Ultime artisan courageux de la politique arabe de la France
Sa grande taille et sa façon de se tenir raide avec le
nez relevé lui donnait une allure hautaine qui déplaisait
aux Français ; surtout lorsqu’il tentait de se la jouer
modeste à l’accordéon, ou de partager un petit déjeuner avec
des éboueurs immigrés.
Les arabes eux, avaient perçu dans son maintien
et son humeur impassible, des signes de sagesse et de
dignité. En djellaba sous un keffieh, il n’eut pas été
ridicule. C’est d’ailleurs sous cet accoutrement imaginaire
que le percevait le Président algérien Houari Boumedienne
« Il cache un poignard marocain sous sa gandoura ».
Les deux hommes se détestaient.
À l’opposé, le Président Giscard d’Estaing entretenait
avec le roi Hassan II du Maroc, une complicité amicale sans
nuage et avec le Président tunisien Habib Bourguiba une
confiance et une estime sincère qui depuis n’ont jamais été
égalées entre Carthage et l’Élysée.
Sa visite en mai 1975 au Koweit et dans les Émirats
nouvellement indépendants marque l'ultime prolongement
positif de la politique arabe du Général de Gaulle. Il
réaffirme à cette occasion « le droit du peuple
palestinien à disposer d’une patrie ». Avec l’émir du
Koweit, il lance le projet de construction de l’Institut du
Monde Arabe à Paris qui sera inauguré dix ans plus tard par
Mitterrand.
À Tunis en novembre 1975, il reprendra à son compte « l’initiative
de paix » de Bourguiba de créer un État palestinien
reconnaissant Israël. Il rappelle que la France réclame « l’évacuation
des territoires occupés ».
C’était il y a quarante cinq ans !
Le 31 octobre 1975 grâce aux talents de persuasion d’une
petite équipe de militants français et tunisiens et de
diplomates arabes, le Président français reconnait
officiellement la représentation de l’Organisation de
Libération de la Palestine (OLP) à Paris.
Ezzeddine Kalak, le Directeur du Bureau d’Information et
de Liaison de l’OLP n’est pas accrédité comme ambassadeur,
mais à toutes les réceptions de l’Élysée, il est traité en
Excellence.
Cette décision courageuse attise la rage d’Israël et des
extrémistes palestiniens partisans de la lutte armée.
Le 3 août 1978, Ezzeddine Kalak dont le prédécesseur
Mahmoud Hamchari avait été assassiné en décembre 1972 à
Paris par les services secrets israéliens, est exécuté à son
tour par des tueurs d'Abu Nidhal: le Ben Laden de l’époque.
Giscard est furieux. Pendant son septennat, il ne mettra
pas les pieds en Israël. Menahem Begin le premier ministre
israélien persifle « M. Giscard d'Estaing n'a aucun
principe, excepté celui de vendre des armes aux arabes »
En mars 1980, Tribune Juive lance un avertissement
prémonitoire: « La fameuse conscience juive…peut opérer
des retournements capables de surprendre le plus
orgueilleux des archanges ». Pendant la campagne
électorale de 1981, pour d'autres raisons, les médias
algériens aussi appelleront leurs binationaux à voter
Mitterrand.
Dès lors tous les prétendants à la succession de Valéry
Giscard d’Estaing retiendront la leçon. Ils se souviendront
que pour gagner les élections, il vaut mieux ne pas se
mettre à dos Alger et Tel- Aviv.
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