Discours d'investiture de M. François Mitterrand, Président de la République,
Palais de l'Elysée - 21 mai 1981
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
En ce jour où je prends
possession de la plus haute charge, je pense à ces millions et ces millions de
femmes et d'hommes, ferment de notre peuple qui, deux siècles durant, dans la
paix et la guerre, par le travail et par le sang, ont façonné l'Histoire de France,
sans y avoir accès autrement que par de brèves et glorieuses fractures de notre
société.
C'est en leur nom d'abord que
je parle, fidèle à l'enseignement de Jaurès, alors que, troisième étape d'un
long cheminement, après le Front populaire et la Libération, la majorité
politique des Français démocratiquement exprimée vient de s'identifier à sa
majorité sociale.
Il est dans la nature d'une
grande nation de concevoir de grands desseins. Dans le monde d'aujourd'hui,
quelle plus haute exigence pour notre pays que de réaliser la nouvelle alliance
du socialisme et de la liberté, quelle plus belle ambition que l'offrir au
monde de demain ?
C'est, en tout cas, l'idée que
je m'en fais et la volonté qui me porte, assuré qu'il ne peut y avoir d'ordre
et de sécurité là où règnerait l'injustice, gouvernerait l'intolérance. C'est
convaincre qui m'importe et non vaincre.
Il n'y a eu qu'un vainqueur le
10 mai 1981, c'est l'espoir. Puisse-t-il devenir la chose de France la mieux
partagée ! Pour cela j'avancerai sans jamais me lasser sur le chemin du
pluralisme, confrontation des différences dans le respect d'autrui. Président
de tous les Français, je veux les rassembler pour les grandes causes qui nous
attendent et créer en toutes circonstances les conditions d'une véritable
communauté nationale.
J'adresse mes voeux personnels
à M. Valéry Giscard d'Estaing. Mais ce n'est pas seulement d'un homme à l'autre
que s'effectue cette passation de pouvoirs, c'est tout un peuple qui doit se
sentir appelé à exercer les pouvoirs qui sont, en vérité, les siens.
De même si nous projetons
notre regard hors de nos frontières, comment ne pas mesurer le poids des
rivalités d'intérêts et les risques que font peser sur la paix de multiples
affrontements. La France aura à dire avec force qu'il ne saurait y avoir de
véritable communauté internationale tant que les deux tiers de la Planète
continueront d'échanger leurs hommes et leurs biens contre la faim et le
mépris.
Une France juste et solidaire
qui entend vivre en paix avec tous peut éclairer la marche de l'humanité. A
cette fin, elle doit d'abord compter sur elle-même. J'en appelle ici à tous
ceux qui ont choisi de servir l'Etat. Je compte sur le concours de leur
intelligence, de leur expérience et de leur dévouement.
A toutes les Françaises et à
tous les Français, au-delà de cette salle, je dis ayons confiance et foi dans
l'avenir.
Vive la République.
Vive la France !
*
* *
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, lors de la cérémonie d'investiture
Palais de l'Elysée - samedi 21 mai 1988
Monsieur le Président du
Conseil constitutionnel,
Mesdames, Messieurs,
Au seuil de ce septennat, je
souhaite interpréter en peu de mots, aussi justement que possible, la volonté
populaire exprimée le 8 mai.
Je le ferai tourné vers
l'avenir, sans égrener les comptes du passé, et je poserai cette question :
Quelle leçon essentielle tirer
de l'événement qui me vaut d'assumer aujourd'hui, dans la continuité de nos
institutions et de mon propre mandat, la magistrature suprême ?
La réponse est là, évidente :
par le coeur et par la raison, la France aspire à rassembler ses forces dans le
respect de ses valeurs, les valeurs de la République; Et quand je dis la
France, je pense à l'immense majorité des Français.
C'est sur ce thème que je me
suis engagé devant le pays. Notre peuple l'a ratifié. Au-delà des vicissitudes
du moment, des hésitations, des retards, séquelles normales de nos compétitions
ou lenteurs de l'Histoire prise au piège de ses habitudes, j'entends
persévérer.
Aller à l'unité et comprendre
les contradictions, j'appliquerai cette paraphrase d'une expression fameuse de
Jaurès à mon action de chaque jour, assuré que, pour le principal, l'amour de
la patrie et l'attachement à la démocratie prendront le pas sur la querelle.
Répétons-le sans nous lasser.
Ce mois de mai 1988 n'a pas vu les bons l'emporter sur les méchants - ni le
contraire -. Je n'aime pas cette dialectique sommaire. Même si je crois
profondément à la justesse des principes au nom desquels près de 17 millions de
Français m'ont donné leur confiance, même si je reste ardemment attaché à
l'idéal que servent les socialistes épris de liberté depuis l'aube des sociétés
industrielles.
Le respect des uns pour les
autres est à la base du pacte hors duquel la communauté nationale perdrait son
véritable sens.
Mais une France injuste est
une France divisée. Une France refermée sur elle-même et sur ses divisions est
ou serait inapte à gagner les enjeux qui l'attendent dans l'arène du monde,
plus encore dans l'Europe sans frontières de demain.
C'est pourquoi je ne sépare
pas le devoir politique d'ouverture de l'obligation sociale de solidarité, ni
l'obligation de solidarité de l'esprit d'entreprise, l'esprit d'initiative dont
nous avons plus que jamais besoin.
Démocratiser la société,
refuser l'exclusion rechercher l'égalité des chances, instruire la jeunesse, la
former aux métiers et aux techniques qui lui apporteront la sécurité de
l'emploi dans des entreprises elles-mêmes modernisées, accroître le savoir,
servir la création de l'esprit et des mains, guérir la vie quotidienne du plus
grand nombre des Français de ses multiples tares, et parfois de ses
intolérables servitudes, priorité au dialogue ici et là-bas à l'autre bout de
la planète, voilà le chemin qu'il faut prendre, le rendez-vous auquel je vous
convie, si l'on veut que le "principe-espérance" triomphe des
pulsions de la peur et de l'affrontement.
C'est en somme une victoire de
la République qu'il nous faut ensemble assurer. La République n'appartient à
personne. Nous en sommes tous, à des titres différents, les garants et les
artisans. Sur le chantier de ces valeurs toujours neuves, pour ces combats de
chaque jour qui se nomment liberté, égalité, fraternité, aucun volontaire n'est
de trop. Nous en fêterons l'an prochain le deuxième centenaire. Que notre pays
sache en garder la jeunesse, l'élan et le rayonnement !
Mes chers compatriotes, il
m'incombe avant tout autre, au nom de la Nation tout entière, de faire
prévaloir l'intérêt général sur les intérêts particuliers ou partisans. Comptez
sur moi. Je n'exagérerai pas le rôle de la France si je rappelle que ce qu'elle
fait et la manière dont elle agit intéressent le monde entier. On connaît son
message de paix, de justice, de progrès.
Je l'adresse à nouveau à tous
les peuples de la terre.
Vive la République, vive la
France.
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François Mitterrand
21 mai 1981
Le 21 mai au matin, M. Mitterrand arrive à l'Elysée où il est accueilli par le Président Giscard d'Estaing avec lequel il a un entretien. Puis l'ancien président quitte l'Elysée à pied, de la même façon qu'il y est entré sept ans auparavant.Plusieurs cérémonies marquent le jeudi 21 mai. Le matin, M. Mitterrand se rend à l'Arc de Triomphe de la place de l'Etoile à Paris, et l'après-midi à l'Hôtel de Ville puis au Panthéon. Là, seul, il va s'incliner sur les tombes de Jean Jaurès, de Jean Moulin et de Victor Schoelcher.
- Allocution de M. François Mitterrand Président de la République au Palais de l'Elysée lors de la cérémonie d'investiture (21 mai 1981).
- Discours de M. François Mitterrand Président de la République à l'Hôtel de ville de Paris (21 mai 1981).
- Proclamation des résultats du scrutin du 10 mai 1981 pour l'élection du Président de la République.
21 mai 1988
- Allocution de M. François Mitterrand Président de la République au Palais de l'Elysée à l'occasion de la cérémonie d'investiture (21 mai 1988).
- Proclamation des résultats du scrutin du 8 mai 1988 pour l'élection du Président de la République.
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