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Laurent Joffrin - bilan d'une méthode
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Macron au congrès des maires - Huffington Post . Romain Herreros
19/11/2019 18:30
CET | Actualisé il y a 4 heures
Au Congrès des Maires, Macron passe l'épreuve de l'accueil glacial
Après les critiques formulées par André Laignel et François Baroin, le chef de l'État a insisté sur les "actes" du gouvernement. Sans essuyer de sifflets.
POLITIQUE - “J’ai besoin de vous”. Pour son oral de rattrapage devant le Congrès des maires ce mardi 19 novembre à Paris, Emmanuel Macron était attendu au tournant. Et cela s’est vu dès son arrivée. Quand il est monté sur scène, et alors que les écrans géants retransmettaient son accueil, l’assistance a observé un long silence glacial. Une ambiance correcte, mais pas franchement chaleureuse, confirmée par les propos liminaires d’André Laignel et François Baroin, respectivement vice-président et président de l’Association des maires de France.
Le premier, maire PS d’Issoudun dans l’Indre, a littéralement étrillé la politique du gouvernement à l’égard des territoires, ciblant tour à tour la baisse des dotations et la suppression de la taxe d’habitation. “Le garrot financier continue de se resserrer pour une majorité d’entre nous”, a pesté l’élu socialiste, estimant que “les baumes de la parole soignent difficilement les maux du quotidien”. Une charge sévère, qui n’a pas échappé aux membres de la majorité, à l’image du député LREM Sacha Houlié, qui a dénoncé sur Twitter “la complainte grossière d’André Laignel”.
Si François Baroin a adopté un ton moins offensif, il n’a pas pour autant esquivé les sujets qui fâchent. “Comme tous les chefs d’État, et vous n’êtes pas le premier, vous avez décidé de supprimer un impôt qui ne vous appartient pas”, a lâché le maire de Troyes à propos de la suppression de la taxe d’habitation, provoquant les applaudissements nourris de l’assistance. Sur l’écran géant, le sourire crispé d’Emmanuel Macron n’échappe alors à personne, comme le montre la vidéo ci-dessous.
Câlinothérapie
Ces attaques, formulées dans le respect et la courtoisie qui siéent aux usages républicains, Emmanuel Macron y a d’abord répondu par une dose de câlinothérapie. “Votre connaissance du terrain me nourrit, votre sens du terrain m’apprend (...) j’ai tant appris à vos côtés, de vous, de ces débats que nous avons eus ensemble”, a lancé le président de la République, pendant que son compte Twitter partageait en simultané des clichés le montrant en train d’échanger avec des élus ceints de leur écharpe tricolore.Mais une fois passées ces politesses, le chef de l’État a dit “assumer” les décisions prises depuis le début de son mandat. Notamment sur la suppression de la taxe d’habitation. “Si durant votre campagne, beaucoup de vos électeurs vous reprochent la baisse, faites le moi savoir (..) parfois vous aurez le droit d’empocher les félicitations, parce que c’est ce qu’il va vous arriver”, a prédit Emmanuel Macron.
″Être jugé sur les actes”
Plus loin, il a vanté les différents dispositifs en cours de déploiement. “Je veux être jugé sur les actes”, a plaidé le chef de l’État, avant de se lancer dans une anaphore rappelant celles de François Hollande. “Les actes, c’est une augmentation de la couverture numérique du territoire inédite (...). Les actes, c’est l’ouverture des 460 premières maisons France service en janvier 2020, 2000 nouveaux cafés dans nos petites villes d’ici quelques mois dans le cadre de l’agenda rural. Les actes, c’est la transformation en cours des logements des centre-villes et des quartiers, le choix résolu de privilégier le commerce de proximité, pour revitaliser les centre-villes. Les actes, ce sont les 42 quartiers de reconquête républicaine, qui bénéficient de renforts policiers spécifiques”, a énuméré Emmanuel Macron.Le locataire de l’Élysée s’est également présenté devant les maires avec des promesses, portant notamment sur la lutte contre le communautarisme. Emmanuel Macron a ainsi promis “des actions nouvelles concrètes dans les prochaines semaines” à destination de “l’islam politique” et de ceux qui ont “un projet de séparation d’avec la République”. Alors que c’est l’une des principales préoccupations des édiles, Emmanuel Macron a aussi promis de renforcer leur statut, sans toutefois trop s’épancher sur les détails.
“La République ne peut pas vous demander tant, sans vous assurer une sécurité”, a déclaré le chef de l’État, après un hommage à Jean-Mathieu Michel, maire de Signes tué cet été dans le cadre de ses fonctions. Également réclamés par les maires, des efforts de décentralisation ont aussi été évoqués, mais là encore, sans annoncer de mesures précises. Suffisant pour calmer la grogne? À la fin de son discours, il a en tout cas été applaudi.
. . . une possible proposition capétienne... pour que vive la Cinquième République
25
& 29 . 30 Janvier . 11 & 20 Février 2006
Argument
I – La Constitution de la Cinquième République p.1 a
pu paraître la « constitution naturelle » de la France
prestige, efficacité, légitimité p. 2
II – Il n’en est plus de même aujourd’hui p. 3
la jurisprudence introduite par Jacques Chirac p. 3
III – Un redressement et un retour aux origines sont douteux p.
4
une perception générale des institutions p. 5
une difficulté accrue de faire fonctionner les institutions
p. 5
l’entrée en désuétude du referendum et de la dissolution
p. 6
IV – Prendre acte de l’irresponsabilité de fait du chef de
l’Etat p. 7
rendre héréditaire dans la Maison de France la présidence p.
8
sans changer l’appellation de président de la République
faire élucider par les Français ce qu’est au fond la
République p. 8
V – Les avantages de conférer à titre héréditaire la
présidence p. 10
un chef d’Etat parlementaire au sens plein du terme p. 10
une réconciliation du pays avec l’Etat et la politique p.
11
une dimension familiale et sacrale en demande latente p. 11
des éléments de démocratie directe p. 11
la décentralisation p. 12
une réelle continuité de la politique nationale p. 12
la préparation du chef de l’Etat à ses fonctions p.
13
VI – Une nécessaire ambiance de consensus p. 13
ne seraient à modifier que les articles 6 et 7 de la
Constitution p. 14
souplesse : les procédures existantes d’empêchement p.
14
le seul souverain est le peuple p. 15
pas de vote pour un homme, mais l’option pour un principe
p. 16
VII – L’objection de l’inertie p. 17
l’objection européenne p. 18
la proposition de l’hérédité capétienne est triplement
économe p. 18
la France et la République aidées par tout le passé national
p. 19cette réflexion forme la conclusion développée d’une note précédente qui examinait la situation du pays après dix ans d’exercice par Jacques Chirac de la fonction présidentielle : La crise française est une crise de légitimité, rédigée entre les 28 décembre 2005 et 10 janvier 2006 ; elle est libre et personnelle, non concertée, quoique soumise à lecture et critique ; si la jurisprudence qui risque de s’installer d’un exercice mené par Jacques Chirac depuis 1995, est détestable, la réflexion n’est nullement dirigée contre lui ou par antipathie : au contraire. D’ailleurs, une histoire et une vie nationales sont de responsabilité collective - argument sommaire in fine
I
La Constitution de la Cinquième République a pu paraître pendant
une quarantaine d’années la « constitution naturelle »
de la France 1.
Elle combine la prérogative présidentielle, arbitrale, indépendante
des intérêts et des partis, ce qui est d’essence monarchique 2,
avec l’appel au peuple qui n’est pas seulement une technique
bonapartiste puisque le procès de Louis XVI faillit y conduire et
que la Convention l’avait inscrite dans son texte mort-né du 24
Juin 1793, et surtout avec le régime parlementaire, le Premier
ministre responsable devant la Chambre élue au suffrage direct,
n’est, dans la lettre, pas amovible par le Chef de l’Etat.
Ceux qui, depuis 1958, ont exercé la fonction présidentielle, lui
ont, jusqu’en 1995, compte tenu évidemment de leur « équation
personnelle », conféré une dignité 3
et une efficacité certaines, donnant aux prérogatives attachées
à celle-ci une légitimité peu contestée : l’alternance
droite-gauche a renforcé cette légitimité et les Français, même
opposants ou railleurs, ont reconnu successivement à Charles de
Gaulle, à Georges Pompidou, à Valéry Giscard d’Estaing, à
François Mitterrand de l’autorité morale, du prestige à
l’étranger et de la capacité à orienter le pays, même s’ils
les ont – successivement – aussi désavoués ou réduits 4.
L’ « homme du 18 Juin » - maurrassien 5
et bainvillien – fondateur du régime par les circonstances
algériennes, avait surtout illustré ce qui en d’autres temps eût
fondé une dynastie : la légitimité pour services rendus ;
mais plus profondément encore, l’autorité du Général ne tenait
pas tant au passé, ou à une habileté certaine à gérer les
éphémérides du présent, au moins jusqu’au printemps de 1968,
qu’à la sensation qu’il donnait au pays et au monde de mener une
politique coincidant strictement avec la tradition la plus établie
d’une défense et illustration des intérêts, de l’unité et du
visage de la France.
Les institutions concouraient donc au prestige national, à
l’efficacité et à la légitimité de l’action gouvernementale
et à un certain consensus économique, social, moral, peut-être
même spirituel. Alors même que de profondes alternances dans les
politiques menées et dans les équipes au pouvoir avaient lieu.
I I
Il n’en est plus de même aujourd’hui. Le verdict pouvait
être suspendu jusqu’il y a encore peu, tant un président en
exercice garde l’initiative de l’action, de la consultation, du
rebond toujours possibles dans l’opinion et selon les événements.
Le referendum du 29 Mai 2005, la moindre santé physique de Jacques
Chirac démontrée, par un incident cérébro-vasculaire, le 2
Septembre suivant 6,
semblent empêcher une nouvelle candidature à l’élection
présidentielle ; le quinquennat, concédé à l’opposition,
sous prétexte que désormais les institutions sont hors de
discussion, alors que précisément abréger la durée du mandat
présidentiel et vouloir à toute force la faire coincider avec celle
du mandat de l’Assemblée nationale, les dénaturent, devait avoir
raison d’un argument contre une réélection de l’élu – mal
élu – en 1995 et en 2002, l’âge auquel il arrive, après avoir
tant joué sur sa jeunesse et son dynamisme depuis 1976 7.
Il a la conséquence à laquelle on devait s’attendre : priver
de la réalité du pouvoir dix-huit mois avant l’échéance celui
qui n’est plus réputé candidat à sa propre succession. Le vide
s’est donc installé à l’Elysée 8,
ce qui a plusieurs conséquences : le chef de l’Etat multiplie
les interventions à but médiatique sur les sujets petits, ce qui,
loin de lui rendre la main, l’amoindrit encore 9,
ou très importants 10,
ce qui est risqué ; au Parlement, le gouvernement dépend
davantage d’un de ses membres, candidat déclaré de ce qui était
la « majorité présidentielle », que du prestige et des
prérogatives du chef de l’Etat ; la France n’a plus de
crédibilité dans l’Union européenne ni pour les gestions où
elle a perdu la main (en partie aussi parce que son commissaire et
son ministre des Affaires étrangères semblent à beaucoup
inférieurs à leurs responsabilité), ni pour une imagination et des
initiatives faisant sortir les Vingt-Cinq de leur impasse
institutionnelle ; les politiques menées sont dominées par
l’échéance électorale et de sensibles mutations dans nos
législations sont improvisées sous le chef d’une relance de
l’emploi (aux résultats de pure apparence statistique, à quoi
aide 11
un renversement de la tendance démographique, de longue date
prévisible et d’ailleurs anticipée politiquement par les
précédecesseurs de Dominique de Villepin : Lionel Jospin et
Jean-Pierre Raffarin).
N’étant plus justifié par une réelle emprise sur les gens et sur
les événements, le maintien de l’actuel président à la tête de
l’Etat fait au contraire ressortir à quel point il a déstabilisé
sa fonction dans l’opinion publique. Contrairement à l’esprit de
nos institutions, il a nié que le président de la République soit
responsable devant le peuple, autrement qu’à l’occasion de sa
réélection en ne démissionnant ni à l’issue du processus de
dissolution prononcée en 1997, ni au soir du referendum perdu en
2005. De fait, l’instabilité ministérielle a reparu : neuf
ministres des Finances en dix ans de son mandat, même le Quai
d’Orsay n’y échappe avec trois titulaires en cinq ans, ce dont,
s’agissant de ce poste où se jouent le crédit international et la
continuité d’action et de présence du pays, avaient pu se garder
les Troisième et Quatrième Républiques. Sa gestion passée de la
mairie de Paris est si répréhensible qu’il a fallu bâtir une
jurisprudence ad hoc en Cour de cassation et évoquer un statut pénal
du chef de l’Etat, ce que trois Républiques depuis 1871 n’avaient
pas eu à mettre en place, tandis que les responsables de son parti
ou à l’Hôtel de Ville passent en correctionnelle et subissent des
peines, dont les attendus le mettent en cause ; juridiquement,
Jacques Chirac est passible de poursuites dès la cessation de ses
fonctions.
I I I
Il est douteux qu’un redressement et un retour aux origines
« gaulliennes » de la Cinquième République s’opèrent
à l’occasion de la prochaine élection présidentielle. Même s’il
faut l’espérer : ardemment, et tâcher d’y contribuer.
Les raisons de douter sont, principalement :
1° une perception générale des institutions, dans la classe
politique et commentante, telle que personne ne propose un retour aux
sources et que la plupart évoquent au contraire un changement des
textes. Le ministre de l’Intérieur, candidat déclaré de la
majorité présidentielle sortante, propose de limiter le nombre des
mandats présidentiels mais se garde d’évoquer la responsabilité
populaire qui devrait être celle du chef de l’Etat ; il
propose d’ailleurs aussi de réorganiser la direction du
gouvernement, perdant de vue qu’originellement le gouvernement ne
pouvait se distinguer du président de la République. Dernier en
date des anciens Premiers ministres socialistes, et étant le plus
longtemps de tous demeuré en fonctions, Lionel Jospin 12,
possible candidat, lui aussi, à l’élection présidentielle,
relève à juste titre la nocivité de l’irresponsailité
présidentielle, mais pour en tirer argument de fonder un régime
purement présidentiel ou de constitutionnaliser le gouvernement de
législature, renonçant donc aux avantages de la mixité mise en
place par Charles de Gaulle et Michel Debré, et inaugurée par eux,
dans des circonstances difficiles 13 :
celle de la guerre d’Algérie et celle d’une quasi-absence de
majorité parlementaire. L’unanimité semble acquise pour diminuer
au maximum le chef de l’Etat.
2° une difficulté accrue de faire fonctionner les institutions
telles qu’elles existent et que la jurisprudence s’en installent
(durée égale des mandats présidentiel et législatif,
irresponsabilité de fait du chef de l’Etat). Le quinquennat n’est
pas compatible avec un régime parlementaire. Si les deux mandats
coincident, comme c’est le cas jusqu’à présent depuis 2002, et
si les deux majorités présidentielle et parlementaire coincident,
comme c’est aussi le cas depuis 2002, le système est soit figé,
un gouvernement de législature et un président dont on, ne discerne
plus la prise qu’il a sur les choses et les gens, des prérogatives
inutiles donc, soit instable, mais du fait du Président de la
République, demandant au Premier ministre de démissionner, comme
cela a été le cas en Mai 2005, alors que l’Assemblée nationale
n’avait pas voté la défiance et que le referendum mettait
davantage en cause le chef de l’Etat que le Premier ministre. Au
cas où il y aurait dissolution, ou bien au cas où le président
serait empêché ou mourrait en cours de mandat, hypothèse qui n’est
plus improbable depuis l’automne dernier, les deux mandats ne
coincident plus, mais ayant la même durée, ils semblent de même
valeur démocratique tandis que leur chevauchement met le suffrage
universel en contradiction très prévisible : le président de
la République aurait en cours d’un mandat de peu de durée à
faire à deux majorités successives, pas forcément de même
composition. S’il a dissout, l’Assemblée nationale lui survivra
ou pèsera sur sa réélection ; s’il ne dissout pas, alors
que les calendriers ne sont plus les mêmes depuis une dissolution ou
une démission antérieures à son propre mandat, il hérite d’une
situation politique à laquelle sa propre élection n’aura pas
remédié.
3° l’entrée en désuétude du referendum, après celle du
droit de dissolution, paraît la plus probable. Pour deux raisons.
D’abord, parce que l’exercice s’est soldé par un échec,
exactement comme tomba en désuétude le droit de dissolution sous la
Troisième République, alors qu’il était inscrit dans les lois de
1875 et en était un élément principal, d’ailleurs d’esprit
monarchique, la Quatrième République ayant tenté à l’initiative
d’Edgar Faure en 1955 (un 2 Décembre) de le remettre en œuvre
pour une fois, très exceptionnelle, où les conditions prévues par
la Constitution, restrictives, étaient réunies, mais la législature
n’en fut écourtée que de peu et le jeu des partis d’alors ne
permettait pas à la procédure de rendre un résultat significatif.
Echec de la dissolution en 1997, Jacques Chirac se conduisant
d’ailleurs comme Mac Mahon et non comme l’auraient fait ses
prédécesseurs sous la Cinquième. Echec du referendum en 2005,
particulièrement grave parce que montrant à l’étranger comme au
pays l’incapacité des gouvernants et aussi des dirigeants de
l’opposition partisans du oui, de vraiment répondre de la
signature française. Désuétude surtout parce que ces deux échecs
n’ont pas produit ce que prévoit l’esprit, sinon la lettre de la
Constitution de 1958 : la démission du Président de la
République.
Malgré l’exemple de son fondateur, la Cinquième République est
donc revenue au fondement des Troisième et Quatrième :
l’irresponsabilité présidentielle. Pour un élu, l’unique élu
du suffrage universel direct au plan national, cette irresponsabilité
semble illégitime si elle n’entraine pas vers un autre organe des
pouvoirs publics les prérogatives considérables, en droit, du chef
de l’Etat. Il est prévisible que l’exercice de ces prérogatives
par un irresponsable ne paraîtra pas longtemps légitime ni aux
Français ni à la classe politique ; cet exercice, de surcroît,
rendra suspecte à l’étranger notre démocratie ; déjà, la
prise de décision économique a été convaincue de corruption à
plusieurs reprises, pas seulement par l’opinion publique, mais par
la justice. Nous ne serons décidément plus considérés.
I V
Plutôt qu’un transfert de fait des prérogatives présidentielles,
sans doute au Premier ministre, le chef de l’Etat n’ayant plus
qu’une signature sur suggestion, même quand elle est sans
contreseing, il y a une solution qui présente des avantages pas
encore examinés, même si elle est d’apparence
« révolutionnaire ». Elle suppose très peu de
modification des textes en vigueur, mais un consensus dans le pays à
la mesure du discrédit environnant maintenant la politique en
général et nos institutions, en particulier. Le prestige résiduel
de celles-ci ne tient plus qu’à la compétition, permanente, pour
la fonction présidentielle, et à l’apparence que la décision
demeure celle du peuple. Cette compétition est nuisible à l’action
gouvernementale, elle empêche les partis de jouer leur rôle de
proposition et de conduite des débats de manière à ce que se
forme, en connaissance de cause, l’opinion générale, elle ne
grandit pas la position du président de la République, que ce soit
celui en place, ou celui qui lui succèdera. Quant à la décision,
elle est sans effet puisque soit les promesses du candidat ne sont
pas tenues parce qu’elles étaient improvisées et démagogiques,
soit une majorité parlementaire fait défaut, ce qui renvoit à un
autre scrutin l’efficacité du verdict électoral.
La proposition est donc de prendre acte de l’irresponsabilité,
pour le moment seulement de fait, du chef de l’Etat – c’est
la jurisprudence des mandats de Jacques Chirac – et d’en tirer
parti. L’irresponsabilité présidentielle n’interdit pas, au
contraire elle facilite, l’exercice du droit de dissolution et la
mise en œuvre du referendum. Ce serait, acceptée
discrétionnairement par le chef de l’Etat, l’initiative du
gouvernement qui en porterait – lui – la responsabilité. C’est
d’ailleurs ce qu’il s’est passé pour Alain Juppé et dans une
moindre mesure pour Jean-Pierre Raffarin. Le chef de l’Etat ne
serait pas lui-même exposé mais, la Constitution restant inchangée
pour ses prérogatives comme pour les rapports entre le Gouvernement
et le Parlement, il garderait tous les moyens pour « assurer
par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics »
(article 5). Ce chef d’Etat dans un régime parlementaire, comment
le faire élire directement par le peuple, si son mandat est très
court ? s’il est irresponsable durant tout son mandat ?
Comment peut-il être un arbitre s’il a été pendant des années
ou des décennies le candidat d’un parti ou d’une fraction de
l’opinion publique ? A cette dernière question, il était
répondu jusqu’en 1995 par la manière dont s’acquittaient de
leurs responsabilités les Présidents de la République successifs ;
ceux-ci soit mettaient en jeu leur responsabilité devant le peuple,
sans que la lettre de la Constitution les y oblige (le général de
Gaulle principalement), soit cherchaient à élargir leur majorité
et à y rallier une partie de l’opposition (referendum européen et
réduction de la durée du mandat présidentiel, par Georges Pompidou
– nominations œcuméniques par Valéry Giscard d’Estaing et
droit de saisine du Conseil constitutionnel accordé à tout groupe
de 25 députés ou sénateurs – pratique de la « cohabitation »
avec l’opposition par François Mitterrand, propositions en 1988
faites à des personnalités de la majorité parlementaire
existante). Au contraire, Jacques Chirac, vainqueur chaque fois de
très peu au premier tour de l’élection présidentielle, n’a de
référence que son programme de ce tour-là et surtout, élu en 2002
par une quasi-unanimité des partis et de l’opinion par défaut
contre Jean-Marie Le Pen, n’a d’action pour son second mandat que
la continuité avec son premier, dont l’exercice avait pourtant été
censuré en 1997.
S’il faut le long terme au pays et à celui qui le symbolise, s’il
faut une mise hors de pair et au-dessus des partis au chef d’un
régime parlementaire, s’il est plus logique de renoncer à
l’élection présidentielle au suffrage universel direct puisque le
Président de la République n’est plus sanctionnable en revanche
par le peuple qui l’a élu et voudrait le désavouer, si faire
élire le chef de l’Etat comme sous les Républiques précédentes
par le Congrès du Parlement le rabaisserait aux combinaisons de
partis, comment désigner celui qui sera à la tête de la Nation ?
Comment assurer pour l’avenir son impartialité quant aux partis et
qu’il ne veuille pas, par une pratique inverse de celle observée
depuis 1995, reprendre une responsabilité devant le peuple,
par-dessus le Parlement, le Gouvernement, les partis ?
Faute d’autres réponses ou à peine d’avoir à réécrire
complètement nos institutions, à rétablir la durée septennale
voire à instaurer le décennat, à codifier les relations entre
exécutif et législatif pour être certain d’aboutir à un
gouvernement de législature fonctionnant mécaniquement 14,
une solution, d’apparence tranchante, apparaît. Le président de
la République pourrait être héréditaire dans la Maison royale de
France 15,
c’est-à-dire dans la branche cadette des Bourbons Orléans 16,
actuellement représentée par le comte de Paris 17.
Le titre du chef de l’Etat, son appellation constitutionnelle,
ne seraient pas changées : l’article 89 dernier alinéa
de la Constitution prévoit en effet que la forme républicaine du
Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision. S’il
est objecté que l’hérédité est un changement de régime, il
peut être répondu d’une part que la lecture actuelle de la
Constitution, selon l’irresponsabilité du chef de l’Etat se
maintenant en place quand il est désavoué par le peuple, est un
changement de nature pour la Cinquième République, et – en fait,
comme en droit – un déni de démocratie : la dissolution et
le referendum ont été la décision personnelle de Jacques Chirac.
Et d’autre part que la définition de la République est toujours
attendue : les valeurs républicaines sont celles de la
Déclaration de 1789, acceptées sous serment par Louis XVI en
préambule de la Constitution de 1791 ; en fait, la définition
de la République si elle est étymologique, recouvre celle de bien
commun 18
et si elle doit être politique, a été donnée par son vrai
fondateur en France, Adolphe Thiers : la République est ce qui
nous divise le moins.
La présente proposition consiste à l’établir telle qu’un
consensus s’était formé pour lui donner des bases enfin solides
et populaires, en 1958.
La transformation du mode de recrutement du chef de l’Etat, et sa
discussion éventuelle, aura, entre autres, le mérite de faire
élucider ce qu’est la République pour les Français. Il
pourra alors être perçu combien nos Républiques, et surtout
l’actuelle, ont toléré la cooptation dans les grandes
responsabilités politiques et économiques, l’adoption « à
la romaine » (Georges Pompidou puis Dominique de Villepin) pour
exercer le pouvoir « suprême », le transfert à titre
personnel et selon négociations de places censément électives (la
manière dont Laurent Fabius, Martine Aubry, Alain Juppé, Lionel
Jospin ont obtenu « leur » circonscription, ce qui
d’ailleurs ne les diminue ni ne les grandit), voire selon
l’hérédité (les Léotard à Fréjus, les Baudis à Toulouse, les
Dominati et les Chinaud à Paris, les Poniatowski). Et combien la
révérence pour l’habitant de l’Elysée est ambiguë. Il est
probable qu’une présidence héréditaire forcera au civisme, parce
qu’elle-même serait très menacée dès qu’il lui serait prêté
des apparences monarchiques (au sens malheureusement décrié du
mot).
Enfin, un terme serait mis à ces relectures foisonnantes, également
depuis 1995, de notre histoire contemporaine : responsabilité
de la République dans les actes perpétrés ou tolérés par Vichy,
question de notre colonisation outre-mer ainsi que de la présence
humaine puis des guerres de dépossession qui s’en suivirent,
existence puis commerce et abolition de l’esclavage par qui ?
et comment ? Paradoxalement, la discussion sur nos révolutions
politiques ou sur l’évolution de notre société n’est pas
menée ; à peine a été commencée 19
la réflexion sur la Révolution de 1789 et les événements
subséquents. Le retour de la Maison de France à la tête du pays,
mais selon les formes démocratiques modelées par l’expérience de
cinq régimes s’intitulant chacun République, constituera une
nouvelle grille de lecture rétrospective des deux derniers siècles
de notre histoire politique et sociale : tout redeviendra écho,
et finalement harmonie. Une réconciliation mentale avec tout notre
passé pouvant faire socle pour l’avenir, et montrant que tout est
psychologiquement possible, y compris l’accueil autant sociologique
que dans l’acquis historique, des générations d’immigrés issus
de notre colonisation.
V
Les avantages de conférer au chef de la Maison de France et à
ses successeurs les fonctions du président de la République, sont
d’abord que celles-ci seront désormais pleinement exercées, et
sans doute de la manière la plus proche qui soit de l’esprit
originel de la Constitution de 1958, sinon même des rédacteurs de
celle-ci. L’affirmer n’est paradoxal qu’en apparence.
Le président, irresponsable mais jouissant des pouvoirs propres et
des pouvoirs sous contreseing, prévus et expérimentés selon la
Constitution de 1958, sera un chef d’Etat parlementaire au sens
plein du terme, ce qui n’a jamais été expérimenté en
France, encore : les IIIème et IVème Républiques ayant été
des régimes d’assemblée, et la Vème étant jusqu’à présent
un système mixte. La dissolution à sa totale discrétion ne pourra
plus être de « confort » comme celle de 1997, puisque le
président ne sera pas mis en cause par les relations entre le
Parlement et le Gouvernement et que, ne gouvernant pas lui-même, la
majorité parlementaire, pourvu seulement qu’elle ait été
sincèrement élue, lui sera de tendance indifférente. La nomination
des membres du Gouvernement continuera de se faire sur proposition du
Premier ministre, mais ce sera sincère tandis que l’inamovibilité
du Premier ministre (sauf censure de l’Assemblée nationale), qui
est implicite dans la lettre de la Constitution, ne pourra plus être
discutée. En revanche, il pourra rester que le Premier ministre et
le Gouvernement sont pleinement en fonctions, dès leur nomination
par le président, qu’il y ait ou non eu un vote d’ « investiture »
à l’Assemblée nationale. N’étant pas le produit d’une
candidature de parti, le président pourra être arbitre entre
ceux-ci et entre le Parlement et le Gouvernement. Il aura les mêmes
pouvoirs que ses prédécesseurs élus depuis 1958, mais il ne sera
pas devant le dilemme soit de gouverner par la question de confiance
posée au peuple, soit de rendre critiquables ses initiatives parce
qu’elles seront entachées d’irresponsabilité. Les limites de
ses prérogatives tiendront à ce qu’il est irresponsable. De
vice de la pratique actuelle du régime, l’irresponsabilité sera
une force. Les pouvoirs de crise (ceux à mettre en œuvre selon
l’article 16) resteront les siens, la jurisprudence de 1961 et a
contrario le fait qu’il n’y ait pas été recouru en 1968, les
montrent exceptionnels et de très courte durée d’application.
Leur exercice peut être justiciable des procédures pour haute
trahison, comme il est observé plus loin.
La seconde série des avantages de cette restauration, sans le nom,
est d’apporter au pays des éléments dont il a besoin pour
qu’il se réconcilie avec la politique et avec l’Etat. La
dimension arbitrale de l’Etat, souhaitée aussi bien par les
partenaires sociaux que par les citoyens, souvent explicitement (on
l’a entendu souvent dans les négociations pour la réforme des
principaux régimes sociaux depuis 2002), le discernement du service
public, le recours au Médiateur et ses limites sont autant d’appels
à un monarque sans le nom, donnant chair aux procédures de quelque
ordre qu’elles soient. Le système actuel pousse à la fois à la
sécheresse et à la démagogie : les retards dans
l’indemnisation prétendue des catastrophes naturelles, le
non-respect des engagements électoraux du président de la
République, le non possumus avoué par un Premier ministre
socialiste en matière de conflits sociaux et surtout d’orientation
politique des entreprises publiques ont scandalisé. L’hérédité
fera distinguer nettement ce qui est humain de ce qui est technique,
ce qui est l’Etat outil durable à vocation nationale universelle,
dont la responsabilité est d’abord morale, et ce qui est le
Gouvernement, passager et politiquement responsable.
Une dimension familiale et sacrale apparaîtra, sera sensible,
qu’attendent implicitement les citoyens. Les sondages de popularité
si fréquents, le truquage de la parole pour les influencer montrent
bien le manque affectif des politiques et, en fait, leur crainte du
contact populaire. La prétention à être sur le terrain est le plus
souvent, pour les gouvernants ou les personnalités les plus
voyantes, une promenade médiatique sans contenu, une prise de parole
sans écoute, une absence navrante de technicité et de connaissance
du sujet dont les citoyens voudraient être entretenus et avoir la
possibilité concrète d’en traiter avec ceux qui décident,
censément en leur nom. La sacralité du pouvoir est le seul concept
dépassant la contradiction entre un Etat forcément de contrainte
dans l’accomplissement des plus régaliennes de ses tâches, et un
Etat dont les dirigeants, à titre révocable selon la démocratie,
sont élus. L’exercice du pouvoir ne peut pas être la convenance
de ceux qui l’ont conquis pour se faire réélire. L’immanence
est nécessaire pour le respect du pouvoir d’Etat par chacun, et
pour la cohésion sociale. La révérence ne se mérite pas selon une
évaluation de chacune des décisions prises, elle est une relation
entre un concept incarné et les citoyens. Nous en sommes très loin
actuellement.
Naturellement, cette conception nécessaire à l’équilibre
psychologique d’une Nation qui n’a plus ses repères, n’a rien
à voir avec une religion d’Etat ni avec le principe acquis,
constitutionnalisé et irréversible de la laïcité. Elle est de
l’ordre de la sociologie et de la psychologie collectives, elle est
à l’origine de la vie sociale, elle est de droit naturel. Elle
dépasse les questions de personnes, mais, pour le moment, elle n’a
pas d’application. La vie politique se veut affective, elle est une
classe de mimes. La pédagogie procède actuellement d’un esprit
de supériorité et de dissimulation : faire accepter
l’inacceptable ou l’inavouable aux citoyens, au lieu qu’elle
soit mutuelle, personne n’étant de droit divin, quelle que soit la
position que l’on a conquise ou à laquelle on a été élu.
Des éléments de démocratie directe – souvent réclamés
depuis une trentaine d’années, mais jamais évoqués par les
tenants successifs du pouvoir alors même qu’il est proposé
d’élargir le champ du referendum 20
- pourraient aussi être introduits dans la Constitution :
principalement, le referendum d’initiative populaire à contenu
législatif, d’autant plus facilement qu’il existerait, ce qui
n’est pas le cas dans la forme républicaine actuelle, au moins une
institution hors de cause, parce qu’irresponsable, le chef de
l’Etat, président héréditaire. La mise en cause du Gouvernement
ou du Parlement ne mettrait pas en péril l’ensemble des pouvoirs
publics. A défaut que la procédure soit inscrite dans la
Constitution, le président pourrait spontanément correspondre au
sentiment populaire et prier le gouvernement de lui proposer la mise
en œuvre de l’article 11 sur le sujet. Ce dont un président élu
serait en peine, encombré par son propre programme, et peu enclin de
se risquer pour ce qui n’est pas sien.
La décentralisation s’inscrit dans ce mouvement ; elle
est heureusement inscrite dans la Constitution depuis Jean-Pierre
Raffarin 21
mais, en fait, date de propositions du général de Gaulle en 1969,
et de leur application en partie par Gaston Defferre en 1982. Quoique
légalisée autant par la gauche que par la droite et par toutes les
époques de la Cinquième République, elle n’est toujours pas
sincère ni dans les programmes des partis, ni dans la démarche des
administrations parisiennes, malgré des délocalisations
symboliques, ni dans les esprits. L’hérédité de la présidence
de la République met celle-ci tellement hors de pair, qu’il n’y
aura plus à craindre de faire élire au suffrage direct les
présidents de région. L’expérience capétienne, c’est-à-dire
la manière de former territorialement la France et de la faire se
gouverner en ses provinces par des « Etats » aux
attributions très diversifiées selon les traditions et les
habitudes, la géographie aussi, pourra devenir l’imagination d’une
République n’étant plus jacobine que pour les tâches régaliennes
de son Etat. Le président héréditaire symbolisera assez l’unité
nationale, non seulement dans le moment mais dans l’histoire, pour
qu’il l’incarne aussi à travers tout l’espace national :
psychologiquement, les autonomies régionales, des ajustements de
découpages, notamment pour le Pays Basque ou la Bretagne, seront
possibles. La nouvelle forme du pouvoir républicain sera libérante.
Le troisième avantage sera une continuité de la politique
nationale pour les grandes orientations 22.
Le consensus est acquis sur celles-ci depuis des décennies, mais il
n’est pas exprimé nettement parce que la compétition périodique
pour la fonction présidentielle, tant qu’elle est élective, le
rend émollient ou le fait paraître contingent . Le consensus autour
de la Maison de France et pour ces grandes orientations sera le
même : le président de la République, devenu héréditaire,
l’incarnera. Ce qui fut énoncé en 1959 (par Jacques
Chaban-Delmas, alors président de l’Assemblée nationale) comme
étant le « domaine réservé » du président de la
République (alors, le général de Gaulle) 23,
sera en fait un domaine partagé où la responsabilité
présidentielle sera engagée, pas selon des procédures
constitutionnelles, mais en conscience et devant l’Histoire. Là se
manifestera le plus nettement l’héritage capétien qui est d’abord
une pensée, un dessein politiques, particulièrement suivis. Et
dont, en fait, nous vivons toujours. Mais une dimension nouvelle
pourra apparaître ; l’attachement aux acquis nationaux ne
sera plus un nationalisme, cette « arrogance » tant
reprochée à notre haute fonction publique et à certains de nos
diplomates par l’étranger ; l’Histoire réincarnée est
plus tolérante, elle est relative surtout quand il s’agit des
relations intra-européennes, si imbriquées, si peu manichéennes en
réalité.
Le quatrième et non le moindre des avantages, sera de rendre aussi
peu aléatoires qu’il est humainement possible la qualité
personnelle du futur chef de l’Etat et sa préparation aux
hautes charges qui seront les siennes au décès ou à l’empêchement
définitif de son prédécesseur.
Le suffrage universel peut se tromper, un homme à la longue ténacité
de carrière politique peut se révéler insuffisant à la tête de
l’Etat. Le recrutement par voie élective est plus aléatoire que
la voie héréditaire. En effet, celle-ci permet de prévoir
de longue date, le successeur. On peut l’aviser, il peut être
formé. Familialement dans la sphère la plus complète du pouvoir,
personnellement dans l’intimité du président en place, le
successeur apprend à mesure et pratiquement sa fonction et l’état
des principales affaires. Il est imbibé par avance de sa fonction.
Il a une vue du personnel politique qui est complète, et non selon
des affinités de parti ou les nécessités de sa propre conquête du
pouvoir. Il peut parcourir le pays et sillonner la planète sans
encore avoir de fonctions, tout en ayant déjà la crédibilité de
recueillir la succession. Il est donc un représentant efficace du
président et un de ses informateurs et confidents, les plus
précieux. La jeune génération se reconnaît en lui.
Bien entendu, la question parfois soulevée (notamment sous Georges
Pompidou) d’une vice-présidence dont le titulaire élu en même
temps que le président, termine son mandat en cas d’empêchement
ou de décès de celui-ci, a sa réponse par l’hérédité.
V I
La dévolution des fonctions du chef de l’Etat à celui de la
Maison de France, c’est-à-dire l’instauration du mode
héréditaire pour le recrutement du président de la République ne
devrait pas se faire au suffrage universel, mais selon la procédure
prévue par l’article 89 de la Constitution. Certes, dans une
ambiance de consensus pouvant ressembler à celle de l’été de
1958 voire à celui de 1790 lors de la fête de la Fédération. Un
tel consensus, qui aura été le fruit d’une maturation nationale
et d’un ralliement réfléchi d’une grande majorité des
personnes politiques, serait amoindri s’il fallait le consacrer par
des chiffres, et ce qu’il produirait, en termes d’institutions,
serait alors révocable par une consultation de même forme. Il est
clair que cet apport et cette conclusion de deux siècles de
recherches constitutionnelles par l’expérience des huit siècles
les ayant précédés pourront à tout moment être remis en question
si ce consensus disparaît. Là, est la vraie démocratie. Il n’y a
pas lieu de prévoir les règles d’un tel renversement. L’article
89 suffit à l’organiser – même son dernier alinéa, relatif à
la forme républicaine du gouvernement, selon la loi de 1884, serait
à la lettre respecté –, et cette simplicité-même est une
garantie de la qualité et de la transparence du régime qui se
fonderait par la novation ici proposée. L’échec ne diminuerait ni
la Maison de France ni le pays. L’essai au contraire serait une
preuve inouïe de liberté intellectuelle collective. Le régime
républicain, en France, ne s’instaura que par un exercice de cette
portée : la liberté d’esprit pour choisir ce qui convient le
mieux 24 ;
la novation se ferait dans la même liberté, retrouvée et sans
tabous ni a priori.
Ne seraient donc à modifier que deux articles de la Constitution
de 1958. Fondamentalement, l’article 6 de la Constitution, dont
le premier alinéa dirait désormais, ou de manière équivalente :
le chef de la Maison de France est le chef de l’Etat. Il reçoit
le titre de président de la République. L’article 7 serait
seul réécrit complètement pour constitutionnaliser les règles de
succession dans la famille des Bourbons Orléans, aujourd’hui
héritière de la dynastie capétienne ; ces règles sont telles
que la dévolution du pouvoir échappe à celui qui l’exerce, que
son héritier ne peut en être dépossédé par lui et que la
succession n’est pas d’une personne à une personne, mais dans
l’exercice d’une fonction 25.
Les dispositions prévues en cas de vacance de la présidence de
la République pour quelque cause que ce soit, ou d’empêchement
constaté par le Conseil constitutionnel saisi par le Gouvernement et
statuant à la majorité absolue de ses membres seraient changées
en ce qu’il n’y aurait plus lieu à aucun intérim : la
succession serait tout simplement ouverte et il y serait pourvu selon
la règle coûtumière régissant la Famille de France,
constitutionnalisée par le premier alinéa. Un cas d’empêchement
définitif serait le jugement de la Haute Cour de justice, prévu
par l’article 68 de la Constitution, qu’il n’y aura pas lieu
d’abroger. Même héréditaire, le président de la République
pourrait – ce sera l’une des souplesses principales du régime,
compensant le recrutement non électif et par hérédité – être
mis en accusation par les deux assemblées stgatuant par un vote
identique au scrutin public et à la majorité absolue des membres
les composant. Convaincu de haute trahison, le président,
quoique de souche royale, serait reconnu empêché selon la procédure
de l’article 7, et la succession serait réglée aussitôt et par
la voie de l’hérédité. La révision de 1993, réservant au seul
chef de l’Etat la procédure en Haute Cour de justice, une Cour de
justice de la République étant désormais prévue pour les membres
du Gouvernement, est un véritable pressentiment de la procédure
dont il faut disposer pour que le président de la République,
puisse, surtout en régime héréditaire, être révoqué pour des
raisons, certes très graves, mais qui avec le temps pourraient
n’être pas du tout infâmantes mais seulement de haute politique.
Les procédures britanniques d’impeachment et celles prévues
(et mises en œuvre) par notre Constitution de 1791 ont été la
matrice des motions de défiance ou de censure, et donc du système
de la confiance parlementaire. Elles seraient applicables au
président, diligentées comme le prévoit la Constitution de 1958
par la représentation populaire : l’hérédité ne
signifie pas la rigidité ni l’inamovibilité absolue, elle se
combine avec la démocratie, et permettant un parlementarisme dégagé
de l’interventionnisme présidentiel, elle la fortifie même.
Les notions clés que sont l’attachement des Français aux
Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale
tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789,
confirmée et complétée par le préambule de la Constitution
restent évidemment intangibles. Pas plus que le préambule de la
Constitution de 1958, les articles 2 et 3 ne sont à amender. Enfin,
les mots employés en commentaires médiatiques ou par les
tenants-mêmes des fonctions républicaines ne seront plus galvaudés
ou au contraire, on n’emploiera plus des termes dont aucun ne sied
à la République. Ne parle-t-on pas de « fief électoral »,
notamment pour les plus importantes personnalités de la classe
politique ? ne disait-on pas, en contre-vérité, que Lionel
Jospin était le Premier ministre de Jacques Chirac ? en
revanche, l’appellation que déniait de Gaulle au Premier ministre,
celle de « chef du gouvernement », puisqu’il estimait
que le gouvernement n’avait d’existence que par le président de
la République, et que c’était donc « son »
gouvernement, qu’il en était le seul chef, pourra être
légitimement employée. Naturellement, il ne serait pas question
d’évoquer le « souverain » : dans notre régime
actuel ou dans celui établi par le retour à l’hérédité, le
seul souverain est le peuple, tout simplement parce qu’il est
sociologiquement, et donc politiquement, impossible qu’il en soit
autrement. Dans la pratique politique et dans le commentaire de ces
temps-ci, à propos du président de la République, c’est perdu de
vue.
Très secondairement, il est possible, mais guère souhaitable,
qu’avec le temps, un consensus apparaisse pour un nouveau titre qui
pourrait être aussi bien roi de France – plus immanent – ou roi
des Français – bien moins démocratique et plus inégalitaire
qu’il n’y paraît, mais pouvant sembler plus proche des
citoyens : Louis XVI porta successivement le premier puis le
second de ces titres. Le concept de chef de l’Etat remonte
textuellement à la Charte « octroyée » par Louis XVIII
le 14 Juin 1814, selon sa déclaration du 2 Mai lors de son arrivée
à Saint Ouen, aux portes de Paris. Mais la probabilité est que la
France invente ce nouveau modèle républicain que serait l’hérédité
présidentielle, sans qu’il y ait à changer le titre du chef de
l’Etat, et il est probable que le président héréditaire aurait
la sagesse de préférer, contrairement à ses homologues et pairs
des monarchies européennes, cette nouvelle exceptionnalité
française : une de plus… Que le chef de l’Etat ait un
fanion personnel, comme l’ont eu Charles de Gaulle et François
Mitterrand (le premier la croix de Lorraine frappant le tiers blanc
médiant du drapeau national, le second les rameaux de chêne et
d’olivier sur ce même tiers médian), quoi de plus naturel ?
Celui du comte de Paris, toujours sur le tiers médian des couleurs
nationales, consiste dans l’armoirie de France, surmontée de la
couronne royale ; ce ne lui est que familial.
En revanche, les titres ou les apparences nobiliaires et tout ce qui
a pu s’attacher en survivance à l’Ancien régime ou à nos
monarchies constitutionnelles, ainsi qu’à l’Empire, n’auraient
pas lieu ni d’être abolis ni d’être confortés : ils sont
d’usage courant, éludé ou accepté, ou bien de traditions
familiales particulières et les règles d’état-civil sont du
domaine de la loi.
La composition du Sénat est discutée depuis 1969. La fusion du
Conseil économique et social avec cette institution parlementaire
est également parfois envisagée. Des situations honorables pour les
anciens Premiers ministres, voire des ministres à l’éclat de
services et à la longévité au pouvoir remarquables, sont souvent
trouvées au palais du Luxembourg, moyennant la complaisance des
partis. Ce pourrait devenir statutaire. La « chambre haute »
représenterait désormais la durée, les régions, les partenaires
sociaux et économiques. Les pouvoirs ne seraient pas modifiés. Mais
cette réforme ne serait pas à prévoir et instituer en même temps
que l’hérédité. Des concertations ne portant que là-dessus
seront à ménager qui requerront du temps ; l’expérience
commencée de l’hérédité pésidentielle pourra d’ailleurs
enrichir les projets.
Il est vain d’imaginer des circonstances ou la manière dont
pourrait se produire cette dévolution de la fonction présidentielle
au descendant de nos rois capétiens. La seule projection est que
soit irrépressible socialement et politiquement une ambiance
consensuelle, dépassant de beaucoup les résultats de quelque
consultation électorale ou référendaire que ce soit.
L’instauration de l’hérédité présidentielle dans la Famille
royale de France a précisément pour but d’émanciper la
présidence de la République de toute élection de manière à en
rendre l’exercice continu et seulement arbitral ; elle ne peut
donc résulter ni d’une élection ni d’un referendum, à peine
qu’une autre élection ou un autre referendum la défassent. C’est
l’adhésion quasi-unanime des esprits, la durée et l’intensité
de cette adhésion qui produiront ce qui paraît, aujourd’hui, une
considérable novation mais qui, à la vivre, ne sera qu’une
consolidation toute naturelle du pouvoir politique en France. Il
ne s’agira pas de voter pour une personne, d’élire quelque
nouvel homme politique, mais d’opter pour une nouvelle méthode
d’exercice de la fonction présidentielle. Un Congrès du
Parlement, consacrant sobrement ce consensus, opèrera la révision.
Un éventuel retour au système électif n’obligera pas à un
referendum. Point de combat ni de joute, mais la contagion d’une
conviction dans toutes les couches d’une société cherchant des
remèdes profonds et pour le long terme.
Est-ce utopique ? Il y a la belle définition de François
Mitterrand, selon qui l’utopie est une prescience et un vœu du
futur. Cette évolution de l’opinion et de la classe politique ne
paraît moins difficile qu’un retour à l’esprit originel de la
Cinquième République et qu’un exercice du pouvoir tel qu’il
soit responsable devant le peuple, c’est-à-dire renversable par le
peuple.
Il y a surtout que la République actuelle est bâtarde ; elle
n’est ni le gouvernement d’assemblée que furent les précédentes
républiques, à l’exception de la Seconde, ni le régime de
responsabilité (de légitimité) populaire 26,
qu’avait voulu et pratiqué son fondateur. Ce qui est vicié est
essentiellement le fondement et l’exercice des prérogatives
présidentielles.
Il est possible, certes, que la prochaine élection présidentielle
ait du fruit et que le successeur de Jacques Chirac restaure la
fonction présidentielle et donc l’exercice de la politique dans
notre pays. Cette restauration – car il s’en agira d’une –
sera précaire et liée à sa personne, tandis que la proposition
capétienne demeurera. N’a-t-elle pas perduré jusqu’aujourd’hui
malgré quatre renversements de la royauté chez nous 27,
malgré quatre-vingt ans d’exil légal du chef de la Maison de
France et de son aîné, malgré l’apparition à plusieurs reprises
dans notre histoire contemporaine de personnalités exceptionnelles
et ressenties à tort ou à raison comme salvatrices 28,
mais sans filiation ou succession ? sans sacre que des
circonstances de seulement quelques mois ou années.
*
* *
L’objection décisive qui sera présentée, est celle de
l’inertie. Un régime conçu pour l’initiative, l’efficacité
et l’autorité à la tête de l’Etat se laisse dériver, selon
tous les acteurs des pouvoirs publics. La République n’a pas
besoin de soutien ; elle est dans les esprits, et indéracinable
dès le XIXème siècle. Cela fait maintenant si longtemps. C’est
affaire d’habitude.
A quoi il faut répondre que – précisément – il y a urgence et
que la République est en danger, parce que sa définition et ses
valeurs ne sont plus évidentes, que la cohésion sociale est
manifestement précaire : le débat en cours sur la capacité
nationale ou non d’intégrer les apports démographiques nouveaux,
ou ce qu’il a été convenu (avec hésitation) d’appeler la crise
des banlieues posent même la question de la survie de la Nation en
tant que telle. Comme dans tous les temps qui ont précédé nos
catastrophes nationales, le sujet est à la fois mal posé et minoré.
Le rapport entre le fonctionnement de nos institutions et les
circonstances à affronter n’est pas perçu par les responsables
politiques : la réponse n’est pas ressentie urgente. Le
peuple, nos concitoyens crient pourtant cette exigence, ce danger
comme ils peuvent mais la protestation semble encore émolliente tant
la crise sociale, l’obsession de l’emploi, du niveau de vie
désagrègent des solidarités d’entreprises ou de classe,
condamnent beaucoup à subir. L’écart se creuse entre les formes
et le fond.
Une autre objection serait qu’un régime national – dans des
circonstances qui ne sont pas près de changer et où l’avenir est
aux grands ensembles, donc à l’Union européenne – est
indifférent, les vraies décisions, y compris les décisions
politiques orientant notre avenir économique et notre diplomatie
sont prises à Bruxelles, le combat à mener ne serait donc plus
intérieur, il est donc de parfaire ou de modifier les institutions
européennes ; certes. Mais à quoi il faut répondre que ce
régime précisément n’est capable ni de faire adopter chez nous
par referendum un texte qui doit beaucoup à des Français, ni
d’avoir proposé de longue date les éléments d’un autre cours
européen que l’actuel encore moins est-il capable d’en faire
aboutir un maintenant. La sanction a été le résultat de Mai 2005,
la tendance est au discrédit de l’institution gouvernementale
nationale puisqu’elle n’est pas même capable d’abaisser le
taux de la TVA pour un secteur d’activité, certes populaire, mais
pas économiquement décisif.
La présente proposition est économe à trois points de vue.
Econome de textes, économe de hasard et de paris, économe de
personnel politique.
En effet, elle implique peu de changements dans la Constitution, je
l’ai démontré. Elle est un pari bien moins hasardeux que
de compter sur un nouvel homme providentiel ou la subite conversion
de la classe politique : elle donne une tête permanente à la
République et l’homme du moment est prévisible puisqu’il est
tenu par sa tradition et sa formation familiales, et par sa
conscience. N’ayant à considérer ni sa succession, ni sa
réélection. Indépendant de toute démagogie électorale. Inscrit
biologiquement et spirituellement dans la durée. Et dont la
révocabilité est toujours possible. Enfin, elle n’est pas un
bouleversement politique car elle n’entraine aucune rupture
dans les carrières acquises ni sur l’échiquier : elle ne
touche qu’à une seule des institutions et seulement dans son mode
de recrutement ; cette dévolution de l’hérédité n’appelle
pas de clientèle nouvelle et n’exclut aucun parti ; elle ne
sera le fait d’aucun parti, d’aucun corps social en particulier ;
elle ne nuit à personne et n’empêche personne ; elle
n’interrompt aucune carrière et ne réprouve aucun des fondements
du droit public national. La classe politique peut ne pas changer de
recrutement ni de composition ; en revanche, ce qui tend
toujours à devenir une classe, peu ouverte avec le temps, y gagne
d’être à terme mieux accepté par le peuple, parce que l’Etat
aura retrouvé une âme, la République l’acteur moral dont elle a
besoin, le pays son incarnation et l’instrument de sa continuité.
La légalité, inchangée, y retrouve une légitimité, qu’elle est
en voie de perdre parce qu’elle est devenue trop contingente.
D’ailleurs, les premiers pas dans cette nouvelle forme de
République seront forcément lents et prudents : née d’un
consensus, la révision dans le sens de l’hérédité produira la
recherche d’autres consensus, très probablement dans des
domaines plus spirituels que matériels. L’imagination collective
aura été libérée par ce choix, nous en serons tous étonnés.
Effets : l’approfondissement du dialogue social, la
pérennisation d’axes pas seulement verbaux (verbeux) pour nos
relations extérieures et notre rayonnement moral et matériel dans
le monde, une assurance nouvelle dans nos propositions au sein de
l’Union européenne. Parce que nous aurons résolu notre crise de
légitimité, notre crise d’identité, nous pourrons à nouveau
nous décider. L’audace dans le choix de notre nouvel instrument
rendra crédible les propositions que nous ferons sur les grands
sujets que débat, sans les conclure, la planète depuis quinze ans :
ayant été très novateurs quant à nos propres institutions, comme
en 1958 ou … comme en 1789, nous pourrons l’être sur ce qui est
d’ordre commun pour tous nos contemporains. Aujourd’hui, nous ne
sommes plus exemplaires parce que nous sommes peureux et guère
cohérents. Nous ne savons plus, sur quelque sujet que ce soit,
sauter le pas…
Au total, et à embrasser toute l’histoire de notre pays, serait-il
si paradoxal et inattendu que pour ressaisir le présent et répondre
à nouveau, sereinement, de leur avenir, la France et notre
République reçoivent l’aide de ce qui dans le passé a été le
plus éprouvé et le plus constructif : le patriotisme et
l’intelligence d’une lignée nationale. Rien n’est renié, tout
est utilisé ou réutilisé.
Naturellement – surtout si un consensus se formait, tel que la
simple réécriture de deux articles de la Constitution actuelle
paraîtrait ne pas être un changement suffisant pour correspondre au
mouvement de l’esprit public – il sera loisible d’imaginer une
révision, sans doute pas plus profonde, puisque l’axe resterait
l’hérédité du chef de l’Etat sans toucher au legs législatif
et institutionnel du siècle et demi ou preque de République, mais
discutée plus largement que selon les formes actuelles de l’article
89, et restaurant formellement un titre qui jusqu’à présent
paraît contrarier la République et réciproquement. Alors, en sus
de modèles européens contemporains mais laissant trop peu de
prérogatives au monarque, pourrait venir la mémoire de ceux de nos
anciens textes qui reconnurent le titre de roi au chef de l’Etat :
la Constitution du 3 Septembre 1791 et les Chartes du 4 Juin 1814 et
du 14 Août 1830. A l’étude qui reste à faire de leur éventuelle
adaptation à notre actualité, il apparaît aussitôt qu’elles
étaient chacune une concession à l’esprit du temps, et surtout
qu’elles ne furent pas pratiquées dans cet esprit-là précisément
– par force, ce fut la Révolution, ou par mémoire encore trop
présente de l’Ancien Régime. Force et mémoire aujourd’hui bien
assimilées. Tandis que – de même que le roi putatif des débuts
de la Troisième République eût accepté, dans leur concision et
leur ambition seulement pratique, les lois constitutionnelles des
24-25 et 16 Juillet 1875 écrites en pensant à lui –, de même il
pourrait s’imaginer que la Constitution du 4 Octobre 1958 fassent
se rencontrer une opinion publique, lassée – pour ne pas écrire
plus – des dérives contemporaines, et un prince ignoré des
sondages et peu commenté, libre de tout engagement, de toute
clientèle, de tout parti, de tout sauf d’une tradition familiale
qui a été si longtemps celle de toute la France et de tous les
partis. Exceptionnel, unique d’hérédité et pourtant quotidien
comme chacun de ses concitoyens.
1
- j’ai soutenu cette affirmation, le 1972 (retrouver
date et références) dans les colonnes d’Aspects de la
France que m’ouvrit à l’époque Pierre Pujo
2
- de Gaulle en conférence de presse, le 31 Janvier 1964 : s’il
doit être évidemment entendu que l’autorité indivisible de
l’Etat est confiée tout entière au Président par le peuple qui
l’a élu, qu’il n’en existe aucune autre, ni ministérielle,
ni civile, ni militaire, ni judiciaire, qui ne soit conférée et
maintenue par lui, enfin qu’il lui appartient d’ajuster le
domaine suprême qui lui est propre avec ceux dont il attribue la
gestion à d’autres, tout commande, dans les temps ordinaires, de
maintenir la distinction entre la fonction et le champ d’action du
chef de l’Etat et ceux du Premier ministre – ce qui donna le
cachet de l’exercice du pouvoir à la pétition de Bayeux, le 16
Juin 1946 : C’est du chef de l’Etat, placé au-dessus
des partis, élu par un suffrage qui englobe le Parlement mais
beaucoup plus large et composé de manière à faire de lui le
président de l’Union française en même temps que celui de la
République, que doit procéder le pouvoir exécutif. Au chef de
l’Etat la charge d’accorder l’intérêt général quant au
choix des hommes avec l’orientation qui se dégage du Parlement. A
lui la mission de nommer les ministres et, d’abord, bien entendu,
le premier, qui devra diriger la politique et le travail du
gouvernement. Au chef de l’Etat, la fonction de promulguer les
lois et de prendre les décrets, car c’est envers l’Etat tout
entier que ceux-ci et celles-là engagent les citoyens. A lui, la
tâche de présider les conseils du gouvernement et d’y exercer
cette influence de la continuité dont une nation ne se passe pas. A
lui l’attribution de servir d’arbitre au-dessus des contingences
politiques, soit normalement par le conseil, soit, dans les moments
de grave confusion, en invitant le pays à faire connaître par des
élections sa décision souveraine. A lui, s’il devait arriver que
la patrie fût en péril, le devoir d’être le garant de
l’indépendance nationale et des traités conclus par la France ;
François Mitterrand, paraphrasant les discours qu’il avait
combattus pendant la campagne référendaire de 1962 (la nation
doit avoir désormais le moyen de choisir elle-même son président
à qui cette investiture directe pourra donner la force et
l’obligation d’être le guide de la France et le garant de
l’Etat, 18 Octobre 1962), a la même conception quand – le
12 Juillet 1984 – il tente de dénouer la crise née des projets
de réforme scolaire : j’ai l’impérieux devoir de
préserver en toutes circonstances l’unité nationale, le respect
de la Constitution, le fonctionnement des pouvoirs publics, la
continuité de l’Etat. C’est parce que vous m’avez confié
cette haute responsabilité que je m’adresse à vous ce soir
3
- retrouver, pour la citer intégralement, la déclaration de Michel
Debré à propos du général de Gaulle en 1967 : « demain
comme aujourd’hui… une haute et sereine expression… »
4
- de Gaulle en ballotage à la première élection présidentielle
au suffrage direct en 1965 et son projet soumis au referendum
repoussé en 1969 ; Georges Pompidou ne recueillant qu’une
majorité par défaut et abstention au referendum de ratification de
l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun ;
Valéry Giscard d’Estaing, n’étant pas réélu en 1981 ;
François Mitterrand, ne retrouvant pas de majorité parlementaire à
l’issue de chacune des législatures ayant soutenu ses
gouvernements : 1986 et 1993
5
- allusion à la formule de Charles Maurras sur la « femme
sans tête » que serait la République, le fondateur de la
Cinquième République affirme – le 20 Septembre 1962 – qu’ un
des caractères essentiels de la Constitution de la V° République,
c’est qu’elle donne une tête à l’Etat. Il y revient les
18 et 26 Octobre suivants, et conclut le 7 Novembre, quand sa
proposition référendaire a été adoptée : ainsi devra
demeurer cet élément capital de permanence et de solidité que
comportent nos institutions, je veux dire la présence au sommet de
la République d’une tête qui puisse en être une
6
- cet accident et l’hospitalisation qui s’en suit, ont le même
impact dans l’opinion et donc sur la crédibilité présidentielle
que l’apparition de Georges Pompidou descendant d’avion à
Reykjavick, le pour y rencontrer Richard Nixon
7
- inspiré par Marie-France Garraud et Pierre Juillet, Jacques
Chirac démissionne de ses fonctions de Premier ministre pour
s’opposer à un président de la République jugé faible de
caractère et d’assise – donnée le 26 Juillet 1976, cette
démission est effective le 25 Août suivant : en effet, je
ne dispose pas des moyens que j’estime, aujourd’hui, nécessaires
pour assumer efficacement mes fonctions de Premier ministre et, dans
ces conditions, j’ai décidé d’y mettre fin. et
aussitôt la candidature à la mairie de Paris, nouvellement
instituée par celui qu’il va défier, initie et cristallise la
brigue
8
- ainsi le Premier ministre supplée-t-il à l’absence du
président de la République au « sommet » des Nations
unies à New-York, les 13-15 Septembre 2005, ou plus inusuellement à
la séance solennelle de la Cour de cassation, se tenant pourtant
non loin de l’Elysée, au Palais de justice de Paris, le 6 Janvier
2006
9
- un « sommet informel » franco-allemand – le 23
Janvier 2006, le premier avec Angela Merkel, marquant la différence
d’une génération entière avec le président de la République –
pour l’abaissement de la TVA sur la restauration (promis sans
concertation en 2002 et sans considération des compétences
européennes en la matière) ; et cela sans même le succès
10
- la doctrine nucléaire de la France : discours prononcé à
l’Ile-Longue le 19 Janvier 2006, manifestement sans concertation
ni avec l’Allemagne où l’opposition demande à la nouvelle
Chancelière de se démarquer de nous, ni avec la Grande-Bretagne
sans laquelle le schéma esquissé est impraticable, le tout pour
s’éloigner encore davantage de la ligne qui semblait devoir être
la nôtre face à l’hégémonisme américain depuis notre
opposition marquée le Février 2003 à propos de l’intervention
préven tive en Irak – les propos présidentiels peuvent en effet
s’interpréter dans le sens de frappes préventives, à quoi a
répliqué aussitôt l’Iran, et une complaisance de plus envers
les Etats-Unis qui, par le biais d’une croisade des démocraties
contre le terrorisme, font passer les pires atteintes aux droits de
l’homme en Irak et au droit international (les transferts aériens
et les emprisonnements secrets pratiqués par la CIA en Europe)
11
- d’où les rendez-vous mensuels donnés, sans le moindre risque,
par le Premier ministre au Premier secrétaire du Parti socialiste
devant l’Assemblée nationale, le 25 Janvier 2006
12
- Lionel Jospin, Le monde comme je le vois
(Gallimard . Octobre 2005 .
328 pages) pp. 194 et ss. – reprenant, sans la citer ni
peut-être la connaître, l’alternative donnée par François
Mitterrand à Georges Pompidou, lors d’un débat à l’Assemblée
nationale tenu le 24 Avril 1964 sur la caractérisation de notre
régime à la suite de la déclaration du général de Gaulle en
conférence de presse le 31 Janvier précédent : Il faut
choisir. Ou bien il convient de fonder un régime présidentiel
honnête et authentisue qui donne autorité et stabilité au chef de
l’exécutif tout en valorisant le rôle du Parlement, ou bien il
convient de revenir aux sources d’un régime parlementaire adapté
aux besoins modernes. Il faut en revenir à un régime de liberté
et d’équilibre et en finir avec celui que vous nous faites et qui
n’est qu’un régime d’autorité et d’irresponsabilité –
Jack Lang, Changer
(Plon . Septembre
2005 . 180 pages) en propose autant, précisant son
premier propos : Un nouveau régime politique pour la
France (Odile Jacob .
2004) – Arnaud Montebourg avec Bastien François
rédige même La Constitution de la VIème République
(Odile Jacob . Septembre 2005
. 191 pages) – Nicolas Sarkozy souhaite limiter à deux
mandats l’exercice des fonctions présidentielles et limiter
constitutionnellement le nombre des ministres (redite le 12
Janvier 2006, de propos déjà tenus en Novembre 2003) – François
Bayrou veut davantage de représentation proportionnelle à
l’Assemblée nationale (30 Août 2005)
13
- dans une Assemblée de 582 membres, du fait des élus algériens,
l’UNR – grâce au changement du régime électoral, le scrutin
uninominal à deux tours faisant que 131 sortants seulement sont
réélus – est certes la mieux représentée des partis, avec 189
députés, elle est très loin de la majorité parlementaire
(qu’elle n’atteindra qu’en Novembre 1962 avec 233 sièges sur
482 et l’appoint des Républicains indépendants au nombre de 36)
et ne peut la constituer qu’en comptant sur le Centre national des
indépendants et le MRP – une précarité que démontrent les
votations pour le financement de la « force de frappe »
d’Octobre à Décembre 1960 si tendues et acquis seulement par la
mise en œuvre de l’article 49-3, et le vote de la censure, unique
sous la Cinquième République, le 4 Octobre 1962 par 280 voix sur
480 députés alors que le 25 Octobre, 22 Novembre et 6 Novembre
1962 à propos de la « force de frappe » elle n’avait
recueilli que 207, 214 puis 215 voix – c’est qu’en fait l’UNR
ne rassemble au premier tour de Novembre 1958 que 17,5% des
suffrages exprimés alors que les communistes qui n’ont que 10
sièges en obtiennent 18,9%, la SFIO 40 sièges pour 15,5% des
suffrages – en regard, les referendums qui répondent à la
question de confiance posée par de Gaulle sont positifs de façon
écrasante : 79,2% en 1958, 75,26% en 1961 et 61,75% en 1962 à
ne considérer que la métropole et la ratification des accords
d’Evian étant consensuelle
14
- proposé par Pierre Mendès France dans La République
moderne (Gallimard,
coll. Idées), livre contemporain de la proposition
référendaire du général de Gaulle à l’automne de 1962 (il
sort le 12 Octobre alors que le referedum est fixé au 28 et que la
censure a été votée le 4), que désormais le président de la
République soit élu au suffrage universel direct, ce système
séduisant a été pratiqué en fait déjà une fois et par la
gauche : celle conduite par Lionel Jospin, de 1997 à 2002
15
- la formulation la plus exacte est que la dévolution de la
présidence de la République se ferait dans la Maison de France et
selon les lois successorales de celle-ci
16
- respectant comme Louis XIV le traité d’Utrecht ayant mis à la
guerre de succession d’Espagne, la République a consacré à
plusieurs reprises que ce sont bien les Orléans qui détiennent, en
France, la légitimité royale ; la Troisième en exilant les
Orléans en tant que descendants de ceux qui ont régné sur la
France, et non les Bourbons d’Espagne ; la Cinquième
République, avec le général de Gaulle par sa correspondance
publiée avec feu le comte de Paris et les égards qu’il lui
manifesta, cela sans entrer dans la discussion que l’Histoire a
close de savoir si oui ou non le fondateur de nos institutions
actuelles envisagea que le descendant de nos rois lui succèda, mais
en vertu du suffrage universel ; François Mitterrand
n’acceptant que le comte de Paris aux cérémonies du millénaire
capétien et éludant le prétendant espagnol, de tradition carliste
17
- le titre de comte de Paris, qui n’est pas d’état-civil mais
« de courtoisie » depuis l’ultime renversement de la
monarchie, a été porté à l’époque contemporaine par trois des
chefs successifs de la branche des Bourbons Orléans, seule
survivante après 1883 : par le petit-fils du roi Louis
Philippe, Philippe d’Orléans (1838.1894), fils de
Ferdinand-Philippe d’Orléans, décédé accidentellement en 1842
– par Henri d’Orléans (1908.1999), fils du duc de Guise – et
maintenant par Henri d’Orléans (né le 14 juin 1933), qui avait
reçu initialement de son père, le titre de comte de Clermont, pour
reprendre à la mort de celui-ci, en 1999, l’appellation de comte
de Paris, à laquelle s’adjoint une autre, duc de France ;
depuis une décision de 1957 prise par le chef de la Maison de
France, le titre de comte de Paris sera désormais porté par tous
ses successeurs, et son héritier portera celui de comte de
Clermont : le premier était celui d’Hugues Capet avant son
accession à la royauté et le second fut donné par saint Louis à
son fils Robert, dont descendent directement les Bourbons Orléans
18
- le vers connu de La Fontaine dans la fable de Le vieillard
et les trois jouvencaux : … dans les emplois de
Mars, servant la République
19
- l’œuvre interrompue de François Furet
20
- propositions mortes-nées de François Mitterrand, s’agissant
des libertés publiques, le 12 Juillet 1984 : ces
dispositions traitent en effet d’un problème suffisamment
important pour que la souveraineté nationale puisse s’exprimer
de cette façon ; propositions de Jacques Chirac, votées
par le Congrès du Parlement le 31 Juillet 1995
21
- adjonction à l’article 1 de la Constitution définissant la
République, votée par le Congrès, le 17 Mars 2003: son
organisation est décentralisée. 584 voix pour, soit bien
davantage que les 518 de la majorité requise des trois cinquièmes
22
- de Gaulle avait explicitement cherché à pérenniser la pratique
des institutions (Il s’agit maintenant de faire en sorte que
nos institutions demeurent, fait-il savoir au Parlement le 2
Octobre 1962) par l’élection présidentielle au suffrage
universel direct, réforme constitutionnelle adoptée par referendum
le 28 Octobre 1962, mais – cela acquis – la conscience d’une
responsabilité demeurait : Mais le pays, lui, sait bien ce
qu’il en est, en particulier que l’Etat, la République, et
notamment sa tête, doivent être la représentation ferme, continue
et impartiale de son intérêt général. C’est ce que j’ai –
vous m’en rendrez témoignage – toujours voulu, toujours
préconisé et, quand j’ai été en mesure de le faire, toujours
pratiqué. C’est vous dire que pour plus tard, je ferai en sorte
pour ma part, qu’il en soit ainsi encore, comme il en est ainsi
aujourd’hui (Soissons, 11 Juin 1964)
23
- le 15 Novembre 1959, devant le premier congrès de l’U.N.R.,
Union pour la nouvelle République, Jacques Chaban-Delmas, président
de l’Assemblée nationale, distingue le secteur « présidentiel »
(Algérie sans oublier le Sahara, la Communauté, les Affaires
étrangères, la Défense) d’un secteur « ouvert » :
Dans le premier secteur, le gouvernement exécute, dans le second
il conçoit. Pour l’U.N.R., dans le premier cas, elle doit suivre
de Gaulle pas à pas, dans le second il lui revient de devancer
l’événement. Là se trouve notre véritable originalité
24
- Aussi faut-il envisager
sans appréhension, et surtout sans parti pris, le cas où l’Etat,
faute d’un souverain convenable ou par la force des événements,
revêt la forme républicaine. Il nous semble, il est vrai, qu’il
manque alors un ressort important à la machine politique ;
nous cherchons des yeux avec regret cette espèce de tribun du
peuple qui, sous le nom de roi, observe impartialement la
représentation nationale, afin de la renvoyer devant les comices
populaires aussitôt qu’il la croit oppressive ou engagée sur le
chemin de l’oppression ; mais si la république n’a point de
place pour cette utile magistrature, elle n’en est pas moins une
forme de gouvernement tr-s acceptable et très digne, une fois
qu’elle existe, du concours fidèle et du respect sincère de tous
les bons citoyens. J’appelle même expressément bon citoyen le
Français qui ne repousse aucune des formes du gouvernement libre,
qui ne souffre point l’idée de troubler le repos de la patrie
pour ses ambitions ou ses préférences particulières, qui n’est
ni enivré ni révolté par les mots de monarchie ou de république,
et qui borne à un seul point ses exigences : que la nation se
gouverne elle-même, sous le nom de république ou de monarchie, par
le moyen d’assemblées librement élues et de ministères
responsables
Prévost-Paradol, La
France nouvelle
(Michel Lévy frères . 1868 . 423 pages) pp. 152-153 – rallié au
Second Empire, à l’extrême fin, alors imprévisible, du régime,
il était ambassadeur à Washington quand survint la guerre, et se
suicida alors
25
- c’est l’une des règles coutumières, appelées lois
fondamentales du royaume sous notre Ancien régime
26
- très clairement défini, mais avec exigence, par Philippe de
Saint Robert (Principes pour une légitimité populaire
L’Herne . 1er
trim. 1970 . 222 pages) et par René Capitant (ses chroniques
pour Notre République assemblées par Frédéric Grendel
dans Ecrits politiques Flammarion . 1971
. ), il y a maintenant longtemps ; de Gaulle l’exposait
le 20 Septembre 1962 : pour pouvoir maintenir, en tout cas,
l’action et l’équilibre des pouvoirs et mettre en œuvre, quand
il le faut, la souveraineté du peuple, le Président détient en
permanence la possibilité de recourir au pays par la voie
referendum, soit par celle de nouvelles élections, soit par l’une
et l’autre à la fois
27
- 10 Août 1792, 20 Mars 1815, 29 Juillet 1830, 24 Février 1848
28
- par une partie importante de l’opinion publique, mais jamais de
façon unanime : ainsi de Georges Clemenceau, de Raymond
Poincaré, du maréchal Pétain, du général de Gaulle, de Pierre
Mendès France
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