jeudi 27 avril 2017

la dernière allocution radio-télévisée du général de Gaulle aux Français


 


 

discours du 25 avril 1969


25 avril 1969
08m 08s

Notice

Résumé :
Allocution du général de Gaulle radiodiffusée et télévisée prononcée au palais de l'Elysée, le 25 avril 1969, 2 jours avant le référendum sur la régionalisation et la réforme du sénat . Le 27 avril 1969 le général de Gaulle soumet l'ensemble de sa politique, et notamment son projet de régionalisation, au jugement des Français par l'intermédiaire d'un référendum. Dans son discours du 25 avril, il leur annonce qu'en cas de vote négatif, il quittera le pouvoir.
Type de média :
Date de diffusion :
25 avril 1969
Type de parole :
Conditions de tournage :
Petite(s) phrase(s) :
  • Si je suis désavoué par une majorité d'entre vous, (...) ma tâche actuelle deviendrait évidemment impossible et je cesserais aussitôt d'exercer mes fonctions.
Thèmes :
Lieux :

Éclairage

Depuis le 24 mai 1968, on sait que le général de Gaulle envisage un référendum dont le double objet serait de renouveler sa légitimité ébranlée par la crise de mai 1968, et dont il ne considère pas que le succès de la majorité aux élections législatives de juin l'a véritablement renforcée, et de recevoir du peuple un mandat destiné à marquer l'approbation du suffrage universel au projet de participation qui constitue désormais le thème majeur de la politique suivie. Si, depuis la formation du gouvernement Couve de Murville au début de l'été 1968, le ministre d'Etat chargé des réformes administratives Jean-Marcel Jeanneney est en charge du projet, la volonté du général de Gaulle de faire adopter non une loi-cadre, mais un texte précis a considérablement allongé les délais de préparation, le Président contrôlant étroitement chaque article, voire tenant la plume pour le rédiger lui-même. Ce n'est donc pas dans la foulée des élections victorieuses que le texte est proposé aux Français, mais le 27 avril 1969 sous forme de deux projets liés, portant sur l'organisation des pouvoirs publics (sujet nécessaire à la procédure du référendum) et consacrés, l'un à l'organisation régionale, l'autre à la réforme du Sénat.
Le 19 février, le gouvernement a fait connaître que le référendum aura lieu le 27 avril. Deux jours avant la date fixée, le 25 avril, le général de Gaulle s'adresse aux Français dans un contexte marqué par le renouveau de la contestation. En fait, il doit affronter une addition de mécontentements. Bien entendu, celui de l'opposition politique et syndicale de gauche, accrue par la colère des salariés auxquels le gouvernement vient de refuser une hausse des salaires alors que l'inflation a rongé celle obtenue en mai 1968 et celui des nostalgiques de l'Algérie française à droite et à l'extrême-droite. Mais également les réticences de fractions importantes de son propre camp, celles de Valéry Giscard d'Estaing et d'une partie de ses amis qui préconisent le "non" au référendum, celles des milieux d'affaires ulcérés que le Général se refuse à dévaluer le franc pour leur permettre de retrouver une compétitivité mise à mal par les hausses de salaires de mai 1968 et, dans une large fraction de la majorité, le rejet de la participation dans les divers domaines où de Gaulle entend la situer et dans laquelle elle voit une subversion de l'ordre social ou une complaisance envers les gauchistes.
Aussi les sondages laissent-ils ouverte la possibilité d'une réponse négative au référendum.
C'est pourquoi le général de Gaulle qui prononce sur un ton solennel l'allocution du 25 avril qui sera sa dernière intervention publique se contente de rappeler sans y insister le contenu de la réforme régionale et de celle du Sénat et centre son discours sur l'enjeu dramatique que constitue une fois de plus cette consultation : ou son maintien au pouvoir et la poursuite de l'oeuvre entreprise jusqu'au terme de son manda, ou son départ immédiat s'il est désavoué, et le risque pour la France de retomber dans le chaos et la confusion. Mais par rapport aux consultations antérieures, la menace est émoussée dans la mesure où l'ancien Premier ministre Georges Pompidou, qui a pris ses distances avec la politique de son successeur à Matignon, a fait connaître en janvier et février 1969 que, le jour venu, il se porterait candidat à la succession du Général afin de maintenir la Vème République.
Le 27 avril, 53% des Français ayant répondu "non" au référendum, le général de Gaulle annonce qu'il cesse d'exercer ses fonctions le 28 avril à midi.
Serge Berstein

Transcription

(Musique)
Charles de Gaulle
Françaises, Français, vous, à qui si souvent j'ai parlé pour la France, sachez que votre réponse dimanche va engager son destin. Parce que d'abord, il s'agit d'apporter à la structure de notre pays un changement très considérable. C'est beaucoup de faire renaître nos anciennes provinces aménagées à la moderne sous la forme de régions, de leur donner les moyens nécessaires pour que chacune règle ses propres affaires, tout en jouant son rôle à elle dans notre ensemble national. D'en faire des centres où l'initiative, l'activité et la vie s'épanouissent sur place. C'est beaucoup de réunir le Sénat et le Conseil Economique et Social en une seule assemblée, délibérant par priorité et publiquement de tous les projets de loi, au lieu d'être chacun de son côté réduit à des interventions obscures et accessoires. C'est beaucoup d'associer la représentation des activités productrices et les forces vives de notre peuple à toutes les mesures locales et législatives, concernant son existence et son développement. Votre réponse va engager le destin de la France. Parce que la réforme fait partie intégrante de la participation qu'exige désormais l'équilibre de la société moderne. La refuser, c'est s'opposer à cette transformation sociale, morale, humaine, faute de laquelle nous irons à de désastreuses secousses. L'adopter, c'est faire un pas décisif sur le chemin qui doit nous mener au progrès dans l'ordre et dans la concorde en modifiant profondément nos rapports entre français.

Votre réponse va engager le destin de la France, Parce que si je suis désavoué par une majorité d'entre vous, solennellement sur ce sujet capital, et quelles que puissent être le nombre, l'ardeur de l'armée, de ceux qui me soutiennent, et qui de toute façon détiennent l'avenir de la patrie, Ma tâche actuelle de chef de l'Etat deviendra évidemment impossible, et je cesserai aussitôt d'exercer mes fonctions. Alors, comment sera maîtrisée la situation résultant de la victoire négative de toutes ces diverses, disparates et discordantes oppositions, avec l'inévitable retour au jeu des ambitions, illusions, combinaisons et trahisons dans l'ébranlement national que provoquera une pareille rupture. Au contraire, si je reçois la preuve de votre confiance, je poursuivrai mon mandat, j'achèverai grâce à vous, par la création des régions et la rénovation du Sénat, l'oeuvre entreprise il y a dix années, Pour doter notre pays d'institutions démocratiques adaptées au peuple que nous sommes, dans le monde où nous nous trouvons, et à l'époque où nous vivons, après les confusions, les troubles et les malheurs que nous avions traversés depuis des générations. Je continuerai, avec votre appui, de faire en sorte quoi qu'il arrive, que le progrès soit développé, l'ordre assuré, la monnaie défendue, l'indépendance maintenue, la paix sauvegardée, la France respectée. Enfin, une fois venu le terme régulier, sans déchirement et sans bouleversement, tournant la dernière page du chapitre que voici quelques trente ans j'ai ouvert dans notre histoire, je transmettrai ma charge officielle à celui que vous aurez élu pour l'assumer après moi. Françaises, Français, dans ce qu'il va advenir de la France, jamais la décision de chacune et de chacun de vous n'aura pesé aussi lourd. Vive la République, vive la France !



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