Cher ami, Monsieur le Secrétaire général,
1° le gouvernement donne toutes les impressions
possibles et imaginables, sauf celle d'une union pour le travail
et pour le résultat de femmes et d'hommes s'estimant
mutuellement, se respectant. Déjà et depuis des années, le trop
grand nombre autour du président de la République et du Premier
ministre en conseil, empêche un véritable débat et la
collégialité. Mais ces semaines-ci, la rivalité Valls/Macron - à
croire qu'ils ont été nommés l'un l'autre pour s'entre-détruire
et donc ménager, augmenter l'espace électoral du Président - et
le cas particulier de Christiane Taubira, ne pouvant partir ni
de son point de vue ni de celui du Président, rendent totalement
disparate l'ensemble gouvernemental. Au point que
psychologiquement, il n'y a plus de gouvernement, ce qui modifie
constamment l'image du Président et sa propre place dans les
institutions qui ne sont plus parlementaires.
Un remaniement - sans circonstances - seulement s'il
constitue une première étape vers le gouvernement d'union
nationale que je ne cesse de vous suggérer depuis au moins le 11
Janvier 2015, ou qu'au moins il soit si resserré : une douzaine
de portefeuilles et sans annexes en haut-commissaires ou en
secrétaire d'Etat, qu'enfin nous puissions vivre en ces mois
difficiles selon une équipe véritable.
2° le départ de Laurent Fabius (pour le Conseil
constitutionnel, avec le précédent de Roger Frey, en Février
1974 : même raison répondre de la révision constitutionnelle
voulue par le Président du moment, naguère l'application à
lui-même par Georges Pompidou du quinquennat qu'il ne parvenait
pas à faire voter) et la proximité psychologique désormais de
l'élection présidentielle devrait permettre de penser notre
politique étrangère vraiment à nouveau. Non pas des
continuités prétendues, ou des synthèses a posteriori
d'initiatives surtout réactives. Mais réellement une réflexion,
une pensée dont l'articulation en campagne présidentielle, que
le Président soit ou non candidat, forcerait l'ensemble du pays
à s'interroger et les praticiens à examiner en conscience et
selon la somme de nos lacunes. Enfin, les décisions à huis clos
(comme pour la plupart des options en politique intérieure)
notamment à propos de nos relations et de celles de l'Europe
avec les Etats-Unis, seraient débattues au jour.
Ne plus penser selon ce que nous faisons, mais selon l'état
du monde et ce qu'il est souhaitable que nous y proposions. Une
analyse du monde, un bilan des échecs et impasses dans
l'entreprise européenne. Tout se passe actuellement dans le
monde comme si se heurtaient sans autre logique que l'inertie de
chacun - mais combien pesante - de très grandes puissance :
Amérique, Chine, Russie mais déclinantes et dérivantes. Avec une
Europe-objet, satellite des Etats-Unis, proie du commerce et de
l'investissement chinois, tétanisée par le Proche-Orient et par
la Russie sources de violence.
L'organigramme du Quai d'Orsay privilégie l'administration
de soi et les Français de l'étranger, absolument pas la
réflexion stratégique à Paris, ni, depuis nos ambassades, le
rayonnement, l'information, le renseignement (qui ne doit pas
être principalement sur le risque terroriste mais bien sur
l'esprit des peuples, nos partenaires). Il convient également
que cesse le comble d'une mondialisation commerciale et
économique (que je ne crois ni d'avenir ni irréversible)
caractérisant aujourd'hui les relations internationales et d'une
absence totale pour notre pays d'outils de commerce extérieur.
Nous les avions jusqu'il y a dix ans et avec un réseau local
encore plus capillaire que celui du Quai d'Orsay, quand ses
agents étaient surtout "recrutés locaux".
Donc, dans la perspective de la campagne présidentielle,
donner les tenants et aboutissants d'un examen national de notre
expression dans le monde et notre analyse de ce monde.
3° ne voyant que ce qui se voit, j'ai la sensation que -
l'intergouvernemental étant le tout du fonctionnement européen -
le Président n'est pas assez en tête-à-tête avec ses
homologues et que dans le monde où très peu est lisible,
visible, audible, ses voyages ne sont pas en plein air
ni de peuple à peuple. Séjours trop courts, pas assez de
temps pour sonder le partenaire et éventuellement nouer une
relation profonde, pas de façade, surtout un encombrement sinon
la pollution du politique par notre obsession des grands
contrats. En diplomatie, arriver en demandeur, réduit tout :
notre crédibilité, notre prestige évidemment et surtout le champ
des entretiens et des réflexions, dépaysés pour les Français,
stimulants pour nos hôtes étrangers.
4° qu'il s'agisse de croissance économique, d'échanges,
d'investissements, il est vital que l'inventaire de notre
patrimoine économique et intellectuel soit fait. Formation
de nos cadres selon des "modèles" étrangers,
désindustrialisation accélérée : qu'avons-nous encore en propre
? que devons-nous reconquérir ?
5° enfin, l'Europe ne peut plus se continuer autrement
qu'en apparence si les peuples n 'ont de possibilité que la
détester pour ce qu'elle fait et ne fait pas. Les peuples ne
peuvent se l'approprier si le fonctionnement n'est qu'entre
gouvernements- membres sans qu'il y ait une dynamique
indépendante de ceux-ci. Il faut inventer d'urgence toutes
pratiques de démocratie directe pour que s'incarne et s'entende
l'Union européenne chez elle et au dehors.
En somme, au lieu de gérer pendant les dix-huit mois à
venir, il faut conduire une intense réflexion collective,
nationale pour définir ce que nous voulons (être et faire) à
long terme.
Bonne fin de soirée si vous me lisez maintenant. Sinon
bonne suite de semaine.
mardi 26 janvier 2016
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