Ce que change le nouvel accord entre les personnels du « Monde » et les actionnaires du groupe
Le Pôle d’indépendance du groupe a approuvé,
le 12 janvier, un projet d’accord préservant l’intégralité des droits dont
disposent depuis 2010 les salariés.
LE MONDE | 27.01.2017 à 15h00 • Mis à jour le 27.01.2017
à 17h23 | Par La
Société des rédacteurs du « Monde »
(110)
Un accord sur une recomposition du capital vient d’être trouvé entre les
actionnaires majoritaires (Xavier Niel, Mathieu Pigasse et Pierre Bergé) et le
Pôle d’indépendance du groupe Le Monde – société à responsabilité limitée,
active depuis six ans –, qui rassemble les sociétés de journalistes, de
personnels, de lecteurs et fondateurs du groupe. Le projet a été approuvé,
le 12 janvier 2017, par le Pôle d’indépendance et doit être
formellement signé dans les semaines à venir. Explications.
Lire aussi l’éditorial : L’indépendance
du « Monde », un privilège et une responsabilité
Ce que prévoyait le pacte conclu lors du rachat du « Monde » en 2010
Pour comprendre la situation actuelle, il est nécessaire de revenir sur ce qui avait été conclu lors de l’achat du journal, en 2010.
Le journal était jusqu’alors majoritairement
détenu par ses salariés (rédacteurs, cadres, employés) et par des actionnaires
historiques (Association Hubert-Beuve-Méry, Société des lecteurs). En
difficulté financière, il a été racheté en 2010 par Pierre Bergé, Xavier
Niel et Matthieu Pigasse, associés dans Le Monde libre (LML) avec le groupe
espagnol Prisa, propriétaire notamment du quotidien El Pais.
Les actionnaires historiques regroupés
dans le Pôle d’indépendance
Les actionnaires historiques (les sociétés des rédacteurs, des employés, des
lecteurs, etc.) se sont alors regroupés au sein du Pôle d’indépendance,
qui détient actuellement un tiers des sièges au conseil de surveillance. Il ne
possède que 19 % du capital mais dispose de la minorité de blocage
(33,34 %) en droits de vote grâce aux droits transférés par Pierre Bergé,
dans le cadre d’une structure spéciale, une société en
« commandite ». La minorité de blocage permet principalement
d’empêcher une modification des statuts et une augmentation de capital.image: http://s2.lemde.fr/image/2017/01/27/534x0/5070197_6_516a_le-groupe-le-monde-aujourd-hui_e9c2485c4cf91742b2788ac4a8b7027a.jpg
Un pacte fragile et limité dans le temps
Ce pacte comportait toutefois plusieurs limites.
1. Il
prévoyait un plafond de 110 millions d’euros que pouvaient apporter les
actionnaires majoritaires ; au-delà, ces derniers pouvaient convertir leur
apport en capital proprement dit, diluant de fait la part du Pôle
d’indépendance, qui perdait donc mécaniquement sa minorité de blocage.
2. Ce
pacte n’était garanti que jusqu’en 2025. Au-delà, il pouvait être
renouvelé deux fois pour des périodes de cinq ans, uniquement si les
actionnaires majoritaires et le Pôle d’indépendance le souhaitaient. Autrement
dit, en 2035 au plus tard, l’ensemble des droits aurait été remis en
cause.
3. Par
ailleurs, la forme d’un pacte entre actionnaires majoritaires et minoritaires
était assez fragile ; en cas de changement d’actionnaires majoritaires,
tous les droits étaient remis à plat.
Courant 2016, le plafond de 110 millions d’euros que devaient apporter
les actionnaires a été dépassé. De ce fait, le pacte avec les actionnaires
majoritaires est devenu friable : ils pouvaient unilatéralement décider de
convertir cet argent en capital, diluant au sein du capital la part du Pôle
d’indépendance, qui perdrait sa minorité de blocage.Par ailleurs, dans le cadre d’un emprunt sollicité par le groupe Le Monde, une bonne partie des apports en compte courant des actionnaires majoritaires devrait être convertie en capital, ce qui diluera davantage la part du Pôle d’indépendance.
Que prévoit le nouvel accord ?
Après négociation entre les représentants du Pôle d’indépendance et les actionnaires majoritaires, le projet d’accord prévoit la création d’une « action d’indépendance » dans laquelle tous les droits seront maintenus pour une durée illimitée, et cela quelle que soit la part au capital du Pôle d’indépendance. Cette action d’indépendance ne pourra pas être modifiée sans accord du pôle.Autrement dit, même si la part du Pôle d’indépendance se trouve réduite, il conservera ses droits à l’identique. Cela inclut notamment :
·
l’approbation par 60 % de la SRM du
directeur du journal ;
·
la capacité d’empêcher la modification des
statuts de l’entreprise si elle modifie son objet social ;
·
en cas d’arrivée d’un nouvel actionnaire en
dessous de la minorité de blocage (moins de 33,34 %) : signature
publique de la charte d’éthique et de déontologie, qui sera rendue plus
contraignante, et avis public du comité d’éthique et de déontologie ;
·
capacité de bloquer l’arrivée d’un nouvel
actionnaire au-dessus de la minorité de blocage (ou si un actionnaire
minoritaire passe la barre de la minorité de blocage).
·
élargissement à l’ensemble du groupe du Comité
d’éthique et de déontologie, qui assure le respect des
principes fondateurs du Monde : indépendance éditoriale et
qualité de l’information.
Vos réactions (8) Réagir
image: http://s1.lemde.fr/medias/web/1.2.701/img/placeholder/avatar.svg
lucifer 28/01/2017 - 16h42
Pourquoi le plafond des 110 millions a-t-il dépassé? Pour compenser les
pertes? Si c'est le cas, LE Monde est techniquement en faillite. Dès lors,
survivra-t-il à 2035? On ne peut qu'en douter. Ensuite, les rédacteurs feraient
bien de se libérer de leur idéologie pro-OTAN et gnan-gnan, en somme de se
consacrer à faire du journalisme (rapporter des faits sans les biaiser), et de
renoncer à être les propagandistes (le lecteur peut se faire une opinion par
lui-même en fonction des ses a priori).
Albert Le Radener 27/01/2017 - 19h07
Pas facile à comprendre!
Du don et de la reconnaissance 27/01/2017
- 21h49
C'est pas difficile : qu'est ce qui compte pour un investisseur ? la
réussite de son projet, de sa vision des choses. Qu'est ce qui compte pour un
journaliste ? Donner une information et, secondairement, donner à cette
information une perspective en fonction d'un filtre. Dans le présent schéma le
trio des actionnaires libère le pouvoir rédactionnel. En contrepartie il
engrange une reconnaissance très, très forte... qui va lier pieds et poings la
ligne éditoriale du journal.
Si ce n'est pour faire fortune, ce n'est pas pour faire
mauvaise fortune... 27/01/2017 - 22h54
On ne fait pas fortune en investissant dans la presse. Par contre on se
donne, par ce biais, les moyens - ceux du 4ème pouvoir - d'influencer
politiques comme électeurs... Un journal de référence est donc un instrument de
pouvoir, un pouvoir qui s'abrite derrière une charte déontologique, comme
beaucoup d'entreprises. La presse ainsi, d'un faible mouvement de levier, peut
faire dévier une boule de billard....
RICHARD NOWAK 28/01/2017 - 23h16
La seule chose à retenir est que le journaliste mange tous les jours. Il a
deux moyens pour continuer à en vivre : sa rémunération et sa plume. Ici il
s'agit d'un compromis entre ces deux limites.
THOYOIS 27/01/2017 - 19h05
C'est très joli sur le papier: indépendance éditoriale et qualité de
l’information. Ces sans compter avec l'auto-censure et la visible et
persistante manque d'objectivité. Est ce que le SRM est conscient du ressenti
des lecteurs à propos, justement, de l’indépendance éditoriale et la qualité et
objectivité de l'information?
RICHARD NOWAK 29/01/2017 - 11h19
Si le fondement informatif est un préalable nécessaire, le journalisme c'est
proposer une opinion si possible étayée ou argumentée à partir de ce qu'il est
conservé de cette information. L'information ne l'oublions pas s'enrichit, se
complète, mais aussi perd de la densité quand certains de ses aspects seuls
sont privilégiés. C'est là que se situe le problème réel. C'est là que se situe
la déontologie qui oblige à révéler ses sources. Sauf dans les régimes
autoritaires où il faut les protéger.
RICHARD NOWAK 27/01/2017 - 18h53
Des journalistes indépendants est ce que cela signifie données de qualité
pour aider le lecteur à se forger une opinion étayée? En ce qui me concerne,
depuis 2003, j'ai, à travers les données éparses et limitées de mon journal
préféré, réussi à me forger une opinion sur pratiquement tous les sujets
concernant la Vie de la Cité et à la mettre par écrit. Notamment en
approfondissant. Merci au pôle d'Indépendance. Nous verrons si l'avenir sera au
moins aussi fructueux de ce point de vue..
*
* *
« Le Monde » : une indépendance préservée
Communiqué du Pôle d’indépendance du groupe Le
Monde sur le projet d’accord avec les actionnaires majoritaires regroupés au
sein du Monde libre (LML).
LE MONDE | 27.01.2017 à 12h16 • Mis à jour le 27.01.2017
à 12h32
Cette transformation entraîne une déconnexion entre les droits politiques du Pôle d’indépendance et sa part dans le capital du groupe Le Monde. Les évolutions capitalistiques futures n’auront donc plus d’impact sur les droits qui garantissent notre indépendance.
Parmi les droits communs aux différentes composantes du Pôle d’indépendance figurent celui de nommer un tiers des membres du conseil de surveillance de la Société éditrice du Monde ; le renforcement de la Charte d’éthique et de déontologie signée en 2010 avec les actionnaires majoritaires ; le Comité d’éthique et de déontologie du Monde est élargi à l’ensemble du groupe ; le Pôle d’indépendance aura la capacité d’empêcher une modification des statuts si celle-ci avait un impact sur ses droits ; il dispose d’un droit de première offre en cas de changement de contrôle de LML avec un délai de six mois pour constituer l’offre ; il possède la capacité d’empêcher une augmentation de capital supérieure à 33,34 % ; tout nouvel actionnaire devra signer la charte d’éthique et de déontologie renforcée et faire l’objet d’un avis du Comité d’éthique et de déontologie.
Lire aussi : Groupe
Le Monde : une transformation en bonne voie
Parmi les droits spécifiques aux différentes sociétés du groupe, le
directeur du Monde doit faire l’objet d’une approbation par 60 %
de la Société des rédacteurs du Monde, avec une confirmation tous les
six ans. La société des personnels des Publications de la Vie catholique
nommera un membre aux conseils de surveillance ou d’administration de Télérama,
de Malesherbes Publication (La Vie). Il en va de même pour la société
des personnels de Courrier international. Ces trois sociétés de
personnels détiendront un droit de veto sur la cession de leur titre, sauf
intérêt manifeste du groupe Le Monde. Les rédactions de Télérama, de La
Vie et de Courrier international devront être consultées avant
nomination de leur directeur de la rédaction.Le Pôle d’indépendance se félicite d’être parvenu avec les actionnaires majoritaires, Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, à un accord qui sanctuarise et pérennise les garanties d’indépendance de l’ensemble des titres du groupe Le Monde.
(1) Société des rédacteurs du Monde, Société des personnels
des Publications de la Vie catholique, Société des lecteurs du Monde,
Société des cadres du Monde, Société des employés du Monde,
Société des personnels du Monde, Société des personnels de Courrier
International, Association des actionnaires minoritaires du Monde.
Vos réactions (3) Réagir
image: http://s1.lemde.fr/medias/web/1.2.701/img/placeholder/avatar.svg
Pedro136 29/01/2017 - 17h23
Indépendance n'est pas synonyme d'impartialité, bien au contraire. Les
journalistes du Monde ont "sanctuarisé" leur droit à la partialité.
Ont-ils également des devoirs, une responsabilité en contrepartie de leurs
droits? On se pose parfois la question...
B D B 27/01/2017 - 21h38
Indépendant Le Monde ? Quand on voit le tri fait des commentaires sur F
Fillon et comment est attisé le Pénélope Gate…Pourquoi écrire honnêteté entre
guillemets M. Lemarié ? Vous n'y croyiez donc pas…Quelle curée !…..La même
chose a été faire contre N. Sarkosy. Aucune objectivité. Non, LeMonde, que je
lis depuis mes études supérieures (1981 et FM) n'est ni indépendant, ni juste.
Ses journalistes sont partisans. Il reste un bon quotidien mais l'honnêteté….Oui,
là aussi, ouvrons les guillemets.
En marche, j'équilibre équitablement 27/01/2017
- 23h14
Le Monde défait Fillon, en effet. Mais c'est fait de façon équilibrée :
après avoir défait la politique de Hollande, il défait Fillon. A part que l'un
c'est pour des histoires d'argent, et que l'autre c'est histoire de coiffeur et
de bluette. Les deux pêchers n'étant pas égaux - l'argent est mal vu par ceux
qui sont saignés, tandis que les amourettes c'est diablement humain - il fallu
dépêcher deux journalistes et tout un livre pour...etc, etc...éjecter Hollande.
Du temps, Macron regarde...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire