mardi 8 mars 2016

lettre à Angela Merkel, retouches pour faciliter la traduction


Le 8 Mars 2016,

Madame la Chancelière,

 nous, Européens, ne pouvons plus vivre en dépendance de crises ou de puissances sur lesquelles nous n’avons pas de prise, l’économie chinoise, l’hégémonie américaine, le marché pétrolier, la bourse de Londres, le flux des migrants du Moyen-Orient ou de l’Afrique. Nous faisons envie à tous et nous risquons de devenir victime de tous Nous pouvons encore moins nous laisser distraire par la saga britannique de tout ce que nous avons à affronter. L’Angleterre se convertira certainement un jour, elle ne l’a pas encore fait et Edward Heath, de 1970 à 1974, a vite connu sa solitude, n’y a rien pu et François Mitterrand faisant accorder « le chèque » de Fontainebleau en 1984, non plus. Ce n’est pas le sujet.

L’entreprise européenne telle qu’elle a tourné, n’est plus ni aimée ni crédible dans le cœur de nos concitoyens européens. Quand et comment a commencé la désaffection ? ce n’est pas le sujet, c’est un fait.

La manière de nous gouverner entre nous – tant de nations, tant de gouveernement – n’a pas été trouvée, l’ambition des années 1950-1960 s’est oubliée. Nous sommes juxtaposés, il n’y a pas encore d’esprit européen, de patriotisme européen. Nous ne sommes pas encore européens. Nous gouverner en Européens, c’est le sujet.

Il n’est plus possible de continuer dans les structures et selon les habitudes actuelles. Selon les traités que nous avons tous ensembles ratés d’Amsterdam à Lisbonne – ne prévoyant pas même d’éventuelles sécessions, ce que seul le projet de Jean-Claude Dehaene et de Valéry Giscard d’Estaing organisait.

Il faut donc repartir à zéro, exactement comme on le tenta en 1950. Votre immense prédécesseur, Konrad Adenauer, anticipa (article dans Le Monde en Avril 1950) la proposition de Robert Schuman, que Jean Monnet mit en forme, prenant de vitesse des propositions américaines. Celles de Dean Acheson n’auraient pas été les nôtres, à nous Européens, Allemands, Français. La France d’aujourd’hui étant ce qu’elle est et telle qu’elle est présidée et gouvernée, est incapable d’une initiative d’envergure. Au tour de l’Allemagne, à votre tour donc.

L’Europe, depuis que vous gouvernez votre pays – selon une culture du débat collégial dans votre conseil des ministres, qui nous est dramatiquement étrangère à nous Français – expérimente et discute la prépondérance allemande. C’est malheureusement un fait que la puissance actuelle de votre pays n’a pas apporté une idée ni provoqué une imagination remédiant au présent. Il faut rompre avec au moins deux décennies d’immobilisme et revenir à l’avenir par un projet global et nouveau.

Idée et imagination qui changeront tout. Et feront réfléchir. La puissance n’est féconde qu’en proposant, et là où elle n’était pas prévisible. Vous êtes en situation d’énoncer et de proposer ce projet – seule ou moyennant d’éventuelles mises de la France, mon très cher pays, dans la confidence. L’année du centenaire de Verdun l’inspire. Il y a eu l’initiative française en 1950, il doit y avoir l’initiative allemande en 2016, qui orientera l’élection présidentielle française de 2017, et réduira le referendum britannique à une péripétie de politique intérieure qui n’a rien d’européen.

Vous proposerez à qui voudra le négocier et l’écrire, un nouveau traité européen
1° instituant la démocratie directe (l’élection du président de l’Union au suffrage de tous les citoyens européens et le referendum convoqué par ce président pour légiférer dans les matières prévus par le nouveau traité – le SPD le proposait à peu près il y a dix ans dans son congrès de Leipzig),
2° ambitionnant un patriotisme européen commun à tous (transnationalité de listes paneuropéennes pour l’élection au Parlement européen au lieu des listes et circonscriptions nationales, service militaire et civique de tous les Européens, filles et garçons, mélangés entre nationalités et accompli en partie ailleurs que dans l’Etat national, pour aussi se développer en coopération au développement outre-mer),
3° organisant une défense commune (l’industrie et la logistique indépendantes des outils, du vouloir et de l’alliance des Etats-Unis, arme nucléaire au moins française, comprise) et
4° garantissant la solidarité à tous égards de ceux qui l’adopteront (ce qui suppose une fiscalité et des emprunts proprement européens et une autre gestion de la monnaie unique, plus prospective et plus citoyenne).

Un traité qui resterait ouvert à toutes candidatures ultérieures de réflexion, qui prévoirait les sécessions, qui accepterait toutes les associations qui se sont multipliées depuis 1957 mais qui ne transigerait ni sur nos valeurs ni sur la globalité et la sincérité des engagements.

La proposition s’adresserait à tous les Européens et à leurs Etats quand ils sont démocratiques, laïcs et tolérants. Elle serait évidemment fédéraliste, elle ne chercherait pas le nombre, encore moins l’exhaustivité des participants, mais leur volonté.

On ne peut plus ravauder, tout est déchiré. Nous avons risqué bien plus que notre union, ces derniers temps. Nous sommes -   riches et pauvres, petits et grands ou moyens - proches de quitter l’Histoire et l’avenir, alors que notre ensemble est le seul exemple au monde de l’état de droit, de la diversité ethnique et de la réconciliation entre hérédités ennemies. Racisme et peine de mort sont hors nos lois.

Vous-même entrerez dans l’Histoire : celle de votre pays, celle du Vieux Monde, en fondatrice du définitif et du rayonnant après que nous ayons expérimenté notre échec collectif, et manqué le premier essai… par routine, lassitude, mégarde… inconscience. Le nouveau cours, le second commencement, la dernière chance – je crois – c’est à vous de les inventer, de les proposer et de les mener aux fonts baptismaux.

Que mon cher vieux pays n’en ait – pour une fois – ni l’idée ni l’initiative ne me gêne pas, au contraire. L’humilité est la plus belle façon de la fierté. La France apprendra ainsi que son exemple si fréquent dans le passé, peut aujourd’hui être repris par autre qu’elle, quand elle est manifestement inférieure à ce qu’elle aurait dû continuer à être. Les Français l’auront insufflé aux Allemands, leur rendant toute légitimité, et les Allemands rappelleront les Français à la pratique et à l’ambition qu’ils ont malheureusement oubliées après le général de Gaulle et François Mitterrand. L’important est que cesse ce cours lamentable de l’Histoire.

C’est vous, faute de nous. Ou c’est nous à votre appel.

Les opinions publiques nationales seraient à saisir par-dessus les gouvernants. Ceux-ci ont failli dans leur prétention à répondre de l’Europe à huis-clos et par compromis. Vous le voyez à chacune des rencontres en Conseil européen.

Formule chaleureuse de politesse et expression de confiance en français et à la plume.

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