6 juin 1944
Le débarquement de Normandie
Baptisé du nom de code « Overlord » (suzerain en français), cette opération aéronavale demeure la plus gigantesque de l'Histoire, remarquable autant par les qualités humaines de ses participants que par les prouesses en matière d'organisation logistique et d'innovation industrielle et technique. Elle était attendue depuis plus d'une année par tous les Européens qui, sur le continent, luttaient contre l'occupation nazie.
Intox
Au début de l'année 1944, les Soviétiques ont franchi le Dniepr et envahi la Roumanie et la Bulgarie. Pour les Allemands, la défaite n'est plus que l'affaire de quelques mois. L'ouverture du « second front » à l'Ouest doit l'accélérer.Dwight Eisenhower et ses adjoints, les généraux américains Omar Bradley et George Patton ainsi que le maréchal britannique Bernard Montgomery, décident de débarquer en Normandie, au sud de la Seine.
Les plages de sable qui s'étendent entre l'estuaire de la Seine et la presqu'île du Cotentin (plus précisément entre l'Orne, la rivière qui traverse Caen, et la Vire, la rivière qui traverse Saint-Lô) se prêtent à un débarquement rapide et sont moins bien défendues que les ports du nord.
L'objectif est d'installer une tête de pont sur ces plages puis de s'emparer du port en eau profonde de Cherbourg, à la pointe de la presqu'île du Cotentin, afin d'intensifier les débarquements d'hommes et de matériels.
Il n'empêche que d'impressionnantes fortifications parsèment le littoral océanique des Pyrénées à la Norvège. Ce « mur de l'Atlantique » (Atlantikwall en allemand) a été construit en toute hâte par l'Organisation Todt, mobilisant 450 000 soldats et travailleurs sur 6000 kilomètres, de la Norvège aux Pyrénées et sur le littoral méditerranéen.
L'arrière-pays du Cotentin a aussi été inondé par les Allemands dès janvier 1944 et protégé contre d'éventuels atterrissages par des pieux, tranchées, mines etc.
Hitler lui-même attend avec impatience le débarquement. Il croit pouvoir le repousser aisément et, de la sorte, mettre hors jeu les Anglo-Saxons avant de reporter toutes ses forces contre l'Armée rouge ! Sur la foi de l'Abwehr (les services secrets allemands), il est convaincu que le débarquement allié aura lieu au nord de la Seine, à l'endroit le plus étroit de la Manche et à 300 kilomètres seulement du centre industriel de la Ruhr.
Les Alliés font de leur mieux pour l'en convaincre. Ils montent pour cela l'opération « Fortitude » (courage en français), avec, face au Pas-de-Calais, dans la campagne du Kent, une impressionnante concentration de blindés en baudruche gonflable et d'avions en contreplaqué.
Cette intoxication s'avère à tel point réussie que Hitler persistera à croire jusqu'en juillet 1944 que le véritable débarquement aura lieu dans le Nord. Cela permettra aux Alliés de n'affronter que 17 divisions allemandes sur les 50 présentes dans la région, les autres attendant dans le Nord un deuxième débarquement qui ne viendra jamais.
Les forces allemandes de Normandie totalisent près de 300 000 hommes. Elles sont placées sous le haut commandement du prestigieux feld-maréchal Erwin Rommel.
Comme le temps est mauvais sur la côte normande dans les premiers jours de juin et exclut toute tentative de débarquement, Rommel prend la liberté d'une virée automobile en Allemagne pour fêter l'anniversaire de sa femme.
Il n'a pas prévu que le temps allait subitement se mettre au beau dans la nuit du 5 au 6 juin. Cette nuit-là, il n'y a que 50 000 soldats de la Wehrmacht pour faire face à l'armada alliée. Parmi eux une moitié de non-Allemands et en particulier beaucoup de Slaves engagés de force, les Osttruppen, dont la valeur guerrière n'est pas la première qualité.
Débarquement à haut risque
En raison de la tempête qui sévit sur la Manche, le général Dwight
Eisenhower a déjà reporté le débarquement du 4 au 6 juin. Si la tempête
persiste, il faudra un nouveau report de deux semaines.Le 5 juin, à 4h15, le général est informé par le responsable de son service météo d'une accalmie de 36 heures au-dessus de la Manche. Après quelques minutes de réflexion, il décide d'engager sans délai l'opération Overlord.
Dans la nuit du 5 au 6 juin, le Débarquement commence par une immense opération aéroportée qui ferait passer les films de James Bond pour d'aimables bluettes.
Vers minuit, trois cents éclaireurs (pathfinders) sont parachutés pour de bon derrière les marais du littoral, sur la presqu'île du Cotentin. Ils balisent les terrains d'atterrissage destinés aux planeurs qui les suivent.
23 500 parachutistes de trois divisions aéroportées (2395 avions et 867 planeurs) sont lâchés derrière les lignes allemandes. Leur mission est de dégager la plage baptisée Utah et de couper la route nationale qui relie Caen à Cherbourg à Sainte-Mère-Église.
Certains parachutistes de la division 101e Airborne tombent par erreur au centre du village où ils sont mitraillés par les Allemands avant d'avoir touché terre.
D'une manière générale, l'opération aéroportée frôle le fiasco : du fait de la tempête, les planeurs et les parachutistes atterrissent plus ou moins loin de leurs objectifs et souvent dans les marais, les arbres ou les talus. Mais ce désordre a aussi pour effet bienvenu de désorganiser les garnisons allemandes qui ne savent plus où donner de la tête.
À l'intérieur des terres, les réseaux de résistance s'activent. Ils ont été avertis du débarquement par des messages codés de la radio anglaise, la BBC.
Parmi eux deux vers de Verlaine :
« Les sanglots longs des violons de l'automne
Blessent mon coeur d'une langueur monotone ».
Le jour J
Au matin du Jour J, à 5h30, les
avions alliés et une demi-douzaine de cuirassés bombardent les fortifications
des plages et des falaises.Une heure plus tard, cinq divisions (deux américaines, deux britanniques et une canadienne) commencent à débarquer sur autant de plages aux noms codés.
De l'ouest vers l'est, Utah et Omaha (troupes américaines), Gold (troupes britanniques), Juno (troupes canadiennes) et Sword (troupes britanniques et détachement français).
Les hommes progressent sur les plages sous le feu des Allemands qui tirent du haut des blockhaus, ces derniers étant eux-mêmes pilonnés par les cuirassés alliés depuis le large.
La résistance de la Wehrmacht est rude en dépit de la médiocrité des troupes, en particulier sur Omaha Beach où les Américains frôlent la catastrophe.
Une tête de pont cher payée
La chance sourit en définitive aux Alliés. Pendant toute la journée, ils n'ont à affronter que deux avions de chasse allemands. Quant aux redoutables Panzers ou chars d'assaut allemands, ils sont inexplicablement restés en réserve à l'intérieur des terres, mis à part une contre-attaque au petit matin sur Sainte-Mère-Église.C'est ainsi qu'à la fin de la journée, malgré les cafouillages et les fautes du commandement, 135 000 hommes ont déjà réussi à poser le pied sur le sol français.
Les émouvants cimetières blancs des falaises témoignent encore aujourd'hui du prix de ces actions héroïques, sanglantes et souvent désordonnées.
Les Américains déplorent 3 400 tués et disparus, les Britanniques 3 000, les Canadiens 335 et les Allemands 4 000 à 9 000. Les trois cinquièmes des pertes alliées se sont produites sur la plage Omaha. Mais, au total, les pertes des Alliés s'avèrent beaucoup moins importantes que le général Eisenhower ne le craignait.
Les bombardements massifs des villes normandes et des noeuds de communication ont par ailleurs causé la mort de 2500 civils.
Au soir du 6 juin, les Alliés ont finalement réussi à établir une tête de pont sur la côte. Ils n'ont pas atteint tous les objectifs fixés par l'état-major, en particulier la prise de Caen, confiée aux Britanniques, mais leur implantation est solide et ils peuvent mettre en place toute la logistique indispensable à une offensive de longue haleine...
Voir les 22 commentaires sur cet article
Epicure (06-06-201717:36:52)
200.000 GIs ? j'ai lu souvent le nombre de 465000 !? Ce qui
demeure moins que les pertes françaises Déportations incluses....
Intéress
PHD1 (06-06-201510:01:29)Intéress
La conclusion est un peu simpliste... Certes, les Russes ont eu une quantité de morts absolument effarante, mais :
- Il ne faut pas oublier le pacte Molotov-Ribbentrop, qui a permis à Hitler d'envahir l'Europe sans être gêné à l'Est), et accessoirement permis aux Russes d'annexer la moitié de la Pologne, les Pays Baltes, la Finlande, la Bessarabie, avec des méthodes pas très éloignées des Nazis (Katyn...)
- En 1941, pendant les premiers mois de la guerre, des millio... Lire la suite
"Les Allemands se font piéger dans la « poche » de
Falaise. Ils arrivent néanmoins à en sortir sans dommage et refluer en bon
ordre vers l'Allemagne." dites vous. Une petite visite au mémorial de Mont
Ormel près de Chambois dans l'Orne, la même ou la bataille de Normandie à pris
fin vous prouverait le contraire.
PierreMartin (11-06-201417:17:12)
j'imagine que Churchill était bien conscient que si les
alliés ne prenaient pas pied en Europe de façon plus importante qu'en Italie,
la Russie occuperait toute l'allemagne et peut-être même la France. On aurait
pas eu de mur de Berlin, mais l'URSS serait devenu encore plus puissante et
dangereuse. Le débarquement, vu de cet angle, a sauvé du communisme une grande
partie de l'Europe...
jacques (09-06-201411:06:47)
remarquable article
PdlB (07-06-201416:57:40)
Poche de Falaise : l'armée allemande y a laissé beaucoup de
plumes (d'où le surnom de Stalingrad de Normandie). Bien sûr pour les Alliés,
trop d'hommes ont pu s'échapper mais le matériel est resté sur place et a
manqué par la suite.
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