Lundi 8 Janvier 1996
Et
bien sûr, l'événement décisif, comme un véritable début pour moi et une
détermination plus forte : la mort de MITTERRAND, aussitôt un article, le
projet d'un livre que j'avais sur le bout de la langue et à l'esprit depuis des
mois. C'est vers 11 heures, un rappel d'Edith, émue, et aussitôt en alerte, qui
me l'apprend. Ma religion est faite, d'une grande complémentarité entre lui et
de GAULLE. Ce que j'ai aussitôt écrit.
Ibidem, jeudi 11 Janvier 1996
Presque
23 heures - Une autoroute de pluie et de brouillard ce soir, de nuit, de lever
de soleil fulgurant, mais dans des paysages constamment plats et monotones ce
matin. Le Poitou, les Charentes, la sortie à Saint-Jean-d’Angély, des alignements
de maisons le long des rues avec à peine de trottoir, à la vendéenne, des
pierres claires de Loire, que la pluie et les ans grisent à peine, mais des sculptures,
des fenestrages, des portails, et des grilles qui sont du midi. Dans la campagne
parfois,, en collines, les vignes nues, des façons de bastides. C'est donc le
pays natal de François MITTERRAND. J'y suis venu, éveil avant 06 heures, avec
Edith, force de cette journée pour notre union.
Et
tandis qu'arrivé à Jarnac, via Rouillac, c'est-à-dire en ayant pu nous garer à
la mairie, et à quelques deux cent mètres de la première place en contrebas de
l'église Saint-Pierre, au commencement de la rue Albert Guy, nous attendons,
sans savoir si ce sera la venue du cortège et du cercueil vers la dernière
messe, ou au contraire la descente vers le cimetière des Grands-Maisons, je
suis saisi par mon inconsistance, si je rapporte mon âme, ma vie intérieure, ou
ce qui en tient lieu, à cette profonde unité de l'existence terrestre de FM.
Une vie intérieure avouée, affichée ; une intelligence, une force intime qui ne
se dispersait pas. Edith dit justement qu'il était ordonné, alors que je suis
si désorganisé, tant de mes déboires de mes finances jusqu'à l’affaire des
archives de mon ambassade, viennent de ce désordre permanent, qui est un manque
d'égards vis-à-vis des choses, de moi-même et des autres. Le courrier qui n'est
pas ouvert.
Sur
les registres en feuilles volantes disposés sous une série de cinq ou six
tentes au cimetière, j'écris : Il a rempli
ma vie, fait ma carrière, il devient ma leçon de caractère.
C'est cela que je ressens aujourd'hui. D'autres ont nominalement déjà accompli
leur vie, chargés d'honneurs et de publications, ou fait un véritable parcours,
sauront-ils continuer et mourir. Mais lui : c'est encore mieux, cela a
confiné très vite au chef d'oeuvre quand il a su réagir avec tant de majesté à
sa victoire de 1981, une majesté se révélant innée et grandissante, et avec
tant d'habileté, de sagesse, de calme et de sagacité quand apparemment tout fut
critiqué et perdu, en 1986 notamment et peut-être même en 1993, quoiqu'il avait
désormais l’entrainement de l'âge, de la maladie, et de la fois précédente.
Manifestement une densité de sourire, de regard, et en même temps un parcours
de parole : écrit, sans technicité autre que d'être vraiment et seulement
politique, sans pourtant en être creux, veule ou avide des médias comme
l'auront été son prédécesseur et son successeur.
Jarnac est donc une ville au bord de l'eau. Courvoisier
est son château de briques, à quai. L'église très restaurée et d'une époque indiscernable,
sauf sans doute un transept aux belles colonnades et de voûtes, présente
d'admirables vitraux modernes, tous abstraits, sauf un baptême du Christ : fête
célébrée à la mort du Président. On ne peut as dire qu'il y a foule, il y a une
présence assez dense et décente, assez diverse quoique vraiment pas faite
d'illustrations, pour que l’on ait conscience d'un respect populaire. Mais la
ville n'est pas vouée à un culte, sauf à la librairie de la zone piétonne faisant
vitrine, et ayant sa carte postale de la maison natale. A la sortie de l’église,
le cortège est décevant, très famille bourgeoise, deux petits autocars avec la
famille-famille. Il faut savoir par la presse et les medias, que c'est le jour
d'une sensationnelle mixité : la famille légitime, et puis Mazarine et sa mère,
ces deux familles au coude-à-coude. J'ai
reconnu dans la seconde voiture DUMAS superbe et semblable à lui-même, bon et
fin, et puis à pied FABIUS, BADINTER, et les familles de l'Elysée CHASSIGNEUX,
LAUVERGEON, CHARASSE. Brillent par leur absence BIANCO et ATTALI notamment. Edith
voit KIEJMAN. Les medias, comme hier à la messe pour mon cher voisin, ont donné
à l’église le mot : reprendre la préface de FM au livre de Marie de HENNEZEL.
Trait de génie, encore, du partant. Les maisons de la famille MITTERRAND sont sur
la rue, pour celle qui a encore enseigne peinte : fabrique de vinaigres; et sur
jardin, protégée d'une haute grille opaque pour celle qui serait de naissance.
La tombe est une construction quadrangulaire de quelques deux mètres cinquante
de côté ; o n n'y distinguait sous la gerbe de roses emballées de cellophane et
montant comme à l'appui d'un futur bûcher, qui eût été d'argent et de pluie
mais sans beauté ni allure, si cela avait été ouverte et comment ? Bref,
je fus là.
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