Le 07/05/2016 14:30, Françoise D a écrit :
« Tout est mis en place pour que ça dégénère »
Violences policières
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MAUD VERGNOL
MERCREDI, 4 MAI, 2016
L'HUMANITÉ
Photo : AFP
Entretien. Gardien de la paix au renseignement territorial, secrétaire
général de la CGT police, Alexandre Langlois dénonce une volonté délibérée de «
dégoûter les manifestants ». Il raconte les coulisses des violences.Comment
analysez-vous les violences policières qui ont marqué les dernières
manifestations contre la loi El Khomri ?
Alexandre
Langlois Tout est mis en place pour que les manifestations
dégénèrent. Côté renseignement, on constate depuis une dizaine d’années une
double évolution, avec des manifestants beaucoup plus pacifiques qu’avant, mais
des casseurs toujours plus violents, organisés de manière quasi paramilitaire.
Certains de ces groupes sont identifiés avant qu’ils intègrent les
manifestations. Mais aucune consigne n’est donnée pour les interpeller en
amont.
Vous
parlez d’une « volonté délibérée » que les manifestations
dégénèrent. Comment cela se traduit-il pour vous, sur le terrain ?
Alexandre
Langlois Prenons l’exemple du 9 avril. En fin de journée, nous
savons qu’un groupe de casseurs dangereux vient d’arriver gare du Nord pour
aller perturber Nuit debout, à République. Une compagnie de CRS se trouve sur
leur passage, prête à intervenir. Mais l’ordre leur est donné par la préfecture
de se pousser dans une rue adjacente ! Les collègues leur signalent l’imminence
de l’arrivée du groupe de casseurs. Mais ordre leur est confirmé de les laisser
gagner place de la République, avec les conséquences que l’on connaît ! Par
contre, quand il s’est agi d’aller protéger le domicile privé de Manuel Valls,
ce soir-là, cette fois les ordres ont été clairs…
Au-delà
des casseurs, comment expliquez-vous les ruptures de cortèges, l’usage
systématique de gaz lacrymogènes, voire les brutalités policières gratuites ?
Alexandre
Langlois C’est important de rappeler que, dans les
manifestations, tous les collègues sur le terrain n’interviennent que sur
ordre. Si certaines, comme le 1er Mai, se terminent en « souricière » place de
la Nation, c’est que l’ordre en a été donné. Le message qui est passé, c’est «
casseurs venez, vous pourrez agir en toute impunité, et manifestants ne venez
plus avec vos enfants, car c’est dangereux pour vous ». Et à la fin de la
journée, les médias ne parlent que des violences, et surtout plus des raisons
pour lesquelles les citoyens manifestent. Le pouvoir politique instrumentalise
la police, qui sert de bouc émissaire. Cela permet au gouvernement de faire
diversion.
Comment
les policiers vivent-ils cette situation ?
Alexandre
Langlois Nous sommes épuisés. Les collègues souffrent d’une perte
de sens de leur métier. Aujourd’hui, on leur demande du rendement statistique et
d’exécuter des ordres qu’ils jugent incompréhensibles ou injustes. La police
est déshumanisée. On compte un suicide en moyenne par semaine dans notre
profession. À la CGT police, nous défendons l’idée d’une force publique à
l’usage du peuple, celle de la déclaration des droits de l’homme de 1789, une «
force pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux
auxquels elle est confiée ».
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