vendredi 10 août 2018

Divergences européennes : c'est de pire en pire ----latribune.fr


  |  10/08/2018, 9:37

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, les divergences européennes s'accroissent 

La reprise conjoncturelle du sud crée l'illusion d'une convergence retrouvée en Europe. Il n'en n'est rien pourtant. Je ne pense pas uniquement à la dimension politique du problème, et à la manifestation si spectaculaire de la divergence des intérêts nationaux que révèle la question migratoire. Je voudrais surligner ici trois facteurs clés qui demeurent au cœur de la divergence des économies européennes.

Productivité, finances publiques et taux d'intérêt réels

Le premier, c'est la productivité. Les pays du sud sont certes repartis d'un point de vue conjoncturel. Il s'agit là d'un effet de rebond mécanique après une purge sans précédent. Mais pour savoir si ce mouvement est pérenne, il faut scruter plus en profondeur les moteurs de long terme de la croissance, au premier rang desquels la productivité. Et là le constat est sans appel. En Italie, en  Grèce, au Portugal, il n'y a toujours pas le moindre souffle de productivité. En Espagne, le rebond qu'avait occasionné le recul du secteur de la construction paraît déjà sur le point de s'étioler. Comment pourrait-il en être autrement d'ailleurs, puisque ces pays ont vu migrer leurs meilleures compétences et qu'ils ont sacrifié plusieurs années d'investissement stratégique.
Le deuxième c'est la puissance de feu budgétaire en cas de prochain choc ou retournement conjoncturel. Or cette puissance de feu contra-cyclique se concentre au cœur et au nord de l'Europe. Les finances de l'Espagne ou de l'Italie sont assainies, mais les marges de manœuvre sont très en-deçà de ce que l'on peut observer au cœur et au nord de l'Europe. Certes, le Portugal et la Grèce sont en fort excédent. Mais dans ces deux pays, l'excédent restera dédié au désendettement. Or la faiblesse du parachute budgétaire dans les récessions participe à l'érosion du potentiel de croissance.
Le troisième facteur de divergence, réside dans les taux d'intérêt. La politique monétaire définit une cote mal taillée pour la plupart des économies. Les pays en proue de la reprise et à faible taux de chômage sont ceux dont l'inflation structurelle se rapproche le plus rapidement de la cible des 2%. Et ce sont ceux aussi qui bénéficient en même temps des plus petits spread sur leur dette et donc des plus faibles taux d'intérêt nominaux. C'est l'inverse qui se produit pour les pays du sud, à très fort taux de chômage. Ces derniers subissent une double peine : des taux d'intérêt nominaux plus élevés, qui intègrent une prime de risque sur la dette souveraine et des taux d'inflation plus faibles. Au total, l'Europe vit sous un régime de divergence des taux d'intérêt réels. Ces derniers pénalisent l'investissement des pays qui en ont le plus besoin, et compliquent la résolution de leur équation budgétaire. A rebours de ce qui favoriserait une convergence, les taux réels freinent relativement la croissance de la périphérie et soutiennent la croissance des pays les plus avancés dans le mouvement de reprise.
Bref, l'Europe vit une convergence en trompe l'œil aujourd'hui. Elle continue à structurellement diverger, ce qui ne manquera pas de fragiliser à nouveau l'euro à terme.

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