vendredi 15 janvier 2021

l'inceste - Camille Kouchner, Olivier Duhamel, Sciences Po. Paris & la reconnaissance du fléau

 

lemonde.fr

« La Familia grande », autopsie d’un inceste

Dans son ouvrage à paraître le 7 janvier, la juriste Camille Kouchner décortique les mécanismes du silence qui entoure ce crime. Elle accuse son beau-père, le politiste Olivier Duhamel, d’avoir infligé des violences sexuelles à son frère.

Par Ariane Chemin

Publié le 04 janvier 2021 à 16h54 - Mis à jour le 05 janvier 2021 à 13h42

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Olivier Duhamel, en mai 2016. STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

« J’avais 14 ans et j’ai laissé faire (…). J’avais 14 ans, je savais et je n’ai rien dit. » Camille Kouchner est maîtresse de conférences en droit et n’a publié que des articles et des ouvrages juridiques. A 45 ans, elle a éprouvé le besoin de raconter la mécanique de ce crime trop banal et encore si tabou : l’inceste. Son frère jumeau l’a subi, et celui qu’elle désigne comme le responsable de ces violences sexuelles – le second mari de leur mère, le politiste Olivier Duhamel – est aussi coupable, selon elle, de l’en avoir rendue complice.

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Dire l’inceste, c’est donner un grand coup de pied dans la fourmilière familiale, briser le pacte social et passer pour un traître, même s’il y a prescription d’un point de vue juridique. Camille Kouchner endosse tous ces risques, quitte à tordre un peu le bras de son frère, soucieux qu’on le laisse tranquille. « Pour m’avoir laissée écrire ce livre alors qu’il ne souhaite que le calme, je [le] remercie », écrit-elle.

« Maman, nous étions tes enfants »

Pendant vingt ans, la fille de l’universitaire Evelyne Pisier et de l’ancien ministre Bernard Kouchner a tenu sa promesse et gardé le secret de son jumeau. A la fin des années 2000, elle le convainc tout de même de le révéler à leur mère. Nouveau cauchemar : « Evelyne » reproche à sa fille d’avoir tardé à la prévenir. « J’aurais pu quitter [ton beau-père]. Maintenant il est trop tard », accuse l’universitaire. Cette femme non conventionnelle, si généreuse et féministe – à la façon de Mai 1968 –, prend le parti de son mari, Olivier Duhamel. Jusqu’à la mort d’« Evelyne », en 2017, mère et fille ne se croiseront plus que de loin. « Maman, nous étions tes enfants », pleure Camille Kouchner.

L’inceste ne prospère que sur la confiance et les huis clos. Camille Kouchner procède comme les psychotraumatologues à l’écoute des mécanismes de prédation sexuelle : elle ausculte l’environnement amical et parental, plante son décor (les années post-68, les septennats Mitterrand), recense les habitudes. Chaque été, dans sa maison varoise de Sanary, le beau-père des jumeaux réunit ses meilleurs amis. Une « sacrée bande », sorte d’amicale intello et bourgeoise qui porte « la gauche en étendard » et à laquelle le célèbre constitutionnaliste distribue dès le printemps chambres et semaines de vacances. La grande famille.

Signaux faibles

Parties de Scrabble et de poker, débats de haute voltige autour de clopes et de rosé, slows incandescents sur la terrasse avant de plonger à minuit dans la piscine… La Familia grande, titre du livre, pourrait être celui d’une comédie espagnole tendre et colorée, adultes et enfants joyeusement mélangés. Happé par le sens aigu du détail et les anecdotes (souvent cruelles) de l’autrice, le lecteur ne prête pas immédiatement attention aux signaux faibles. Par exemple, ces photos des « culs et [des] seins » de Camille ou de femmes plus âgées prises par l’hôte des lieux et accrochées aux murs.

« Ni [mon frère jumeau] ni [moi] ne pouvons dire avec certitude l’âge que nous avions (…), 14 ans, je crois. » Tout à coup, on ne se marre plus du tout. Autour de 1988, le livre bascule. Tant pis si les souvenirs d’adolescente sont flous : Camille Kouchner a fini par accepter que ces trous de mémoire ne soient qu’une pathologie typique de ce type de traumatisme, qui « noie la mémoire [et] efface les dates pour laisser sa proie dans le noir ».

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Dans le secret d’une chambre se produit l’innommable. « Deux ou trois » années durant, le beau-père ira s’attarder le soir chez le jumeau de Camille. Ces jours-là, comme si de rien n’était, il s’arrête ensuite papoter dans la chambre de sa jumelle. Une visite dans « la chambre-péage », qu’elle vit comme une vraie prise d’otage. « Par sa tendresse et notre intimité, par la confiance que j’avais en lui, tout doucement, sans violence, en moi, [il] enracinait le mal. »

Ses mots sifflent comme des balles

Les affaires d’inceste cancérisent tout. Dans une tension dramatique très maîtrisée, la maison du bonheur se transforme en maison de l’horreur, puis la « familia grande » en statue de pierre, quand, vingt ans plus tard, elle finit par apprendre. « Je ne les ai pas vus se demander si eux aussi n’avaient pas un peu merdé », regrette l’autrice. Ça aussi, les spécialistes de l’inceste le savent : quand la vérité explose, souvent une fausse famille se lève et fait corps pour remplacer la vraie.

Camille Kouchner ne se met pas à la place de son jumeau. Elle ne veut qu’émettre une voix parallèle. Traduction littéraire des violences subies ? Ses mots sifflent comme des balles, les phrases se hachent en rimes intérieures. Au fil des pages, le « beau-père adoré » devient « l’autre », puis ce « mari dérangé » auquel Camille tente d’arracher « Evelyne ». « Je t’aime malgré tout, maman », conclut Camille Kouchner. Il y a trois ans, elle posait un brin de mimosa sur le cercueil de sa mère. Dans le caveau des Duhamel où on l’a inhumée, elle jette aujourd’hui ce livre – cette catharsis, cette bombe.

[Camille Kouchner est aujourd’hui la compagne de Louis Dreyfus, président du directoire du groupe Le Monde]

La Familia grande, de Camille Kouchner (Seuil, 206 pages, 19 euros). Parution le 7 janvier.



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L’inceste, ce crime encore trop banal perpétré à 96 % par des hommes

Selon l’enquête Virage, dont les derniers résultats ont été rendus publics lundi, un homme sur huit et près d’une femme sur cinq déclarent avoir subi des violences para ou intrafamiliales d’ordre psychologique, physique ou sexuel avant 18 ans.

Par Solène Cordier

Publié le 23 novembre 2020 à 12h00 - Mis à jour le 23 novembre 2020 à 19h43



Le 2 septembre 1986, dans l’émission « Les Dossiers de l’écran », sur Antenne 2, Eva Thomas raconte le viol perpétré par son père quand elle avait 15 ans. Pour la première fois, une victime d’inceste témoigne ainsi à la télévision, à visage découvert, et s’adresse « aux femmes qui ont vécu ça » pour leur dire « qu’il ne faut pas avoir honte ». C’est une déflagration. Le lendemain et les jours qui suivent, les articles sur l’inceste se multiplient. Eva Thomas, qui a fondé à Grenoble un an plus tôt l’association SOS Inceste, reçoit des centaines de messages. Les victimes prennent la parole pour dénoncer les ravages provoqués par ces relations sexuelles imposées par un adulte dans le cadre familial.

Lire le reportage : A la brigade de protection des mineurs, la parole pour faire émerger les affaires d’inceste

Trente-quatre ans plus tard, alors que, selon un sondage Ipsos pour l’association Face à l’inceste rendu public jeudi 19 novembre, un Français sur dix affirme avoir été victime d’inceste et que, selon l’enquête Virage conduite par l’INED en 2015 et dont les derniers résultats ont été rendus publics lundi 23 novembre, un homme sur huit (13 %) et près d’une femme sur 5 (18 %) déclarent avoir subi des violences para ou intrafamiliales d’ordre psychologique, physique ou sexuel (dont l’inceste) avant l’âge de 18 ans, quel chemin a été parcouru dans la reconnaissance et la lutte contre ce fléau ?

Deux avancées sur le plan du droit

Sur le plan du droit, deux avancées ont été enregistrées ces dernières années. En 2016, sous la pression des associations de victimes, le mot inceste fait son entrée dans le code pénal. Il désigne les viols et agressions sexuelles commises sur un mineur par un ascendant, un frère ou une sœur, mais aussi par un oncle, une tante, un neveu ou une nièce « si cette personne a sur la victime une autorité de droit ou de fait ». Sont également concernés les conjoints concubins ou pacsés de ces adultes ainsi que le tuteur ou la personne ayant l’autorité parentale. L’inscription a surtout un effet symbolique ; la loi sanctionnait déjà, avant cette date, les relations sexuelles au sein de la famille. Mais « on voulait que l’inceste soit désigné comme un crime à part entière, différencié du viol et de l’agression sexuelle », explique Isabelle Aubry, présidente et fondatrice de l’association Face à l’inceste.

Deux ans plus tard, elle repart au combat, avec d’autres, pour obtenir, cette fois, l’imprescriptibilité des viols et agressions sexuelles sur mineurs. Sans aller jusque-là, la loi du 3 août 2018 porte le délai de prescription pour le crime de viol sur mineur à trente ans à compter de la majorité de la victime, contre vingt auparavant. En revanche, au grand dam des associations de protection de l’enfance, la présomption de non-consentement à une relation sexuelle avec un adulte, un temps envisagée par le gouvernement, n’est finalement pas retenue. « On est un des seuls pays européens où il n’existe pas un seuil de consentement », déplore Catherine Milard, présidente de l’antenne nantaise de l’association SOS Inceste, qui y voit le signe que « notre société refuse de considérer la réalité des violences sexuelles et de l’inceste ». Ce qui a pour effet de provoquer, affirme-t-elle, « une incapacité à protéger les enfants ». Pourtant, les chiffres qu’elle avance, études à l’appui, font frémir. Sachant que l’âge moyen lors de la première agression est de 9 ans, « cela signifie que, sur une classe de CM2, trois enfants ont vécu ou sont en train de vivre des agressions sexuelles, qu’il s’agisse d’inceste ou de pédocriminalité ».

Mécaniques bien documentées

Depuis l’appel retentissant d’Eva Thomas, les mécaniques de l’inceste sont désormais bien documentées, grâce aux travaux psychiatriques et psychologiques ainsi qu’aux recherches menées en sciences sociales. On considère généralement qu’entre 5 % et 10 % des Français ont été victimes de violences sexuelles dans l’enfance, qui se déroulent dans 80 % des cas dans la sphère familiale.

« L’inceste est une destruction totale de l’enfant, de son identité psychique et corporelle », rappelle Catherine Milard, de SOS Inceste

Phénomène massif, l’inceste touche les petits garçons et surtout les petites filles de tous les milieux sociaux, sans exception. Dans 96 % à 98 % des cas, ce sont des hommes qui le perpétuent. Les dégâts provoqués sont considérables. Davantage que le reste de la population, les victimes souffrent de multiples pathologies qui peuvent les suivre, en l’absence de prise en charge, jusqu’à l’âge adulte. Dépression, risques suicidaires, troubles alimentaires, conduites addictives… Souvent, elles ont de grandes difficultés à construire une vie professionnelle et une vie de famille. D’autant plus, et c’est l’un des enseignements majeurs de l’enquête Virage, que, chez les femmes, l’exposition à des violences sexuelles dans l’enfance entraîne un risque accru qu’elles revivent, à l’âge adulte, des situations de harcèlement ou de violences sexuelles.

« L’inceste est une destruction totale de l’enfant, de son identité psychique et corporelle, rappelle Catherine Milard, de SOS Inceste. Les femmes que nous recevons à l’association, quand elles arrivent, sont au stade de la survie. » Bien souvent, l’amnésie traumatique qui recouvre ces situations conduit à des confessions tardives. Dans le panel de près de 27 000 personnes interrogées dans le cadre de l’enquête Virage, il apparaît que près de la moitié des victimes qui se sont confiées l’ont fait au bout de dix ans ou plus après leur survenue.

« Paroxysme de domination »

C’est une autre dimension particulière de l’inceste : le poids du silence, remarquablement exploré dans les six épisodes du podcast « Ou peut-être une nuit » (Louie Media), réalisé par la journaliste Charlotte Pudlowski, à partir de l’histoire de sa propre mère. Elle identifie trois cercles (l’agresseur, les proches, la société au sens large) participant aux mécanismes de honte et de silenciation. En 2017, un rapport du CNRS remis à Laurence Rossignol, ministre des familles sous François Hollande, relevait que la parole des victimes d’inceste « a longtemps été sujette à caution, voire inaudible, y compris chez les acteurs sociaux des institutions de protection de l’enfance et du système judiciaire, ce qui a conduit à une “contagion épidémique du silence” ».

Parler ne va pas sans risques. Comme le résume Isabelle Aubry, « l’inceste est un crime de lien, ce qu’on perd avant tout quand on parle, c’est sa famille ». Sans compter la possibilité de voir sa parole mise en doute, les faits être minimisés, la réprobation s’installer. « Il existe une complaisance sociale autour de l’inceste », explique l’anthropologue Dorothée Dussy, autrice de l’ouvrage Le Berceau des dominations (épuisé, réédité chez Pocket en avril), selon qui « ce sont non pas les faits eux-mêmes, mais leur révélation, qui, en créant une brèche dans le silence, entaille l’ordre social ».

Lire l’entretien : « La dénonciation de l’inceste jette l’opprobre sur la famille, considérée comme le pivot de l’ordre social »

Après des années d’enquête et des dizaines d’entretiens menés avec des victimes et des auteurs d’inceste, la chercheuse a constaté que, dans la majorité des cas, « s’il n’est pas rare que les révélations d’inceste soient finalement crues, cela n’empêche pas de faire famille autour du violeur et d’exclure la femme ou l’homme incesté ». Elle avance l’hypothèse que l’inceste, « paroxysme de domination », « structure l’ordre social ». « Nous sommes tous socialisés, par agression sexuelle ou par éclaboussure, dans cet ordre social qui interdit théoriquement l’inceste, mais où il est pratiqué couramment », écrit-t-elle.

Face à une telle banalité de l’inceste, la tâche de la commission gouvernementale sur les violences intrafamiliales annoncée par le secrétaire d’Etat aux familles, Adrien Taquet, qui devrait débuter ses travaux en décembre, semble immense.

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Solène Cordier



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L’affaire Olivier Duhamel relance le débat autour des questions de consentement et d’imprescriptibilité

Deux propositions de loi sur un seuil d’âge sont à l’agenda parlementaire.

Par Solène Cordier

Publié le 14 janvier 2021 à 11h30 - Mis à jour le 14 janvier 2021 à 16h45

AUREL

Dans le sillage de la déflagration produite par la sortie de l’ouvrage La Familia Grande (Seuil, 2018 p., 18 euros), de Camille Kouchner, dans lequel elle accuse son beau-père, Olivier Duhamel, d’inceste envers son frère jumeau, deux questions ont ressurgi dans le débat public : celle de la recherche du consentement de la victime mineure en cas de viol ou d’agression sexuelle présumés et, dans une moindre mesure, celle de l’allongement des délais de prescription pour ces affaires. Ces derniers jours, les associations de victimes ou des personnalités comme la psychiatre Muriel Salmona sont reparties sur le terrain médiatique pour obtenir des changements sur ces points.

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En 2018, la loi sur les violences sexistes et sexuelles, dite loi Schiappa, a allongé la prescription pour les faits de crimes sexuels sur mineurs, la faisant passer de vingt à trente ans à compter de la majorité de la victime. Une avancée encore insuffisante pour un certain nombre d’acteurs, comme l’association Face à l’inceste et d’autres, qui militent pour l’imprescriptibilité, mettant notamment en avant l’amnésie traumatique dont peuvent souffrir les victimes.

« Une quasi-impunité »

Le sujet est cependant loin de faire l’unanimité, dans le monde de la justice, mais aussi au sein du secteur associatif. L’association La Voix de l’enfant y est, par exemple, opposée, au motif qu’elle est aujourd’hui réservée aux crimes contre l’humanité. Sa présidente, Martine Brousse, s’interroge par ailleurs sur « le risque que les victimes diffèrent leurs révélations », et en conséquence leur prise en charge, en l’absence de limite.

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Un second chantier, la proposition d’un seuil d’âge en dessous duquel un mineur serait automatiquement considéré comme non consentant à des relations sexuelles avec un adulte, est également relancé. Initialement envisagée par le gouvernement en 2018, la mesure avait finalement été abandonnée, au grand dam des associations qui militent toujours pour son instauration. « A l’heure actuelle, on a un système défaillant qui garantit une impunité ou une quasi-impunité des violences sexuelles sur mineurs », dénonce ainsi le Collectif pour l’enfance, qui regroupe 33 associations engagées dans ce combat. « Quel que soit l’âge des victimes, on continue dans les tribunaux à étudier au cas par cas si un enfant a pu consentir à l’acte, ce qui aboutit à des requalifications en cascade d’affaires de viols en atteintes sexuelles », ce qui revient à diviser par trois la peine encourue. Le collectif milite pour la création d’infractions sexuelles spécifiques pour les mineurs de moins de 15 ans « qui excluraient d’avoir à rapporter la preuve de la contrainte », une des conditions constitutives des faits de viol ou d’agression sexuelle, comme la menace, la surprise et la violence.

L’âge de 13 ans correspond à « la limite indiscutable de l’enfance », selon la sénatrice centriste Annick Billon

Au moins deux propositions de loi répondant à cet objectif sont justement inscrites dans les semaines qui viennent à l’agenda parlementaire. Leurs modalités diffèrent principalement sur l’âge choisi pour établir un seuil de non-consentement. Le premier texte sera examiné le 21 janvier au Sénat. Il prévoit la création d’une infraction autonome de viol sur mineur établissant que « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis par une personne majeure sur un mineur de 13 ans est puni de vingt ans de réclusion criminelle lorsque l’auteur des faits connaissait ou ne pouvait ignorer l’âge de la victime ». L’âge de 13 ans correspond à « la limite indiscutable de l’enfance », selon la sénatrice centriste Annick Billon, à l’origine du texte. « A 13 ans, la question de l’enfance ne se pose pas, sa capacité de discernement ne peut pas être questionnée », explique la présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat. C’est également l’âge recommandé par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes dans un rapport récent. Signe d’une évolution des mentalités, le texte de Mme Billon, rédigé il y a un an, a été cosigné par un peu plus d’une centaine de sénateurs, dont la moitié issue des rangs de la droite.

« Il faut tout remettre à plat »

A l’Assemblée nationale, c’est un texte provenant du camp socialiste qui occupera cette fois-ci les députés le 18 février. La députée du Val-de-Marne Isabelle Santiago, entrée au Palais-Bourbon en septembre, propose de créer deux nouvelles infractions, l’une délictuelle, l’autre criminelle, sanctionnant les relations sexuelles entre un adulte et un mineur de moins de 15 ans. Soucieuse de « renforcer l’interdit de l’inceste », elle prévoit également de créer un seuil d’âge spécifique de non-consentement pour les infractions sexuelles commises par un ascendant, fixé lui à 18 ans. Cette proposition de loi est davantage que le texte du Sénat conforme aux attentes du secteur associatif.

Tous deux, « dotés d’intentions louables », sont cependant « insuffisamment aboutis et précautionneux », juge la députée de la majorité Alexandra Louis. Celle qui fut rapporteuse de la loi Schiappa puis chargée d’un rapport d’évaluation remis le 4 décembre est, elle aussi, au travail depuis plusieurs mois pour faire aboutir un texte. « Il faut tout remettre à plat, regrouper toutes les infractions sexuelles pour mineurs (crimes et délits) dans une nouvelle partie du code pénal, intégrer l’inceste pour marquer l’interdit », résume l’élue des Bouches-du-Rhône. « Il y a un travail considérable de mise en cohérence, c’est nécessaire de redonner de la lisibilité et du sens, en acceptant que c’est un sujet extrêmement complexe et une matière hautement technique », estime-t-elle. Elle prévoit de finaliser son texte d’ici à fin janvier et compte ensuite sur le gouvernement pour lui permettre de le mettre à l’agenda parlementaire dès que possible.

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Solène Cordier

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Pierre Ménès accusé de violences sexuelles dans un documentaire, et Canal+ accusée d’en avoir censuré une partie

Le site « Les Jours » affirme que la chaîne a retiré des passages du film de Marie Portolano mettant en cause le chroniqueur, qui aurait agressé au moins deux journalistes, dont l’autrice.

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La Cour de cassation n’a pas invalidé la qualification en « atteinte sexuelle sur mineur  » retenue par la cour d’appel de Versailles. La jeune femme âgée de 26 ans accuse plusieurs pompiers de l’avoir violée entre ses 13 et 15 ans.

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Deux dispositions, sur la définition de l’inceste et l’instauration d’un écart d’âge obligatoire de cinq ans, adoptées en première lecture par les députés lundi soir concentrent les critiques.

La journaliste Hélène Devynck, à propos de Patrick Poivre d’Arvor : « Quel poids a la parole d’une jeune femme inconnue, face à la vedette capricieuse ? »

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Violences sexuelles et inceste : l’Assemblée nationale renforce la protection des mineurs

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Cédric, 42 ans, a porté plainte contre Jean-Marc S. en 2019. Il raconte le parcours long et douloureux qu’il a dû arpenter pour se défaire de l’emprise de cet aumônier du collège-lycée privé Stanislas de Nice.

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Les conclusions de l’enquête sur la prévalence des violences sexuelles dans l’institution seront connues à l’automne.

Jean-Michel Baylet entendu sur des accusations de viols sur mineur qu’il conteste

L’ancien ministre a été entendu en audition libre le 25 février par la brigade de protection des mineurs à Paris. Le parquet de Paris a confirmé avoir ouvert une enquête le 9 juin 2020 sur ces faits prescrits.

Article réservé à nos abonnés Pierre Verdrager, le sociologue qui a vu un « grand renversement » au sujet de la pédophilie

L’affaire Matzneff a mis son travail en lumière. Ce chercheur s’intéresse de longue date à l’évolution de la perception de la pédocriminalité. Depuis un an, il estime que la société a enfin opéré un changement, qu’il analyse dans son nouveau livre.



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Fragilisée par l’affaire Olivier Duhamel, Elisabeth Guigou démissionne de la commission sur l’inceste

La légitimité de l’ex-garde des sceaux à la tête de cette nouvelle commission était en question en raison de sa proximité avec le politiste, accusé d’inceste sur son beau-fils.

Par Solène Cordier

Publié le 13 janvier 2021 à 19h03 - Mis à jour le 14 janvier 2021 à 08h11

« Le climat actuel ne me permet pas de conduire cette mission avec la sérénité nécessaire. J’ai donc pris la décision de passer le relais et de renoncer à présider cette commission. »

Une semaine après la sortie du livre de Camille Kouchner, La Familia Grande, paru le 7 janvier aux éditions du Seuil (208 pages, 18 euros) – révélant des abus incestueux qui auraient été perpétrés par son beau-père, Olivier Duhamel, sur son frère jumeau –, Elisabeth Guigou, mise en cause pour sa proximité avec le politiste, a préféré renoncer à son poste de présidente d’une commission sur les violences sexuelles et l’inceste. Dans une déclaration transmise à l’Agence France-Presse, elle répète qu’elle « a ignoré toutes ces années les faits gravissimes dénoncés par Camille Kouchner dans son livre ».

Lire l’enquête : Olivier Duhamel, l’inceste et les enfants du silence

« Je ne sais pas qui va être nommé, mais ça va être plus serein, plus facile pour travailler, a réagi auprès du Monde Isabelle Aubry, présidente de l’association Face à l’inceste. Je croise les doigts pour qu’on ait un interlocuteur de qualité. »

Des voix s’élèvent sur les réseaux sociaux

Le cabinet d’Adrien Taquet, secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance, qui avait souhaité pour diriger cette instance une « personnalité d’envergure », a « pris acte » de la décision et salué dans un communiqué « l’engagement d’Elisabeth Guigou, qui avait accepté une mission difficile, impliquant un investissement fort ». La composition de la commission ainsi que sa nouvelle présidence seront annoncées « prochainement ».

La commission, officiellement présentée le 10 décembre 2020 par le gouvernement, a pour mission de faire en sorte que « la société tout entière s’empare du sujet des violences sexuelles contre les enfants et de l’inceste, qui sont parmi les derniers tabous », avait alors expliqué au Monde Adrien Taquet. Un budget de 4 millions d’euros lui est alloué, principalement abondé par le ministère des solidarités et de la santé.

Dès l’annonce de la sortie de l’ouvrage de Camille Kouchner, des voix s’étaient élevées pour questionner la légitimité du maintien de l’ancienne garde des sceaux à ce poste, comme l’écrivaine Tristane Banon et l’écologiste Sandrine Rousseau, toutes deux victimes de violences sexuelles. Elles ont ainsi fait part de leur malaise sur les réseaux sociaux.

« De DSK à Olivier Duhamel, vous faites un sans-faute ! », a pointé, cinglante, la première, faisant référence au soutien affiché par l’ex-ministre de la justice à Dominique Strauss-Kahn, dans un documentaire diffusé en décembre 2020 sur Netflix qui revient sur les scandales et les accusations de violences sexuelles ayant visé l’ancien président du Fonds monétaire international depuis la fin des années 2000. S’adressant directement à Elisabeth Guigou, Sandrine Rousseau l’avait invitée à démissionner de ses nouvelles fonctions, au motif que, « bien sûr, [elle n’est] coupable de rien mais [est] compromise avec trop ».

« Tout le monde savait »

Dans son livre, Camille Kouchner raconte que les abus qu’elle dénonce par écrit ont été révélés vingt ans après les faits, à la fin des années 2000, faisant d’ailleurs exploser la cellule familiale. « Tout le monde savait » depuis cette date, écrit-elle, visant les proches du couple formé par son beau-père et sa mère, l’intellectuelle Evelyne Pisier, aujourd’hui décédée.

Interrogée par L’Obs et le média en ligne Loopsider, Elisabeth Guigou avait répondu le 5 janvier qu’elle avait découvert dans la presse les faits reprochés à Olivier Duhamel. « Nous côtoyons tous des victimes et des agresseurs sans le savoir, je ne fais pas exception à la règle », avait-elle répondu. Si rien ne permet à ce stade de mettre en cause sa parole, c’est pourtant le doute sur ce qu’elle savait ou ignorait de cette affaire qui a créé une gêne chez certains acteurs et qui a finalement conduit, une semaine plus tard, à sa démission.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Affaire Olivier Duhamel : les atermoiements du directeur de Sciences Po

Au-delà de la personnalité de celui ou de celle qui succédera à Elisabeth Guigou, les associations, qui ont développé au fil des ans une expertise sur les violences sexuelles sur mineurs et sur l’inceste, seront en tout cas « attentives à ce que cette commission ne soit pas un moyen de renvoyer aux calendes grecques des décisions qui doivent être prises rapidement », au premier rang desquelles se trouve la fixation d’un seuil de non-consentement pour les mineurs à une relation sexuelle avec un adulte, avertit le Collectif pour l’enfance, qui regroupe trente-deux associations de protection de l’enfance.

Solène Cordier

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Affaire Olivier Duhamel : les atermoiements du directeur de Sciences Po

Au début de 2018, Frédéric Mion avait confié qu’il allait avertir le secrétaire général du gouvernement, Marc Guillaume, des faits d’inceste qui lui avaient été rapportés.

Par Ariane Chemin

Publié le 11 janvier 2021 à 19h34 - Mis à jour le 12 janvier 2021 à 09h33



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Le directeur de Sciences Po, Frédéric Mion, à Paris, le 28 mai 2013. CHARLES PLATIAU / AFP

Depuis quand Frédéric Mion, le directeur de Sciences Po, avait-il été alerté des faits d’inceste dont le patron de la Fondation nationale des sciences politiques, Olivier Duhamel, s’est rendu coupable ? « Je n’ai à aucun moment contribué à l’édification du silence », écrit M. Mion à ses élèves, le 7 janvier. Il n’a, en tout cas, à aucun moment tenté d’établir la vérité sur les agissements révélés dans un livre (La Familia grande, Seuil, 208 pages, 18 euros) publié par la belle-fille du constitutionnaliste, Camille Kouchner, et dont il était averti depuis près de trois ans.

Lire l’enquête : Olivier Duhamel, l’inceste et les enfants du silence

Au cours des premiers mois de 2018 – et non « fin 2019 », comme le dit Frédéric Mion –, Aurélie Filippetti entend parler d’une sale affaire : Olivier Duhamel aurait abusé de son beau-fils. L’ancienne ministre socialiste de la culture décide d’en avoir le cœur net et, le 19 février 2018, convie à déjeuner l’un des piliers de Sciences Po, Janine Mossuz-Lavau, directrice de recherche émérite au Centre de recherches politiques de Sciences Po.

Cette politiste et sociologue reconnue est l’une des plus proches amies d’Olivier Duhamel et de son épouse, Evelyne Pisier. Depuis 1982, elle accompagnait son mari, Georges Lavau – le directeur de thèse d’Evelyne Pisier – dans la maison de vacances varoise de Sanary-sur-Mer, où se retrouvaient les amis du couple. Elle a été mise au courant des faits d’inceste par la sœur d’Evelyne, l’actrice Marie-France Pisier – indignée – avant la mort de cette dernière, en 2011. Depuis, elle a toujours excusé Olivier Duhamel.

Au cours de ce déjeuner, Janine Mossuz-Lavau confirme tous les soupçons de l’ancienne ministre de la culture. « Aurélie Filippetti menait son enquête et me demande de lui fournir les éléments qui lui manquaient. Je lui dis tout ce que je sais », témoigne-t-elle au Monde. A l’issue de cette rencontre, Aurélie Filippetti contacte donc solennellement le directeur de Sciences Po, où elle enseigne depuis quelques mois, pour l’inviter à déjeuner.

Ce dernier écoute son récit et lui lâche : « Ah, je comprends pourquoi, lors de l’enterrement d’Evelyne au cimetière de Sanary, Olivier Duhamel se tenait seul si loin des enfants Kouchner ! » Le directeur de Sciences Po s’était en effet rendu aux obsèques d’Evelyne Pisier à Sanary, le 14 février 2017, pendant lesquelles régnait une ambiance glaciale, raconte Camille Kouchner dans son livre. « C’était comme si nous étions radioactifs », dit-elle.

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Devant Aurélie Filippetti, M. Mion semble découvrir l’affaire et se dit effondré. Il connaît parfaitement Janine Mossuz-Lavau : « On s’aime bien », confirme cette dernière. Il ne cherche pourtant pas à la contacter ni à lui faire répéter les faits évoqués. Durant les deux années qui suivent, alors qu’ils se croisent souvent, jamais il n’évoque « l’affaire Olivier Duhamel ». « Si Frédéric Mion m’avait appelée, je n’aurais pas menti, nous assure Mme Mossuz-Lavau. Je lui aurais même confirmé, mais je peux vous dire qu’il ne l’a pas fait. »

« Eviter d’ajouter la crise au scandale »

A l’issue de sa rencontre avec l’ex-ministre de la culture, Frédéric Mion explique à Mme Filippetti : « Je ne peux pas ne rien faire. Je vais avertir Marc Guillaume. » A l’époque, ce proche d’Edouard Philippe – il a été son maître de conférences, comme Olivier Duhamel a été celui de Marc Guillaume – est, à Matignon, le très écouté secrétaire général du gouvernement, surnommé le « premier ministre bis », ou encore le « grand chambellan ». Il est membre du conseil d’administration de Sciences Po et du Siècle, club très fermé, à la présidence duquel il a poussé la candidature de son cher ami Olivier Duhamel en 2020. Après la mort de Richard Descoings, en 2012, MM. Guillaume et Duhamel ont aidé Frédéric Mion à prendre la direction de Sciences Po.

Lire le portrait de 2020 : Marc Guillaume, la disgrâce du « grand chambellan »

« Je ne suis pas allé parler de cette histoire à Marc Guillaume, répond Frédéric Mion. Pourquoi l’aurais-je fait ? Un secrétaire général du gouvernement n’est pas chargé de la prévention de crimes sexuels. » Joint au téléphone par Le Monde, Marc Guillaume, aujourd’hui préfet de Paris et de la région Ile-de-France, a refusé par trois fois de nous dire si, oui ou non, Frédéric Mion lui a fait part des informations livrées par Aurélie Filippetti en 2018.

Mercredi 13 janvier, le conseil d’administration de la Fondation nationale des sciences politiques, tutelle de Sciences Po, doit confier sa direction par intérim à Louis Schweitzer, président d’honneur de Renault. « Il faut éviter d’ajouter la crise au scandale et s’abstenir de tout faux procès », écrit lundi le politiste Pascal Perrineau dans une lettre adressée aux anciens élèves de Sciences Po, les « alumni » – une association qu’il préside.

Quant à la traditionnelle « fête de la Saint-Guillaume », du nom de la rue parisienne où se situe l’institution, qui se tient chaque 14 janvier (« le grand jour des piapias », dixit un enseignant), elle est annulée « en raison de la démission d’Olivier Duhamel et des conditions sanitaires ».





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A Sciences Po, l’onde de choc de la démission d’Olivier Duhamel

Le politologue, visé par des accusations d’inceste, a quitté ses fonctions lundi 4 janvier. Il présidait la Fondation nationale des sciences politiques depuis 2016.

Par Soazig Le Nevé

Publié le 06 janvier 2021 à 10h16 - Mis à jour le 06 janvier 2021 à 12h01

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Une déflagration s’est abattue sur Sciences Po, lundi 4 janvier. Dans l’après-midi, le politologue Olivier Duhamel met fin à toutes ses fonctions, dont celle de président de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP), l’instance chargée de la gestion financière et des orientations stratégiques de l’institut d’études politiques parisien.

Dans la foulée, Le Monde publiait un article révélant des accusations d’inceste le visant. Dans un livre, à paraître le 7 janvier (Seuil, 208 pages, 18 euros), intitulé La Familia grande, la juriste Camille Kouchner accuse son beau-père d’avoir agressé sexuellement pendant plusieurs années son frère jumeau, alors adolescent.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « La Familia grande », autopsie d’un inceste

S’adressant par mail aux vingt-quatre membres du conseil d’administration de la FNSP, le président démissionnaire explique sa décision. Il dit être « l’objet d’attaques personnelles » et affirme son désir de « préserver les institutions dans lesquelles [il] travaille ». Entre toutes, « l’institution » Sciences Po est sans doute celle qui lui est la plus chère depuis plusieurs décennies. Celle où il a fait carrière en formant des générations d’étudiants lorsqu’il enseignait le droit constitutionnel et les sciences politiques.

« Il était intouchable »

Conseiller du président du Conseil constitutionnel, membre du Comité consultatif pour la révision de la Constitution, député européen (PS), membre de la Convention sur l’avenir de l’Europe, membre du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la VRépublique, fondateur et directeur de la revue Pouvoirs, mais aussi animateur et chroniqueur sur LCI et Europe 1, président du club Le Siècle et membre du comité directeur de l’Institut Montaigne… Le constitutionnaliste Olivier Duhamel, 70 ans, a marqué les trente dernières années par son engagement public.

Lire l’enquête : Olivier Duhamel, l’inceste et les enfants du silence

Mais celui que Sciences Po présente sur son site Web comme « expert dans l’étude des institutions, de la vie politique et de leurs influences réciproques » aurait fini par en incarner une forme de dévoiement, selon ses détracteurs, qui voudraient profiter de l’occasion pour dépoussiérer la gouvernance de l’école. En 2015, son prédécesseur, Jean-Claude Casanova, avait été renvoyé devant la cour de discipline budgétaire et financière, à la suite de l’affaire du salaire mirobolant de l’ancien directeur Richard Descoings. En 2016, l’arrivée de M. Duhamel à la tête de la FNSP – dont il était membre du conseil d’administration depuis 1995 – avait fait naître un espoir qui reste déçu. Loin des préoccupations pédagogiques et stratégiques de l’école, son mandat illustrerait simplement l’influence de l’entre-soi et d’une caste déconnectée des réalités.

C’est uniquement sous le couvert de l’anonymat que les langues se sont déliées au sein de l’institution de la rue Saint-Guillaume. « Il était intouchable, relate un membre du conseil d’administration de la FNSP, composé de dix femmes et de quinze hommes. Duhamel était le président d’une espèce d’aristocratie et les membres enseignants et étudiants n’avaient aucun pouvoir sur lui. » « C’était à l’image des conseils d’administration du CAC 40, poursuit un autre. Des gens qui se fréquentent, ont des relations entendues et policées, mais dont la plus-value des décisions reste très minime pour le projet académique de Sciences Po. »

« Stupeur » du directeur

« Olivier Duhamel est quelqu’un à qui on ne s’oppose pas, confirme une autre source au sein de l’école. Il aimait raconter qu’il était copain avec tout le monde dans le microcosme politique. »

« Ça ne va pas redorer le blason de notre école », déplore Arthur Moinet, membre du conseil d’administration de la FNSP entre avril 2018 et novembre 2020. L’ancien élu étudiant garde le souvenir d’une instance « duale ». « Nous étions deux étudiants et trois professeurs, et presque tout le reste, c’était des proches d’Olivier Duhamel », rapporte-t-il estimant ce modèle de gouvernance « complètement dépassé ».

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Camille Kouchner à Olivier Duhamel : « Tu les vois, les angoisses qui nous hantent depuis ? »

Dans un message adressé aux enseignants, salariés et étudiants de Sciences Po, le directeur, Frédéric Mion – qui n’a pas donné suite à notre demande d’entretien, pas plus qu’Olivier Duhamel –, a fait part, mardi, de sa « stupeur ». « Le respect absolu de la personne, de sa dignité, de son intégrité morale et physique, de son consentement, est une valeur cardinale de notre institution », a-t-il simplement déclaré.

Mardi 5 au soir, Sciences Po a modifié la liste des membres du conseil d’administration de la fondation. En lieu et place de la photo et du nom d’Olivier Duhamel figurent une silhouette rouge et la mention « président(e) en cours de désignation ».

Un conseil d’administration extraordinaire nommera, le 13 janvier, un président intérimaire, parmi les neuf membres « représentants des fondateurs », indique l’école. Y figurent notamment Louis Schweitzer, président d’honneur de Renault, Henri de Castries, président de l’Institut Montaigne, Marc Guillaume, préfet de Paris et d’Ile-de-France, et Laurence Parisot, directrice associée de Gradiva. Cette dernière a déclaré sur Twitter, mardi : « L’inceste devrait être un crime imprescriptible. Point. »

Soazig Le Nevé

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Camille Kouchner à Olivier Duhamel : « Tu les vois, les angoisses qui nous hantent depuis ? »

Dans un livre qui paraît le 7 janvier, « La Familia grande », la juriste Camille Kouchner accuse son beau-père, le célèbre politiste, d’avoir agressé sexuellement son frère. Nous en publions ici des extraits.

Par Ariane Chemin

Publié le 04 janvier 2021 à 16h54 - Mis à jour le 05 janvier 2021 à 13h35

Dans son livre La Familia Grande, à paraître jeudi 7 janvier aux éditions du Seuil, l’avocate Camille Kouchner, 45 ans, s’adresse au célèbre politiste Olivier Duhamel, le beau-père auprès duquel elle a grandi avec ses deux frères, dans les années 1980-1990, quand il était le mari de leur mère, Evelyne Pisier (1941-2017). Camille Kouchner – née, comme ses frères, du premier mariage d’Evelyne Pisier avec l’ancien ministre Bernard Kouchner – accuse Olivier Duhamel d’avoir abusé à plusieurs reprises du plus jeune des garçons, alors âgé de 13-14 ans, son frère jumeau. Selon l’autrice, ces violences sexuelles ont, par la suite, été portées à la connaissance d’Evelyne Pisier et d’une partie de l’entourage familial, mais le silence a prévalu jusqu’à aujourd’hui. Nous publions ici quelques extraits de son livre.

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Extraits. « Petit, mon frère m’avait prévenue : “Tu verras, ils me croiront, mais ils s’en foutront complètement.” Merde. Il avait raison.

Bon, ben s’ils ne comprennent pas, on va leur expliquer.

Je vais t’expliquer, à toi qui professes sur les ondes, toi qui fais don de tes analyses aux étudiants et pavanes sur les plateaux télés.

Je vais t’expliquer que tu aurais pu, au moins, t’excuser. Prendre conscience et t’inquiéter.

Je vais te rappeler que, au lieu de ça, tu m’as menacée. Message sur mon répondeur : “Je vais me suicider.”

Je vais t’expliquer, à toi qui dis que nous sommes tes enfants. Quand un adolescent dit oui à celui qui l’élève, c’est de l’inceste. Il dit oui au moment de son désir naissant. Il dit oui parce qu’il a confiance en toi et en ton apprentissage à la con. Et la violence, ça consiste à décider d’en profiter, tu comprends ? Parce que, en réalité, à ce moment-là, le jeune garçon ne saura pas te dire non. Il aura trop envie de te faire plaisir et de tout découvrir, sûrement.

Je vais t’expliquer que, à force, ensuite, le jeune garçon va dire oui pour nier l’horreur de la situation. Ça va durer, et puis il va culpabiliser, se dire que c’est sa faute, qu’il l’a cherché. Ce sera ton triomphe, ta voie de sortie pour en réchapper. (…)

Je n’oublie pas le couple que vous formiez. Sartre et Beauvoir ? Il n’y a que la familia grande pour y croire. A l’unisson, vous avez forcé nos leçons : Foucault et la peine. Ne jamais dénoncer, ne jamais condamner dans cette société où l’on n’attend que punition. Savoir évoluer, se faire souple et espérer la réhabilitation. Se méfier du droit.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « La Familia grande », autopsie d’un inceste

Mes cours de droit, justement : le viol consiste en tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis par violence, contrainte, menace ou surprise. Ça, pour une surprise !

Et la contrainte, alors ? Comme une putain de contrainte morale ! Comme le fait qu’on t’ait tellement aimé, tu vois ? (…) Comme le fait qu’on n’a même pas pu t’envoyer en taule tellement on avait peur pour toi. (…)

Toi qui as agressé mon frère pendant des mois, tu le vois, le problème ? Quasiment devant moi, en t’en foutant complètement, faisant de moi la complice de tes dérangements. Tu les vois, les angoisses qui nous hantent depuis ?

Soyons précis :

Article 222-24 du code pénal : le viol est puni de vingt ans de réclusion criminelle (…) lorsqu’il est commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait.

Article 222-31-1 du code pénal : les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d’incestueux lorsqu’ils sont commis par (…) le conjoint [d’un ascendant] (…) s’il a sur la victime une autorité de droit ou de fait.

Mais toi aussi t’es prof de droit. T’es avocat. Tu sais bien que, pour cause de prescription, tu t’en sortiras. Tout va bien pour toi.

Vingt ans. Sinon c’était vingt ans. »

Ariane Chemin

avocate Camille Kouchner, 45 ans, s’adresse au célèbre politiste Olivier Duhamel, le beau-père auprès duquel elle a grandi avec ses deux frères, dans les années 1980-1990, quand il était le mari de leur mère, Evelyne Pisier (1941-2017). Camille Kouchner – née, comme ses frères, du premier mariage d’Evelyne Pisier avec l’ancien ministre Bernard Kouchner – accuse Olivier Duhamel d’avoir abusé à plusieurs reprises du plus jeune des garçons, alors âgé de 13-14 ans, son frère jumeau. Selon l’autrice, ces violences sexuelles ont, par la suite, été portées à la connaissance d’Evelyne Pisier et d’une partie de l’entourage familial, mais le silence a prévalu jusqu’à aujourd’hui. Nous publions ici quelques extraits de son livre.

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Extraits. « Petit, mon frère m’avait prévenue : “Tu verras, ils me croiront, mais ils s’en foutront complètement.” Merde. Il avait raison.

Bon, ben s’ils ne comprennent pas, on va leur expliquer.

Je vais t’expliquer, à toi qui professes sur les ondes, toi qui fais don de tes analyses aux étudiants et pavanes sur les plateaux télés.

Je vais t’expliquer que tu aurais pu, au moins, t’excuser. Prendre conscience et t’inquiéter.

Je vais te rappeler que, au lieu de ça, tu m’as menacée. Message sur mon répondeur : “Je vais me suicider.”

Je vais t’expliquer, à toi qui dis que nous sommes tes enfants. Quand un adolescent dit oui à celui qui l’élève, c’est de l’inceste. Il dit oui au moment de son désir naissant. Il dit oui parce qu’il a confiance en toi et en ton apprentissage à la con. Et la violence, ça consiste à décider d’en profiter, tu comprends ? Parce que, en réalité, à ce moment-là, le jeune garçon ne saura pas te dire non. Il aura trop envie de te faire plaisir et de tout découvrir, sûrement.

Je vais t’expliquer que, à force, ensuite, le jeune garçon va dire oui pour nier l’horreur de la situation. Ça va durer, et puis il va culpabiliser, se dire que c’est sa faute, qu’il l’a cherché. Ce sera ton triomphe, ta voie de sortie pour en réchapper. (…)

Je n’oublie pas le couple que vous formiez. Sartre et Beauvoir ? Il n’y a que la familia grande pour y croire. A l’unisson, vous avez forcé nos leçons : Foucault et la peine. Ne jamais dénoncer, ne jamais condamner dans cette société où l’on n’attend que punition. Savoir évoluer, se faire souple et espérer la réhabilitation. Se méfier du droit.

Mes cours de droit, justement : le viol consiste en tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis par violence, contrainte, menace ou surprise. Ça, pour une surprise !

Et la contrainte, alors ? Comme une putain de contrainte morale ! Comme le fait qu’on t’ait tellement aimé, tu vois ? (…) Comme le fait qu’on n’a même pas pu t’envoyer en taule tellement on avait peur pour toi. (…)

Toi qui as agressé mon frère pendant des mois, tu le vois, le problème ? Quasiment devant moi, en t’en foutant complètement, faisant de moi la complice de tes dérangements. Tu les vois, les angoisses qui nous hantent depuis ?

Soyons précis :

Article 222-24 du code pénal : le viol est puni de vingt ans de réclusion criminelle (…) lorsqu’il est commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait.

Article 222-31-1 du code pénal : les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d’incestueux lorsqu’ils sont commis par (…) le conjoint [d’un ascendant] (…) s’il a sur la victime une autorité de droit ou de fait.

Mais toi aussi t’es prof de droit. T’es avocat. Tu sais bien que, pour cause de prescription, tu t’en sortiras. Tout va bien pour toi.

Vingt ans. Sinon c’était vingt ans. »

Ariane Chemin



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