| 10/08/2018, 9:37
La Tribune publie chaque jour des extraits issus
des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, les divergences
européennes s'accroissent
La reprise conjoncturelle du sud crée l'illusion
d'une convergence retrouvée en Europe. Il n'en n'est rien pourtant.
Je ne pense pas uniquement à la dimension politique du problème, et
à la manifestation si spectaculaire de la divergence des intérêts
nationaux que révèle la question migratoire. Je voudrais surligner
ici trois facteurs clés qui demeurent au cœur de la divergence des
économies européennes.
Productivité, finances publiques et taux d'intérêt réels
Le premier, c'est la productivité. Les pays du
sud sont certes repartis d'un point de vue conjoncturel. Il s'agit là
d'un effet de rebond mécanique après une purge sans précédent.
Mais pour savoir si ce mouvement est pérenne, il faut scruter plus
en profondeur les moteurs de long terme de la croissance, au premier
rang desquels la productivité. Et là le constat est sans appel. En
Italie, en Grèce, au Portugal, il n'y a toujours pas le
moindre souffle de productivité. En Espagne, le rebond qu'avait
occasionné le recul du secteur de la construction paraît déjà sur
le point de s'étioler. Comment pourrait-il en être autrement
d'ailleurs, puisque ces pays ont vu migrer leurs meilleures
compétences et qu'ils ont sacrifié plusieurs années
d'investissement stratégique.
Le deuxième c'est la puissance de feu budgétaire
en cas de prochain choc ou retournement conjoncturel. Or cette
puissance de feu contra-cyclique se concentre au cœur et au nord de
l'Europe. Les finances de l'Espagne ou de l'Italie sont assainies,
mais les marges de manœuvre sont très en-deçà de ce que l'on peut
observer au cœur et au nord de l'Europe. Certes, le Portugal et la
Grèce sont en fort excédent. Mais dans ces deux pays, l'excédent
restera dédié au désendettement. Or la faiblesse du parachute
budgétaire dans les récessions participe à l'érosion du potentiel
de croissance.
Le troisième facteur de divergence, réside dans
les taux d'intérêt. La politique monétaire définit une cote mal
taillée pour la plupart des économies. Les pays en proue de la
reprise et à faible taux de chômage sont ceux dont l'inflation
structurelle se rapproche le plus rapidement de la cible des 2%. Et
ce sont ceux aussi qui bénéficient en même temps des plus petits
spread sur leur dette et donc des plus faibles taux d'intérêt
nominaux. C'est l'inverse qui se produit pour les pays du sud, à
très fort taux de chômage. Ces derniers subissent une double peine
: des taux d'intérêt nominaux plus élevés, qui intègrent une
prime de risque sur la dette souveraine et des taux d'inflation plus
faibles. Au total, l'Europe vit sous un régime de divergence des
taux d'intérêt réels. Ces derniers pénalisent l'investissement
des pays qui en ont le plus besoin, et compliquent la résolution de
leur équation budgétaire. A rebours de ce qui favoriserait une
convergence, les taux réels freinent relativement la croissance de
la périphérie et soutiennent la croissance des pays les plus
avancés dans le mouvement de reprise.
Bref, l'Europe vit une convergence en trompe l'œil
aujourd'hui. Elle continue à structurellement diverger, ce qui ne
manquera pas de fragiliser à nouveau l'euro à terme.
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