samedi 1 octobre 2016

Donald Trump est plus complexe qu’on ne le croit --- AFP Jewel Samad




02/10/2016 | 11h53
Jewel SAMAD / AFP

Dans un livre fouillé et documenté qui paraît aujourd’hui, une ex-journaliste de RFI, spécialiste des Etats-Unis, raconte et analyse l’ascension du candidat républicain. Elle en profite pour dresser un panorama de la situation du pays.

“Donald Trump serait-il Donald Trump sans la fameuse mèche qui lui barre le front?” C’est ainsi que débute le premier chapitre du nouvel ouvrage de la journaliste française Anne Toulouse. Pourtant, il ne faut pas s’y méprendre : Dans la tête de Donald Trump est plus qu’un livre sur les excentricités capillaires du candidat républicain à l’investiture présidentielle aux Etats-Unis – aussi étonnantes soient-elles.
Certes, il serait malhonnête que de feindre un désintérêt total pour cette coupe de cheveux littéralement exceptionnelle – on apprend d’ailleurs qu’elle serait le cache misère d’une opération de chirurgie esthétique. Certes, tout le long des 171 pages, l’image iconoclaste de Trump – et ses saillies scandaleuses sur, au choix, les Mexicains, les femmes ou encore les musulmans – viennent à l’esprit du lecteur. Mais c’est bien plus que cela qui est présenté dans ce livre riche et documenté. Toute l’histoire et l’évolution des États-Unis y est dépeinte – spoiler : ça ne va pas fort fort en ce moment. Et, a fortiori, comment ce background historique, sociologique, politique, économique et géographique a permis l’avènement d’un candidat tel que Trump dans la course à la présidentielle, cette situation le faisant devenir “le porte-parole du mécontentement de nombreux Américains”.
Un homme plus complexe qu’on ne le croit 
Ce qui peut paraître étonnant vu de la France – comment un hurluberlu pareil pourrait-il sérieusement occuper la fonction suprême d’un pays ? – ne l’est pas aux États-Unis, “où le seuil de tolérance [est] bien supérieur [qu’en Europe] en ce qui concerne l’excentricité et l’excès”. Chiffres, études, faits mais aussi légendes et anecdotes croustillantes à l’appui – si vous voulez savoir quel président US surnommait son pénis “Jumbo”, allez-y – Anne Toulouse nous explique pourquoi après l’immobilier, les casinos ou encore la télé-réalité, il n’est pas surprenant que “Le Donald” ait investi le champ politique US. Entre autres facteurs explicatifs : une crise économique sans précédent en 2008, une défiance croissante envers les pouvoirs publics – une partie de la population s’estimant par ailleurs méprisée par ces derniers – un goût certain des Américains pour les fonceurs et aventuriers. A ajouter à cela, une connaissance certaine du monde médiatique par Trump, une image d’entrepreneur successfulcapable de se relever malgré les échecs – son entreprise de vente de steaks par correspondance n’a pas fonctionné ? Tant pis, The show must go on, et ça plaît – et une capacité à faire preuve d’opportunisme en temps voulu. L’occasion, aussi, de rappeler que le célèbre businessman s’avère bien plus complexe que l’image qui est souvent donnée de lui : celle d’un gros beauf stupide avec un “écureuil mort sur la tête”. Un exemple est frappant en ce sens : misogyne de l’extrême, Trump emploie pourtant 47% de femmes dans ses différentes entreprises et n’hésite pas à leur proposer des postes à hautes responsabilités.
L’auteure, correspondante pour RFI Outre-Atlantique pendant douze ans, connaît son sujet. Un savoir empirique qui va au-delà des informations facilement trouvables dans les livres d’histoire : expressions made in USA, habitudes culturelles et familiales, particularismes nationaux difficiles à percevoir pour un touriste lambda… De petites choses qui, au final, disent beaucoup – exemple : The apprentice, le programme de téléréalité lancé en 2004 aux États-Unis et où Trump virait ou engageait des collaborateurs en direct était, à ses débuts, l’un des préférés des 18-49 ans. Tranche d’âge qui, aujourd’hui, se situe au cœur de l’électorat…
Un livre drôle et pédagogique 
Tout un chapitre du livre, intitulé “Qui vote Trump, pourquoi et comment ?”explique d’ailleurs le profil sociologique des afficionados trumpistes – homme blanc sans diplôme, petits entrepreneurs, chrétiens conservateurs – mais aussi ceux qui, globalement, abhorrent sa candidature – les femmes ou encore les minorités noires, hispaniques et asiatiques (minorités qui représentent, tout de même, entre 25 et 30% du corps électoral et qui auront une influence certaine sur l’élection). Un chapitre préalable, lui, présente le système de vote indirect propre aux États-Unis, avec ses grands électeurs élus dans chacun des 50 États de l’union. Une pédagogie salutaire, que l’on retrouve dans les mots et le style utilisés par l’auteure : son écriture simple, imagée – “Demandez [à Hillary Clinton] l’heure, elle vous expliquera le fonctionnement de la montre” – et souvent drôle permet une lecture facile de l’ouvrage.
D’autant que l’organisation en chapitres thématiques permet à tout le monde d’y trouver son compte : ceux intéressés par la vie privée de Trump – son appétence pour les belles jeunes femmes, ses origines familiales ou encore son plat préféré – seront satisfaits, ceux plus intéressés par la politique, aussi. Mais les deux ne sont pas forcément à opposer, et c’est en cela que le livre est intéressant : outre la situation intrinsèque du pays, c’est aussi la personnalité et le parcours perso de Trump, apte à se caler sur l’air du temps, qui expliquent son parcours de politicien. Parcours d’ailleurs pas linéaire : on apprend que Trump a été démocrate, finançant grassement la fondation Clinton ou encore se déclarant en faveur du droit à l’avortement ou le mariage gay. Depuis son entrée en campagne, il est devenu tout aussi conservateur sur ces sujets qu’il ne l’était sur les questions de sécurité, d’économie ou encore d’immigration. Une stratégie sans doute vaine, comme l’explique l’auteure : même en cas d’élection – et cela semble mal parti vu le débat entre Clinton et Trump lundi dernier, où la première est sortie largement vainqueur – il ne pourrait pas appliquer les points les plus extrêmes de son programme. En cause, l’existence de garde-fous tels que le Congrès et la Cour suprême. Merci, les pères fondateurs.
trumpDans la tête de Donald Trump, par Anne Toulouse (Stock), 171 pages
le 02 octobre 2016 à 11h53



Aucun commentaire: