoire de MLP. La situation du pays qui est pour moi caractérisée par la
brade de notre patrimoine et le manque de relance et de novation européennes
n’est pas analysée. Le candidat le plus « programmatique » semble
disqualifié par l’éclosion des affaires le concernant lui et les siens, et de
ses mises en examen. Les médias avaient été ignorés carrément par DG en 1965,
au moins pour le premier tour (pour le second, il y eut la trouvaille d’Etienne
BURIN des ROZIERS, faire parle le Général selon les questions des Français).
Ils n’ont pas été dominants ensuite. On vota selon l’observation du
comportement des candidats : la sérénité de FM en 1988, l’énergie de NS en
2007. Au total, peu de texte depuis 1965 : FM et DG n’avaient pas produit
de livre ad hoc, les livres de GP ont été posthumes, même s’ils avaient été rédigés
pendant sa « traversée du désert » (du moment où Maurice COUVE de
MURVILLE avait reçu Matignon en Juillet 1968 jusqu’à sa propre élection
présidentielle). Des livres en 2007, en 2012, maintenant mais sans
impact : EM porduit un livre vendu à 200.000 exemplaires dès l’automne, et
on persiste à s’interroger et à l’interroger sur son programme. L’idée d’un
programme s’imposant au candidat et adopté par son parti, domina l’élection de
1974 et celle de 1981. Les programmes sont depuis 1995, compris, propres aux
candidats.
Les
médias font les questions et réponses quant aux textes, mais leurs vecteurs et
le caractère des entreprises les produisant varient beaucoup et 2017 pourraient
marquer, sans que ce soit encore net, l’entrée de médias moins disciplinés et
moins identifiables, ce qui s’appelle les réseaux sociaux. Ils semblent s’être
surtout mobilisés en défense de FF. Ceux que je reçois sont depuis que je les
reçois, environ cinq ou six ans, à leur spécialité d’origine, l’observation des
comportements et opérations de police, débats devant les tribunaux. Ils ne
paraissent donc pas créer des dynamiques favorables ou nuisibles à tel
candidat. Les médias audiovisuels ou écrits n’ont jusqu’à présent qu’enregistré
nos perplexités.
Les
médias font également le calendrier : très nettement avec les primaires,
mais aussi avec les débats, non entre candidats, mais dégagés avec parcimonie
par les interrogations orales subies côte à côte. Cinq il y a quinze jours et
onze ce soir.
Les
évolutions principales ne semblent dirigées ou provoquées que par des
mouvements non quantifiables et no structurés : ceux de la conscience
nationale. Des réflexions hors programme, hors calendrier se développent :
l’exercice du pouvoir, ce qui fait l’autorité et la légitimité du
Président ??? Je ne crois pas à une mobilisation électorale pour le
premier tour, et les choix au second se feront tout différemment selon que MLP,
conformément aux attentes, y est présente ou pas.
La
certitude est l’apparence de l’échiquier politique a complètement changé. Les
partis traditionnels sont à reconstituer : l’UMP et ses avatars, le PS
principalement. Le PC a déjà perdu, au moins pour la présidentielle, son nom
propre. Ces disparitions et ces états de ruines dans tous les azimuts.
Le
débat de ce soir, certainement très difficile à organiser compte tenu de
l’exhaustivité des invitations à y participer, est considéré par tous les
candidats comme marquant : les « petits » pour acquérir quelque
notoriété, les « grands » pour ne pas diminuer (EM), pour grandir
(BH), pour s’imposer selon une nouvelle équation (JLM et FF). je suppose que
MLP n’a aucune stratégie et se confie (à tort) sur la portance de la vague.
Quant à moi, je vais particulièrement scruter EM. Nous avons à faire avec deux
inconnus : EM en personnalité, en pratique et en possibilité
parlementaire, MLP en capacité de femme d’Etat et non plus de personnage
d’affiche. Le premier mentionnait la Guyane comme une île, à l’instar de la
plupart des présentateurs de l’audio-visuel, et la seconde se trompe fréquemment
dans ses démonstrations.
L’exceptionnalité
la plus forte de cette élection est sans doute dans cette deux inconnues :
le gagnant ou la gagnante auront-ils une majorité parlementaire, question ne se
posant pas en 1969 et en 1974 ni même en 1995, sauf victoire de la gauche, et
ne se posant plus depuis 2002 puisque les législatives étaient conformes, en
bonne logique, au résultat de la présidentielle les précédant à peine. En 2017,
l’élection présidentielle aura ses troisième et quatrième tours. Seconde
inconnue : les deux candidats en tête des sondages ne sont pas de
comportement présidentiel prévisible. MLP et EM ont un trait commun, leur
élection, changera tout par elle-même.
Qu’est-ce que ce tout ?
Nous
en oublions combien nous sommes en vase clos, l’image d’impuissance et de
mutisme sur les grands sujets qui est devenue la nôtre.
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