mercredi 9 novembre 2016

l’inflexion du pape François sur les migrants - Le Monde.fr



Analyse. Le chef de l’Eglise catholique a, pour la première fois, affirmé qu’il était du devoir des gouvernants d’observer une certaine « prudence » et de procéder à des « calculs » afin d’évaluer avec justesse le nombre de migrants que leur pays est en mesure d’intégrer.

LE MONDE | 09.11.2016 à 12h01 | Par Cécile Chambraud
 
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Selon le pape, « le migrant doit être traité avec certaines règles parce que migrer est un droit mais un droit très encadré. A l’inverse, être réfugié est dû à une situation de guerre, d’angoisse, de faim, une situation terrible, et le statut de réfugié nécessite plus d’attention, plus de travail. » (Photo: Le pape François le 14 août au Vatican).

L’indignation demeure intacte, mais un brin de realpolitik a fait son apparition. Le discours du pape François sur la crise des réfugiés s’est enrichi d’une recommandation de doigté politique, mardi 1er novembre, à l’occasion de la conférence de presse tenue dans l’avion qui le ramenait de Suède.
Interrogé sur l’accueil que ce pays nordique réserve aux réfugiés, le chef de l’Eglise catholique a, pour la première fois, affirmé qu’il était du devoir des gouvernants d’observer une certaine « prudence » et de procéder à des « calculs » afin d’évaluer avec justesse le nombre de migrants que leur pays est en mesure d’intégrer, sous peine de le « payer politiquement ».
La montée en Europe des mouvements politiques hostiles aux migrants, le brutal revers électoral enregistré, début septembre, par la chancelière allemande Angela Merkel, dont le parti, la CDU, a été devancé par le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) dans le land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, et peut-être même l’atmosphère xénophobe qui entoure le Brexit, ne sont probablement pas pour rien dans cette inflexion du discours de François.

« La mondialisation de l’indifférence »

Dès son élection, le pape argentin a fait de la crise migratoire actuelle l’un des thèmes centraux de son pontificat et du migrant la figure autour de laquelle s’articule aussi bien sa critique du système économique mondial que son discours sur l’écologie. Des rives de l’île italienne de Lampedusa, en juillet 2013, élu depuis à peine quatre mois, il avait dénoncé « la mondialisation de l’indifférence » face aux drames répétés qui, mois après mois, mettent brutalement fin à la vie de nombreux migrants en route pour l’Europe. « On ne peut tolérer que la mer Méditerranée devienne un grand cimetière ! », avait-il lancé aux députés européens un an plus tard, en novembre 2014. A plusieurs reprises, il a qualifié ce phénomène migratoire de « plus grande catastrophe humanitaire depuis la seconde guerre mondiale ».
Inlassablement, depuis trois ans, François n’a eu de cesse de demander aux gouvernements européens de faire davantage pour accueillir les réfugiés et aux peuples de surmonter les inévitables « peurs » que fait naître ce flux. C’est à cette condition, insiste-t-il, que l’Europe sera fidèle à son histoire et à sa vocation. « L’Europe s’est faite par les migrations », a-t-il répété le 1er novembre.
Il a appelé les catholiques à montrer l’exemple en demandant à chaque paroisse européenne d’accueillir une famille de migrants. En novembre, dans la vidéo mensuelle par laquelle il propose un thème d’intention de prière, il appelle à prier pour l’accueil des réfugiés, « pour que les pays, qui accueillent les réfugiés et déplacés en très grand nombre, soient soutenus dans leur effort de solidarité. »

Une distinction entre réfugiés et migrants

Jusqu’à présent, le pontife argentin refusait tout net de distinguer l’accueil des réfugiés de celui des migrants économiques. A ses yeux, tous sont également poussés par la nécessité. Pour la première fois, cependant, le 1er novembre, il a établi une distinction entre les deux situations. « Le migrant doit être traité avec certaines règles parce que migrer est un droit mais un droit très encadré, a-t-il fait valoir. A l’inverse, être réfugié est dû à une situation de guerre, d’angoisse, de faim, une situation terrible, et le statut de réfugié nécessite plus d’attention, plus de travail. »
En dissociant les deux catégories, il rejoint le point de vue des Etats européens, qui ne leur réservent pas les mêmes droits ni les mêmes conditions d’accueil dans leurs systèmes juridiques. Il sera sans doute aussi entendu avec soulagement par certains catholiques qui ont pu se sentir en désaccord avec cette politique de la porte ouverte à tous.
Le pape François a aussi mis l’accent, le 1er novembre, sur la nécessité pour les Etats de s’assurer de leur capacité d’intégration. Ce thème n’est pas totalement nouveau. En avril, déjà, en revenant de l’île grecque de Lesbos, tandis qu’il ramenait à Rome trois familles syriennes musulmanes à bord de son avion, il avait demandé aux pays européens de muscler leurs politiques d’intégration. Faute de quoi, avertissait-il, ils couraient le risque de laisser se constituer des « ghettos », terreau d’où étaient selon lui sortis certains « terroristes ». Mais, encore sous le coup de l’émotion ressentie en visitant, quelques heures auparavant, le camp de réfugiés de Moria, il exhortait l’Europe à ne pas se retrancher derrière des « murs ».
Le pape sera sans doute entendu avec soulagement par certains catholiques qui ont pu se sentir en désaccord avec cette politique de la porte ouverte à tous
Cette fois, le chef de l’Eglise catholique ne s’est pas contenté d’inciter les gouvernements à davantage d’efforts. Il a explicitement reconnu que les Etats pouvaient être confrontés à des limites dans leur capacité d’absorption de migrants. « Je crois qu’en théorie, on ne peut fermer son cœur à un réfugié, mais il faut aussi la prudence des gouvernants, a-t-il développé. Ils doivent être très ouverts à les recevoir, mais aussi calculer comment les accueillir. Car un réfugié, on ne doit pas seulement le recevoir, on doit l’intégrer. »
Et si un gouvernement commet une « imprudence dans ses calculs et reçoit davantage [de migrants] qu’il ne peut en intégrer », alors il peut le « payer politiquement », a-t-il insisté. Notamment parce que dans ce cas, des ghettos se forment, ce qui est « dangereux », car cela introduit la juxtaposition de cultures différentes, a affirmé le pape François. Mais aussi parce que des forces politiques hostiles à la venue de migrants peuvent trouver un puissant moteur dans cette absence de maîtrise. Mais cela, bien sûr, est resté implicite dans la bouche du pape François.

Vos réactions (5) Réagir
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Openeye 09/11/2016 - 17h47
Espérons que cela incitera le pape à réfléchir avant de parler à l'avenir. Rien n'est moins sur évidemment, mais il n'est pas interdit de rêver.
 
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itav 09/11/2016 - 16h25
Rendez à César ce qui est à César et à l'inexistant ce qui n'existe plus. Comment ce dieu si bon laisse-t-il commettre tant d'horreurs? Comment cette église si sainte continue à dire tant de c.....ries.
 
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merci votre sublimité 09/11/2016 - 15h50
Merci sa sublimité ! c'était les modestes et humbles préceptes que nous rappelions, allongés à terre, les bras en croix, face contre terre, à notre angélique mère supérieure Merkel, nous qui ne sommes rien.
 
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Openeye 09/11/2016 - 13h14
Cela fait des semaines que je dis sur ce forum qu'il faut séparer réfugiés et migrants illégaux, qu'il est logique de se mobiliser pour aider et intégrer correctement les familles de la première catégorie et expulser les illégaux, souvent des hommes seuls d'ailleurs. Je remercie donc chaleureusement le pape pour son soutien, même tardif. La conclusion de l'article, qui prête au pape des propos qu'il n'a pas tenus, est ridicule. Il s'agit de bon sens, non de forces hostiles à la venue de migrants
 
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keora 09/11/2016 - 12h12
Le FN doit se réjouir et une gauche angélique s'interroger.

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