Pour sortir le système de santé français d’une crise profonde et ancienne, le président de la République a profité de ses vœux aux acteurs de la santé pour faire plusieurs annonces.
Emmanuel Macron, lors de ses vœux aux « acteurs de la santé », vendredi 6 janvier 2023, à l’hôpital de Corbeil-Essonnes (Essonne). | LUDOVIC MARIN/POOL VIA REUTERS
Ouest-France Publié le 06/01/2023 à 15h52
Un peu plus de quatre ans après la présentation d’un plan qui devait restructurer le système de santé pour les cinquante années à venir, Emmanuel Macron s’est à nouveau adressé aux « acteurs de la santé » ce vendredi. Devant les blouses blanches de l’hôpital de Corbeil-Essonnes, en banlieue parisienne, il a prononcé pour la première fois des vœux spécifiquement adressés aux soignants depuis sa première élection en 2017.
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Conscient de l’insuffisance des précédentes mesures qui ne sont pas parvenues à juguler une « crise sans fin », il a assuré vouloir « aller beaucoup plus vite, beaucoup plus fort et prendre des décisions radicales ».
En amont, il avait promis des annonces « très concrètes ». Alors, qu’en a-t-il été vraiment ? On fait le point.
Fin de la tarification à l’activité
Le président de la République a d’abord annoncé « la sortie de la tarification à l’activité », ce qu’il avait déjà promis en 2018, mais de façon progressive.
Cette fois, elle sera effective « dès le prochain budget de financement de la Sécurité sociale ». Mise en place en 2004, la tarification à l’activité, ou T2A, devait optimiser les dépenses et le fonctionnement de l’hôpital. Mais les critiques pleuvent depuis quelques années.
Elle inciterait à réaliser le plus d’activités possible pour ramener de l’argent à l’hôpital et à privilégier les actes les plus techniques, plus rémunérateurs, plutôt que la prévention ou la longue prise en charge.
À la place, le financement des hôpitaux, publics comme privés, sera défini à partir des « objectifs de santé publique », a déclaré Emmanuel Macron.
Généralisation et accélération du recrutement des assistants médicaux
Outre la question du financement, le président souhaite dégager davantage de temps médical pour les soignants. Il veut pour cela accélérer une autre promesse datant de 2018 : le recrutement d’assistants médicaux.
Alors qu’ils sont près de 4 000 aujourd’hui, ils devraient être 10 000 sur l’ensemble du territoire « d’ici à la fin de l’année prochaine », a indiqué Emmanuel Macron, qui a ajouté vouloir généraliser leur recrutement aux hôpitaux.
De nouvelles rémunérations pour les médecins généralistes
Très attendue la question de la rémunération des généralistes, après les grèves successives lancées par le collectif « Médecins pour demain ». Les protestataires revendiquent un doublement de la consultation de base, de 25 à 50 €, ce à quoi le gouvernement a fermé la porte.
Le président de la République veut plutôt « mieux rémunérer les médecins qui assurent la permanence des soins et prennent en charge de nouveaux patients ». En clair, « on sort d’un financement à l’acte pour passer à un financement à la mission », a-t-il conclu.
Un médecin traitant pour tous les Français atteints d’une maladie chronique
Tous les patients souffrant d’une maladie chronique et ne disposant pas, à l’heure actuelle, d’un médecin traitant s’en verront proposer un « avant la fin de l’année », a enfin annoncé Emmanuel Macron.
« On a 600 000 patients avec des maladies chroniques et qui n’ont pas de médecins traitants et ça, c’est un vrai problème », a déploré le chef de l’État.
Ces malades se « verront proposer un médecin traitant avant la fin de l’année » ou à défaut « une équipe traitante », a-t-il promis.
« Responsabiliser » davantage les étudiants
Autre réorganisation souhaitée par le chef de l’État, celle des études de santé. Il a pointé le nombre d’abandon en cours de route : « Environ 30 % des élèves arrêtent en cours de formation et 15 % échouent à la fin. Donc quand on ouvre 100 postes, on en a 55 qui arrivent sur le terrain ».
Il souhaite « un système plus responsabilisant en sortie d’études », pour permettre aux jeunes diplômés de mieux s’orienter et aussi pour qu’ils ne se dirigent pas vers l’intérim, beaucoup plus rémunérateur. Il n’a cependant pas fait d’annonces précises à ce sujet.
Un tandem administratif et médical à la tête des hôpitaux
Emmanuel Macron souhaite placer à la tête des hôpitaux un tandem « administratif et médical ».
« Très longtemps on a dit « ce ne doit pas être les soignants qui dirigent l’hôpital, ce doit être les administratifs ». Après on a dit le problème, ce sont les administratifs qui dirigent », a-t-il observé lors de ses vœux aux soignants.
Réorganisation du travail dans les hôpitaux
Le chef de l’État a aussi invité à une réorganisation du travail à l’hôpital « d’ici au 1er juin » pour le rendre plus attractif.
« On doit tout faire pour garder les soignants » à l’hôpital, a-t-il souligné. « Ce qui veut dire qu’on doit ensemble travailler à une meilleure organisation du temps de travail », a-t-il ajouté, déplorant une « hyper-rigidité » dans l’application des 35 heures et un système qui « ne marche qu’avec des heures supplémentaires ».
Il souhaite notamment que les services puissent gérer en toute autonomie leur planning.
Afin de maintenir l’attractivité, il veut par ailleurs « une meilleure prise en compte des formations », notamment pour la rémunération des soignants tout au long de leur carrière.
Vers une facturation des rendez-vous non honorés ?
«Comme la santé n’a plus de prix, elle n’a plus de valeur», a avancé le président qui a dénoncé »la désinvolture» de certains patients qui n’honorent pas leurs rendez-vous médicaux.
Un «travail en la matière sera lancée avec l’assurance maladie pour mettre fin à cette irresponsabilité».
En juin 2022, le rapport de la Mission flash sur les urgences et les soins non programmés recommandait déjà de «réfléchir aux moyens de lutter résolument contre les rendez-vous non honorés par une responsabilisation du patient».
On compterait plus de 28 millions de rendez-vous non honorés par an en France selon le syndicat de l’union française pour une médecine libre (UFML).
« Rustine », « krach sanitaire »… Opposition et médecins raillent le plan santé d’Emmanuel Macron
Jean-Luc Mélenchon a qualifié le plan pour le système de santé présenté par Emmanuel Macron ce vendredi 6 janvier 2023 de « krach sanitaire ». Pour le représentant des médecins urgentistes de France, le président de la République n’a toujours pas pris conscience de « la gravité du problème ».
Le président français Emmanuel Macron salue un employé avant d’adresser ses vœux de Nouvel an aux travailleurs de la santé de l’hôpital de Corbeil-Essonnes, dans la banlieue sud de Paris, le 6 janvier 2023. | EPA-EFE/LUDOVIC MARIN / POOL MAXPPP OUT
Ouest-France Publié le 06/01/2023 à 17h28
L’opposition n’a pas attendu longtemps avant de réagir au plan d’Emmanuel Macron pour le système de santé, annoncé ce vendredi 6 janvier 2023.
Lire aussi : Tarification, assistants médicaux… Ce qu’il faut retenir du plan d’Emmanuel Macron pour la santé
Les réactions ont également été nombreuses du côté des soignants. Dès la fin du discours, le président de la République a récolté une réaction mitigée des blouses blanches présentes dans la salle. Et le scepticisme était au rendez-vous sur les plateaux TV.
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Pour les urgentistes, Emmanuel Macron n’a pas saisi « la gravité du problème »
Le plan du président pour sortir l’hôpital public de ses difficultés n’a pas convaincu l’association des médecins urgentistes de France.
Emmanuel Macron n’a pas pris conscience de « la gravité du problème », a ainsi estimé sur BFM TV Frédéric Pain, l’un des représentants de l’organisation, qui dirige également le service des urgences du centre hospitalier Nord-Deux-Sèvres.
Les médecins généralistes, qui ont manifesté jeudi pour demander une hausse du prix de la consultation notamment, ne seront certainement pas tous enchantés de l’annonce d’« une meilleure rémunération » pour les médecins qui « prennent de nouveaux patients ».
« Il l’a dit lui-même. La moitié des médecins ont plus de 60 ans, moi je n’ai plus l’énergie, ou alors je ne suis pas capable de travailler le lendemain », a souligné le médecin Marcel Ichou sur la chaîne de télévision nationale.
« On n’est même pas au niveau de la rustine »
Interrogé sur Franceinfo, le professeur Jean-Luc Jouve, chirurgien pédiatre à l’Assistance publique – Hôpitaux de Marseille, a été encore plus direct. « On n’est même pas au niveau de la rustine », estime-t-il
Seule Agnès Ricard Ricard-Hibon, porte-parole de la Société française de médecine d’urgence, s’est montrée plus clémente en évoquant des « annonces qui vont dans le bon sens », mais « beaucoup de solutions qui sont proposées étaient déjà dans le pacte de refondation des urgences de 2019 », a-t-elle souligné sur Franceinfo.
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La Nupes y voit un « krach sanitaire »
La gauche ne s’est pas faite prier pour railler les annonces du président de la République. En premier lieu, Jean-Luc Mélenchon. Le leader des Insoumis y voit un plan « libéral caricatural » qui organise « le krach sanitaire ».
La députée LFI Clémence Guetté a embrayé : « La France est un désert médical, la pénurie de médicaments se généralise et les personnels sont toujours plus mal payés. Macron, lui, fait des incantations sur « l’intelligence collective » et la « liberté au terrain ». Il bat chaque jour des records de déconnexion. »
Aurélien Taché, frondeur de la majorité lors du précédent mandat et désormais député de la Nupes, juge que la France « va tout droit vers un hôpital à l’américaine ».
« Le combat pour notre système de santé ne fait que commencer et 2023 sera l’année de l’heure de vérité », a-t-il avancé sur Twitter.
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