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Le Monde – 6 Avril 2022

Vladimir Jirinovski, opposant factice de Vladimir Poutine et chantre de la guerre, est mort

Député sans discontinuer depuis 1993, le chef du Parti libéral démocrate de Russie a succombé au Covid-19 le 6 avril, à l’âge de 75 ans.

Par Benoît Vitkine(Moscou, correspondant)

Publié le 06 avril 2022 à 12h25 - Mis à jour le 07 avril 2022 à 12h11 



Dans ses dernières semaines de vie, Vladimir Jirinovski aura-t-il connu le bonheur ? L’homme politique russe, mort le 6 avril à 75 ans, appelait de ses vœux une invasion de l’Ukraine et la confrontation finale avec l’Occident. Il rêvait de troisième guerre mondiale, de « brûler Paris », d’« atomiser Berlin ». Fin décembre 2021, lors de l’une de ses dernières sorties publiques, il implorait que l’on « bombarde Kiev » la nuit du 31 décembre…

Las, ce monument de la scène politique russe est tombé malade du Covid-19 avant le déclenchement de « l’opération militaire spéciale » russe en Ukraine. Depuis, son état de santé était présenté tantôt comme désespéré, tantôt comme rassurant. Quelques jours avant sa mort, reprenant des formules consacrées fleurant bon le soviétisme, son parti le disait vaillant au combat, avide de nouvelles et de rapports sur la situation en Ukraine… pendant que d’autres sources le donnaient toujours en réanimation, voire dans le coma.

L’esbroufe et la provocation, spécialités maison. Jirinovski lui-même clamait encore fin janvier avoir reçu sa huitième injection de vaccin contre le coronavirus. Fallait-il le croire ? Impossible à dire s’agissant de ce bateleur qui avait fait de l’outrance un créneau politique et de la surenchère une marque de loyauté à Vladimir Poutine.

Opposant factice condamné au rôle de bouffon du roi, Vladimir Jirinovski était aussi un personnage incontournable de la vie publique russe, l’une des rares personnalités politiques russes connues à l’étranger. Les hommages appuyés des journaux russes et de ses collègues députés disent assez son importance. Après une vie entière consacrée à la politique, il fut député sans discontinuer de 1993 jusqu’à sa mort. En annonçant son décès, le président de la Douma, Viatcheslav Volodine, a salué « un homme brillant et talentueux, qui comprenait profondément comment fonctionne le monde et avait beaucoup prédit ». L’Assemblée a observé une minute de silence à sa mémoire.

Vladimir Volfovitch Jirinovski est né le 25 avril 1946 à Alma-Ata (Almaty aujourd’hui), au Kazakhstan soviétique, dans une famille pauvre. Son père, un juif de Pologne déporté en Asie centrale, fut renvoyé en Pologne rapidement après la naissance du petit Vladimir, sans sa famille. Sa mère s’est peu occupée de lui. « Personne n’a jamais fêté mon anniversaire, personne ne m’a jamais accompagné à l’école », raconte-t-il dans son livre, Le Dernier Saut vers le Sud (non traduit), paru en septembre 1993.

Probable ancien agent du KGB

Jirinovski était bien plus cultivé que son image de clown enragé pouvait le laisser penser. Titulaire d’une thèse de philosophie à l’université d’Etat de Moscou et diplômé de l’Institut des langues orientales, il parlait le turc, le français, l’anglais et l’allemand. Plusieurs sources font de lui un ancien agent du KGB, les services de sécurité soviétiques. Lui-même l’a toujours nié, mais les fonctions qu’il a occupées dans les années 1970 et 1980, toutes en lien avec les relations internationales, le laissent penser. Il fut aussi expulsé de Turquie en 1970 pour des activités de propagande.

Il se lance en politique à la toute fin de l’Union soviétique, avec le soutien financier – secret – du pouvoir communiste. La politique l’intéresse indéniablement : en 1967, encore étudiant, il envoyait au comité central ses propositions de réforme…

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Coup de force, il parvient à enregistrer en quelques jours, dès avril 1991, le premier parti non communiste de l’histoire de l’URSS, le Parti libéral-démocrate (LDPR). Son premier fait d’armes est l’envoi d’une poignée de volontaires en Irak pour combattre les Américains au côté de Saddam Hussein. Pour le reste, le programme est limité, et avant tout populiste : en 1991, il mène sa première campagne présidentielle entre promesses de restaurer la Russie éternelle et de baisser le prix de la vodka. Ce qu’il appelle un « gigantesque orgasme ».

Ses convictions évoluent avec le temps, mais, contrairement à ce que pourrait laisser penser le nom de son parti, elles ne seront jamais libérales ou démocrates. Le LDPR, qui survivra probablement avec difficulté à la mort de son chef, se distingue plutôt par sa xénophobie, son homophobie, son antisémitisme, ses appels à la répression politique et à l’expansionnisme militaire… « Je veux que les soldats russes se lavent les pieds dans l’océan Indien », dit-il en 1993.

Propositions outrancières

Le public russe s’habitue vite à ce bateleur au physique imposant, qui hurle plus souvent qu’il ne parle. Ses provocations attirent ceux que la scène politique rebute. Il s’impose aussi par la violence, comme en 1995 quand il lance un verre de jus d’orange au visage de Boris Nemtsov, opposant qui sera assassiné vingt ans plus tard. Ses agressions physiques auront toutefois le plus souvent pour cibles des femmes, jusque dans l’enceinte de la Douma.

Durant toute sa carrière politique, Vladimir Jirinovski participera à six élections présidentielles, arrivant en troisième position à trois reprises, en 1991, en 2008 et en 2018 (5,65 % des voix). Avec le temps, et notamment sous le règne de Vladimir Poutine, son rôle s’est figé : celui de l’éternel partenaire, censé accréditer la fiction du pluralisme russe, apportant au passage une touche de distraction dans des campagnes mornes, et transformant l’idée même d’opposition politique en farce.

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Les questionnements sur les allégeances réelles de Jirinovski sont une constante dans sa carrière. En 1993, il reste étrangement à l’écart de la révolte menée par ses amis ultranationalistes, qui se soldera dans le sang. De la même façon, en 2020, quand le Kremlin fait arrêter l’un des rares gouverneurs LDPR de Russie, Sergueï Fourgal, ses protestations seront certes sonores mais très symboliques.

Vladimir Jirinovski pouvait crier au « déni de démocratie » ou critiquer certains aspects de la politique du Kremlin, comme la réhabilitation de Staline et d’autres dirigeants soviétiques, il ne s’est jamais opposé sérieusement à Vladimir Poutine. Coqueluche des plateaux de télévision, le politicien jouait plutôt le rôle de bouffon du roi, lançant à intervalles réguliers des propositions toujours plus outrancières : réintroduire la peine de mort, limiter la natalité dans le Caucase pour lutter contre le terrorisme, censurer à tout-va les productions culturelles, légaliser la polygamie, récupérer l’Alaska…

« Brûler Paris »

Autre avantage pour le Kremlin, la radicalité de Jirinovski pouvait faire apparaître Vladimir Poutine pour un modéré. De quoi rassurer les Occidentaux, par exemple, sur l’actuel occupant du Kremlin, transformé en un rempart contre les hordes ultranationalistes prêtes à prendre le pouvoir. « Pourquoi nos enfants devraient-ils apprendre l’anglais ? Ils feraient mieux d’apprendre à se servir d’une kalachnikov pour que le reste du monde apprenne le russe », demandait-il par exemple avec un sens certain de la formule.

S’agissant d’Alexeï Navalny, il s’était évidemment aligné sur le pouvoir, ajoutant sa mesure habituelle de surenchère : Jirinovski suggérait ainsi de donner à l’opposant, « homme malsain », de quinze à vingt ans de prison, puis encore cinq ans d’hôpital psychiatrique. Las, encore, Jirinovski était à l’hôpital quand M. Navalny a reçu neuf années de prison supplémentaires, le 22 mars.

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A une certaine époque, Vladimir Jirinovski fut aussi l’homme des liens avec les extrêmes droites européennes. Un ami proche, notamment, de Jean-Marie Le Pen. En cas de guerre avec la France, il préconisait d’envoyer « les Tchétchènes contre les nègres ». Mais il avait été rattrapé par des hommes plus jeunes aux réseaux renouvelés, et marginalisé.

Il s’était en revanche fondu avec délice dans l’ambiance de confrontation croissante avec l’Occident. Lui qui réclamait dès 2010 l’intégration de l’Ukraine et de la Biélorussie dans la Fédération de Russie proposait, cinq ans plus tard, de « brûler Paris et atomiser Berlin ». De cette confrontation qu’il attendait, il prédisait : « Il ne restera rien, pas une pierre, pas un Allemand. » Ces dernières semaines auront prouvé que le bouffon n’était pas si marginal, ses idées pas si exotiques. Elles auront aussi montré qu’avant Berlin, Kharkiv et Mykolaïv étaient tout sauf des obstacles symboliques sur la route de l’armée russe.

Vladimir Jirinovski en quelques dates

25 avril 1946 Naissance à Alma-Ata (Kazakhstan)

1991 Crée le Parti libéral-démocrate, premier parti non communiste de l’histoire de l’URSS

1991 Première participation à une élection présidentielle (aussi en 1996, 2000, 2008, 2012 et 2018)

6 avril 2022 Mort à Moscou



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wikipédia à jour au 9 Avril 2022 à 10:44 – consultation à 17 heures 30



Vladimir Jirinovski



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Vladimir Jirinovski


Illustration.
Vladimir Jirinovski en 2021.


Fonctions


Président du Parti libéral-démocrate de Russie


19 avril 19916 avril 2022
(30 ans, 11 mois et 18 jours)


Prédécesseur

Parti créé


Député à la Douma


12 décembre 19936 avril 2022
(28 ans, 3 mois et 25 jours)


Élection

12 décembre 1993


Réélection

17 décembre 1995
19 décembre 1999
7 décembre 2003
2 décembre 2007
4 décembre 2011
18 septembre 2016
17-19 septembre 2021


Circonscription

Shchyolkovsky (1993-1995)
Proportionnelle nationale (1995-2022)


Biographie


Nom de naissance

Vladimir Volfovich Eidelstein


Date de naissance

25 avril 1946


Lieu de naissance

Alma-Ata (RSS kazakhe, Union soviétique)


Date de décès

6 avril 2022 (à 75 ans)


Lieu de décès

Moscou (Russie)


Nationalité

Soviétique puis russe


Parti politique

LDPR


Diplômé de

Université d'État de Moscou


Profession

Avocat


Religion

Christianisme orthodoxe




Signature de Vladimir Jirinovski

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Vladimir Volfovitch Jirinovski (en russe : Влади́мир Во́льфович Жирино́вский), né Eidelstein (Эйдельште́йн) le 25 avril 1946 à Alma-Ata (République socialiste soviétique kazakhe, Union soviétique), et mort le 6 avril 2022 à Moscou, est un homme politique russe, président du parti d'extrême droite LDPR.

Connu pour son chauvinisme provocateur, il est décrit comme « le showman de la politique russe, mélangeant les rhétoriques populiste et nationaliste, les invectives anti-occidentales et un style impétueux et conflictuel »1.

Biographie

Vladimir Jirinovski est né sous le nom d'Eidelstein à Alma-Ata (aujourd'hui Almaty), la capitale de la République socialiste soviétique kazakhe (URSS), d'un père juif ukrainien et d'une mère russe. Volfovitch Jirinovski est né le 25 avril 1946 à Alma-Ata (Almaty aujourd’hui), au Kazakhstan soviétique, dans une famille pauvre. Son père, « un juif de Pologne » déporté en Asie centrale, est renvoyé en Pologne rapidement après la naissance de l'enfant2. Sa mère s’est peu occupée de lui. Abandonnant sa famille, son père, Wolf Eidelstein, émigra en Israël, en 1948 et y mourut en 1983. En 1964, il change son nom qui indique de manière évidente la judéité de son père pour le nom de sa mère : Jirinovski. Questionné sur ses origines, il indique : « Ma mère était russe, mon père juriste »3.

Jirinovski suit des études linguistiques à l'Institut des langues orientales de l'université de Moscou et se spécialise dans la langue et le monde turcophones : la région où il est né et a passé sa jeunesse, le Kazakhstan, appartient au « monde turc », la langue et l'histoire du pays étant liées aux populations de langue d'origine turque.

Carrière politique

Après avoir fini ses études (thèse de philosophie à l'université d'État de Moscou en 1988), Vladimir Jirinovski rentre au Comité de sécurité de l'État (KGB)4, suit en parallèle des études de droit, puis se lance en politique en 1990 avec la fondation de son parti : le Parti libéral-démocrate de Russie (LDPR). Ce nom exprime très mal le corpus politique sur lequel est fondé le PLD : xénophobie (essentiellement anti-caucasienne), expansionnisme militaire, retour à un État fort, politique de répression intensive contre les délinquants ; il a par ailleurs été accusé d'homophobie et d'antisémitisme. À ce programme politique s'ajoutent des revendications territoriales comme le retour de l'Alaska et des anciennes républiques soviétiques à la Russie, ainsi que la conquête de l'Iran (Jirinovski était soutenu financièrement par son ami l'ancien président irakien Saddam Hussein). Jirinovski recommande même l'utilisation de la bombe atomique si nécessaire.[réf. nécessaire]

À l'élection présidentielle russe de 1991, il obtient 8 % des voix. En 1996 et 2000, il ne cesse de régresser pour terminer le 26 mars 2000 à 2,7 %. En 2004, il renonce à se présenter face au président sortant Vladimir Poutine que les sondages annoncent déjà triomphalement réélu ; son parti présente Oleg Malychkine (en), qui obtient 2 % des voix.

Avec 11,5 % et 36 sièges aux législatives de 2003, le LDPR devient le troisième parti à la Douma, derrière le parti du président Poutine, Russie unie (37,6 %), et le Parti communiste de la Fédération de Russie (12,6 %). À l'issue des élections législatives du 4 décembre 2011, le LDPR cède son rang de troisième parti du pays, en recueillant 11,7 %, à Russie juste (13,2 %).

Lors de l'élection présidentielle russe de 2008, remportée par Dmitri Medvedev, Vladimir Jirinovski arrive en troisième position avec 9,5 % des suffrages exprimés. En 2012, il finit en quatrième position avec 6,2 % des voix. Il se représente lors de l'élection présidentielle de 2018 et est l'un des huit candidats officiels. Lors de la campagne, il se fait notamment remarquer pour avoir qualifié la candidate Ksenia Sobtchak de « pute », ce à quoi elle a réagi en lui lançant un verre d'eau au visage5. Il termine en troisième position, avec 5,65 % des voix.

Ses multiples candidatures permettent au régime russe d'accréditer la fiction d'un pluralisme politique, et les outrances dont est coutumier Jirinovski décrédibilisent toute opposition politique en Russie. Sa radicalité fait apparaitre Vladimir Poutine comme quelqu'un de modéré et responsable, ce qui rassure les pays occidentaux.[réf. nécessaire] Pour Benoît Vitkine du Monde, Jirinovski fut un « opposant factice » de Vladimir Poutine et un « chantre de la guerre »2 Selon Le Figaro, il toujours pris soin de ne pas s'opposer à Vladimir Poutine. Dans un communiqué qui suit l'annonce de son décès, ce dernier décrit Jirinovski comme « un orateur et polémiste éclatant » et comme un homme politique qui « défendait une position patriotique et les intérêts de la Russie »6.

En février 2022, Vladimir Jirinovski est admis à l'hôpital clinique central (TsKB) de Moscou avec un diagnostic de Covid-19 et se trouve dans un « état très grave ». L'homme politique avait fait une déclaration en décembre 2021, selon laquelle depuis septembre 2020, il aurait été vacciné 7 fois7.

Il meurt le 6 avril 2022 à Moscou après avoir été infecté par le virus du Covid-198,2.

Positions politiques

Vladimir Jirinovski s'illustre en lançant à intervalles réguliers des propositions toujours plus outrancières et farfelues ː il promet de former une dictature lorsqu'il serait élu président et d'étendre les frontières de la Russie pour récupérer des terres jadis russes comme l'Alaska et la Finlande. Il suggère d'utiliser de grands ventilateurs pour souffler des déchets radioactifs vers les États baltes9. Il plaide pour réintroduire la peine de mort, limiter la natalité dans le Caucase pour lutter selon lui contre le terrorisme, légaliser la polygamie.[réf. nécessaire]

Après que 32 personnes ont été assassinées lors des attentats terroristes à Bruxelles le 22 mars 2016, Vladimir Jirinovski a indiqué dans un talk-show que de tels attentats étaient bons pour la Russie : « C'est avantageux pour nous. Qu'ils crèvent et qu'ils meurent ». Selon lui, les pays occidentaux s'allieraient alors à Moscou et imploreraient son aide10.

Notes et références

  1. (en-US) « Brussels Attacks are Good for Russia, Says Nationalist Leader » [archive], sur newsweek.com

Liens externes





  • La dernière modification de cette page a été faite le 9 avril 2022 à 10:44.  - consulté l'après-midi du même jour, 17:30

  • Benoît Vitkine, « En Russie, mort de Vladimir Jirinovski, opposant factice de Vladimir Poutine et chantre de la guerre », Le Monde.fr,‎ 6 avril 2022 (lire en ligne [archive], consulté le 6 avril 2022)



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