vendredi 6 janvier 2023

Le cessez-le-feu enfreint en Ukraine, une fausse trêve stratégique pour Poutine ?

 

linternaute.com


Cécile Vassas, Mis à jour le 06 Janvier 2023 16:27

    GUERRE UKRAINE. Le cessez-le-feu annoncé par Vladimir Poutine est en vigueur ce vendredi 6 janvier mais les frappes se poursuivent en Ukraine entre les deux camps. Kiev dénonce une stratégie russe dissimulée derrière une fausse trêve.

  • Le cessez-le-feu n'a pas tenu longtemps en Ukraine. A peine une heure après l'entrée en vigueur de la trêve annoncée par Vladimir Poutine, de nouvelles frappes ont retenti dans les deux camps ce vendredi 6 janvier. Si l'armée ukrainienne n'avait pas l'intention de se plier au cessez-le-feu décrété unilatéralement, les attaques russes contreviennent à l'arrêt temporaire des combats. Pourtant, le ministère russe de la Défense assure que les troupes du Kremlin respectent la trêve et que les bombardements observés, en particulier à l'est du pays à Bakhmout et Kramatorsk où les combats font rage, sont des réponses aux offensives de Kiev : "Malgré le respect du régime de cessez-le-feu par les troupes russes (...) le régime de Kiev a continué à bombarder les villes et les positions russes".

  • Un discours qui ne convainc pas l'Ukraine, pas plus que l'annonce du cessez-le-feu de 36 heures, censé être en vigueur du 6 janvier à midi jusqu'à minuit le 7 janvier pour permettre la célébration du Noël orthodoxe. Volodymyr Zelensky avait avant le début de la trêve, rapidement enfreinte, remis en question les intentions du Kremlin et dénoncé une stratégie militaire pour permettre aux troupes russes de reprendre l'avantage dans les combats, soit par des attaques surprises soit par un ravitaillement et une réorganisation des forces. Les proches du Président sont du même avis et un de ses conseillers, Mykhaïlo Podolyak, a fustigé les frappes russes sur Twitter : "C'est l'essence de la 'trêve russe' : tuer dans le dos, imiter le silence. Ne prenez jamais les mots de la Russie au sérieux. Ce sont toujours une tromperie cynique et primitive". Pour rappel, Vladimir Poutine avait justifié le cessez-le-feu par l'appel du patriarche Kirill, le patron de l'Eglise orthodoxe russe qui s'avère également être un ancien membre du KGB et un fervent défenseur de "l'opération spéciale" lancée le 24 février 2022.

    • Une véritable trêve ou une stratégie militaire ?

  • L'Ukraine ne croyait pas aux bonnes intentions de Vladimir Poutine ni à l'annonce du cessez-le-feu. La trêve d'à peine 36 heures n'est qu'une "excuse dans le but d'au moins arrêter l'avancée de nos troupes dans le Donbass et apporter équipements, munitions, et rapprocher des hommes de nos positions", d'après le président Volodymyr Zelensky. Et les frappes russes menées ce vendredi une heure seulement après le début du cessez-le-feu ont donné raison au chef de l'Etat. Le conseiller du président ukrainien Mykhaïlo Podoliak a même dénoncé l'"hypocrisie" du Kremlin avant que la trêve soit bafouée et a affirmé sur Twitter : "La Russie doit quitter les territoires occupés, c'est alors seulement qu'il y aura une 'trêve temporaire'". Au micro de BFMTV, plusieurs civils ont également critiqué la trêve russe se doutant qu'elle ne serait pas respectée : "Nous ne croyons pas Poutine (...). C'est une manipulation, une farce". Sur Franceinfo, un autre ukrainien a même rappelé que la Russie n'avait pas respecté la trêve pascale l'année dernière et a dit ne pas croire à ce nouveau cessez-le-feu.

  • La dimension stratégique prêtée au cessez-le-feu annoncé par Vladimir Poutine était envisagée par tous les Ukrainiens et par la communauté internationale et pour cause, les troupes russes se trouvent en position de défense et de faiblesse sur la majorité de la ligne de front. La trêve présentait donc plus d'avantage pour la Russie que pour l'Ukraine. Laquelle est restée, à raison, sur ses gardes en cas d'attaques surprises des forces de Moscou.

    • Critique de la communauté internationale

  • La communauté internationale doutait aussi des réelles intentions de Vladimir Poutine derrière l'annonce d'un cessez-le-feu. Après la confirmation de la poursuite des frappes entre les deux camps, le Quai d'Orsay a dénoncé "une tentative grossière de la part de la Russie de masquer sa responsabilité, alors qu'elle continue de multiplier les exactions et de bombarder sans relâche l'ensemble du territoire ukrainien". Et le ministère des Affaires étrangères de fustiger le "cynisme de Russie".

  • Avant que le cessez-le-feu ne soit mis à mal, la Maison Blanche a ouvertement critiqué la manœuvre jugée manipulatrice du Kremlin. Le président américain Joe Biden a estimé que son homologue cherchait "à se donner de l'air" et a sérieusement douté des motivations religieuses rappelant que le chef d'Etat était "prêt à bombarder des hôpitaux, des crèches et des églises (...) le 25 décembre et lors du Nouvel an". L'Allemagne s'est aussi montrée critique sur le cessez-le-feu de 36 heures par la voix de la ministre fédérale des Affaires étrangères Annalena Baerbock qui a tweeté : "Si Poutine voulait la paix, il ramènerait ses soldats à la maison et la guerre serait terminée. Mais apparemment, il veut poursuivre la guerre, après une brève interruption".

    • Le cessez-le-feu ne présage pas de la fin du conflit

    C'était couru d'avance, mais le cessez-le-feu annoncé par Vladimir Poutine pour les 6 et 7 janvier n'annonce en rien la fin de la guerre en Ukraine. Pour preuve les frappes qui se poursuivent malgré l'entrée en vigueur théorique de la trêve. Ni l'Ukraine, ni l'Occident ne se sont laissés prendre par la fausse interruption des combats. Le seul moyen de mettre un terme au conflit russo-ukrainien est de voir les deux belligérants assis à la table des négociations mais aucun des deux pays n'est prêt à s'y rendre. Si Vladimir Poutine a assuré à son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan qui tient le rôle de médiateur, être "ouvert à un dialogue", il souhaite d'abord que Volodymyr Zelensky reconnaisse "les nouvelles réalités territoriales". Chose impensable pour Kiev qui considère comme une condition sine qua non de la paix la reprise par l'Ukraine de tout son territoire.

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