LOI n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à
prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social
EXPOSE DES MOTIFS
Projet de loi d’habilitation à
prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social
NOR: MTRX1717150L
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Conformément à la volonté du Président de la République, le Gouvernement a
souhaité engager une rénovation profonde de notre modèle social, en
concertation avec les organisations syndicales et patronales de la nation.Les trente dernières années ont modifié en profondeur, en France comme ailleurs, l’environnement économique et social dans lequel évoluent les entreprises, les salariés, les demandeurs d’emploi et plus largement tous les actifs. Elles ont rebattu les cartes de l’économie mondiale et de la division internationale du travail, ouvrant des opportunités inédites par leur ampleur et leur nature, et créant en même temps de nouvelles difficultés économiques et sociales qui appellent des réponses innovantes, une véritable rénovation de notre modèle social.
Rénover ne veut pas dire détruire, renier ce que l’on est, ou plaquer un modèle étranger importé de l’extérieur. Rénover, c’est conserver les fondations et les principes, qui sont solides, tout en modernisant les droits, les devoirs, ainsi que la mise en œuvre.
Le modèle social français se caractérise par un attachement fort à l’égalité : égalité devant la loi, égalité des droits, égalité des chances. Nous sentons bien aujourd’hui que cette égalité est malmenée, et qu’il faut lui redonner un nouveau souffle. Par ailleurs, chacun aspire à notre époque à plus de liberté : liberté de choisir sa carrière professionnelle, de changer de métier, liberté de créer, liberté d’entreprendre, liberté de concilier sa vie professionnelle et sa vie personnelle.
Rénover le modèle social français, c’est faire en sorte qu’il réponde à ces deux enjeux : davantage d’égalité, davantage de liberté. C'est ainsi que nous nous projetterons vers l'avenir tout en restant fidèles à notre histoire.
Pour apporter plus d’égalité, au-delà de la nécessaire réforme de l’école, il faut donner plus de droits aux actifs, leur donner des droits qui les protègent face à la nouvelle donne économique et sociale. La mondialisation et les nouvelles technologies ont rendu le marché du travail plus incertain, en multipliant les changements de métier mais aussi les passages par le chômage. Face à cette évolution il est nécessaire de donner aux actifs des protections nouvelles, et la première d'entre elles, ce sont les compétences. C’est l’objectif du plan d’investissement d’avenir et de la réforme de la formation professionnelle.
Le plan d’investissement doit apporter au plus grand nombre possible de chômeurs les compétences et les qualifications pour saisir les nouvelles opportunités du marché du travail. On sait qu’il y a un lien étroit entre le niveau de qualification et le niveau de chômage ; il faut donc élever le niveau de qualification de la population française pour réduire le chômage et donner à chacun sa chance.
La réforme de la formation professionnelle, quant à elle, doit donner à chacun des droits individuels à la formation plus importants, plus accessibles, plus facilement mobilisables, pour rendre plus effective la liberté de changer de métier ou de créer son entreprise. Une plus grande liberté, c’est également l’objectif de la réforme de l’assurance chômage : nous voulons l’ouvrir aux salariés démissionnaires et aux indépendants, pour les accompagner, les sécuriser, dans le choix de changer de vie professionnelle, qu’il s’agisse d’une reconversion professionnelle ou d’une création d’entreprise.
Davantage de droits donc, pour créer davantage d’égalité entre tous, et davantage de liberté pour chacun.
Mais cette égalité et cette liberté ne seront réelles que si des opportunités existent, que si les entreprises peuvent se développer, croître, créer des richesses et donc des emplois.
Libérer l’énergie des entreprises tout en protégeant les actifs, donner les moyens à chacun de trouver sa place sur le marché du travail et de construire son parcours professionnel : telle est la transformation sociale profonde dont notre pays a besoin.
Six réformes complémentaires seront ainsi menées dans les 18 prochains mois. Elles entreront en vigueur pour certaines dès la fin de l’été. Elles viseront respectivement à : faire converger performance sociale et performance économique, en faisant évoluer dès cet été notre droit du travail pour prendre en compte la diversité des attentes des salariés et des besoins des entreprises ; redonner de façon immédiate et visible du pouvoir d’achat aux salariés, par la suppression des cotisations salariales au titre de l’assurance maladie et de l’assurance chômage ; renforcer efficacement les dispositifs de formation professionnelle ; ouvrir l’assurance chômage aux démissionnaires et aux indépendants ; refonder l’apprentissage pour développer massivement l’offre des entreprises en direction des moins de 25 ans et lutter efficacement contre le chômage des jeunes ; rénover notre système de retraites en le rendant plus transparent et plus juste. Par ailleurs, le dispositif de prévention et de compensation de la pénibilité sera fortement simplifié pour les entreprises et les droits des salariés seront garantis.
Conçu historiquement pour organiser les relations de travail dans les grandes entreprises industrielles, notre droit du travail ne répond plus à la diversité des entreprises, des secteurs, des parcours et des attentes des salariés. Au lieu de protéger les salariés et de soutenir l’activité des entreprises, il fragilise parfois les premiers en imposant des règles rigides qui sont souvent contournées dans la pratique et freine le développement des secondes, par sa difficulté à s’adapter rapidement à la réalité changeante des situations économiques, notamment dans les TPE/PME et les jeunes entreprises.
L’entreprise d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier : s’il serait absurde de nier les divergences d’intérêt qui les traversent, les entreprises de notre temps ont peu de chances de prospérer durablement si les salariés qui s’y investissent n’y trouvent pas un sens à leur travail.
La protection égale des salariés contre les aléas de la vie professionnelle, particulièrement en matière de santé, est une valeur cardinale du modèle social français, mais le principe d’égalité ne saurait conduire à l’uniformité de la norme pour tous les salariés de toutes les entreprises, quels que soient la taille et le secteur.
La protection des salariés peut en effet être mieux assurée par des normes négociées entre représentants des salariés et des employeurs dans le respect de principes intangibles fixés par la loi : c’est une voie qui ne se résigne ni à la disparition des protections, ni à l’inadaptation de nos règles aux aspirations des salariés et aux besoins des entreprises.
Trouver les solutions innovantes pour articuler performance sociale et performance économique, pour allier bien-être et efficacité au travail, ne peut se faire qu’au plus près du terrain, par un dialogue entre les acteurs directement concernés, dans un cadre souple et protecteur.
Le présent projet de loi constitue le premier volet du programme de travail ambitieux proposé par le Gouvernement aux organisations syndicales et patronales de la nation. Il entend répondre à l’objectif fixé par ce programme de faire converger performance sociale et performance économique, en faisant évoluer avec la plus grande efficacité notre droit du travail pour prendre en compte la diversité des attentes des salariés et besoins des entreprises.
Il repose sur trois piliers visant respectivement :
- à définir une nouvelle articulation de l’accord d’entreprise et de l’accord de branche et à élargir de façon sécurisée le champ de la négociation collective ;
- à simplifier et renforcer le dialogue économique et social et ses acteurs, notamment au travers d’une refonte du paysage des institutions représentatives du personnel, plus en phase avec la réalité des entreprises et les enjeux de transformation dont elles ont à débattre ;
- à rendre les règles régissant la relation de travail plus prévisibles et plus sécurisantes pour l’employeur comme pour les salariés.
Le projet de loi contient huit articles. Les articles 1 er à 3 prévoient les ordonnances qui régiront respectivement les dispositions des trois piliers précités. L’article 4 porte sur des dispositions complémentaires à prendre par voie d’ordonnance en vue de favoriser le développement de la négociation collective et de sécuriser les accords collectifs.
Les articles 5 à 7 prévoient les ordonnances contenant diverses mesures de nature à renforcer la lisibilité, l’intelligibilité et l’effectivité de la loi. L’article 8 fixe le délai de dépôt du projet de loi de ratification des ordonnances précitées.
L’article 1 er porte sur la nouvelle articulation de l’accord d’entreprise et de l’accord de branche et l’élargissement sécurisé du champ de la négociation collective.
La branche conserve un rôle essentiel pour réguler les conditions de concurrence et définir des garanties économiques et sociales. Pour autant, l’entreprise est le lieu où la création de la norme sociale permet de répondre de manière pertinente aux besoins spécifiques des salariés et des entreprises en construisant le meilleur compromis au plus près du terrain. La concertation doit définir la bonne articulation entre les deux niveaux.
De façon complémentaire, il convient d’ouvrir de nouveaux champs à la négociation collective et de donner les moyens de mieux sécuriser les accords conclus et leurs modalités d’application et de validité. Si la loi doit fixer, de manière accessible et simplifiée, les règles d’ordre public auxquelles la négociation collective ne peut apporter d’adaptations, ainsi que les dispositions supplétives à défaut d’accord collectif, il appartient aux acteurs locaux de déterminer conjointement les règles selon lesquelles ils entendent régir leurs relations de travail.
L’ordonnance prévue à l’article 1 er aura pour objet de reconnaître et attribuer une place centrale à la négociation collective d’entreprise, en définissant les domaines dans lesquels la convention ou l’accord d’entreprise ne peut comporter de stipulations différentes de celles des conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels, ceux dans lesquels conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels peuvent stipuler expressément s’opposer à toute adaptation par convention ou accord d’entreprise et en reconnaissant dans les autres matières la primauté de la négociation d’entreprise. L’ordonnance encadrera enfin les conditions dans lesquelles les spécificités des entreprises, notamment leur taille, peuvent être prises en compte dans le droit conventionnel.
Cette ordonnance prévoira également des mesures précisant les effets de certains accords sur le contrat de travail, renforcera l’autonomie des partenaires sociaux dans l’organisation du dialogue social dans l’entreprise, et précisera les modalités de conclusion des règles de validité d’un accord dans les entreprises. Elle permettra d’accélérer le processus de restructuration des branches professionnelles.
L’article 2 porte sur la simplification et le renforcement du dialogue économique et social et de ses acteurs.
Notre pays se distingue par la représentation morcelée des salariés en quatre instances différentes dans l’entreprise (délégués du personnel, comité d’entreprise, comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, délégués syndicaux). Cela ne favorise ni la qualité du dialogue social, qui est éclaté et alourdi, ni la capacité d’influence des représentants des salariés, qui se spécialisent sur certaines questions mais sont privés d’une vision d’ensemble.
Il s’agit de rendre le dialogue social plus efficace dans l’entreprise et représenter de manière adéquate la collectivité de travail, de mieux articuler consultation et négociation, de donner les moyens pour que la stratégie de l’entreprise soit mise en œuvre avec l’ensemble des parties prenantes.
De même, le dialogue social dans les TPE et PME doit être facilité pour que toutes les entreprises puissent bénéficier des possibilités d’adaptation qui seront ouvertes à la négociation collective par la loi. Enfin, un dialogue social rénové suppose des acteurs renforcés, légitimes et la reconnaissance des compétences acquises au cours des différents mandats.
L’ordonnance prévue à l’article 2 visera à mettre en place une nouvelle organisation du dialogue social dans l’entreprise, à faire progresser les prérogatives des représentants du personnel et à favoriser les conditions d’implantation syndicale et d’exercice de responsabilités syndicales. Elle définira en particulier les conditions de mise en place d’une instance fusionnée de représentation du personnel, se substituant aux délégués du personnel, au comité d’entreprise et au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Elle renforcera la pratique et les moyens du dialogue social, en permettant aux salariés d’apporter des ressources au syndicat de leur choix, en renforçant la formation des représentants des salariés, la promotion de la reconversion professionnelle des salariés dotés d’un mandat de représentation, en reconnaissant et valorisant l'engagement syndical, et en améliorant les outils de lutte contre les discriminations syndicales.
Cette ordonnance précisera les matières et modalités selon lesquelles le rôle et la place de la représentation du personnel pourra être renforcée dans certains processus décisionnels de l’entreprise.
L’ordonnance prévue à l’article 3 vise à s écuriser les relations de travail, tant pour les employeurs que pour les salariés.
Il s’agit de rendre les relations de travail plus prévisibles et plus sereines et de sécuriser les nouveaux modes de travail pour redonner confiance à tous, salariés comme employeurs.
Les délais de jugement de plusieurs années dans certains conseils des prud’hommes, l’écart parfois imprévisible entre les décisions de certains conseils, conduisent à une iniquité inacceptable entre les salariés et une méfiance dommageable à tous, salariés comme employeurs, méfiance in fine préjudiciable aux relations de travail et à l’emploi.
Il convient donc de favoriser la conciliation prud’homale. Par ailleurs, la barémisation des dommages et intérêts, notamment en fonction de l’ancienneté, - et non des indemnités de licenciement - permettra une plus grande équité et redonnera confiance aux employeurs et aux investisseurs, notamment dans les TPE et PME. La crainte de l’embauche dans celles-ci est réelle, alors même que le potentiel de création d’emplois y est considérable.
De même, certaines règles qui entourent le licenciement et devraient en principe protéger les salariés ne les sécurisent pas réellement. Elles constituent plutôt des freins au recrutement et conduisent parfois par leur formalisme à multiplier les contentieux. Ces règles pèsent sur l’image et l’attractivité de la France sans protéger les individus.
D’autres normes, par ailleurs, sont devenues très décalées avec les pratiques et les attentes des salariés, comme en matière de télétravail par exemple. Il y a lieu de moderniser pour mieux sécuriser les pratiques modernes qui sont déjà entrées dans les mœurs des relations de travail d’aujourd’hui.
L’article 4 , en complément des ordonnances prévues aux articles précédents, vise à permettre de favoriser le développement de la négociation collective et de sécuriser les accords collectifs. Il s’agit à cet effet de modifier, notamment, certaines règles liées à l’extension des accords de branche et au fonctionnement du fonds paritaire institué par l’article L. 2135-9 du code du travail.
L’article 5 vise notamment à permettre de modifier certaines obligations incombant aux employeurs en matière de pénibilité pour les simplifier tout en garantissant les droits des salariés concernés.
L’article 6 vise à harmoniser l’état du droit, assurer la cohérence rédactionnelle et corriger des erreurs matérielles.
L’article 7 vise à proroger l’échéance de la période transitoire prévue, en matière de travail du dimanche, aux I et II de l’article 257 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
L’article 8 fixe le délai dans lequel un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement à compter de la publication des ordonnances prévues aux articles 1 er à 7.
Enfin, l’article 9 a pour objet, conformément à l’annonce faite par le Premier ministre le 7 juin 2017, d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour décaler d’un an, soit au 1 er janvier 2019, l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu ainsi que les mesures indissociables prévues pour assurer la transition entre l'ancien et le nouveau mode de paiement de l'impôt sur le revenu.
L'article 60 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 a instauré le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu pour les revenus perçus ou réalisés à compter du 1 er janvier 2018. Il a défini le champ du prélèvement, son mode de calcul, ses règles de fonctionnement, les obligations des contribuables et des collecteurs.
Ce même article a également prévu, de manière indissociable à l'instauration du prélèvement à la source, afin d'éviter un double paiement d'impôt lors de l'année 2018, un crédit d'impôt dit de modernisation du recouvrement (CIMR), imputable sur l'impôt dû au titre des revenus de l'année 2017, visant notamment à effacer l'impôt sur les revenus non exceptionnels inclus dans le champ de la réforme perçus par le contribuable en 2017.
Le prélèvement à la source constituera un progrès en permettant d'ajuster en temps réel le paiement de l'impôt à l'évolution des revenus et de la situation de chacun. Le décalage d'un an de la réforme permettra de rassurer l'ensemble des acteurs économiques pour mettre en œuvre cette réforme dans les meilleures conditions.
Ce temps supplémentaire permettra ainsi de mieux accompagner les collecteurs et les contribuables, de développer la communication et l'information de tous les publics et, le cas échéant, de poursuivre les tests techniques (expérimentation) dans les meilleures conditions. Un audit sera également réalisé afin d'examiner la robustesse technique et opérationnelle du dispositif et la réalité de la charge induite pour les collecteurs, en particulier les entreprises.
Corrélativement, les années de référence des mesures transitoires indissociables de l'instauration du prélèvement à la source, qui n'ont plus de justification pour 2018 en l'absence de mise en œuvre à cette date de celui-ci, seront décalées d'un an sans modification. En particulier, le bénéfice du CIMR s'appliquera désormais au titre de l'imposition des revenus de l'année 2018 afin d'éviter en 2019 le versement d'une double contribution aux charges publiques.
Le versement de l'acompte égal à 30 % du montant des avantages fiscaux au titre de l'emploi d'un salarié à domicile et de la garde de jeunes enfants, instauré à compter de 2018 par l'article 82 de la loi de finances pour 2017 en accompagnement de la mise en place du prélèvement à la source, sera également décalé d'une année.
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