jeudi 9 décembre 2021

les jeunes musulmans français

 

Selon l'Ipsos, la place que la religion tient dans la vie de ces adolescents peut entrer en conflit avec leur perception de la République et de ses lois, puisque 40 % des lycéens déclarent partager l'affirmation selon laquelle « les normes et règles édictées par votre religion sont plus importantes que les lois de la République ».
PHOTOPQR/LA VOIX DU NORD

Selon l'Ifop, 65 % des lycéens musulmans placent l'islam au-dessus des lois de la République

Pas très Charlie

Par Magazine Marianne

Publié le 09/12/2021 à 7:00

Selon une étude de l'Ifop pour la Licra, 47 % des lycéens déclarent avoir assisté à des revendications religieuses au sein de leur établissement. Ceux qui sont scolarisés dans les zones d'éducation prioritaires y sont particulièrement confrontés. Parmi les apprentissages les plus contestés : l'éducation sexuelle et les questions d'égalité hommes-femmes, et les cours de natation.

Dix-sept ans se sont écoulés depuis l'adoption de la loi interdisant le port de signes religieux à l'école et aujourd'hui encore, les croyances continuent de se confronter au cadre laïc de l'enseignement public. Quelques mois après l'assassinat du professeur d'histoire-géographie Samuel Paty par un terroriste islamiste, un rapport d'étude réalisé par l'Ifop pour la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) et son magazine, le Droit de Vivre, s'est penché sur les revendications religieuses observées par les lycéens français dans leurs établissements.

Combien ont été confrontés à des protestations ou des demandes spécifiques d'ordre religieux entre la classe de seconde et de terminale ? Selon l'Ifop, ils sont 48 % à déclarer avoir assisté à des contestations motivées par la religion de leurs camarades lors d'un cours. Un chiffre qui grimpe à 74 % dans les lycées classés en zone d'éducation prioritaire (ZEP).

Des tables, robinets ou vestiaires réservés à certaines religions

Sans surprise, hors des cours à proprement parler, ce sont les demandes de nature alimentaire qui sont les plus citées par les lycéens. Près d'un sur deux (47 %) déclare avoir déjà vu leurs camarades demander « des menus conformes » aux prescriptions de leur religion, qu'il s'agisse de nourriture halal ou cacher. Encore une fois, ces demandes augmentent sensiblement dans les lycées classés ZEP, où 56 % des lycéens rapportent avoir assisté à ce type de réclamations. Vient ensuite le droit de s'absenter du cours de natation, au nom de ses convictions religieuses, auquel ont été confrontés 31 % des lycées tous types d'établissements confondus, puis « des contestations des repas de Noël, des arbres de Noël ou des galettes des rois au prétexte qu’ils auraient des références religieuses chrétiennes » (27 %).

Parmi ces revendications, on trouve des éléments spécifiques plus inquiétants. Un quart des lycéens rapportent, par exemple, avoir observé des refus d'entrer dans des lieux de culte pour des motifs religieux, 16 % témoignent de l'organisation à la cantine de tables en fonction de la confession et 15 % de toilettes ou vestiaires selon le même principe religieux. Parmi les élèves sondés, 13 % rapportent même avoir constaté la mise en place de robinet dévolu à certaines confessions.

Problème avec l'égalité de genre

Mais les lycéens sondés rapportent également des atteintes à la nature même des programmes scolaires. Parmi ces contestations, on trouve d'abord l'enseignement moral et civique : 34 % des lycéens rapportent avoir déjà vu des élèves remettre en cause ces apprentissages au nom de leur religion. Les deux autres types d'enseignements les plus cités par les lycéens concernent le rapport entre les hommes et les femmes. Sur la deuxième marche de cette étude, ce sont les cours portant sur le genre ou l'égalité entre les femmes et les hommes, lors desquels 32 % des lycéens déclarent avoir assisté à ce type de contestation au nom de valeurs religieuses.

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Vient ensuite le cours d'éducation à la sexualité ou dédiés à l’égalité filles-garçons ou aux stéréotypes de genre – 31 % des lycéens font état de ce type de revendications. Les cours portant sur la laïcité occupent la quatrième marche du podium, avec 30 % des lycéens rapportant un incident. Là encore, selon l'étude, ces contestations semblent survenir davantage dans les établissements classés ZEP. Au total, là où ils ne sont que 42 % des lycéens à faire état de contestations d'ordre religieux portant sur les enseignements, ils sont 74 % à répondre positivement dans les lycées en zones d'éducation prioritaire. S'ils ne sont que 14 % à déclarer soutenir les revendications de leurs camarades dans les lycées hors ZEP, ils sont plus de la moitié à le faire dans les lycées en ZEP.

« Ne pas offenser les croyants »

Selon l'Ifop, la place que la religion tient dans la vie de ces adolescents peut entrer en conflit avec leur perception de la République et de ses lois, puisque 40 % des lycéens déclarent partager l'affirmation selon laquelle « les normes et règles édictées par votre religion sont plus importantes que les lois de la République ». Dans la population française en général, cette statistique n'est que de 23 %. Pour comparaison : là où seuls 33 % des étudiants catholiques se reconnaissent dans cette affirmation, les jeunes musulmans la partagent à 65 %. Un conflit qui pourrait d'ailleurs concerner le rapport des cultes entre eux, puisque 65 % des lycéens musulmans déclarent que leur religion « est la seule vraie religion », là où seuls 27 % des jeunes catholiques l'affirment.

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L'étude a été menée sur un échantillon de 1 006 lycéens représentatifs, selon la méthode des quotas, du 15 au 20 janvier dernier. Interrogés sur l'assassinat de Samuel Paty, 87 % des lycéens condamnent totalement le meurtrier et son acte. Une statistique qui tombe à 73 % des lycéens musulmans, laissant 13 % de jeunes de cette confession osciller entre condamner tout en partageant « certaines de ses motivations » (5 %), l'indifférence (6 %), et l'absence de condamnation (2 %).

Confirmant les récentes études documentant une défiance marquée des jeunes à l'égard de la laïcité à la française, les lycéens interrogés par Ifop sont 71 % à estimer que les professeurs doivent « respecter les religions afin dene pas offenser les croyants ». Dans le même temps, 61 % d'entre eux – mais seulement 19 % des lycéens musulmans – estiment qu'il est justifié « que les enseignants puissent montrer à leurs élèves des dessins caricaturant ou se moquant des religions afin d’illustrer les formes de liberté d’expression »

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Par Magazine Marianne


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