samedi 13 août 2022

Saldame Rusdie, poignardé la veille - succession des twitts, des commentaires et des informations sur son état et sur son agresseur

 

twitter – vers 22 heures – le vendredi 12 Août 2022

"salman rushdie" sur Twitter

https://twitter.com/search/salman+rushdie

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Emmanuel Macron
@EmmanuelMacron

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Emmanuel Macron
@EmmanuelMacron


Depuis 33 ans, Salman Rushdie incarne la liberté et la lutte contre l’obscurantisme. La haine et la barbarie viennent de le frapper, lâchement. Son combat est le nôtre, universel. Nous sommes aujourd'hui, plus que jamais, à ses côtés.

Twitter · il y a 9 heures



Depuis 33 ans, Salman Rushdie incarne la liberté et la lutte contre l’obscurantisme. La haine et la barbarie viennent de le frapper, lâchement. Son combat est le nôtre, universel. Nous sommes aujourd'hui, plus que jamais, à ses côtés.

Twitter · il y a 9 heures

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Élisabeth BORNE
@Elisabeth_Borne


Dans son combat contre l’obscurantisme, nous avons toujours été aux côtés de Salman Rushdie. Depuis 33 ans, il se bat pour la liberté. Ce soir, nous sommes plus que jamais avec lui.

Twitter · il y a 9 heures

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Catherine Colonna
@MinColonna


L'attaque dont a été victime Salman Rushdie est un acte ignoble. Son courage, son amour de la liberté nous concernent tous. Contre les fanatismes, la liberté de conscience et d'expression est essentielle. Pleine solidarité.

Twitter · il y a 10 heures


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Ch. Ono-dit-Biot
@C_Ono_dit_Biot


Relire cette interview de Salman Rushdie au @LePoint Terrible lucidité d'un maître en liberté: "Aujourd'hui, les mots sont devenus des bombes." w.lpnt.fr/2388209t via @LePoint #rushdie #salmanrushdie

Twitter · il y a 13 heures


Quand Isabelle Adjani prononçait un discours percutant aux César 89 en lisant un extrait des versets sataniques de #SalmanRushdie A revoir et à méditer…

Twitter · il y a 13 minutes


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Perrine Goulet
@perrinegoulet


Depuis 30 ans, Salman Rushdie est pourchassé pour sa liberté de pensée et d’écrire. Lâchement poignardé hier j’espère qu’il s’en sortira pour que le fanatisme ne gagne pas.

Twitter · il y a 16 minutes


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Le Républicain Lorrain
@lerepu


Un suspect a été mis en garde à vue. Suivez notre direct tout au long de la journée sur l'agression de Salman Rushdie hier à New-York 👇 www.republicain-lorrain…

Twitter · il y a 18 minutes


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@MarianneleMag


Quelques heures après l'agression dont il a été victime, Salman Rushdie a été placé sous respirateur artificiel. Il pourrait aussi perdre l'un de ses yeux, et les nerfs de son bras ont été endommagés. www.marianne.net/societ…

Twitter · il y a 19 minutes


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Sonia Dridi
@Sonia_Dridi


Salman Rushdie a été placé sous assistance respiratoire après avoir été poignardé. Son agent a déclaré hier soir au NYT « Les nouvelles ne sont pas bonnes »« Salman va probablement perdre un oeil, les nerfs de son bras ont été sectionnés et il a été poignardé au niveau du foie ».

Twitter · il y a 31 minutes


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LAURENCE HAIM
@lauhaim


A 5h25 du matin ici, 23h25 heure de Washington la Maison Blanche a fait son communiqué sur Rushdie : "tous ici,nous prions pour son rétablissement rapide"Jack Sullivan .

Twitter · il y a 35 minutes


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@lesoir


Image publiée par Le Soir

«Salman Rushdie: un symbole poignardé», retrouvez votre journal en librairie ou sur notre application bit.ly/3CkcJaP

Twitter · il y a 43 minutes


[#SudRadio] 📣 Salman Rushdie attaqué au couteau à New York 🗣@PageDavid : "#Trump ne va pas hésiter à lier ça avec l’#Iran"

Twitter · il y a 44 minutes


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@lavenir_net


Salman Rushdie poignardé: il a été placé sous respirateur artificiel et pourrait perdre un œil bit.ly/3SKVF3p

Twitter · il y a 54 minutes


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CNEWS
@CNEWS


Salman Rushdie : ce que l'on sait du suspect qui a poignardé l'auteur britannique www.cnews.fr/monde/2022…

Twitter · il y a 57 minutes


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@RTSinfo


Salman #Rushdie, auteur des "Versets sataniques", a été placé sous respirateur après avoir été poignardé vendredi au cou et à l'abdomen dans l'Etat de New York. www.rts.ch/info/monde/1…

Twitter · il y a 1 heure


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LN24
@LesNews24


🔴"Les nouvelles ne sont pas bonnes" : Salman Rushdie, auteur des "Versets sataniques" et cible depuis plus de 30 ans d'une fatwa de l'Iran, a été placé sous respirateur après avoir été poignardé www.ln24.be/2022-08-13/…

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L’Indépendant- samedi 13 Août 2022 à 07 heures 12

Un œil, le foie et un bras touchés... Salman Rushdie toujours dans un état critique après avoir été poignardé aux Etats-Unis

  • Salman Rushdie a été victime d'une attaque ce vendredi. Salman Rushdie a été victime d'une attaque ce vendredi. EFE - JL CEREIJIDO

Faits divers, International, Terrorisme

Publié le 13/08/2022 à 07:12 , mis à jour à 07:12

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L'écrivain d'origine indienne Salman Rushdie, cible de menaces de mort depuis la publication des "Versets sataniques" en 1988, a été placé sous assistance respiratoire après avoir été poignardé au cou vendredi alors qu'il s'apprêtait à participer à une conférence dans l'Etat de New York, aux Etats-Unis, a déclaré son agent.

"Les nouvelles ne sont pas bonnes. Salman devrait vraisemblablement perdre un œil, les nerfs de son bras ont été sectionnés, et son foie a été touché et endommagé", a annoncé Andrew Wylie dans un communiqué.

L'auteur a été agressé vendredi par un homme qui s'est précipité sur l'estrade de la Chautauqua Institution, dans l'ouest de l'Etat de New York, alors que l'écrivain s'apprêtait à participer à un débat consacré à la liberté créative. Rushdie, qui est âgé de 75 ans, s'est effondré au sol et a aussitôt été entouré d'un petit groupe de personnes qui ont tenté de lui venir en aide. Il par la suite été transféré dans un hôpital en hélicoptère.

L'auteur de l'agression, dont le mobile n'est pas encore connu, a été arrêté et placé en garde à vue. La police a indiqué qu'il s'agissait d'un homme de 24 ans originaire du New Jersey, qu'elle a identifié sous le nom de Hadi Matar et dont elle a dit penser qu'il avait agi seul. Le 14 février 1989, l'ayatollah Khomeini, guide suprême de la Révolution iranienne, avait prononcé une fatwa (décret religieux) appelant les musulmans à tuer Salman Rushdie pour ses écrits, contraignant l'auteur britannique à vivre dans la clandestinité.

Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison blanche, Jake Sullivan, a qualifié l'incident d'"effroyable". "Nous sommes reconnaissants aux citoyens et aux services d'urgence qui lui ont porté secours si rapidement", a-t-il écrit sur Twitter.

"Depuis 33 ans, Salman Rushdie incarne la liberté et la lutte contre l'obscurantisme", a écrit le président français, Emmanuel Macron, sur Twitter. "Son combat est le nôtre, universel. Nous sommes aujourd'hui, plus que jamais, à ses côtés."

Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a fait part de sa consternation après l'attaque, estimant que Salman Rushdie avait été "poignardé alors qu'il exerçait un droit que nous ne devrions jamais cesser de défendre."

Salman Rushdie vit à New York depuis une vingtaine d'années et a obtenu la nationalité américaine en 2016. Son prochain roman doit paraître en février.


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lefigaro.fr – samedi 13 Août 2022 . 09 heures 30



Attaque contre Salman Rushdie : ce que l'on sait de Hadi Matar, son agresseur présumé

Par Le Figaro

Publié il y a 2 heures, Mis à jour il y a 1 heure


Hadi Matar aux mains de la police américaine après avoir poignardé Salman Rushdie, le 12 août, dans le nord-ouest de l'État de New York. Twitter

FOCUS - Chiite d'origine libanaise, Hadi Matar, 24 ans, est un admirateur de l'Ayatollah Khomeyni, chef suprême de la Révolution d'Iran qui avait lancé la fatwa contre l'intellectuel en 1989.

Le profil de Hadi Matar, 24 ans, qui a poignardé l'intellectuel Salman Rushdie lors d'une conférence dans l'État de New York, se précise déjà. Arrêté et mis en garde à vue par la police de l'État de New York, l'homme d'origine libanaise, aurait des accointances avec l'extrémisme chiite, ont indiqué au New York Post des sources policières. Les premiers éléments d'enquête révèlent notamment un soutien aux Gardiens de la révolution islamique d'Iran.

Sur son profil Facebook, suspendu depuis par la plateforme, le suspect originaire de Fairview, dans le New Jersey, affichait largement son soutien pour le régime



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huffingtonpost



13/08/2022 09:10 Actualisé le 13/08/2022 09:22

Salman Rushdie poignardé aux États-Unis : ce que l’on sait sur son agresseur

Visé par une fatwa depuis 1989, l’auteur des « Versets sataniques » a été poignardé à plusieurs reprises par Hadi Matar, un homme de 24 ans placé en détention.

Par Maxime Le Roux L’écrivain britannique, Salman Rushdie, a été héliporté vers l’hôpital le plus proche après son agression au couteau à Chautauqua dans l’ouest de l’état de New York.

HANDOUT / AFP

L’écrivain britannique, Salman Rushdie, a été héliporté vers l’hôpital le plus proche après son agression au couteau à Chautauqua dans l’ouest de l’état de New York.

SALMAN RUSHDIE - « Les nouvelles ne sont pas bonnes ». L’agent de Salman Rushdie, Andrew Wylie, a donné le vendredi 12 août dans la soirée au New York Times des précisions sur l’état de santé de l’écrivain de 75 ans, hospitalisé et opéré en urgence après avoir été poignardé au cou et à l’abdomen sur l’estrade d’un amphithéâtre d’un centre culturel à Chautauqua, dans le nord-ouest de l’État de New York.

« Salman va probablement perdre un œil. Les nerfs de son bras ont été sectionnés et il a été poignardé au niveau du foie », a-t-il détaillé, précisant que le Britannique a été placé sous respirateur artificiel.

« Nous pensons qu’il était seul »

Le major de la police de l’État, Eugene Staniszewski, a également indiqué que son agresseur, arrêté sur les lieux et placé en garde à vue avant une probable mise en examen, a été identifié. Il se nomme Hadi Matar.

Âgé de 24 ans, il est originaire de Fairview dans l’État voisin du New Jersey. « Il est encore trop tôt pour indiquer les motivations de cet acte (...) mais la cause de cet attentat sera déterminée plus tard », a ajouté le policier, précisant que le FBI était présent pour mener l’enquête. « Nous pensons qu’il était seul, mais nous sommes en train de vérifier que c’était bien le cas ».

Salman Rushdie agressé: l'auteur des faits est un homme de 24 ans qui "avait une carte d'accès au lieu en tant que… https://t.co/1MLLtRsKz9
— BFMTV (@BFMTV)
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Le suspect « avait une carte d’accès au lieu » de la conférence qui aurait dû être donnée à Salman Rushdie et « un faux permis de conduire, utilisant le nom d’un chef du Hezbollah », Imad Mughniyah, selon les informations du Telegraph et de plusieurs autres médias américains.

L’assaillant félicité par la presse conservatrice en Iran

Imad Mughniyah est un ancien commandant et co-fondateur du bras armé du Hezbollah, tué dans l’explosion d’une voiture piége en 2008 à Damas en Syrie. Il était recherché par Interpol et les États-Unis pour une série d’attentats et d’enlèvements. Mis en cause par le Hezbollah, Israël a démenti être à l’origine de son assassinat.

The man suspected of stabbing Salman Rushdie is named Hadi Matar but he was carrying this fake driver license at th… https://t.co/2V4JAS67qH
— Fox3 Now (@fox3news)
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Selon des sources policières contactées par le New York Post, Hadi Matar serait un chiite d’origine libanaise, soutient revendiqué du régime chiite en Iran. Comme le signale, Romain Caillet, islamologue spécialiste de la mouvance djihadiste mondiale, des figures du régime sont mises en avant sur ses réseaux sociaux, notamment l’ayatollah Khomeini, mort à Téhéran en 1989 mais auteur de la fatwa contre Salman Rushdie.

Sur ses réseaux sociaux, Hadi Matar met en avant les figures du régime iranien, ainsi que son fondateur, l'Ayatolla… https://t.co/yDes4bxzOi
— Romain Caillet (@RomainCaillet)
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Le principal quotidien ultraconservateur iranien, Kayhan, a félicité samedi l’assaillant. « Bravo à cet homme courageux et conscient de son devoir qui a attaqué l’apostat et le vicieux Salman Rushdie », a écrit le journal, dont le patron est nommé par le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei. « Baisons la main de celui qui a déchiré le cou de l’ennemi de Dieu avec un couteau », poursuit le texte.

Kayhan newspaper close to #Iran’s Supreme Leader has praised the person who stabbed #SalmanRushdie today in New Yor… https://t.co/6DzlolyoO1
— Hossein Ghazanfari (@TehranDC)
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Selon plusieurs médias américains, dont le Washington Post, les enquêteurs ont récupéré un sac à dos et plusieurs appareils électroniques dans la salle de Chautauqua et son domicile a été perquisitionné dans le New Jersey.

Des questions et des critiques visent également l’organisation et la sécurité de l’événement, qualifiées d’« assez légère » par les autorités compte tenu des menaces visant Salman Rushdie et de la prime sur sa tête portée à plus de 3 millions de dollars en 2016 par le régime iranien. L’auteur avait longtemps été contraint de vivre dans la clandestinité et sous protection policière, allant de cache en cache. Des témoins ont indiqué à CNN qu’il n’y avait aucune fouille au corps pour le public, ni de détecteurs de métaux.

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lemonde.fr – samedi 11 heures 52





Attaque contre Salman Rushdie : faire front contre l’obscurantisme

Éditorial

Le Monde

L’agression au couteau dont l’écrivain britannique, auteur des « Versets sataniques » en 1988, a été victime, vendredi 12 août, nous oblige à la défense intraitable de la liberté de penser et d’écrire.

Publié aujourd’hui à 11h52 Temps de Lecture 2 min. Read in English

Le couteau de l’obscurantisme s’est attaqué une nouvelle fois à la liberté. Plus de trente ans après l’intolérable appel au meurtre de Salman Rushdie proféré par le chantre d’une révolution islamique iranienne alors en perte de vitesse, Ruhollah Khomeyni, il s’est trouvé une main pour tenter d’exécuter cet ordre indigne, le 12 août, dans une petite ville de l’Etat de New York.

La tentative d’assassinat de l’écrivain, devenu à son corps défendant un symbole de la liberté d’expression, a été perpétrée dans un centre culturel, à l’occasion d’une conférence, en l’absence manifeste de mesures de sécurité particulières. Cruelle ironie, Salman Rushdie devait y évoquer les Etats-Unis, où il vit depuis deux décennies et où il a été naturalisé en 2016, comme refuge des écrivains en exil. Grièvement blessé, il a été évacué par hélicoptère et placé depuis sous assistance respiratoire. L’animateur du débat prévu a également été blessé, mais plus légèrement.

La police du comté n’a donné aucune indication concernant les motivations de l’agresseur présumé, un résidant du New Jersey, dans les heures qui ont suivi le drame. Elle s’est contentée de donner son nom, Hadi Matar, et son âge, 24 ans. Tout porte à croire cependant que ses motivations sont liées aux accusations de blasphème proférées depuis des décennies par calcul cynique, comme par ignorance crasse, contre l’auteur des Versets sataniques, publiés en 1988. Ils ont transformé en enfer la vie de leur auteur, qui marche depuis cette date avec une cible dans le dos.

Sous le couvert de la défense d’un islam présenté très abusivement comme agressé, les attaques contre Salman Rushdie, qui ont précédé la publication de la fatwa de Khomeyni, ont été propices à toutes les manipulations. De la part du premier Guide de la révolution iranien tout d’abord, chiite, voulant se poser en protecteur de l’islam plus intransigeant que l’Arabie saoudite honnie, après la mobilisation initiale de fondations financées par des pays du Golfe, sunnites, contre un ouvrage qu’elles n’avaient probablement pas lu.

Manipulations de la part des factions iraniennes ensuite, qui se sont servies de la fatwa de 1989 pour étalonner leurs rivalités. De la part de gouvernements également, à commencer par celui de la patrie d’origine de l’écrivain, l’Inde, par calcul électoral. Mais aussi de bien d’autres, qui ont entretenu de sinistres brasiers autour de cette querelle montée de toutes pièces pour mieux détourner l’attention de problèmes intérieurs autrement plus impératifs dont ils avaient la charge.

Bien avant l’agression dont vient d’être victime Salman Rushdie, ce climat ainsi forgé dans une totale impunité a tué. Le cercle de l’intolérance s’est élargi, jusqu’au grotesque, aux traducteurs de l’ouvrage, assassinés ou agressés. La machine infernale ayant, pour ses instigateurs, fait la preuve de son efficacité, cette arme du blasphème a été dupliquée, avec le même cynisme usant de la même ignorance, par les courants islamistes les plus radicaux sur fond de montée de l’islam politique, comme par les groupes djihadistes.

Cette perversion de la foi s’est étendue comme une métastase. En France, l’attentat contre l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, en 2015, comme l’assassinat atroce de l’enseignant Samuel Paty, en 2020, s’inscrivent dans ce sillage aussi mortifère qu’insistant. L’attaque insupportable dont Salman Rushdie a été la victime n’offre d’autre choix que la défense intraitable de la liberté de penser et d’écrire. Elle ne doit souffrir aucun accommodement.

Le Monde

Daté du mardi 16 a



Le 14 février 1989, l’ayatollah Khomeyni lançait sa fatwa contre Salman Rushdie : retour sur un dramatique engrenage

Il était une fatwa. Tout le monde connaît la suite. Rares sont ceux qui se rappellent les prémices. En septembre 1988, Salman Rushdie publie son roman « Les Versets sataniques ». Alors que l’auteur en assure la promotion, la polémique autour de son aspect blasphématoire s’enclenche sans que personne n’en prenne véritablement la mesure.

Par Samuel Blumenfeld

Publié le 28 septembre 2018 à 06h38, mis à jour hier à 20h29

Temps de Lecture 11 min.



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Autodafé des « Versets sataniques » à Bradford en Angleterre, le 14 janvier 1989. Autodafé des « Versets sataniques » à Bradford en Angleterre, le 14 janvier 1989. ASADOUR GUZELIAN / GUZELIAN LTD

Cet article a été publié par « M le magazine du Monde » le 26 septembre 2018. Nous le republions après l’attaque au couteau dont vient d’être victime Salman Rushdie.

David Davidar se souvient encore de l’enthousiasme qui l’avait gagné, en ce début du mois de septembre 1988, en remarquant l’enveloppe déposée sur son bureau. Les timbres britanniques ne laissaient aucun doute sur l’origine de l’envoi et, surtout, sa nature. Il s’agissait bien du manuscrit du nouveau roman de Salman Rushdie, Les Versets sataniques. Son éditeur Viking Penguin s’était chargé de l’envoi alors qu’il s’apprêtait à le lancer le 26 septembre en Grande-Bretagne. La date de publication en Inde, pays d’origine de l’écrivain, n’était pas encore fixée.

Lire aussi : Salman Rushdie, gravement blessé, placé sous assistance respiratoire ; son agresseur a été arrêté

Dans les modestes locaux de Penguin India à New Dehli, le directeur s’attela sans tarder à la lecture. Son éblouissement devant les premiers paragraphes reste toujours vivace : l’explosion d’un jumbo-jet au-dessus de la Manche, puis la disparition et la réapparition de deux de ses passagers, les protagonistes du livre. Gibreel Farishta est un légendaire acteur indien, star de Bollywood, qui devient dans ses rêves l’archange Gabriel – Djibril dans le Coran –, et Saladin Chamcha, « l’Homme des Mille Voix », est un émigrant en rupture de ban avec son identité indienne qui vit désormais en Grande-Bretagne où il travaille sur des doublages.

Salman Rushdie à Toronto en octobre 1988. Salman Rushdie à Toronto en octobre 1988. JOHN MAHLER /TORONTO STAR / GETTY IMAGES

Aux yeux de David Davidar, Les Versets sataniques possédait la même force que les précédents romans de Rushdie, Les Enfants de minuit (1981) et La Honte (1983). Il en était sûr, ce nouvel opus deviendrait un classique, un roman dont on parlerait encore trente ans après sa publication.

Ce dont l’éditeur ne se doutait évidemment pas est qu’après la fatwa lancée par l’ayatollah Khomeyni, Guide suprême de la révolution iranienne, le 14 février 1989, condamnant à mort Salman Rushdie, Les Versets sataniques ne quitterait jamais le devant de la scène. Et sa publication deviendrait le point de départ d’un certain rapport du monde musulman à l’Occident. L’an I d’un XXIe siècle marqué par le terrorisme islamiste et l’assassinat de journalistes, de traducteurs, d’écrivains, de caricaturistes, dont les propos sur l’islam déplaisent en France, aux Pays-Bas ou ailleurs.

L’ombre du blasphème

« Ce n’était pas un livre comme les autres pour la jeune et petite maison d’édition que je dirigeais alors, poursuit David Davidar. Nous n’avions qu’une petite dizaine de romans à notre actif. Les Versets sataniques devait nous positionner au sein des cercles littéraires en Inde, nous permettre de changer de dimension. » Un détail, toutefois, avait frappé le jeune homme de l’époque, mais pas au point de l’inquiéter. Khushwant Singh, un romancier, essayiste, historien et diplomate indien très respecté, qui faisait alors office de conseiller littéraire pour Penguin India, avait pointé plusieurs passages de l’ouvrage. Ceux-ci, pris en dehors de leur contexte, risquaient, selon lui, d’être instrumentalisés par des hommes politiques et des mollahs.

David Davidar ne comprenait pas de quoi son collaborateur voulait parler. « C’était tout nouveau pour moi. J’ignorais alors tout de l’histoire de l’islam et de ses textes sacrés. » Fort de sa lecture sur épreuves, Khushwant Singh, né dans une famille sikh, et agnostique déclaré, prit sa plume pour s’interroger sur l’opportunité de publier le nouvel opus de Rushdie. Dans l’hebdomadaire indien de langue anglaise, Illustrated Weekly of India, celui qui avait été le témoin impuissant de la partition entre l’Inde et le Pakistan anticipait la fébrilité de la communauté musulmane.

Lorsque la polémique commence en Inde, Salman Rushdie se montre contrarié. Pas en raison de possibles menaces, mais parce que ce bruit lointain pourrait éloigner son roman de l’orbite littéraire.

Quelques jours plus tard, le 15 septembre, une interview de Salman Rushdie à l’India Today, accompagnée d’un extrait, achevait de compromettre la parution du livre. Sous le titre « Une attaque sans équivoque du fondamentalisme religieux », le magazine soulignait ce qui allait être considéré comme les aspects controversés des Versets sataniques.

La deuxième partie du livre, intitulée Mahound, une variante du nom du prophète Mohammed, était particulièrement incriminée. On y voit l’un des personnages principaux du récit prendre, le temps d’un songe, les traits de l’archange Gabriel au moment où celui-ci transmet la parole de Dieu au Prophète. Un archange qui ressemble à un petit diable chargé de semer le doute chez Mahound. Ce dernier s’aperçoit de la supercherie et supprime du texte sacré les versets qui lui ont été dictés par le diable.

Beaucoup de musulmans ont d’emblée considéré que l’auteur insinuait que le Coran serait l’œuvre du diable, ce que Salman Rushdie, qui par ailleurs ne souhaite plus évoquer cette affaire, a toujours contesté. Dans cet entretien à India Today, le romancier avançait aussi qu’il ne croyait « en aucune entité surnaturelle, qu’elle soit chrétienne, juive, musulmane ou hindoue ». Une revendication de son athéisme qui le faisait passer pour apostat puisqu’il était né musulman.

Des « Versets » interdits en Inde

Lorsque, bien plus tard, en 2012, Salman Rushdie remontera le cours du temps pour relater l’affaire dans Joseph Anton – titre inspiré du pseudonyme adopté par le romancier, en hommage à Joseph Conrad et à Anton Tchekhov, lors de son entrée dans la clandestinité –, il situera le début de cette tragédie à cet article. Et la prise de position de Khushwant Singh, aujourd’hui décédé, comme la première attaque d’un intellectuel contre son roman.

Sur le moment, Salman Rushdie ne mesura pas ce qui se jouait. Durant tout le mois de septembre 1988, deux députés musulmans du Parlement indien, Syed Shahabuddin et Khurshid Alam Khan, réclamèrent l’interdiction des Versets sataniques. Non seulement de sa publication, mais aussi de l’importation de l’édition anglaise du roman. Cette décision relevait du ministère des finances, car il s’agissait de se prononcer contre l’importation d’un bien de consommation. L’embargo fut finalement prononcé le 5 octobre – le premier signal de la descente aux enfers de Rushdie venait d’être lancé dans le pays qui avait vu naître le romancier, à Bombay en 1947. Pays qu’il avait quitté à l’âge de 13 ans pour l’Angleterre.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés L'embarras indien face à Salman Rushdie

En Inde, en tant que musulman, Rushdie avait toujours été un outsider, car issu d’une minorité. Dans son pays d’adoption, il s’était ensuite fait traiter de métèque, car indien. Son athéisme l’avait également mis en porte-à-faux avec l’islam, à l’écart de sa propre communauté. Et voilà que Les Versets sataniques achevait d’en faire le paria ultime. Une cible, puis une ombre. Un auteur omniprésent condamné à la disparition. Après avoir obtenu gain de cause, l’un des deux accusateurs de Rushdie en Inde, le député Syed Shahabuddin, déclara pourtant le 13 octobre 1989 dans The Times of India n’avoir jamais lu ce roman. « Je n’ai pas besoin de patauger dans un égout fangeux pour savoir ce qu’est la fange », ajoutait-il. C’est l’un des nombreux paradoxes des Versets sataniques : ce livre attaqué, vilipendé, vomi, ses détracteurs ne l’avaient, en général, jamais ouvert.

Un événement littéraire

Que restait-il de cette polémique qui avait agité l’Inde lorsque Les Versets sataniques fit son apparition dans les librairies britanniques à la fin du mois de septembre 1988 ? Peu de chose. Et si Salman Rushdie s’en montrait contrarié, ce n’était pas en raison de possibles menaces mais parce que ce bruit lointain pouvait éloigner son roman de l’orbite littéraire. Aux yeux de la presse anglaise, Les Versets sataniques bénéficia cependant du traitement offert à un événement littéraire, avec son lot de partisans et de détracteurs.

Le livre était-il, comme le suggérait le Times of London, « meilleur que Les Enfants de minuit parce que plus maîtrisé, mais seulement dans le sens où les chutes du Niagara sont maîtrisées ». Ou, comme l’écrivit The Guardian, « une épopée dans laquelle on a fait des trouées pour y laisser entrer des visions (…) un extraordinaire roman contemporain débordant de personnages, d’inventions verbales, souvent même désopilant » ? Ou bien, se révélait-il « une roue qui ne tourne pas » (The Independent), « un roman aux ailes fondues qui plonge tout droit vers l’illisible » (The Observer) ?

Pancarte « Rushdie mange tes mots » aperçue le 14 janvier 1989 à Bradford en Angleterre. Pancarte « Rushdie mange tes mots » aperçue le 14 janvier 1989 à Bradford en Angleterre. ASADOUR GUZELIAN / GUZELIAN LTD

Ces questions importaient. Ne serait-ce qu’en raison de l’investissement de Salman Rushdie dans son nouveau roman. Les Versets sataniques lui avait demandé cinq ans de travail. Au bout de ce trou noir, il quêtait les regards extérieurs, si possible bienveillants. Compétiteur notoire, sensible aux honneurs, l’écrivain scrutait également les délibérations du Booker Prize, le Goncourt anglais, qui ont traditionnellement lieu début octobre. Déjà lauréat du prix en 1981 pour Les Enfants de minuit, il espérait que Les Versets sataniques obtiendrait de nouveau la prestigieuse récompense.

« Lorsque nous l’avons placé parmi les finalistes, se souvient le romancier Blake Morrison, qui faisait partie des cinq membres du jury cette année-là, personne n’avait la moindre idée des ennuis qui attendaient Rushdie. Le roman était audacieux et foisonnant, c’est une évidence. Mais blasphématoire ? Comment un roman, au XXe siècle, pouvait-il encore tomber dans cette catégorie ? » Ce fut finalement Peter Carey et son roman Oscar et Lucinda qui l’emporta.

La contestation s’organise

Le soir de la remise du prix, Salman Rushdie rentra chez lui déçu et trouva sur son répondeur un message lui annonçant que son invitation à venir prononcer, le 2 novembre, le discours d’ouverture d’un congrès anti-apartheid à Johannesburg était annulée. Elle avait été pourtant formulée de longue date par le journal Weekly Mail et le Congrès des écrivains sud-africains. Bien avant que quiconque entendît parler des Versets. A l’époque, la communauté musulmane rassemblait 500 000 personnes en Afrique du Sud, et dès que les informations, venues d’Inde, sur la nature supposée blasphématoire du roman avaient circulé, les lettres de menaces de mort à l’encontre de l’auteur avaient afflué dans les bureaux du Weekly Mail. Des attaques revendiquées, loin de tout anonymat, dont les auteurs donnaient non seulement leur nom mais aussi leur adresse.

« C’était un livre très épais avec, en plus, une couverture cartonnée. C’était compliqué de le faire brûler avec une simple allumette, il n’arrivait pas à prendre feu. Un jerrican d’essence avait fait l’affaire. » Ishtiaq Ahmed

Après être parvenus à rendre le romancier persona non grata, ils obtinrent le boycott du livre par les libraires. Le titre de la conférence de Salman Rushdie était une référence directe à la phrase de l’écrivain allemand Heinrich Heine, « Là où l’on brûle des livres, on finit par brûler des hommes. » En préparant son discours, l’écrivain cherchait alors à exprimer un point de vue qui prendrait tout son sens dans le pays où existait encore l’apartheid. Il ne devinait pas qu’il allait aussi énoncer une prophétie.

Celle-ci prit un peu de temps à se concrétiser. Le temps qu’une partie des musulmans en Grande-Bretagne s’organise. Le 12 octobre, Hesham Al-Essawy, dirigeant de la Société islamique pour la promotion de la tolérance religieuse, écrit à Viking Penguin pour demander l’interdiction des Versets sataniques. Le même jour, Ali Mughram Al-Ghamdi, coordinateur des Comité des affaires islamiques, une organisation financée par l’Arabie saoudite visant à regrouper les principales organisations musulmanes anglaises, émet une revendication de même nature. Le 20 octobre, enfin, l’Union des organisations musulmanes envoie une lettre au premier ministre britannique, Margaret Thatcher, pour réclamer des poursuites contre Les Versets sataniques pour blasphème. Le gouvernement conservateur finira par répondre le 11 novembre qu’il n’existe aucune base juridique permettant d’interdire le livre.

Les feux de la haine

Tout au long du mois d’octobre, le quotidien du romancier anglais se met à singulièrement changer. Rien de violent. Juste des petites touches qui vont jusqu’à modifier sa vie courante sans que personne, mis à part son propre entourage, ne prenne la mesure de la catastrophe. Il doit annuler un voyage à Cambridge en raison de menaces de mort. Son téléphone est placé sur liste rouge. Quand il sort, c’est le plus souvent accompagné d’un garde du corps, d’évidence à l’insistance des services du renseignement britanniques. Mais c’est le 2 décembre que la première partie de sa prophétie se réalise. A Bolton, près de Manchester, la communauté musulmane, frustrée de ne pas voir ses revendications prises en compte, organise un autodafé des Versets sataniques. Sept mille personnes seront présentes. Aucun journaliste ne s’est déplacé.

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Dominique Bourgois, l’épouse de Christian Bourgois, dont la maison s’apprête à publier courant 1989 la traduction française des Versets sataniques, se souvient de n’avoir absolument pas prêté attention à ce qui se passait alors en Grande-Bretagne. « Tout a changé lorsque Khomeyni a prononcé la fatwa, nous nous sommes retrouvés sous surveillance policière, mais avant personne n’avait rien vu venir. » Début 1989, les choses ont commencé à changer. Le 14 janvier, à Bradford, une ville du nord de l’Angleterre abritant alors quarante mille musulmans, un millier de personnes organise un nouvel autodafé du roman de Rushdie. Les journalistes et la télévision assistent cette fois-ci à l’événement.

Le 17 juin 1989. Arrestation en marge d'une manifestation à Bradford, demandant la révision des lois sur le blasphème en Grande-Bretagne. Le 17 juin 1989. Arrestation en marge d'une manifestation à Bradford, demandant la révision des lois sur le blasphème en Grande-Bretagne. TIM SMITH / PANOS-REA

A deux reprises, en décembre, les bureaux de Viking Penguin ont déjà dû être évacués, à la suite d’une alerte à la bombe. On raconte que certains salariés de la maison d’édition portent désormais un gilet pare-balles. L’autodafé à Bradford ne relève soudain plus du simple fait divers. Sans doute en raison de la dimension politique donnée à la manifestation qui ne réunit plus les seuls musulmans. Plusieurs personnalités, dont deux parlementaires, affichent leur solidarité. L’évêque de Bradford est également présent.

Victoire du fanatisme religieux

Ishtiaq Ahmed, aujourd’hui porte-parole du Conseil des mosquées de Bradford, estime encore que ce roman « insultant grossièrement l’islam » et l’absence de réaction des éditeurs de Rushdie et du gouvernement britannique ne laissèrent d’autre choix à la communauté musulmane que d’organiser sa propre défense. Il se souvient de l’importance alors de brûler ce qu’il appelle encore « ce putain de truc » devant des bâtiments municipaux – mairie, commissariat et tribunal – pour signifier : « Nous sommes là, nous existons. » Tout ne fut pourtant pas si simple. Brûler des livres réclame une certaine expertise. « C’était un livre très épais avec, en plus, une couverture cartonnée. C’était compliqué de le faire brûler avec une simple allumette, il n’arrivait pas à prendre feu. Un jerrican d’essence avait fait l’affaire. »

Ishtiaq Ahmed regrette la suite des événements, notamment la condamnation à mort de Rushdie par le Guide suprême de la révolution islamique et du monde chiite iranien, qui a confisqué le débat à ses yeux, et éclipsé le long combat des musulmans mené depuis lors pour faire entendre leur voix.

« Presque tous les romanciers et poètes musulmans contemporains ont dû faire face à des campagnes de ce genre. J’aimerais que tout cela ne soit qu’une plaisanterie. » Salman Rushdie

Au-delà de l’autodafé, le romancier britannique Hanif Kureishi, ami intime de Rushdie, avait été frappé par « la manière dont s’organisait désormais la communauté de Bradford. Ils se désignaient désormais musulmans, une chose toute nouvelle, sans doute liée à la propagande iranienne, quand auparavant on les identifiait comme asiatiques ». Le lendemain de l’autodafé, la grande chaîne de librairies en Grande-Bretagne, W.H. Smith, retire Les Versets sataniques des rayons de la totalité de ses quatre cent trente magasins. L’autodafé de Bradford fut suivi d’une manifestation, à Londres, le 29 janvier. Une autre se déroula à Islamabad, au Pakistan, le 12 février, provoquant six morts. Puis le lendemain, à Srinagar en Inde, avec de nouveau un mort.

Manifestation à Bradford en Angleterre, le 17 juin 1989. Manifestation à Bradford en Angleterre, le 17 juin 1989. TIM SMITH / PANOS / REA

Dans Le Monde, le premier papier évoquant la polémique est daté du 12 février 1989. Rushdie y explique : « Je suis victime du fanatisme religieux, et pas seulement ici, en Grande-Bretagne, mais aussi en Inde, où mon livre a été interdit. Je ne suis pas le seul. Presque tous les romanciers et poètes musulmans contemporains ont dû faire face à des campagnes de ce genre. Voyez Mahfouz en Egypte [le romancier égyptien, Prix Nobel de littérature en 1988, a été pris à partie par l’opposition islamiste égyptienne. Il sera victime d’une tentative d’assassinat à l’arme blanche en 1994]. J’aimerais que tout cela ne soit qu’une plaisanterie. Mais ce n’est pas le cas… »

Deux jours plus tard, la plaisanterie vire définitivement au drame : Rushdie, ses éditeurs et toute personne ayant connaissance du livre, sont condamnés à mort par l’ayatollah Khomeyni. « Dans la jungle des villes, nous nous protégeons derrière des portes cadenassées, et trouvons trop facile de craindre l’imprévisible, l’arrivée destructrice de l’Ogre – Charles Manson, l’ayatollah Khomeyni, le Blob venu d’un autre monde », écrivait l’auteur britannique cinq ans plus tôt. Après février 1989, il n’existait plus de portes cadenassées. Ni pour Rushdie ni pour personne.

Samuel Blumenfeld

Salman Rushdie, un écrivain résistant, conteur du chaos du monde

Trois jours avant d’être poignardé, vendredi dans l’Etat de New York, le romancier annonçait la sortie de « Victory City », son quinzième livre, en février 2023.

Par Raphaëlle Leyris

Publié aujourd’hui à 10h30, mis à jour à 11h40

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Le romancier et essayiste américain Salman Rushdie à Paris, le 10 septembre 2018. Le romancier et essayiste américain Salman Rushdie à Paris, le 10 septembre 2018. JOEL SAGET / AFP

Garder son cap. Se consacrer à la littérature, dont il célèbre la capacité à « augmenter la somme de ce que les êtres humains sont capables de percevoir, de comprendre, et donc, en définitive, d’être » (Joseph Anton, une autobiographie, Plon, 2012). Ne pas renoncer à écrire est l’une des formes de résistance choisies par Salman Rushdie après la fatwa édictée contre lui en février 1989. Elle est indissociable de sa défense, jamais démentie, de la liberté d’expression, dont l’un des témoignages fut son ferme soutien à Charlie Hebdo après les attentats de 2015, quand une partie importante de la scène intellectuelle américaine barguignait. Autant de tergiversations qui ont dû ranimer chez l’écrivain de pénibles souvenirs.

Rester romancier, coûte que coûte. Un romancier occupé à raconter le chaos du monde, armé de son imagination, de son érudition et de son humour. Après tout, si c’est « accidentellement » que sa vie a été « rendue intéressante » (d’un point de vue narratif), ainsi qu’il lui est arrivé d’ironiser le tournant pris par sa vie il y a trente-trois ans, c’est en revanche tout à fait volontairement qu’il est devenu écrivain.

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Il est né le 19 juin 1947 dans une famille musulmane et bourgeoise – père homme d’affaires, mère enseignante – à Bombay, dans un quartier où cohabitent Indiens et expatriés européens et américains. Dans un entretien à la revue La Règle du Jeu, en 1993, il notera : « Pour n’importe qui ayant grandi dans n’importe quelle grande ville, particulièrement dans une ville comme la mienne, où l’Est et l’Ouest se rejoignent, l’un des faits qui s’imposent à vous est que la culture est hybride, qu’elle est un mélange, bref, qu’elle est une forme impure. Et le roman doit être une célébration de l’impureté. »

En 1961, l’adolescent est envoyé étudier en Angleterre ; après le lycée, il entre à Cambridge pour suivre un cursus d’histoire. Une fois diplômé, ce grand lecteur, naturalisé britannique, gagne sa vie en travaillant dans la publicité, secteur qui lui enseigne, dira-t-il, l’art de la « concision », même si ce n’est pas le premier terme qui vient à l’esprit quand on pense à son œuvre luxuriante – mais il possède en effet le goût des formules qui encapsulent plusieurs idées ou sensations en un minimum de mots.

« J’avais découvert ma voix »

En 1968, il quitte son poste pour se lancer dans l’écriture. Débutent des années d’apprentissage et de tâtonnements pour celui dont les influences sont à chercher autant du côté de Charles Dickens que de la Nouvelle Vague, de Luis Buñuel que de Mikhaïl Boulgakov ou des fables traditionnelles du Pañchatantra auxquelles il a été biberonné. En 1975, il publie son premier roman, Grimus (JC Lattès, 1977), qui organise la rencontre de la science-fiction, de la mythologie et du conte, sans convaincre outre mesure. Y compris son auteur, qui, quand il n’oublie tout simplement pas de le mentionner, le balaie d’un : « Ce n’était pas très bon. »

Mais pendant ces années, il travaille à un autre texte, dans lequel il souhaite évoquer une enfance proche de la sienne à Bombay. Et pourquoi pas réutiliser un personnage d’un texte abandonné, qu’il avait fait naître à minuit, le jour où l’Inde accède à l’indépendance, le 15 août 1947. Ainsi s’ébauche la première version de ce qui deviendra l’extraordinaire Les Enfants de Minuit (Stock, 1983). Salman Rushdie raconte que c’est en réécrivant ce premier jet, alors à la troisième personne, pour la faire passer au « je » (« Il était une fois… je naquis à Bombay », dit l’incipit), qu’il est « devenu écrivain » : « J’ai ressenti cette incroyable excitation, cette énergie, et j’ai compris que j’avais découvert quelque chose qui n’était pas seulement la voix du livre, mais aussi ma voix. »

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Cette dernière le guide dans la composition du texte, lequel restitue le caractère « excessif » de Bombay par le foisonnement de sa langue, de son intrigue, de ses personnages, par sa façon de mêler histoires individuelles et collectives. Les Enfants de Minuit paraît en 1981, sous une pluie d’éloges, que vient couronner le Booker Prize (et, plus tard, à deux reprises, le titre de « meilleur des Booker Prize »). Lorsque sa traduction est publiée, Le Monde proclame qu’« un grand écrivain est né », et salue « un livre audacieux » ainsi qu’un « véritable petit chef-d’œuvre ».

Les Enfants de Minuit laisse d’emblée une marque profonde sur la littérature anglophone, qu’elle s’écrive en Inde (en témoigneront les œuvres de Vikram Seth ou d’Arundhati Roy) ou au Royaume-Uni (voir Hanif Kureishi, par exemple). S’il s’agit pour Rushdie, entre autres, de donner droit en littérature à une vision de la décolonisation et de ses suites, telles que les anciens colonisateurs ne peuvent l’avoir, l’un des enjeux de son travail est de repenser le lien avec la langue anglaise, ainsi qu’il l’écrira dans l’un des essais du recueil Patries imaginaires (Christian Bourgois, 1993) : « Et j’espère que nous pensons tous que nous ne pouvons pas simplement [l]’utiliser comme le font les Britanniques ; que nous devons la réinventer pour nos besoins. Ceux d’entre nous qui emploient la langue anglaise le font malgré notre attitude ambiguë à son égard ou peut-être à cause d’elle, peut-être parce que nous pouvons trouver dans cette lutte linguistique un reflet des autres luttes qui se déroulent dans le monde réel, des luttes entre les cultures à l’intérieur de nous-mêmes et les influences à l’œuvre sur nos sociétés. »

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Si Les Enfants de Minuit portait sur l’Inde, le plus satirique La Honte (1983 ; Stock, 1984, prix du meilleur livre étranger) se penche pour sa part essentiellement sur le destin du Pakistan, à travers celui d’un homme doté de trois mères. Ce roman onirique et railleur est très bien accueilli par la critique et le public dans le monde anglophone et au-delà. Dans Joseph Anton, son autobiographie à la troisième personne, l’auteur raconte la gestation du roman suivant : « [Avec Les Enfants de Minuit et La Honte], il avait évoqué, aussi bien qu’il le pouvait, les univers dont il était issu. A présent, il devait relier ces mondes avec le monde tellement différent dans lequel il avait choisi de vivre. Il commençait à percevoir que c’était cela, bien plus que l’Inde, le Pakistan, la politique ou le réalisme magique, qui serait son véritable sujet, celui qui l’occuperait pour le reste de ses jours, la grande question de savoir comment le monde s’assemblait, pas seulement de voir comment l’Orient se mêlait à l’Occident et l’Occident à l’Orient, mais comment le passé façonnait le présent et comme le présent modifiait notre perception du passé, et comment le monde imaginaire, le lieu des rêves, de l’art, de l’invention, mais également de la croyance se diffusait à travers la frontière qui séparait de la “réalité” quotidienne où chaque être humain est persuadé, à tort, de vivre. »

Son énergie ne faiblit pas

De ces réflexions jaillira, en 1988, Les Versets sataniques (Christian Bourgois, 1989), dont la réception va faire basculer l’existence de son auteur, pour une poignée de passages sortis de leur contexte à des fins incendiaires, et alors que cette histoire s’ouvrant sur la chute d’un avion de deux acteurs Indiens, l’un star, l’autre inconnu, était peut-être d’abord une critique de l’Angleterre thatchérienne. Ces années passées dans la clandestinité après que la tête de l’auteur a été mise à prix par l’ayatollah Khomeini et son roman brûlé en place publique, sont celles que l’écrivain retrace dans Joseph Anton. Il s’agit du pseudonyme (composé des prénoms des écrivains Conrad et Tchekhov) sous lequel Rushdie a dû vivre, protégé par des policiers, errant d’une « planque » à l’autre, condamné à une solitude d’autant plus terrifiante qu’il n’a pas reçu le soutien unanime qu’il pouvait espérer.

Des musulmans défilent dans la rue à Derby, en Angleterre, protestant contre le livre de Salman Rushdie, « Les Versets sataniques », 15 mars 1989. Des musulmans défilent dans la rue à Derby, en Angleterre, protestant contre le livre de Salman Rushdie, « Les Versets sataniques », 15 mars 1989. MIRRORPIX / GETTY IMAGES

Dans ce contexte de traque, et afin de tenir une promesse faite à son fils, il trouve la force d’écrire pour le petit garçon Haroun et la mer des histoires (1990 ; Christian Bourgois, 1991). Il revient à la littérature pour adultes en 1995, avec Le Dernier soupir du Maure (Plon, 1996), saga sur quatre générations, entre Bombay et Cochin, hymne aux rencontres, au mélange, à cette « impureté » dans laquelle l’auteur voit le remède au fanatisme. Suit, en 1999, La Terre sous ses pieds (Plon, 1999), où il examine l’influence du rock sur l’Inde.

Si la fatwa ne peut être levée, l’obligeant à rester sous surveillance, le début des années 2000 semble marquer une nouvelle étape. Salman Rushdie s’installe à New York, s’amuse à apparaître dans le film Le Journal de Bridget Jones, de Sharon Maguire (2001), quitte les sections géopolitique et littéraire des journaux pour celle des potins en épousant l’actrice et mannequin Padma Lakshmi en 2004, puis en divorçant trois ans plus tard, mettant ainsi fin à son quatrième mariage. En 2007, il est anobli par la reine d’Angleterre, ce qui suscite la fureur du Pakistan et de l’Iran.

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L’énergie qu’il met dans ses livres (tel le bien nommé Furie, Plon, 2001, sorti aux Etats-Unis le 11 septembre…) ne faiblit pas. Pas plus que son plaisir à mélanger les époques, à renouer avec les « histoires orientales d’enchantement débordantes d’aventures inouïes » de son enfance (L’Enchanteresse de Florence, Plon, 2008). Au cours des dernières années, il s’est particulièrement intéressé aux moyens de rendre compte d’un réel toujours plus « incertain et friable », que ce soit à travers le conte – qu’on jurerait tiré des Mille et une Nuits mais situé dans le New York d’aujourd’hui – qu’est Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits, dans le plus naturaliste La Maison Golden ou dans la réécriture de Cervantès (mais aussi de Voltaire) qu’il propose avec Quichotte (Actes Sud, 2016, 2018, 2020). Nous sommes entrés dans l’ère du « tout-peut-arriver », assure-t-il dans ce dernier, qui est aussi, comme toute son œuvre, un appel vibrant à se prémunir contre le fanatisme en multipliant les lectures et les interprétations. Trois jours avant d’être poignardé, Salman Rushdie annonçait sur son compte Twitter la sortie, début février prochain aux Etats-Unis, de son quinzième roman, Victory City.

Raphaëlle Leyris

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