Chers élus de la nation,
la France est au supplice.
Le stade léthal est assez proche pour que cela ne s’entende ni
ne se voit guère. Sauf à l’étranger stupéfait de notre disparition en tant que
peuple admirablement doté par la nature, ayant su malgré la défaite de 1940
retrouver son rayonnement de toujours et augmenter ses avances technologiques
comme nul autre en une Europe. Stupéfait de ne plus nous voir et nous entendre
en tant que tels. Stupéfait que les Français consentent à leur domestication et
à leur abaissement, à être si mal dirigés, si mal représentés depuis des années
maintenant.
Notre patrimoine politique est dévoyé, notre patrimoine
industriel et agricole bradé, notre visage défiguré, grimé. Processus d’au
moins quinze ans, mais s’accélérant de semaine en semaine.
Politique.
Une élection présidentielle préparée dès la mi-mandat et censée
opposer deux candidatures dont ne veulent pas les Français, à 72% pour le battu
de 2012 et à 77% pour l’élu de cette année-là. Une élection qui se déciderait
au premier et non au deuxième tour, puisqu’affronter Marie Le Pen, c’est
censément l’emporter. A moins que les Français, sans racisme, sans
antisémitisme, sans négationnisme, sans simplisme apprécient par avance un
exercice du pouvoir plus partagé et plus contrôlé, Marine Le Pen à l’Elysée
sans majorité au Parlement puisqu’elle n’aurait ni le temps ni les moyens
constitutionnels de changer le mode scrutin de l’Assemblée nationale, malgré
son élection. Le gouvernement se formerait en consensus des partis dits de
gouvernement, ceux-là même qui se ressemblent tellement depuis dix ans en
politique économique et sociale, et nous ont constamment fait reculer :
syndrome, la réforme des retraites sauvant notre « modèle » pour
vingt ans ans tous les cinq ans…
.
Une vie publique figée, chaque fois pour cinq ans Le recel des prérogatives présidentielles et
la discipline interne de vos partis à peine de n’être pas réinvestis oblige,
vous oblige à voter « malgré tout » la confiance ou la censure.
Une démocratie rendue émolliente. 1997, une dissolution manquée,
le président reste en place. 2005, un referendum négatif, le président reste en
place. 2014, la refonte de la carte des régions sur un coin de table à
trois-quatre un lundi soir sans consultations locales, sans referenda locaux
pour les rattachements, réunions ou sécessions des départements selon les
régions, sans consultations sur les compétences et avec un désengagement de
l’Etat, souvent sans préavis, faisant tout peser sur les communes, désormais
incapables de maintenir leurs concours à la vie associative, pourtant creuset
décisif du civisme et de la solidarité.
Face à la crise aux multiples causes et natures, assourdis de
propagandes répétitives sur le choc de compétivité, sur le pacte de
responsabilité, assommés par des lois-catalogues et fourre-tout qui vous sont
imposées comme aux Français. Des réformes dont ceux-ci ne veulent pas et
l’absence ou le déni des réformes qu’ils veulent et qui sont de bon sens. Alors
que l’expérience française de la planification quinquennale ou quadriennale de
la Libération à 1998 (suppression du commissariat au plan au profit d’une
nouvelle institution sans aucune parenté : le conseil d’analyse économique
à Matignon) est exactement à la mesure et du système quinquennal actuel et de
la nécessité d’un dialogue entre partenaires sociaux vraiment efficace en
économie et en finances.
La démocratie de façade et l’oubli des outils qui nous sont
propres.
Notre patrimoine bradé. Pas de semaine sans une annonce
navrante, au point qu’il n’y a probablement plus rien à vendre de ce que nous
avions su construire depuis cent ans, souvent plus, quel que soit notre régime
politique, quel que soit l’origine du capital, familial, public ou sur emprunt
national. Dès 1987, l’imagerie médicale Thomson, puis les manipulations du
capital d’EADS, c’est-à-dire d’Airbus dont nous avions su en 1968-1969
persuader les Allemands que l’implication gouvernementale était sine qua non. A
répétition depuis 2012 : Florange
et toute sidérurgie en France – l’automobile
progressivement en Chine et au Japon en centre de décision et en fabrication – Alstom,
Lafarge, Areva (via les contrats nucléaires d’EDF version
Proglio avec la Chine), Arianespace alors que les
absorptions-disparitions de Péchiney et d’Alcatel auraient dû
nous instruire sur ces fusions et participations. L’emploi peut toujours
renaître, mais un savoir-faire séculaire disparaît que nous ne pourrons
reconstituer – si nous le voulions – que par mercenariat. Notre jeunesse dotée
et diplomée le comprend bien : il n’y a plus d’avenir français pour ce qui
étaient nos premiers rangs depuis les années 1920. Avoir laissé tomber le Crédit
Lyonnais en difficulté aux Etats-Unis ou admis l’absorption d’Elf,
bras séculier de l’Etat sur des marchés où nous sommes seuls à ne pas jouer
national, nous a privés d’envergure mondiale. Structurellement excédentaire et
de beaucoup, des premiers rangs mondiaux pour bien des céréales ou des
productions de qualité, notre balance agro-alimentaire est tombée subitement
déficitaire : porcs et volailles viennent majoritairement de l’étranger
comme l’ensemble du textile ou des équipements électroniques ou multimédias.
L’Allemagne est excédentaire en étant le diffuseur d’exporations
chinoises : vg. les ampoules électriques de consommation obligée selon de
nouvelles normes européennes.
Nous n’avons plus de stratégie industrielle ni au plan
gouvernemental ni en concertation avec nos banques et nos groupes principaux. Les pouvoirs publics ne savent plus
négocier, ne sont pas informés cf Florange et Alstom, ne
savent pas nommer : le fossoyeur d’Aulnay à la tête d’Areva… et nos élites
pour les directions d’entreprise se cooptent ou exploitent leur recel, cf.
François Pérol, avec la tolérance des dernières procédures dont dispose encore
l’Etat.
Clubs de foot. financés par l’étranger, aéroports de province
financés de même, lignes intérieures attribuées à l’étranger au détriment de
notre compagnie nationale. Vous en savez bien plus que moi par vos remarquables
commissions d’enquête et vos investigations personnelles.
Le visage de la France – resté intact malgré nos guerres
coloniales, grâce à de grandes autorités littéraires et morales (Mauriac,
Camus, Sartre…Teilhard de Chardin, Abbé Pierre, Père Joseph pour ATD Quart
Monde) et à l’éclat des options faites en notre nom par le général de Gaulle –
est méconnaissable. Il est déjà pour certains attristés : grimaçant,
mensonger. Discours et faits déshonorants, tel celui de Grenoble en Juillet
2010, tels ceux perpétrés depuis… quel que soit le ministre de l’Intérieur et
le président de la République, des faits méprisant les droits de l’homme au
point que la commissaire européenne compétente et le pape lui-même ont mis le
holà ! à la suite de deux de nos évêques chargés de la pastorale des migrants.
Chroniquement, Calais et ces jours-ci Vintimille ou de plus en plus les
statistiques comparées entre Etats membres de l’Union européenne pour l’accueil
des demandeurs d’asile, et affreux : nos interprètes afghans comme les
harkis d’Algérie.
L’intelligence nationale dédaignée par la direction politique.
Le gouvernement d’union réclamé d’évidence au soir du second tour de l’élection
de 2002 contre Jean-Marie Le Pen ou du dimanche 11 Janvier dernier : pas
même venu à l’esprit de celui qui peut le faire. Le moratoire des dettes
souveraines, ainsi qu’en temps de guerre, évident pour tout particulier
surendette et dépendant d’un banquier outrecuidant, n’est toujours pas en débat
entre les principaux Etats pourtant ciblés par la spéculation comme à tondre et
corvéables à merci.
Et surtout aucun
tropisme européen,
une gestion intergouvernementale stérile parallèlement à un fédéralisme
déréglementant selon les sujets ou méconnaissant la nécessité d’indépendance et
de libre examen européens. L’Europe sans initiative politique française est la
proie du reste du monde, ce dont s’apercevra même l’Allemagne.
Nous ne pouvons continuer sur cette voie, nous ne pouvons plus
nous laisser marquer pour l’Histoire, pour les jeunes générations, pour celles
et ceux qui nous regardent encore, de loin ou de près, par ces corruptions
avérées au plus haut niveau de notre République, par la trahison d’idéaux
séculaires et de combats populaires parfois héroïques. Nous allons mourir et
nous n’avons plus la certitude qu’il y ait encore des voies démocratiques pour
que notre honneur et nos intérêts, notre âme et nos corps soient finalement
saufs.
Les battus de 2012 ou les sauveurs d’une cuvée déjà bue en
1995-1997 n’analysent rien de nous, ne proposent rien d’ensemble et de
cohérent. Les élus de 2012 ont disparu. Un gouvernement sans étiquette serait
acceptable s’il nous faisait au moins fonctionner. La SNCF projetant de ne plus
relier Rennes à Quimper ou Clermont-Ferrand à Montpellier que par autocars, est
notre parabole. Sciences-Po. et Polytechnique ramant pour ressembler aux
environs de Boston nous prêchent a contrario notre erreur. Nous régressons,
nous disparaissons.
Il faut que ces pompes funèbres cessent d’enfumer ses quelques
acteurs et que les Français qui savent se convoquer eux-mêmes, soient craints
de celles et ceux qui imposent leur façon d’entreprendre ou de recéler, qui
prétendent gouverner et abusent de la désaffection totale de tout discours
public. Discours ou textes des lois que vous êtes contraints d’écouter ou de
voter par oui ou non, selon la couleur dont vous savez bien qu’elle ne vous
décrit plus vraiment.
Je ne suis qu’un septuagénaire isolé mais analysant notre pays
et ses dirigeants depuis une cinquantaine d’années, l’ayant parfois publié. Par
ma profession, la diplomatie commerciale, par l’âge de notre fille (dix ans et
demi), par la familiarité des principaux ministres et collaborateurs du général
de Gaulle puis de François Mitterrand, des moments avec ce dernier comme avec
le pape Jean Paul II, je crois avoir rencontré autant notre époque que son
double possible aujourd’hui.
Par prochain courriel, je vous communiquerai ce que j’ai tenté
de faire valoir à l’Elysée pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, puis
depuis son investiture socialiste à François Hollande, via ses deux secrétaires
généraux successifs. Autant dans
l’intérêt personnel de leur destinataire du moment que dans celui du pays et de
notre bien commun, ces suggestions puis suppliques vous rencontrent, quel que
soit votre parti nominal : j’en suis sûr. A leur date, je vous en avais
communiquées quelques-unes.
Si je m’adresse désormais à vous, ce n’est pas pour vous
encombrer mais parce que les solutions ultimes vous appartiennent, chacun, et
en corps. Vous représentez le pays, pas seulement une de ses composantes
géographiques. Vous le connaissez.
Je compte aussi vous demander à terme de considérer un projet
dont la réalisation me paraît nécessaire, en tout cas utile quelles que soient
les consultations à venir.
Chaleureusement et en confiance.
jeudi 18 juin 2015
Chers élus de la nation,
je continue cette réflexion – à l’anniversaire de la République,
qui coincidait en 1870 avec l’échec d’une forme institutionnelle pourtant très
moderne pour l’époque et à laquelle la Cinquième du nom ressemble beaucoup, et
plus encore avec une situation apparemment désespérée en relations
internationales et en cohésion du pays, de ses élites, de son peuple : il
y aurait bientôt l’amputation de notre territoire, lequel constitue notre
premier patrimoine commun, et la Commune, affreuse mais si explicable.
Comme à cette époque, il s’agit pour nous de trouver le meilleur
régime politique et social – qui prime et encadre notre vie économique et
intellectuelle aujourd’hui caractérisée par le mépris du salariat et du service
public, l’adoration de l’argent et de la rentabilité (du profit et de son
accaparement), l’individualisme, la dislocation de toutes les solidarités, à
commencer par celle du couple. La réforme intellectuelle et morale selon Renan,
la philosophie très réaliste du suffrage universel selon Victor de Broglie,
pour la France nouvelle selon Prévost-Paradol. L’époque avait suscité journaux
et écoles, vénérables, et malgré des institutions monistes et d’intenses
conflits structurels tels que la relation entre l’Eglise et l’Etat ou entre la
justice et l’armée, de grandes autorités politiques et morales avaient surgi.
Un culte pour le pays, le voyage de deux enfants à travers la France, une
géographie répandue comme l’enseignement de notre histoire, de notre identité
et une assimilation mutuelle qui poroduisit notre capacité à tenir le choc de
1914 et l’occupation destructrice d’une partie considérable de notre territoire
en superficie et en ressources.
Aujourd’hui, l’Etat a disparu sauf le fisc et le maintien de
l’ordre contre les manifestants : les scandalisés, les mis à la rue ou à
la pauvreté. La politique semblait depuis longtemps une classe à part, mais
depuis peu elle est devenue un gouvernement à l’encontre de nous et subordonné
à des emprises ou à lui-même, en sorte qu’il n’a plus de légitimité. Nous ne
tenons donc plus aucun choc. Et personne n’émerge du flot des mauvaises
nouvelles, des pratiques sans résultats.
J’ai eu l’honneur d’une intimité communiante avec deux
personnalités qui ont démontré – à longueur de vie : l’Abbé Pierre, par
une fulgurance au Quai d’Orsay – qu’on peut changer les choses en galvanisant
les esprits, en n’étant que soi-même, sans vulgarité ni démagogie, sans slogans
ni simplismes. Vous-mêmes dans les circonscriptions dont les citoyens et les
habitants vous portent au siège qui est le vôtre pour cette législature et
depuis plusieurs autres déjà – sans doute – vous avez l’expérience de la
décision collégiale, des débats en mairie, en assemblée locale, l’expérience
des consultations organisées ou selon vos rencontres ou les appels qui vous
sont faits. Les initiatives, les votes ne sont pas ceux d’une contrainte. Vous
savez ce que produisent l’imagination ou la relation de confiance personnelle.
Vous êtes entourés de dévouements précis et le plus souvent désintéressés. Les
Français, vos électeurs le savent, tandis qu’au niveau national l’élection est
celle de l’espérance et la durée du mandat celle où se découvrent quelques
personnalités de plus en plus dominées par l’obsession de rester en place. D’y être
renouvelées. Nous devenons médiocres et simplistes parce que nos dirigeants en
politique, en entreprise, en intelligence de notre temps ne veulent pas que
nous nous mêlions d’exercer avec eux le pouvoir, de trouver avec eux les bonnes
solutions, de choisir avec eux ce qui doit rester notre structure. Notre âme se
perd – découragement, fatalisme, cynisme – parce que le système est rigide et
qu’il ne promeut que des esprits se croyant de droit divin.
Le président de la République n’est pas contrôlé. Les ministres
sont – à quelques exceptions près que vous connaissez bien – plus accaparés par
une parole publique d’ailleurs floue et approximative, que par l’étude de fond
des questions à résoudre.
Ce n’est ni la France, ni la République. C’est un déclin sans
précédent en temps de paix.
Vous composez une institution décisive pour notre avenir et vous
pouvez décider de celui-ci en déclarant votre indépendance de jugement et de
vote, en refusant – pour le salut public – l’argument peu démocratique qui
gouverne (vous le vivez) les partis et les assemblées plus que jamais et alors
que tous les dangers sont là, tous les écroûlements en cours : l’argument
de faire corps pour ne pas perdre la prochaine élection, quelle qu’elle soit.
Le rassemblement, l’union… alors qu’il nous faut discernement et énergie. Le
point de départ et celui de l’arrivée ne sont pas, en contrainte de conscience,
le soutien impopulaire de soi-disant réformes-catalogues défaisant le peu de
cohésion qu’il nous reste. Ils sont la démocratie et l’appui de tout
gouvernement sur un peuple d’expérience et de maturité. Nos gouvernants depuis
au moins vingt ans font de la pédagogie – prétendent-ils – imposant ainsi une soi-disant
supériorité de savoir et de compétence que n’auraient pas les Français, en
corps et individuellement. Cette supériorité a montré qu’elle n’opérait aucun
heureux résultat dans un pays de plus en plus malmené et ne se reconnaissant
plus ni en son art de vivre et de produire, ni en son aptitude à la grandeur et
à l’enthousiasme.
Il nous faut sortir de cette spirale, casser la répétition
d’exercices de plus en plus vains et le moule fabriquant des dirigeants qui
n’encourent aucune sanction quand ils échouent. Or, ils échouent et la
prochaine élection présidentielle sera le « copier-coller » des
précédentes. Cette élection doit être servante du bien commun par les réflexes
et les comportements qu’elle peut engendrer parmi nous. L’élue ou l’élu sera
secondaire.
Votre
lecture et votre réaction m’honoreront et me seront précieux.
Dans l’attente de vous lire, d’échanger avec vous, de vous
rencontrer éventuellement, je vous assure de ma confiance intuitive en votre
liberté de jugement par expérience.
vendredi 4 septembre 2015
Pièces jointes
- un rappel biographique
- quelques citations de deux de nos
grands contemporains pour ce que doit être, en forme et en fond, la politique
quand le pays doit faire face
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