Monsieur
le Secrétaire général,
la rumeur, un peu avant le 15 Avril,
prêtait au chef de l'Etat - parmi les éléments qu'il
retiendra du "grand débat national" - la suppression de
l'Ecole Nationale d'Administration. Il est dit aussi que
l'Ecole Nationale de la Magistrature serait traitée de la
même manière. La contribution de l'Association des anciens
élèves de l'E.N.A. au "grand débat national" a d'ailleurs
été plate.
Pourquoi ne pas aller à fond dans la
nouvelle donne : privatiser le service de l'Etat et la
fonction publique ? Les formations nécessaires pour un
recrutement par concours ou pas, seraient désormais
universitaires ou même acquises à domicile en accédant à des
sites suggérés ou non. Je ne sais si c'est le système
américain, mais peut-être serait-ce la nouvelle voie
française vers l'excellence de sa ressource humaine. Le
droit du travail s'appliquant désormais aux carrières
anciennement de la fonction publique d'Etat ou territoriale,
ne ferait courir aucun risque au budget de l'Etat puisque,
nonobstant la résistance de certains tribunaux de l'ordre
judiciaire, les indemnités de licenciement sont plafonnées.
Enfin, puisque les tabous sont signe de décrépitude, il
serait mis fin à la dualité de nos ordres de juridictions :
le Conseil d'Etat ne serait plus que l'avocat de la
puissance publique, cette dernière de plus en plus
difficile, dans cette évolution, à définir.
Le président de la République ne
serait plus, en même temps, chef de l'Etat, puisque l'Etat
serait aussi fictif que les trois mots de notre devise
nationale. Peut-être également, à terme, ne serait-il plus
le chef des armées : la sous-traitance à des mercenaires,
gérés par des agences indépendantes, aurait des avantages
financiers, la part obscure de "l'affaire Benalla" participe
à cette prospective, la sécurité privée.
Ainsi, la vocation à servir l'Etat et
à honorer, augmenter le bien commun, perdrait tout sacré :
ce serait sincère puisque la France vaut et survit par
elle-même, que l'attachement des Français à tout ce qui la
signifie (ainsi illustré dans la nuit du 15 Avril) et le
choix de tant de personnes, de par le monde, d'aller vivre,
se réfugier, s'épanouir chez nous, affirment bien cette
existence souveraine, indépendante des instants de nos vies
personnelles et nationales. C'est celle-là, cette souveraine
pérennité de la France, qui - après nos moments actuels - va
inspirer une suite et des refondations dignes de notre "cher
vieux pays". Et, aussi, nous cesserons de manquer à
l'Europe, ce que crient les diverses campagnes pour le
renouvellement du Parlement européen.
Pardonnez-moi, Monsieur le Secrétaire
général, je n'ai aucun sens de l'humour. Ayant été admis à
redoubler la dernière année de scolarité à l'E.N.A., pour
des motifs personnels qui furent compris, j'ai l'honneur
d'appartenir à deux promotions : Turgot et Jaurès. C'est
tout et c'est simple.
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