samedi 12 janvier 2019

à propos du " grand débat national ", courriel à l'Elysée : revenir à la République (notre Cinquième)


Monsieur le Secrétaire général,

ne sachant, du fait d'hésitations informatiques en mémorisation de mes envois vers vous, si vous les recevez effectivement ces dernières semaines, je vous prie de les trouver, compilés, en pièces jointes. Je vous donne cependant le dernier à la suite de celui-ci.

La crise actuelle n'est qu'institutionnelle, c'est-à-dire politique au plus haut degré. Nous avons quitté la Cinquième République qu'avaient pratiquée, avec leur manière et leur esprits personnels, les trois premiers successeurs du général de Gaulle, quand fut instauré le quinquennat et "inversé" pour 2002 le calendrier des consultations législative et présidentielle. Il en est résulté un régime de fait caractérisé par sa rigidité : le vote de conscience des parlementaires restant inconcevable, l'Assemblée nationale n'est plus qu'enregistrement. La participation aux décisions, définie pendant la dernière guerre, à Londres, par le général de Gaulle, et qu'il voulut instaurer dans l'entreprise, tandis que la mise en jeu de son propre mandat à l'occasion de toute consultation nationale quelle qu'en soit la nature avait clairement établi depuis 1962 la responsabilité populaire du président de la République. Le régime restait parlementaire puisque la censure était possible, elle fut votée en 1962 et il ne lui manqua qu'une voix en 1968.  Dans le cours d'un seul septennat, le referendum plusieurs fois, la dissolution aussi de l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, plus rien.

Régime de fait - accentué par l'inocuité des partis et des syndicats, de responsabilités multiples - dont le Président hérita de ses trois prédécesseurs, mais dont - de bonne foi - il tira le parti maximum : décisions, initiatives, calendriers ont été les siens. L'expression devint courante qui fusionna deux fonctions totalement distinctes de rôle et de prérogatives : l'exécutif. Ce qui nous faisait perdre la décisive instance arbitrale, la voie de recours et de continuité, et supprimait de fait le contrôle parlementaire (le non-fonctionnement de la commission d'enquête sur Benalla le montra, et provoqua le premier doute sur la nature   de notre régime actuel). Les textes ne résistaient pas, les assujettis en revanche furent publiquement, même depuis l'étranger, critiqués par le Président pour leur peu d'ardeur à la réforme et au travail. La réplique - mécanique - n'était pourtant prévue par personne : elle aussi fut de fait, les gilets jaunes, la contestation fiscale et très vite une réclamation d'ensemble, non théorique, l'égalité par la démocratie, la participation aux décisions.

Elle continue d'étonner, parce que si les violences induites par des manifestations légitimes mais illégales ne sont pas nouvelles, les acteurs ne donnent prise ni aux relations politiques habituelles ni surtout à l'analyse de leur mouvement : l'anarchie au sens noble du terme, et l'interdiction pratique par cette mouvance dont la consistance, les rythmes, les thèmes doivent beaucoup aux "réseaux sociaux" (novation aussi forte que naguère celle du "transistor" pendant nos guerres de décolonisation), de toute chefferie, de toute représentation-même pour quelque dialogue que ce soit devant engager l'ensemble.

Il n'y pas eu de réponse gouvernementale, puisque explicitement le Président de la République a été mis en cause, dans sa personne. Vous savez, Monsieur le Secrétaire général, ce qu'a vécu alors ce dernier et qu'ont (trop) manifesté ces deux fois plusieurs jours de silence médiatique (insolite depuis la surexposition des dix-huit premiers mois du mandat) et aussi la rigidité du visage et des gestes les 10 et 31 Décembre.

Les concessions "financières" ne calment rien, la demande est celle d'une nouvelle pratique du pouvoir. La Cinquième République, version originelle et sincère, répond à cette demande mais à force de travesti : cela ne change rien, ou de contre-sens : c'est l'intouchable prérogative présidentielle, celle-ci est perdue de mémoire par les acteurs et les commentateurs. Elle n'était pas même comprise d'esprit par les juristes et enseignants, à ses commencements. Le lieu commun, dont il ne serait pas exact de dire que sa définition a été donnée par le Président, vient assez naturellement de la revendication toujours éludée du referendum d'initiative populaire - il est mieux dit aujourd'hui : d'initiative citoyenne - malgré la révision constitutionnelle de 2008.

Le "grand débat national" a fâcheusement  l'antécédent théorique et surtout l'institution liée au "développement durable" postulant depuis plus de vingt ans la consultation et l'acquiescement des personnes morales et physiques, concernées. Sans compter la mise en évidence de traitements exorbitants dont bénéficient des agents publics : la présidente de cette institution qui n'est pas la première ou plus encore le président de l'Autorité des marchés financiers.

Pour que vraiment se fassent une dialectique d'échanges entre Français, entre tous les Français, et une somme de propositions et de diagnostics, il ne faut aucun encadrement ni institutionnel ni thématique a priori. L'initiative de certains maires d'ouvrir des cahiers de doléances ouvre la voie pratique : trois mois de réunions en mairie, de synthèses aussi pendant lesquels aucun projet législatif ou constitutionnel ne sera proposé au Parlement. Ce travail et l'accalmie qui devrait en résulter, sauf mise en oeuvre trop voyante d'un arsenal répressif qui n'a pourtant besoin d'aucun texte nouveau, ou observation inopportune sur le comportement ou le caractère des Français, feront trouver par consensus du pays et de ses représentants le parti à tirer de ces critiques et propositions. N'anticipons ni celles-ci ni ce parti à en tirer. Demeure en urgence la restauration de la vie politique et de la représentation syndicale : le "grand débat" doit être un champ où le collectif importe autant que la démarche personnelle du citoyen. Cadre qui ne peut être celui des mairies. deux voies donc, concourant au même objet, le retour de tous en politique.

Ce temps sans réformes ou projets polémiques, donc exceptionnel, sera propice à la concentration des Français sur notre pays : exercice totalement nouveau depuis 1789, mais qu'a suscité notre régime devenu hors sol, et enfin à une initiative du Président en matière européenne : précisément, la proposition d'une prise directe des citoyens européens sur le fonctionnement de l'Union, soit l'élection directe de la présidente ou du président. Par votre bienveillant truchement, j'en ai souvent entretenu le Président.

Il serait contradictoire et prématuré que je vous dise ma critique de la plupart des retouches qui courent en rumeurs sur nos institutions et leur composition, les régimes électoraux, etc...

Vous savez ma pensée ardent pour notre bien commun. Je vous prie l'expression de mes voeux déférents, et - encore - d'espérance, au Président.

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